Mark Twain (1835-1910), "The Adventures of Tom Sawyer" (1876), "The Adventures of Huckleberry Finn" (1884) Winslow Homer (1836-1910) - William Dean Howells (1837-1920) - Albert Bierstadt (1830-1902) - ....

Last Update: 11/11/2016


La disparition de la Frontière et la formidable expansion industrielle qui la suit modifient considérablement la littérature américaine.

La critique littéraire commune distingue habituellement deux courants. Dans le courant dit des "régionalistes", Mark Twain, né sur la Frontière, formé à l'école du journalisme et du voyage, écrit l'américain comme il le parle et va s'inspirer tant de ses errances que de sa jeunesse (Tom Sawyer, 1876 ; Huckleberry Finn, 1884).

Un second courant, dit "réaliste", se développe au tournant du siècle, suscité par l'expansion urbaine et industrielle, l'apparition d'une classe ouvrière et de nouvelles vagues d'immigrants, le développement de la presse : Henry James, considéré comme le maître du "réalisme psychologique" ( (Un portrait de femme, 1881) et William Dean Howells (A Modern Instance, 1882), tourné vers un réalisme plus social, celui des classes moyennes en cours de constitution. Ils seront suivis, début XXe, par des écrivains tels que Henry Adams (Démocratie, 1880), Edward Bellamy (Cent Ans après, 1888), Upton Sinclair (la Jungle, 1906), Stephen Crane (la Conquête du courage, 1895), Frank Norris (la Pieuvre, 1901), Jack London (Croc-Blanc, 1905 ; Martin Eden, 1909), Theodore Dreiser (Une tragédie américaine, 1925), proches du naturalisme français et d'un darwinisme social.

(Thomas Hill, The Last Spike, 1881)


"Human beings can be awful cruel to one another" (Les êtres humains peuvent être affreusement cruels entre eux), c'est bien le message que renvoie l'ingénu Huck, tant épris de liberté dans une réalité sociale frustre, et que la sagesse populaire peine à "civiliser". Pour Ernest Hemingway, "Les Aventures d'Huckleberry Finn" (1884) constitue le point de départ de toute la littérature américaine : le roman, publié après la guerre de Sécession (1861-1865) porte sur une période qui se déroule 50 ans auparavant, à une époque où l'esclavage est profondément enraciné dans le Sud et alors que les colons tentent de conquérir des terres dans l'Ouest. Le roman incita les écrivains américains à quitter les contextes de la Nouvelle-Angleterre pour se tourner vers leurs propres racines et la singularité de leur dialectes locaux. Twain parle "vrai" de la vallée du Mississipi, Harriet Beecher, dite Mrs Beecher-Stowe, aborde le Kentucky ("Uncle Tom's Cabin", 1852), Sarah Orne Jewett raconte le Maine (The Country of the Pointed Firs, 1896).

 Huckleberry Finn était un livre controversé lorsqu’il a été publié pour la première fois en 1884, et le reste aujourd’hui. Beaucoup de premiers commentateurs ont attaqué son humour terreux et son langage quotidien, le considérant comme inapproprié pour les jeunes lecteurs (its earthy humor and everyday language, regarding it as improper for young readers) ; plus récemment, les critiques ont souligné que la description de Jim faite par Twain s’inspire de stéréotypes raciaux condamnables. Cependant, sa publication a également été célébrée comme un moment décisif dans la littérature américaine. Ernest Hemingway a écrit plus tard que « toute la littérature américaine moderne provient d’un livre de Mark Twain appelé Huckleberry Finn.

 On the road Tom he told me all about how it was reckoned I was murdered, and how pap disappeared pretty soon, and didn’t come back no more, and what a stir there was when Jim run away; and I told Tom all about our Royal Nonesuch rapscallions, and as much of the raft  voyage as I had time to; and as we struck into the town and up through the the middle of it - it was as much as half-after eight, then - here comes a raging rush of people with torches, and an awful whooping and yelling, and banging tin pans and blowing horns; and we jumped to one side to let them go by; and as they went by I see they had the king and the duke astraddle of a rail - that is, I knowed it was the king and the duke, though they was all over tar and feathers, and didn’t look like nothing in the world that was human - just looked like a couple of monstrous big soldier-plumes. Well, it made me sick to see it; and I was sorry for them poor pitiful rascals, it seemed like I couldn’t ever feel any hardness against them any more in the world. It was a dreadful thing to see. Human beings can be awful cruel to one another. (The Adventures of Huckleberry Finn, chapter XXIII)

