Hunter S. Thompson (1937?-2005), "Fear Loathing in Las Vegas : A Savage Journey to the Heart of the American Dream" (1972) - Charles Bukowski (1920-1994), "Notes of a dirty old man" (1969), "Erections, ejaculations, exhibitions and general tales of ordinary madness", "The most beautiful woman in town" (1972) - .....
Lastupdate: 31/12/2016


Hunter Stockton Thompson est un îcone de la contre-culture américaine, par sa vie foncièrement mouvementée et par son inventivité littéraire particulièrement déjantée : il est un adepte du journalisme "gonzo", un type de reportage totalement subjectif, en immersion complète, à l'image de cette légende du journalisme d'investigation, Nellie Bly, qui, en 1887, se fait internée à 23 ans dans un asile. L'alibi littéraire de ce style puise dans Faulkner pour qui la fiction est bien plus réelle qu'une réalité qui ne peut intégrer en l'état l'existence, existence de celui qui écrit ou du personnage lui-même : mais avec ici une déformation assumée de la réalité, encouragée par une consommation proportionnée d'alcool ou de drogue (gonzo, l'homme qui résiste à toutes les cuites). "Hell's Angels: The Strange and Terrible Saga of the Outlaw Motorcycle Gangs" (1967) devient ainsi l'emblématique support de ce type de journalisme, que prolonge le fameux "Fear and Loathing in Las Vegas: a Savage Journey to the Heart of the American Dream" (1972); Terry Gilliam adaptera ce dernier au cinéma en 1988 sous le titre de "Las Vegas Parano" avec Johnny Depp et Benicio del Toro.

Hunter S. Thompson (1937?-2005)
 Né à Louisville (Kentucky), Hunter Stockton Thompson est un icône de la contre-culture américaine, par sa vie foncièrement mouvementée et par son inventivité littéraire particulièrement déjantée : il est un adepte du journalisme "gonzo", un type de reportage totalement subjectif, en immersion complète, à l'image de cette légende du journalisme d'investigation, Nellie Bly, qui, en 1887, se fait internée à 23 ans dans un asile. L'alibi littéraire de ce style puise dans Faulkner pour qui la fiction est bien plus réelle qu'une réalité qui ne peut intégrer en l'état l'existence, existence de celui qui écrit ou du personnage lui-même : mais avec ici une déformation assumée de la réalité, encouragée par une consommation proportionnée d'alcool ou de drogue (gonzo, l'homme qui résiste à toutes les cuites). "Hell's Angels: The Strange and Terrible Saga of the Outlaw Motorcycle Gangs" (1967) devient ainsi l'emblématique support de ce type de journalisme, que prolonge le fameux "Fear and Loathing in Las Vegas: a Savage Journey to the Heart of the American Dream" (1972); Terry Gilliam adaptera ce dernier au cinéma en 1988 sous le titre de "Las Vegas Parano" avec Johnny Depp et Benicio del Toro. Quant à la vie chaotique de Thompson, elle débute lorsqu'il s’engage  dans l’U.S. Air Force (1956) pour échapper à la prison, partage la vie d’une communauté de motards, les Hell’s Angels (1965),  se fait virer de nombre de petits emplois de toute sorte, est candidat en 1970 à l'élection du shérif du comté de Pitkin et remporte presque la moitié des suffrages, collabore à Esquire, Harper’s et Rolling Stone, et traduit par l'écriture toute une existence traversée par la drogue, l’alcool et sa haine de l’autorité. Il publie " The Rum Diary" (écrit en 1961), "Gonzo Highway", recueil de deux cents lettres envoyées de 1955 à 1976 à ses employeurs, ses amis, ses créanciers, des politiciens plus ou moins connus. En 1972, Hunter S. Thompson suit les élections présidentielles pour Rolling Stone, d'abord lors des primaires démocrates, puis le face à face entre George McGovern et Richard Nixon, ses dépêches, à des années-lumière des conventions journalistiques et des pseudo obligations d'objectivité,  seront reprises dans "Fear and Loathing: On the Campaign Trail '72" et inaugurent un façon bien particulière de couvrir une campagne présidentielle. Puis "The Great Shark Hunt" (1979, La Grande Chasse au requin), "Better Than Sex" (1994), "Kingdom of Fear" (2003), ... et  se suicide le 20 février 2005, à Woody Creek (Colorado): il avait 67 ans et derrière lui une vie d’écriture et d’excès en tout genre ...

 

"Fear Loathing in Las Vegas : A Savage Journey to the Heart of the American Dream" (1972,  Las Vegas Parano)
Le livre, qui devient un classique du journalisme dit "gonzo",  décrit le voyage entrepris par Raoul Duke (un journaliste, alter ego de l'auteur) et son avocat (le Dr Gonzo) pour couvrir une course de motos à Las Vegas. Au départ, il s'agissait d'une commande de Sports Illustrated, qui avait demandé à Thompson de se rendre à Las Vegas pour rédiger une légende de 250 mots sur une course de motos, la Mint 400. Se présentant comme un "doctor of journalism", il décrit le carburant qu'il a apporté : "two bags of grass, 75 pellets of mescaline, five sheets of high-powered blotter acid, a salt shaker half full of cocaine, and a whole galaxy of multicolored uppers, downers, screamers, laughers . . . and also a quart of tequila, a quart of rum, a case of Budweiser, a pint of raw ether and two dozen amyls… Not that we needed all that for the trip, but once you get locked into a serious drug collection, the tendency is to push it as far as you can" (deux sacs d'herbe, 75 boulettes de mescaline, cinq feuilles d'acide pour buvard, une salière à moitié pleine de cocaïne et toute une galaxie d'amphétamines multicolores, d'amphétamines, d'amphétamines, d'amphétamines et d'amphétamines. et aussi un quart de tequila, un quart de rhum, une caisse de Budweiser, une pinte d'éther brut et deux douzaines d'amyls... Non pas que nous ayons eu besoin de tout cela pour le voyage, mais une fois que vous êtes enfermé dans une collection de drogues sérieuse, la tendance est de la pousser aussi loin que possible  ..). Un reportage qui s'avère en fait l'occasion de s'adonner à toutes sortes de drogues (mescaline, LSD, cocaïne, marijuana, éther) pour retrouver le véritable esprit du "rêve américain" des années soixante. Le texte est accompagné d’illustrations délirantes de Ralph Steadman (1936), qui a collaboré avec l’auteur dans plusieurs ouvrages. 

"We were somewhere around Barstow on the edge of the desert when the drugs began to take hold. I remember saying something like "I feel a bit lightheaded; maybe you should drive...." And suddenly there was a terrible roar all around us and the sky was full of what looked like huge bats, all swooping and screeching and diving around the car, which was going about a hundred miles an hour with the top down to Las Vegas. And a voice was screaming "Holy Jesus! What are these goddamn animals?" Then it was quiet again. My attorney had taken his shirt off and was pouring beer on his chest, to facilitate the tanning process. "What the hell are you yelling about?" he muttered, staring up at the sun with his eyes closed and covered with wraparound Spanish sunglasses. "Never mind," I said. "It's your turn to drive." I hit the brakes and aimed the Great Red Shark toward the shoulder of the highway. No point mentioning those bats, I thought. The poor bastard will see them soon enough...

