Fiction & NonFiction, by decade - Back to 1940s

Ce qui se lit, ce qui se pense ...

En 1940, la population de la planète Terre est évaluée à 2,3 milliards d'habitants. Le monde bascule dans la guerre. De septembre 1939 à avril 1940, l'armée allemande est à l'offensive, en mai-juin 1940 la France s'effondre, de 1940 à 1944, l’occupation allemande et le gouvernement de Pétain constituent les années noires du pays, en 1941 l'Angleterre se retrouve seule dans une Europe allemande, puis le conflit se mondialise, l'URSS entre en guerre, puis les Etats-Unis alors que l'armée japonaise progresse rapidement en Asie, l'année 1943 est le tournant de la guerre, les offensives victorieuses de 1944-1945 vont achever le conflit.

La première moitié de la décennie a été dominée par l'effusion de sang de la guerre totale, la tragédie de la la Shoah, le plus grand génocide de l'Histoire, exode de 30 millions d'Européens, bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, invasions, occupations, résistances réprimées, collaboration et exterminations. Malgré le rationnement du papier en temps de guerre, la pénurie de main-d'œuvre et la censure, la demande de livres n'a jamais faibli et la demande de livres pour le champ de bataille est si forte que les éditeurs américains distribuent près de 123 millions de livres aux soldats entre 1943 et 1946 ... 

Puis une seconde décennie qui voit l'émergence d'un monde nouveau, la Seconde Guerre mondiale redonne à l'économie américaine sa prospérité perdue en 1929 et réduit d'autant la place de l'Europe dans le monde, s'annonce déjà l'émergence d'un nouveau conflit, moins sanglant mais plus larvé et plus long, alors que Arthur Koestler  a dénoncé dès 1940 dans "Darkness at Noon" les mécanismes de la bureaucratie stalinienne, l'expression "cold war" apparaît pour la première fois en 1945 dans un essai de George Orwell "You and the Atomic Bomb" ..

Excepté dans les pays où se développe une résistance clandestine au nazisme et au fascisme, la Seconde Guerre mondiale va priver l'art de sa fonction politique et de ses liens internationaux. Elle ne sera pas en elle-même un sujet d'inspiration très original, et ses répercussions sur les poètes et les romanciers sont moins frappantes que celles de la guerre de 1914 ou même de la guerre d'Espagne. Peut-être est-ce parce qu'on s'y attendait davantage, ou bien parce que la révélation d'Auschwitz, d'Hiroshima ou des bombardements massifs de l'Allemagne dépasse l'imagination. Certains estiment que ces événements enlèvent tout sens à la littérature, et d'ailleurs les livres les plus marquants qui naissent de la guerre, tels que "Le Christ s'est arrêté à Eboli", de Carlo Levi, ou " Si c'est un homme", de Primo Levi, ou "la Rose blanche" de Inge Scholl, sont des récits d'expériences vécues qui défient l'art du romancier. La plus grande partie de "La Lutte avec l'ange", de Malraux, détruite par la Gestapo, ne sera jamais récrite; la trilogie d'Evelyn Waugh, malgré ses qualités, ne se hausse qu'inégalement au niveau de son sujet; les «émigrés intérieurs» d'Allemagne, comme Erich Kästner, ne trouvent plus grand-chose à dire. En Angleterre, tandis que la revue "Horizon" de Cyril Connolly prône la littérature "pure" et que les critiques recherchent désespérément des poètes de la guerre, une explosion de génie inventif se produit à un autre niveau, celui des programmes de radio du temps de guerre et du journalisme dominical illustré par Nat Gubbins. Aux Etats-Unis, "Native Son" de Richard Wright, dès 1940, se vend à 215 000 exemplaires et révèle au grand jour, comme personne ne l'avait fait auparavant, la haine, la peur et la violence qui menace déjà le nouveau monde..