"Nous étions quelque part dans le coin de Barstow aux abords du désert quand les drogues ont commencé à nous travailler. Je me souviens que j 'ai dit quelque chose du genre : "Je me sens la tête un peu vide ; tu ferais peut-être mieux de prendre le volant..." Puis tout d'un coup il y a eu un énorme grondement tout autour de nous, et le ciel était empli de choses ressemblant à de gigantesques chauves-souris qui fondaient et piquaient sur la voiture avec des cris perçants, tandis que nous foncions sur Las Vegas, capote baissée à 160 et des poussières. Et il y avait une voix qui hurlait : "Doux Jésus ! Mais d'où sortent ces satanés oiseaux?" Et puis le calme est revenu. Mon avocat avait retiré sa chemise et s'aspergeait la poitrine de bière pour faciliter le processus de bronzage. "Qu'est-ce qui te prend de gueuler comme ça ?" grommela-t-il en fixant vers le soleil ses yeux fermés que recouvraient des lunettes fumées espagnoles couvre-tout. "Te tracasse pas, lui dis-je ; c'est ton tour de conduire." J'écrasai le frein et rangeai la Great Red Shark contre le talus bordant l'autoroute. Pas la peine de lui parler des chauves-souris, me suis-je dit; ce pauvre couillon ne va pas tarder à les voir venir. Il était presque midi, et il nous restait pas loin de deux cents kilomètres à faire. Partis comme ça, il allait falloir qu'on avale du pneu enragé. Je savais qu'on allait pas tarder à être aussi déglingués l'un que l'autre:  mais il n'était pas question qu'on fasse demi-tour, et on n'avait pas le temps de se reposer. Faudrait tenir jusqu'au bout.

Les réservations de presse pour le fantastique Mint 400 étaient déjà ouvertes, et il fallait absolument qu'on arrive avant quatre heures pour avoir droit à une suite insonorisée. C'était un luxueux magazine de sport new-yorkais qui s'était occupé de nos réservations, ainsi que de cette énorme Chevrolet décapotable rouge fraîchement louée sur Sunset Strip... et après tout, j'étais journaliste de métier, j'étais donc dans l'obligation de couvrir l'événement, vaille que vaille. Les rédacteurs m'avaient également donné trois cents dollars en liquide que nous avions déjà presque entièrement dépensés pour acheter des drogues extrêmement dangereuses. Le coffre de la voiture ressemblait à un labo ambulant de la brigade des stupéfiants: nous avions deux sacoches d'herbe, soixante-quinze pastilles de mescaline, cinq feuilles d'acide-buvard carabiné, une demi-salière de cocaïne, et une galaxie complète et multicolore de remontants, tranquillisants, hurlants, désopilants... sans oublier un litre de tequila, un litre de rhum, un carton de Budweiser, un demi-litre d'éther pur et deux douzaines d°ampoules de nitrite d'amyle. On s'était levé ce gentil petit arsenal la veille au soir, en courant frénétiquement aux quatre coins du district de Los Angeles - de Topanga à Watts, on a raflé tout ce qui nous tombait sous la main. C'est pas qu'on avait besoin de tout ça pour notre petit voyage, mais une fois qu'on commence sérieusement une collection de drogues, on a tendance à vouloir la pousser jusqu'au bout.

La seule chose qui m'inquiétait vraiment, c'est l'éther. Il n'est rien au monde de plus désemparé et de plus irresponsable et de plus dépravé qu'un homme qui est dans l'éther jusqu'aux mirettes. Or, je me doutais bien qu'on ne tarderait pas à passer à cette saleté - dès la prochaine station-service, probablement. Nous avions goûté presque tout le reste, et ma foi ! l'heure était venue de se renifler un bon coup d'éther. Après, on ferait les cent soixante bornes qui nous restaient dans un abominable état d'abrutissement entre-coupé de spasmes et de coulées de bave. La seule façon de rester éveillé à l'éther, c'est de s'envoyer un tas d'amyles - pas tout d'un seul coup, mais régulièrement, juste assez pour pas bouger du 140 en traversant Barstow.

"Ça, c'est la seule manière de voyager, mon pote", déclara mon avocat. Il se pencha pour augmenter le volume de la radio, marmonnant de concert avec la section rythmique ou fredonnant les paroles : "Il a suffi d'un clin d'œil, doux Jésus... L'a suffi d'un clin d'oeil.."  Bougre d'andouille ! Attends un peu de voir ces satanées chauves-souris, et tu vas en faire, un drôle de clin d'œil ! D'ailleurs, j'entendais à peine la radio... écroulé tout au bout du siège et aux prises avec un magnétophone qui sortait "Sympathy for the Devil" à plein volume. Nous n'avions que cette seule bande, alors nous la passions et la repassions sans interruption, pour faire un contrepoint dément à la radio. Et aussi pour maintenir notre allure sur la route. Une vitesse constante est bonne pour la consommation d'essence - et il faut croire que ça nous paraissait important sur le coup. Et comment ! Dans ce genre de voyage, il faut absolument veiller à la consommation d'essence. Il faut éviter d'accélérer avec des cahots brusques qui entraînent le sang à l'arrière de la tête. Mon avocat aperçut l'auto-stoppeur bien avant moi. "On va prendre ce garçon", déclara-t-il ; et avant que j'aie pu rassembler mes objections, il s'était arrêté et le pauvre môme arrivait à la voiture en courant avec un sourire large comme la figure et s'exclamant : Nom d'un chien ! C'est la première fois que je monte dans une décapotable !..."

"Fear and Loathing in Las Vegas" a été publié en deux parties en novembre 1971, avec des illustrations de Ralph Steadman, puis sous forme de livre l'année suivante., et en 1998, est devenu un film réalisé par Terry Gilliam, avec Johnny Depp dans le rôle principal, un flop au box-office mais qui devient immédiatement un film culte...


"I am not aiming high, / I am only trying to keep myself alive / just a little longer"  -  Bukowski appartient à cette génération d'écrivains américains qui éprouvent l'irrésistible urgence de transcrire immédiatement tout ce qu'ils peuvent éprouver, dans une quotidien et une intimité qui bien entendu sont délibérément des contextes limites, la gueule de bois, dégueuler dans une ruelle obscure, réveiller la putain ramenée dans son lit la veille au soir, les descentes de Budweiser, etc.


Charles Bukowski (1920-1994)

Romancier et poète américain, né à Andernach, d'un père américain d'origine allemande et d'une allemande, Katherine Fett. Il est âgé de deux ans lorsque ses parents décident d’aller vivre à Los Angeles pour y faire fortune. Mais la crise économique les plongera dans la pauvreté. Il découvre l’alcool aux alentours de 1929, son père le frappe jusqu’à ses 17 ans, jusqu’au jour où, après être rentré complètement ivre, il répondra aux coups, et mettra son père K.-O. Plus tard, il quittera le domicile familial, logera dans des chambres d’hôtels et des appartements miteux, tout en écrivant et en se saoulant. Pour vivre, il exerça divers petits boulots, dont il se fit renvoyer assez rapidement, magasinier, expéditionnaire, linotypiste, gardien de nuit, employé de bureau. C'est à 40 ans, le 14 octobre 1960, qu'il publie son premier livre, un recueil de poèmes, "Flower, Fist and Bestial Wail "(Fleur, Poing et Gémissement Bestial) . Il fut postier pendant 11 années au bout desquelles il démissionna, le 2 janvier 1970, à 49 ans, pour se consacrer à l’écriture. Ses écrits sont souvent autobiographiques. Il y parle de son alcoolisme, de ses errances, de ses angoisses, de sa misanthropie, des femmes, de son désespoir. Son style est direct, parfois cru, mais, à l'image de sa vision de la vie, sans concessions, sans illusions, d'une grande lucidité sur ce qui l’entoure, comme sur lui-même : "Erections, ejaculations, exhibitions and general tales of ordinary madness et The most beautiful woman in town", 1972; Notes of a dirty old man, 1969; South of no North: stories of the buried life, 1973; Post office, 1971; Factotum, 1975; Love is a dog from hell, 1977;  Women, 1978).

 

Journal d'un vieux dégueulasse (Notes of a dirty old man, 1969)

C’est en 1967, dans le magazine anticonformiste Open City, qu’un poète presque inconnu commença de publier une chronique régulière. Avec une brutalité rarement égalée, doublée d’une superbe indifférence au scandale, il y exprimait sa révolte contre la société américaine, le pouvoir, l’argent, la famille, la morale. L’alcool, le sexe, les échos d’une vie marginale et souvent misérable y étaient brandis comme autant de signes de rupture… Ce Journal, ici édité dans une nouvelle traduction et dans sa version intégrale, n’est pas seulement un des sommets de son œuvre, c’est un classique de la littérature contestataire, qui conserve, aujourd’hui encore, toute sa fraîcheur.

 

"il y avait un fils de pute qui ne voulait pas les lâcher, tandis que les autres gueulaient qu'ils étaient raides, la partie de poker était terminée, j'étais sur ma chaise avec mon pote Elf à mes côtés, en voilà un qui a mal démarré dans l'existence, enfant il était tout malingre, des années durant il a dû garder le lit passant le plus clair de son temps à malaxer des balles de caoutchouc, le genre de rééducation complètement absurde, et quand, un jour, il a émergé de son pieu, il était aussi large que haut, une masse musculeuse rigolarde qui n'avait qu'un but; devenir écrivain, hélas pour lui son style ressemble trop à celui de Thomas Wolfe qui est, si l'on excepte Dreiser, le plus mauvais écrivain américain de tous les temps, moyennant quoi j'ai frappé Elf derrière l'oreille, si fort que la bouteille m'a échappé (il avait dit quelque chose qui m'avait déplu), mais quand il s'est redressé, j'ai récupéré la bouteille, du bon scotch, et je lui en ai remis un coup quelque part entre la mâchoire et la pomme d'Adam, de nouveau il a mangé la table, je dominais le monde, moi l'émule de Dostoïevski qui écoute du Mahler à la nuit tombée, de sorte que j'ai eu le temps de m'en jeter un à même le goulot, de reposer la bouteille, avant de lancer ma droite pour le sécher de la gauche..."

 

Contes de la folie ordinaire (Erections, ejaculations, exhibitions and general tales of ordinary madness et The most beautiful woman in town, 1972)

La folie ordinaire des personnages de Buk c'est la misère, l'ivresse, la défonce ou le sexe à outrance. Mais est-elle folle, la plus jolie fille de la ville qui se tranche la gorge parce qu'aucun homme n'a vu en elle autre chose que sa beauté? Est-elle folle aussi celle qui libère les animaux du zoo voisin, singe, tigre et serpent, et vit avec eux dans la plus exaltante intimité? Ils sont très ordinaires ces chercheurs d'or qui se cuitent tellement qu'ils passent la nuit en taule ou ratent l'embauche au petit matin. Certains contes mettent en scène Buk lui-même. L'illustre poète buveur de bière, collabore au journal underground Open Pussy. Il dit sa haine de la guerre, du sexisme et de la violence. D'autres contes sont fantastiques comme "Le petit ramoneur" dans lequel un homme est réduit, par sa femme, à la taille d'un doigt pour mieux ramoner son sexe, ou "La machine à baiser Tania" inventée par un savant allemand.

 

(La plus jolie fille de la ville, "The Most Beautiful Woman in Town")

"Cass was the youngest and most beautiful of 5 sisters. Cass was the most beautiful girl in town. ½ Indian with a supple and strange body, a snake-like and fiery body with eyes to go with it. Cass was fluid moving fire. She was like a spirit stuck into a form that would not hold her. Her hair was black and long and silken and moved and whirled about as did her body. Her spirit was either very high or very low. There was no in between for Cass. Some said she was crazy. The dull ones said that. The dull ones would never understand Cass. To the men she simply seemed a sex machine and they didn’t care whether she was crazy or not. And Cass danced and flirted, kissed the men, but except for an instance or two, when it came time to make it with Cass, Cass had somehow slipped away, eluded the men.

 

"De ses cinq soeurs, Cass était la plus jeune et la plus jolie. D'ailleurs, Cass était la plus jolie fille de la ville. Cinquante pour cent de sang indien dans les veines de ce corps étonnant, vif et sauvage comme un serpent, avec des yeux assortis. Cass était une flamme mouvante, un elfe coincé dans une forme incapable de la retenir. Longs, noirs, soyeux, ses cheveux tournoyaient comme tournoyait son corps. Tantôt déprimée, tantôt en pleine forme, avec Cass c'était tout ou rien. On la disait cinglée. On : les moroses, les moroses qui ne comprendront jamais Cass. Pour les mecs, elle n'était qu'une machine baiseuse. Cinglée ou pas, ils s'en moquaient. Cass aimait la danse, le flirt, embrasser les hommes, mais sauf pour deux ou trois, au moment où les types allaient se la faire, Cass leur avait toujours filé entre les pattes, salut les mecs. 

 

"Her sisters accused her of misusing her beauty, of not using her mind enough, but Cass had mind and spirit; she painted, she danced, she sang, she made things of clay, and when people were hurt either in the spirit or the flesh, Cass felt a deep grieving for them. Her mind was simply different; her mind was simply not practical. Her sisters were jealous of her because she attracted their men, and they were angry because they felt she didn’t make the best use of them. She had a habit of being kind to the uglier ones; the so-called handsome men revolted her

— “No guts,” she said, “no zap. They are riding on their perfect little earlobes and their well-shaped nostrils … All surface and no insides…”

She had a temper that came close to insanity; she had a temper that some called insanity.

Her father had died of alcohol and her mother had run off leaving the girls alone. The girls went to a relative who placed them in a convent. The convent had been an unhappy place, more for Cass than the sisters. The girls were jealous of Cass and Cass fought most of them. She had razor marks all along her left arm from defending herself in two fights. There was also a permanent scar along the left cheek but the scar rather than lessening her beauty only seemed to highlight it.

 

Ses soeurs lui reprochaient de mal utiliser a beauté, et de ne pas se servir assez de sa tête. Pourtant, Cass était intelligente, et elle avait une âme. Elle aimait la peinture, la danse, le chant, la poterie, et quand les gens souffraient, allaient mal, Cass avait vraiment de la peine pour eux. C'est bien simple: Cass ne ressemblait à personne; Cass n'avait pas l'esprit pratique. Ses soeurs étaient jalouses parce qu'elle séduisait leurs bonshommes, et puis elles lui en voulaient de ne pas mieux les exploiter. C'est avec les laids qu'elle se montrait la plus gentille, les soi-disant beaux mâles lui répugnaient : "Rien dans le ventre, rien dans la tête, disait-elle. Un joli petit nez, des petites oreilles, bien ourlées, et ils commencent à rouler.  Tout en surface, rien à l'intérieur." Telle qu'elle était, Cass frôlait la folie; telle qu'elle était, on la traitait de folle. 