L'influence de la guerre apparaitra surtout dans les transformations radicales qu'elle apportera aux structures des manifestations de l'art. Ainsi, en Angleterre, répondant aux aspirations du public, une aide officielle s'étendra, non seulement à l'activité d'artistes comme le sculpteur Moore, mais aussi au développement du théâtre (le Old Vic prend, avec Lawrence Olivier, un caractère presque national) et à celui du ballet. En France, les quatre années d'occupation allemande expliquent en partie l'importance accordée par la suite à Heidegger, Husserl, Kierkegaard et Kafka, et, une fois réglés les comptes politiques (exil de Céline, suicide de Drieu La Rochelle), la grande préoccupation sera de refaire de Paris la capitale culturelle mondiale. Malheureusement, la seconde jeunesse de maîtres vieillissants, comme Picasso ou Matisse, n'y suffit pas, et la nouvelle génération existentialiste de Sartre et de Camus, qui demeure soucieuse d' "engagement", semble trop verbeuse et trop conservatrice, quoiqu'on en dise, dans son mode d'expression pour recréer la fermentation d'avant-guerre....

 

C'est une toute nouvelle impulsion de l'histoire que le monde connaît, le "baby boom", le fameux "boom" des années 1950 débute en 1946, lorsqu'un nombre record de bébés (3,4 millions) naissent aux États-Unis (4 millions de bébés naîtront chaque année par la suite), en 1948, l'âge d'or de la télévision fait ses premiers pas, la guerre a fait naître l'ordinateur électronique, la cybernétique, imaginée par Norbert Wiener en 1948, devient dans les années 40-50, le centre de gravité d'un bouillonnement d'idées d'où vont naître l'intelligence artificielle, la théorie de l'information, la robotique, la théorie des systèmes et les sciences cognitives. Mais le terme de cybernétique tombera singulièrement en désuétude pour renaître trente-six ans plus tard "cyberspace" sous la plume de William Gibson. Et alors que la Seconde Guerre mondiale n'est pas achevée, paraissent "Capitalisme, Socialisme et Démocratie", de Schumpeter (1942), "La Grande transformation", de Polanyi (1944), "La Route de la servitude", de Hayek (1944), ils ont fui le nazisme, été témoins des conséquences de la grande crise de 1929, ont vu le renforcement du rôle de l'Etat, aussi bien dans les pays fascistes qu'en URSS ou aux Etats-Unis, vécu l'essor des grandes organisations bureaucratiques, la montée du protectionnisme, et les deux premiers annoncent le déclin du capitalisme. En réponse, débutent sans attendre les fameuses "Trente glorieuses" (1945-1975) et se met en place la fameuse "anticommunist hysteria"  ...

Une nouvelle écriture, un nouvel état d'esprit, le roman policier et la science fiction renouvellent bien des genres. Albert Camus publie "L'Etranger", Sartre, presque vingt ans après "La nausée", "L'Être et le Néant" puis "L'Existentialisme est un humanisme", "Huis clos", Simone Weil, "La pesanteur et la grâce", Lévinas, "Le Temps et l'Autre", Marx Horkheimer et Theodor Adorno ont émigré aux Etats-Unis et inventent dans la "Dialectique de la Raison", la notion d'industrie culturelle. C'est que, en effet, la littérature s'est déjà mondialisée.

A la fin de la décennie, 1946 est considérée aux Etats-Unis comme la plus grande année cinématographique de tous les temps, et grande de production du Film noir, plus de 80 millions de personnes,  57 % des Américains, vont au cinéma chaque semaine. Alors que le plan Marshall signe en 1947 le début de la Guerre froide, Marx Horkheimer publie "Dialectique de la raison", et avec Theodor W.Adorno, "Eclipse de la raison", Kojève, une "Introduction à la lecture de Hegel", Boris Vian, "L’Ecume des jours", Claude Lévi-Strauss "Les Structures élémentaires de la parenté", Simone de Beauvoir, "Le Deuxième Sexe", Georges Orwell, "1984", Ezra Pound, "Les Cantos de Pise". Art brut, Expressionnisme abstrait, et néoréalisme à l'italienne alors que les partis communistes accèdent au pouvoir entre 1944 et 1949 en de nombreux pays d'Europe, en avril 1948, débute le blocus de Berlin par les Soviétiques, la même année est proclamé le nouvel Etat d'Israël. 1949, proclamation de la République Populaire de Chine et mise sur le marché du premier tourne disque pour 45 tours ...

 

Last update: 01-02-2023