L'alcool avait tué son père et la mère avait disparu en abandonnant ses filles. Les filles avaient été voir un oncle, qui les mit au couvent. Là, plus encore que ses sœurs, Cass avait été malheureuse. Toutes les filles étaient jalouses de Cass, et Cass avait dû se battre avec la plupart. Elle était marquée au rasoir sur le bras gauche, en souvenir de deux bagarres. Une cicatrice lui barrait la joue mais cette cicatrice, loin de l'enlaidir, rehaussait sa beauté.  

 

J'ai connu Cass au West End Bar quelques nuits après sa sortie du couvent. Plus jeune que ses sœurs, elle avait été relâchée la dernière. Elle est venue s'asseoir à côté de moi, sans façons. J'étais sûrement l'homme le plus laid de la ville, ça a peut-être un rapport.

Je lui ai demandé: 

- "Tu boisquelque chose?

- Pourquoi pas?"

Je ne crois pas que nous ayons dit des choses extraordinaires cette nuit-là. Mais avec Cass tout changeait. Elle m'avait choisi, c'était aussi simple que ça. Rien ne la pressait. Son verre lui a paru bon et elle en a repris d'autres. Cass avait l'air d'une gamine, mais on la servait quand même. Elle devait montrer de faux papiers au barman, je ne sais pas.

Bref, à chaque fois 'qu'elle revenait des W-C. et qu'elle_s'asseyait à côté de moi, je me sentais très fier. Cass était la plus jolie fille de la ville et aussi une des plus jolies filles que j'ai jamais connues. Je l'ai prise par la taille et je l'ai embrassée. 

- "Tu me trouves. jolie? 

- Oui bien sûr, mais il y a autre chose... il y a plus que ton visage...

- Tout le monde me reproche d'être jolie. Je suis vraiment jolie? 

- Jolie n'est pas le mot, c'est même presque impoli".

Cass a plongé la main dans son sac et j'ai cru qu'elle cherchait un mouchoir. Elle a ressorti une

longue aiguille à chapeau. Je n'ai rien pu faire, elle s'est plongé l'aiguille dans le nez, juste au-dessus des narines. J'ai été dégoûté et horrifié.

Cass. m'a regardé en riant : 

- "Alors, je suis toujours jolie? J'attends ton avis, mec!"

J'ai retiré l'aiguille et j'ai arrêté le sang avec mon mouchoir. Plusieurs personnes, dont le barman, avaient assisté à la scène. Le barman s'est amené:

- "Dites done, recommencez votre cirque et je vous mets dehors. On n'a pas besoin de vos comédies ici.

- Va te faire foutre, mec! 

- Feriez mieux de la surveiller, m'a dit le barman. 

- Ne vous en faites pas pour elle."

Cass a crié : 

- "C'est mon nez, et je fais ce que je veux avec !

- Non, dis-je, ça me fait mal."

- Ça te fait mal que je me plante une aiguille dans le nez? 

-Oui. 

- Bon, je ne recommencerai plus. Allez, fais un sourire!"

Cass m'a embrassé, avec une petite grimace sous son baiser, mon mouchoir pressé sur le nez. Le bar a fermé et nous sommes allés chez moi. Il restait de la bière, on s'est assis pour bavarder, et là, j'ai vraiment senti combien Cass était une fille gentille, ouverte. Elle se donnait sans réfléchir. Mais il suffisait d'une seconde pour qu'elle se referme, qu'elle` retombe dans son incohérence sauvage. Schizo. Belle, intelligente et schizo. Un homme, le moindre accident, pouvaient la démolir pour toujours. Je me disais: pourvu que ça ne soit pas

moi.

On est allés au lit, j'ai éteint la lumière et Cass m'a demandé: 

"- Tu as envie quand? Tout de suite ou demain matin? 

- Demain matin."

Et j'ai tourné le dos...."

 


Au sud de nulle part (South of no North: stories of the buried life, 1973)

27 nouvelles - "Le bar était correct. Je me suis assis à côté de Vicki et je lui ai annoncé que j'allais tout casser dans le bar. J'ai démoli pas mal de bars dans ma jeunesse. Maintenant, je me contentais d'annoncer que j'allais tout casser. Il y avait un orchestre. Je me suis levé et j'ai dansé. Y a pas plus facile que la danse moderne. Suffit de balancer les bras et les jambes en tous sens, de garder la tête droite ou de la faire tourner comme un malade, et tout le monde vous trouve formidable. Ce que les gens peuvent être cons. Je dansais tout en me faisant du mouron pour ma machine à écrire. Je suis retourné m'asseoir à côté de Vicki et j'ai commandé la même chose. J'ai saisi la tête de Vicki et je l'ai montrée au barman. "Vise un peu, elle est belle, non? Hein qu'elle est belle?"   A ce moment-là, Ernie Hemingway s'est pointé ..."

 

(Tripes, "Guts")

"Like anybody can tell you, I am not a very nice man. I don’t know the word. I have always admired the villain, the outlaw, the son of a bitch. I don’t like the clean-shaven boy with the necktie and the good job. I like desperate men, men with broken teeth and broken minds and broken ways. They interest me. They are full of surprises and explosions. I also like vile women, drunk cursing bitches with loose stockings and sloppy mascara faces. I’m more interested in perverts than saints. I can relax with bums because I am a bum. I don’t like laws, morals, religions, rules. I don’t like to be shaped by society."

 

"COMME n'importe qui vous le dira, je ne suis pas un homme très affable. Les gens affables me donnent envie de dormir. J 'ai toujours admiré les méchants, les hors-la-loi, les fils de pute. Je n'aime pas les petits gars rasés de près, portant cravate et nantis d'un bon boulot. J'aime les hommes désespérés, les hommes aux dents brisées, aux vies brisées et aux manières brusques. Ils m'intéressent. Ils ménagent plein de surprises et d'explosions. J'aime également les femmes de mauvaise vie, les pochardes vicieuses et fortes en gueule aux bas avachis et au visage ravagé dégoulinant de mascara. Les pervers m'intéressent davantage que les saints. Quand je suis avec des ratés, je me sens bien, étant moi-même un raté. Je n'aime pas la loi, la morale, la religion, les règlements. Je refuse d'être modelé par la société. 

 

"I was drinking with Marty, the ex-con, up in my room one night. I didn’t have a job. I didn’t want a job. I just wanted to sit around with my shoes off and drink wine and talk, and laugh if possible. Marty was a little dull, but he had workingman’s hands, a broken nose, mole’s eyes, nothing much to him but he’d been through it.

“I like you, Hank,” said Marty, “you’re a real man, you’re one of the few

real men I’ve known.”

“Yeh,” I said.

“You got guts.”

“Yeh.”

 

Un soir, dans ma piaule, je picolais avec Marty, l'ancien taulard. Je n`avais pas de boulot. Je ne voulais pas trouver de boulot. Je voulais simplement rester assis, les doigts de pied en éventail, boire du vin, discuter, et rire si possible. Many était un chouia lugubre, mais il avait des mains de travailleur, le nez cassé, des yeux de taupe; il était pas génial, mais la vie ne l'avait pas raté. 

- "Je t'aime bien, Hank, me dit Marty. Tu es réel, tu es l'un des rares hommes réels que j'aie jamais connus. 

- Ouais, dis-je. 

- Tu as des tripes.

- Ouais. 

- Dans le temps, j'ai été mineur de fond... 

- Ouais? 

- Je me suis bagarré avec un type. On avait chacun un manche de hache. Son premier moulinet m'a cassé le bras gauche. J'ai continué à me battre avec lui. Je lui ai enfoncé son foutu crâne. Quand on a eu fini de se dérouiller, il avait perdu la boule. Je lui avais écrasé

le cerveau. On a dû l'enfermer dans un asile de fous. 

- Bravo, j'ai dit.

- Ecoute, a dit Marty, j'ai envie de me battre avec toi.

- Attaque en premier. Vas-y, frappe-moi."

Marty était assis sur une chaise verte à dossier droit. Je me dirigeais vers l'évier pour me servir un autre verre de vin. J'ai fait volte-face et lui ai collé une droite en pleine tronche. Il a fait un bond sur sa chaise, s'est levé et s'est pointé sur moi. J 'ai pas fait gaffe à sa gauche. Elle m'a chopé en haut du front et m'a mis au tapis. J'ai plongé la main dans un sac en papier plein de vomi et d'emballages vides, j'ai saisi une bouteille, me suis mis à genoux et je l'ai balancée. Marty a esquivé et je me suis relevé entenant la chaise derrière moi. Je la brandissais au-dessus de ma tête quand la porte s'est ouverte. C'était notre proprio, une jeune blonde vaporeuse, dans les vingt-cinq ans. Je n'ai jamais compris ce qu'elle foutait à diriger une taule pareille. J'ai posé la chaise.

- "Retournez dans votre chambre, Marty." (“Go to your room, Marty.”)

Marty a eu l'air honteux, comme un petit garçon. Il a filé dans le couloir jusqu`à sa chambre, est entré, puis a fermé la porte. 

- "Monsieur Chinaski, elle a dit, je tiens à ce que vous sachiez... 

- Je tiens à ce que vous sachiez, j'ai dit, que c'est inutile.

- Keski est inutile? .

- Vous n'êtes pas mon genre. J'ai pas envie de vous baiser. (“You’re not my type. I don’t want to fuck you.”)

- Ecoutez, elle a dit, je tiens à vous dire quelque chose. Hier soir, je vous ai vu pisser dans le parking d'à côté; si vous recommencez, je vous fous à la porte. Il y a aussi quelqu`un qui a pissé dans l'ascenseur. Ne serait-ce pas vous, par hasard? › `

- Je ne pisse jamais dans les ascenseurs.

- En tout cas, je vous ai vu dans le parking, hier soir. J'ai bien vu. C'était vous.

- C'est pas possible. 

- Vous étiez trop ivre pour vous en souvenir. Ne recommencez pas."

Elle a fermé la porte avant de partir. (She closed the door and was gone.)

 

Quelques minutes plus tard, j'étais assis tranquillement à savourer mon vin en essayant de me rappeler si, oui ou non, j'avais pissé dans ce parking, quand on a frappé à la porte.. `

- "Entrez", j'ai dit.

C'était Marty;

- "Faut absolument que j' t' dise kek chose. (“I gotta tell you something.”)

- Bien sûr. Assieds-toi."

J'ai servi un verre de porto à Marty et il s`est assis. 

- "J'suis amoureux", il a dit.

J'ai rien répondu. Je roulais une cigarette.

- "Tu crois à l'amour ? il a demandé. (“You believe in love?” he asked.)

- Faut bien. Ça m'est arrivé une fois. (“I have to. It happened to me once.”)

- Où est-elle?

- Partie. Morte.

- Morte? Comment? 

- L'alcool. 

- Celle-ci picole aussi. Ça m'inquiète. Elle est toujours pétée. Elle peut pas s'arrêter. 

- Aucun de nous ne peut s'arrêter. 

- Je l'accompagne aux réunions des Alcooliques anonymes. Elle se soûle avant d'y aller. La moitié des gens qui fréquentent les réunions des Alcooliques anonymes sont fin soûls. Ça se sent à leur haleine." (“I go to A.A. meetings with her. She’s drunk when she goes. Half of them down there at the A.A. are drunk. You can smell the fumes.”)

J'ai rien répondu. 

- "Bon Dieu, elle est jeune. Et quel corps! Je l'aime, vieux, je l'aime vraiment! 

- Arrête ton char, Marty, c'est juste du sexe. (“Oh hell, Marty, that’s just sex.”)

- Non, j'suis amoureux d'elle, Hank, j'en suis sûr

- Après tout, pourquoi pas? 

- Seigneur, dire qu'ils l'ont installée dans une cave! Tout ça parce qu'elle ne pouvait plus payer  son loyer. 

- Une cave? 

- Oui, y a une pièce tout en bas, avec les chaudières et tout le bordel. 

- Difficile à croire. 

- Si, j' te jure, elle habite là. Je l'aime, vieux, mais j'ai pas un rond pour l`aider. 

- C'est triste. J'ai vécu la même chose. Ça fait mal. 

- Si je me requinque un peu, si je peux bosser pendant dix jours et me refaire une santé, si je peux trouver du boulot, alors je l'aiderai. (“If I can get straight, if I can get on the wagon for ten days and get my health back—I can get a job somewhere, I can help her.”)

- Dis donc, j'ai fait, t'es justement en train de picoler. Si tu l'aimes, arrête de boire. Tout de suite.

--Dieu tout-puissant, il a`dit, je vais arrêter de boire! J' vais verser le contenu de ce verre 

l'évier! 

- Sois pas trop mélodramatique. Passe-moi donc ton verre." (“Don’t be melodramatic. Just pass that glass over here.”)

 

"I took the elevator down to the first floor with the fifth of cheap whiskey I had stolen at Sam’s liquor store a week earlier. Then I took the stairway to the cellar. There was a small light burning down there. I walked along looking for a door. I finally found one. It must have been 1:00 or 2:00 in the morning. I knocked. The door opened a notch and here stood a really fine-looking woman in a negligee. I hadn’t expected that. Young, and a strawberry blonde.

I stuck my foot in the door, then I pushed my way in, closed the door and looked around. Not a bad place at all.

“Who are you?” she asked. “Get out of here.”

“This is a nice place you got here. I like it better than my own.”

“Get out of here! Get out! Get out!”

I pulled the fifth of whiskey out of the paper bag. She looked at it.

“What’s your name?” I asked.

“Jeanie.”

“Look, Jeanie, where do you keep your drinking glasses?” ...

 

J'ai pris l'ascenseur jusqu'au premier étage, avec la pinte de whisky bon marché que j'avais volée au magasin de spiritueux de Sam, une semaine auparavant. Puis j'ai pris l'escalier qui descendait à la cave. En bas, il y avait une petite veilleuse. J'ai déambulé, à la recherche d'une porte. J 'ai fini par en trouver une. Il devait être une heure ou deux du matin. J 'ai frappé. La porte s'est entrebâillée, laissant apparaître une superbe femme en déshabillé. Je ne m`étais pas attendu à ça. Une jeune blonde, belle à croquer. J'ai coincé mon pied dans la porte, et puis j`ai poussé. J'ai refermé la porte derrière moi et examiné la pièce. Pas mal du tout.

- "Qui êtes-vous? elle a demandé. Foutez le camp!

- C'est assez coquet chez vous. Vous ne voudriez pas échanger avec ma piaule?

- Foutez le camp! Tirez-vous ! Dehors!"

J'ai sorti la pinte de whisky du sac en papier. Elle l'a regardée. 

- "Comment t'appelles-tu ? J'ai demandé.

- Jeanie.

- Dis-moi, Jeanie, où ranges-tu tes verres?"

Elle m'a montré une étagère, où j'ai été prendre deux grands verres. Il y avait un évier. J'ai mis un peu d`eau dans chaque verre, puis j' suis allé les poser, j'ai ouvert le whisky et j'ai mélangé. 

 

"We sat on the edge of her bed and drank. She was young, attractive. I couldn’t believe it. I waited for a neurotic explosion, for something psychotic. Jeanie looked normal, even healthy. But she did like her whiskey. She drank right along with me. Having come down there in a rush of eagerness, I no longer felt that eagerness..."

 

On s'est assis au bord du lit pour boire. Elle était jeune, séduisante. J'en croyais pas mes yeux. Je m'attendais à une explosion névrotique, une crise psychotique. Mais Jeanie semblait normale, voire saine. Elle appréciait manifestement mon whisky. Elle picolait au

même rythme que moi. La curiosité qui m'avait poussé à descendre dans cette cave avait disparu. Je veux dire, si elle avait couvé un petit cochon, si elle avait eu un truc indécent ou horrible (dans le genre bec-de-lièvre par exemple), j'aurais eu davantage envie de l'entreprendre. Je me suis rappelé une histoire que j'avais lue un jour dans la Gazette des courses, à propose d`un étalon pur sang qui refusait toutes les juments qu'on lui présentait. On essayait de le faire baiser avec les plus belles juments du coin, mais à chaque fois l'étalon se barrait. Jusqu'au moment où un malin qui n'était pas né de la dernière pluie eut une idée. Il couvrit de boue une belle jument, et l'étalon monta immédiatement. Explication de ce prodige : l'étalon se sentait inférieur à toute cette beauté, mais quand la jument fut enduite de boue, avilie, il se sentit enfin son égal, voire supérieur. L'esprit des chevaux et celui des hommes se ressemblent parfois étrangement. 

Bref, Jeanie remplit les verres, me demanda mon nom et où je créchais. Je lui dis que j'habitais quelque part en haut et que j'avais simplement eu envie de boire en compagnie de quelqu'un. 

- "Un soir, il y a une semaine environ, je t'ai vu au Clamber-In, me dit-elle. Tu étais désopilant, tu faisais rire tout le monde, tu offrais des tournées à tous les clients. 

- Je me souviens pas. 

- Moi, je me souviens. Tu aimes mon déshabillé? ("You like my negligee?")

- Oui.

- Tu devrais enlever ton pantalon, tu serais plus  à l'aise."

 

"“Why don’t you take off your pants and get more comfortable?” I did and sat back on the bed with her. It moved very slowly. I remember telling her that she had nice breasts and then I was sucking on one of them. Next I knew we were at it. I was on top. But something didn’t work. I rolled off.

“I’m sorry,” I said.

“It’s all right,” she said, “I still like you.” ...

 

Je l'ai enlevé et je me suis assis sur le lit à côté d'elle. Ça avançait très lentement. Je me rappelle l'avoir complimentée sur ses seins et puis je me suis retrouvé la bouche collée à un mamelon. On s'y est mis. J'étais sur elle. Mais ça ne marchait pas. J'ai roulé sur le côté. 

- "Désolé, j`ai dit. 

- Ça ne fait rien, elle a dit. Je t'aime bien quand même."

On s'est assis, histoire de discuter le coup en terminant le whisky. 

 

"Then she got up and turned off the lights. I felt very sad and climbed into bed and lay against her back. Jeanie was warm, full, and I could feel her breathing, and I could feel her hair against my face. My penis begain to rise and I poked it against her. I felt her reach down and guide it in.

“Now,” she said, “now, that’s it…”

It was good that way, long and good, and then we were finished and then we slept..."

 

Soudain, elle s'est levée pour éteindre la lumière. Je me sentais très triste, je me suis couché et  allongé contre son dos. Jeanie était chaude, pleine, je sentais sa respiration, je sentais ses cheveux contre mon visage. Mon pénis s'est dressé et j'ai commencé à le frotter contre elle. J`ai senti Jeanie le prendre dans sa main et le guider en elle. 

- "Voilà, elle disait, voilà, ça y est..."

C'était bon comme ça, vraiment bon, puis on a terminé et on s'est endormi.

Quand je me suis réveillé, elle dormait encore; je me suis levé et habillé. J'allais ouvrir la porte quand elle s'est retournée et m'a regardé :

- "Encore une fois avant que tu t'en ailles. 

- D'accord."

Je me suis déshabillé, puis couché à côté d'elle. Elle m'a tourné le dos et on a remis ça, dans la même position. Après que j'eus joui, elle demeura allongée, le dos tourné.

- "Tu reviendras? elle a demandé. (“Will you come see me again?” she asked.)

- Bien sûr. . ,

- Tu vis au-dessus? 

- Oui. 309. Je peux venir ici, mais tu peux aussi monter. 

- Je préfère que tu viennes ici, elle a dit. 

- Très bien", j'ai fait. 

Je me suis habillé, j'ai ouvert la porte, fermé la porte, monté l'escalier, pris l'ascenseur et appuyé sur le bouton numéro 3.

 

"It was about a week later, one night, I was drinking wine with Marty. We talked about various things of no importance and then he said, “Christ, I feel awful.”

“What again?” ...

 

C'était environ une semaine plus tard, un soir que je buvais du vin avec Marty. On parlait de choses et d'autres, rien de bien important, quand il m'a dit :

- "Seigneur, je me sens vraiment mal.

- Quoi encore?

- Ben oui, ma copine, Jeanie. J' t'ai parlé d'elle.

- Oui. Celle qui vit dans la cave. Ta bien-aimée.

- Ouais. Ils l'ont virée de la cave. Elle pouvait même plus payer le loyer. de la cave.

- Où est-elle partie?

- Je ne sais pas. Elle est partie, voilà tout...."

 

"I don’t know. She’s gone. I heard they kicked her out. Nobody knows what she did, where she went. I went to the A.A. meeting. She wasn’t there.

I’m sick, Hank, I’m really sick. I loved her. I’m about out of my head.”

I didn’t answer ..."

(...)


LONELINESS

"Edna was walking down the street with her bag of groceries when she passed the automobile. There was a sign in the side window:

WOMAN WANTED.

She stopped. There was a large piece of cardboard in the window with some material pasted on it. Most of it was typewritten. Edna couldn’t read it from where she stood on the sidewalk. She could only see the large letters:

WOMAN WANTED.

It was an expensive new car. Edna stepped forward on the grass to read the typewritten portion:

Man age 49. Divorced. Wants to meet woman for marriage. Should be 35 to 44. Like television and motion pictures. Good food. I am a cost accountant, reliably employed. Money in bank. I like women to be on the fat side.

Edna was 37 and on the fat side. There was a phone number. There were also three photos of the gentleman in search of a woman. He looked quite staid in a suit and necktie. Also he looked dull and a little cruel. And made of wood, thought Edna, made of wood."

 

EDNA marchait dans la rue avec son sac à provisions quand elle dépassa l'automobile. Il y avait une pancarte sur la portière :

JE CHERCHE UNE FEMME.

Elle s'arrêta. Il y avait un grand morceau de carton sur la glace, avec un texte collé dessus. Un texte tapé à la machine. De l'endroit où elle était sur le trottoir, Edna n'arrivait pas à le lire. Elle ne pouvait déchiffrer que l'en-tête :

JE CHERCHE UNE FEMME.

C'était une voiture luxueuse et neuve. Edna s`avança sur le gazon pour lire le texte tapé à la machine :

Homme, 49 ans. Divorcé. Cherche à rencontrer femme en vue mariage. Droit avoir entre 35 et 44 ans. J`aime la télévision et le cinématographe. Gastronome. Je suis comptable à temps complet. Compte en banque approvisionné. J'aime les femmes bien en chair.

A trente-sept ans, Edna était plutôt bien en chair. Il y avait un numéro de téléphone et aussi trois photos du type qui cherchait une femme. En costume cravate, il semblait assez guindé. De plus, il semblait terne, un peu cruel. Et taillé dans une bille de bois, songea Edna, taillé dans une bille de bois.

 

"Edna walked off, smiling a bit. She also had a feeling of repulsion. By the time she reached her apartment she had forgotten about him. It was some hours later, sitting in the bathtub, that she thought about him again and this time she thought how truly lonely he must be to do such a thing:

WOMAN WANTED.

She thought of him coming home, finding the gas and phone bills in the mailbox, undressing, taking a bath, the T.V. on. Then the evening paper. Then into the kitchen to cook. Standing there in his shorts, staring down at the frying pan. Taking his food and walking to a table, eating it. Drinking his coffee. Then more T.V. And maybe a lonely can of beer before bed. There were millions of men like that all over America.

Edna got out of the tub, toweled, dressed and left her apartment. The car was still there. She took down the man’s name, Joe Lighthill, and the phone number. She read the typewritten section again. “Motion pictures.” What an odd term to use. People said “movies” now. Woman Wanted. The sign was very bold. He was original there."

 

Edna s'éloigna, souriant vaguement. Elle ressentait aussi de la répulsion. Quand elle arriva à son appartement, elle avait oublié la pancarte. Ce ne fut que quelques heures plus tard, dans sa baignoire, qu'elle repensa à cet homme, et cette fois elle se dit qu'il devait être vraiment seul pour faire un truc pareil :

JE CHERCHE UNE FEMME.

Elle l'imagina revenant chez lui, découvrant les factures du gaz et du téléphone dans sa boîte aux lettres, se déshabillant, prenant un bain, allumant la télé. Un coup d'œil sur le journal du soir. Puis allant se faire à manger dans la cuisine. Debout en caleçon, les yeux baissés sur la poêle à frire. Posant son dîner sur une table, mangeant. Buvant son café. Regardant encore un peu la télé. Et peut-être une canette solitaire avant de se mettre au lit. Des millions d'hommes faisaient ça dans toute l'Amérique.

Edna ïlortit de sa baignoire, se sécha, s'habilla et sortit de son appartement. La voiture était toujours là. Elle nota le nom du type, Joe Lighthill, et son numéro de téléphone. Elle relut le texte dactylographié. "Cinématographe". Quel mot bizarre. Tout le monde disait "cinéma", de nos jours. Je cherche une femme. Cet homme ne manquait pas de courage. L'expression dénotait une forte personnalité.

 

"When Edna got home she had three cups of coffee before dialing the number. The phone rang four times. “Hello?” he answered.

“Mr. Lighthill?”

“Yes?”

“I saw your ad. Your ad on the car.”

“Oh, yes.”

“My name’s Edna.”

“How you doing, Edna?”

“Oh, I’m all right. It’s been so hot. This weather’s too much.”

“Yes, it makes it difficult to live.”

“Well, Mr. Lighthill…”

“Just call me Joe.”

“Well, Joe, hahaha, I feel like a fool. You know what I’m calling about?”

“You saw my sign?”

“I mean, hahaha, what’s wrong with you? Can’t you get a woman?”

“I guess not, Edna. Tell me, where are they?”

“Women?”

“Yes.”

“Oh, everywhere, you know.”

“Where? Tell me. Where?”

“Well, church, you know. There are women in church.”

“I don’t like church.”

“Oh.”

“Listen, why don’t you come over, Edna?”

“You mean over there?”

 

Quand Edna revint chez elle, elle but trois tasses de café avant de composer le numéro. Le téléphone sonna quatre fois. 

- "Allô? fit une voix d'homme.

- Monsieur Lighthill?

- Oui.

- J'ai vu votre annonce. Sur la voiture.

- Oh! oui. .

- Je m'appelle Edna. ..."

(...)


Women (Women, 1978)

Henry Chinaski, c'est Bukowski lui-même, un écrivain alcoolique et grand amateur de femmes.

Elles défilent dans ce récit, véritables créatures felliniennes, Lydia Vance qui se révèle d'une jalousie féroce, Mercédès la capiteuse, Dee Dee la mère célibataire, Joanna la camée, Katherine la Texane incendiaire, et bien d'autres encore ; les occasions pleuvent sur un poète en vogue ! La norme est triste pour Bukowski, alors vive les mots orduriers, l'ivresse et la débauche sexuelle. Le célèbre auteur des Contes de la folie ordinaire crie à nouveau son mal de vivre, son désir sans cesse renaissant de tendresse et de sexe.

 


"Bukowski in a Sundress: Confessions from a Writing Life", Kim Addonizio (2016)

 

" .. I keep meaning to really read Bukowski one of these days. I’ve seen a poem here and there, and my main reaction was meh. Though I read a good one once in Poetry magazine. I know he wrote about sex and drinking and fighting and whores, and that he said that most poetry was overly precious trash. He said a number of other things I agree with, like this: “An intellectual says a simple thing in a hard way. An artist says a hard thing in a simple way.” And this: “We’re all going to die, all of us, what a circus!

That alone should make us love each other but it doesn’t. We are terrorized and flattened by trivialities, we are eaten up by nothing.” Those statements made me like him, in that way you can like someone you’ll never have to meet. More than forty of his sixty-odd books are still in print. That’s an enviable statistic, but there’s no point wishing him dead, since he already is. Recently I thought it might be a good idea to get to know Bukowski better. There wasn’t a bookstore within miles, and I wanted to get started right away, so I clicked over to Netflix to watch a movie based on some of his stories. I opened a beer, to better identify with my research subject, and settled down to watch Tales of Ordinary Madness starring Ben Gazzara.

There are a couple of standout lines in the film that I’m pretty sure Bukowski actually wrote. “Touch my soul with your cock” is one that made me spit Heineken all over myself. But even better was the description of a woman whom the main character—one of the versions of Bukowski who stumble through his stories—follows home: “She had an ass like a wild animal.” I wish he’d been a little more specific there, though, since the asses of animals can differ significantly; was her ass more like that of a naked mole rat, or a feral dog, or possibly a vagrant shrew? I’m not sure which wild animal a man would be more likely to follow off a bus, but maybe I’m being unfairly literal here.

 

"... J'ai toujours l'intention de lire Bukowski un de ces jours. J'ai vu un poème ici et là, et ma principale réaction a été "meh". J'en ai pourtant lu un bon une fois dans le magazine Poetry. Je sais qu'il a écrit sur le sexe, l'alcool, les bagarres et les putes, et qu'il a dit que la plupart des poèmes étaient des déchets trop précieux. Il a dit un certain nombre d'autres choses avec lesquelles je suis d'accord, comme ceci : "Un intellectuel dit une chose simple d'une manière difficile. Un artiste dit une chose difficile d'une manière simple." Et ceci : "Nous allons tous mourir, tous, quel cirque !

Cela devrait nous faire nous aimer les uns les autres, mais ce n'est pas le cas. Nous sommes terrorisés et aplatis par des futilités, nous sommes dévorés par le néant." Ces déclarations m'ont fait l'aimer, comme on peut aimer quelqu'un qu'on ne rencontrera jamais. Plus de quarante de ses quelque soixante livres sont toujours imprimés. C'est une statistique enviable, mais il ne sert à rien de souhaiter sa mort, puisqu'il l'est déjà. Récemment, j'ai pensé qu'il serait bon de mieux connaître Bukowski. Il n'y avait pas de librairie à des kilomètres à la ronde, et je voulais commencer tout de suite, alors j'ai cliqué sur Netflix pour regarder un film basé sur certaines de ses histoires. J'ai ouvert une bière, pour mieux m'identifier à mon sujet de recherche, et je me suis installé pour regarder Tales of Ordinary Madness (Contes de la folie ordinaire) avec Ben Gazzara.

Il y a quelques répliques marquantes dans le film dont je suis presque sûr que Bukowski les a réellement écrites. "Touch my soul with your cock" est une phrase qui m'a fait cracher de la Heineken sur moi-même. Mais la description d'une femme que le personnage principal - l'une des versions de Bukowski qui trébuchent dans ses histoires - suit chez elle est encore meilleure : "Elle avait un cul comme un animal sauvage". J'aurais aimé qu'il soit un peu plus précis, car les culs des animaux peuvent être très différents ; son cul ressemblait-il plutôt à celui d'un rat-taupe nu, ou d'un chien sauvage, ou peut-être d'une musaraigne vagabonde ? Je ne suis pas sûr de savoir quel animal sauvage un homme serait le plus susceptible de suivre en descendant d'un bus, mais peut-être que je suis injustement littéral ici.

 

The seeker of the soul-touching cock is a gorgeously vapid girl with no discernible personality, so when she kills herself, late in the film, it’s tough to feel the loss. It’s kind of like a potted plant has died. And the aforementioned ass belongs to a pretty unlikely character. It’s not that women don’t flirt with strangers they let follow them home, and then enact all manner of sex games, including bondage, fake rape, and lying spreadlegged on the floor pretending to be dead in the hope of being fucked senseless, followed by actual fucking and then calling the cops to press charges while the hapless lover enjoys a cigar and a bubble bath, thinking she’s out there rustling up a romantic dinner. Of course women occasionally do those things, and probably Bukowski encountered a stellar representative of this branch of female desire. But nothing about her rings true, either because the actress overdoes it, or—my suspicion—there’s not much to base her character on, only actions and reactions, as though some freak sexual chemical experiment has produced her. That is, she seems a poorly written creature. And, bludgeon me over the head after fake-raping me, but I have a problem with men who can’t write female characters. Don’t tell me I should actually read Bukowski instead of watching a movie and then spouting some simplistic, politically correct, ovary-inflected criticism; like I said, published writers are fair game.

 

La chercheuse de bite qui touche l'âme est une fille magnifiquement vaporeuse, sans personnalité discernable, de sorte que lorsqu'elle se suicide, à la fin du film, il est difficile de ressentir la perte. C'est un peu comme si une plante en pot était morte. Et le cul susmentionné appartient à un personnage assez improbable. Ce n'est pas que les femmes ne flirtent pas avec des inconnus qu'elles laissent les suivre chez elles, puis se livrent à toutes sortes de jeux sexuels, y compris le bondage, le faux viol et le fait de s'étendre sur le sol en faisant semblant d'être mort dans l'espoir d'être baisé sans raison, suivi d'une véritable baise, puis d'appeler les flics pour porter plainte pendant que l'amant infortuné savoure un cigare et un bain moussant, pensant qu'elle est dehors en train de préparer un dîner romantique. Bien sûr, les femmes font parfois ce genre de choses, et Bukowski a probablement rencontré un excellent représentant de cette branche du désir féminin. Mais rien chez elle ne sonne vrai, soit parce que l'actrice en fait trop, soit - je le soupçonne - parce qu'il n'y a pas grand-chose sur quoi fonder son personnage, seulement des actions et des réactions, comme si une expérience chimique sexuelle bizarre l'avait produite. En d'autres termes, elle semble être une créature mal écrite. Et, matraquez-moi sur la tête après m'avoir faussement violée, mais j'ai un problème avec les hommes qui ne savent pas écrire des personnages féminins. Ne me dites pas que je devrais lire Bukowski au lieu de regarder un film et d'émettre ensuite une critique simpliste, politiquement correcte et infléchie par les ovaires ; comme je l'ai dit, les écrivains publiés sont des proies faciles.

 

I cracked another beer and settled back to watch a documentary about Bukowski. There was some footage of him giving readings, getting wasted on beers from an onstage refrigerator or guzzling wine from a bottle on a table. There were big audiences, laughing and hooting at the spectacle of an addict showcasing his intimate relationship with his drug of choice. It was a little like bear baiting. Then again, he seemed like someone who practiced self-acceptance rather than the guilt and self-loathing that drive so many lesser alcoholics into AA. He never quit. He went on drinking and wrote book after book.

So even though I suspect that critic was being a dick about my work, I’ve decided I’m going to be proud of my new nickname. If I am truly honest with myself, I have to admit that I have always wanted someone to touch my soul with his cock. Since childhood, I have wondered where my soul was, and I’m glad to discover it’s up there somewhere in my lady parts.

And who knows. Maybe one day, when Bukowski’s up for a posthumous literary award, some critic will say, “Oh, him? Kim Addonizio in pee-stained pants,” and then I hope whoever said it pukes on his shoes.

 

J'ai pris une autre bière et je me suis installé pour regarder un documentaire sur Bukowski. Il y avait des images de lui en train de faire des lectures, de se saouler avec des bières provenant d'un réfrigérateur sur scène ou de boire du vin dans une bouteille posée sur une table. Il y avait de nombreux spectateurs qui riaient et hululaient devant le spectacle d'un toxicomane qui montrait sa relation intime avec sa drogue de prédilection. C'était un peu comme appâter un ours. D'un autre côté, il semblait être quelqu'un qui pratiquait l'acceptation de soi plutôt que la culpabilité et le dégoût de soi qui poussent tant d'alcooliques de moindre importance à se rendre aux AA. Il n'a jamais arrêté. Il a continué à boire et a écrit livre après livre.

Alors, même si je soupçonne ce critique d'avoir été un con à propos de mon travail, j'ai décidé d'être fier de mon nouveau surnom. Si je suis vraiment honnête avec moi-même, je dois admettre que j'ai toujours voulu que quelqu'un touche mon âme avec sa bite. Depuis l'enfance, je me suis demandé où se trouvait mon âme, et je suis heureux de découvrir qu'elle se trouve quelque part dans mes parties féminines.

Et qui sait ? Peut-être qu'un jour, lorsque Bukowski sera en lice pour un prix littéraire posthume, un critique dira : "Oh, lui ? Kim Addonizio en pantalon taché de pisse", et j'espère alors que celui qui l'a dit vomira sur ses chaussures.

(...)