 Sur la route, Tom m'a raconté comment on croyait que j'avais été assassiné, comment Pap avait disparu assez vite et n'était plus revenu, et quelle agitation il y avait eu quand Jim s'était enfui ; et j'ai raconté à Tom tout ce qui concernait nos rapscallions du Royal Nonesuch, et tout ce que j'avais eu le temps de dire sur le voyage en radeau ; Alors que nous entrions dans la ville et que nous la traversions en son milieu - il était à peu près huit heures et demie - voici qu'une ruée furieuse de gens avec des torches, des cris et des hurlements épouvantables, des coups de casseroles et des coups de cornes se font entendre ; Nous avons sauté de côté pour les laisser passer, et au moment où ils passaient, j'ai vu qu'ils avaient le roi et le duc à califourchon sur un rail - c'est-à-dire que je savais que c'était le roi et le duc, même s'ils étaient couverts de goudron et de plumes et qu'ils ne ressemblaient à rien d'humain au monde - on aurait dit deux monstrueux gros panaches de soldat. Eh bien, cela m'a rendu malade de voir cela ; et j'étais désolé pour ces pauvres coquins pitoyables, il me semblait que je ne pourrais plus jamais ressentir la moindre dureté à leur égard dans le monde. C'était une chose épouvantable à voir. Les êtres humains peuvent être terriblement cruels les uns envers les autres. 



Mark Twain (1835–1910)

"All modern American literature comes from one book by Mark Twain..."

Il est d'usage de reprendre le jugement d’Ernest Hemingway qui, en 1935, proclame haut et fort, que toute la littérature américaine moderne sort d’un livre de Mark Twain : “All modern American literature comes from one book by Mark Twain called "Huckleberry Finn”,  c’est la proximité idiomatique de la voix de Huck, proclame-t-il dans "Green Hills of Africa", qui marque cette rupture, un peu malgré lui, il est vrai, le personnage ne pouvait épouser un style plus académique. Aucun roman avant lui en anglais n’avait renversé avec une telle verve et abandonné les restrictions du décorum linguistique, et son influence sera profonde, on en retroove trace par exemple dans "The Adventures of Augie March "de Saul Bellow et "The Catcher in the Rye" de J. D. Salinger.

Considéré longtemps comme un écrivain pour adolescent, Twain rompt aussi avec une tradition littéraire qui voulait que "l'homme de lettres américain" ne soit en fait qu'un succédané de l'écrivain européen et à centrer ainsi leurs intrigues sur les seules colonies de la Nouvelle-Angleterre : Twain inaugure le roman et le romancier américains, les enracinent dans le petit peuple, dans leur terroir, utilise les ressources de la langue populaire et des patois de l'Ouest et du Sud pour créer un nouveau style... 

Le jeune Samuel Clemens (plus tard connu sous le nom de Mark Twain) travailla comme pilote de bateau à vapeur sur le Mississippi, prenant son nom de plume d’une phrase utilisée par les capitaines lors de la mesure de la profondeur de l’eau. Huckleberry Finn décrira le fleuve Mississippi au début de l’été, juste après que lui et Jim se soient échappés de l’île Jackson : Twain dépeint le fleuve comme une force naturelle puissante qui change constamment de paysage tout au long de ses rives, un fleuve qui sert également de frontière politique entre le Missouri, un État esclavagiste, et l’Illinois, un État abolitionniste. Dans "Life on the Mississippi" (1883), Twain reviendra avec nostalgie sur tous les personnages et culture d'un fleuve au long duquel s'est forgé son destin de conteur...

Le roman américain, jusque-là cantonné aux "salons de Boston", s'ouvre aux immenses paysages de l'Amérique, à cette Amérique qui se construira, à la fois brutale, crue, et débridée. Se succèderont, le Kentucky, de Harriet Beecher-Stowe (La case de l'oncle Tom, 1852), le Maine, de Sarah Orne Jewett (Le Pays des sapins pointus, 1896), le Mississipi, de Faulkner (Le Bruit et la Fureur, 1929, l'Oklahoma, de John Steinbeck (Les Raisins de la colère, 1939), etc...

 

 La totale liberté du narrateur Huckleberry Finn, un jeune garçon pauvre et blanc, est étonnante et fait écho aux maintes contradictions qui agitent alors le "continent" américain : la guerre de Sécession (1861-1865) est terminée, mais l'intrigue se déroule quelque 40 à 50 ans auparavant, tandis que l'esclavage est bien ancré dans le Sud et que les Colons peinent à trouver des terres dans l'Ouest ..

 

"A aucun moment je n'ai essayé de rendre cultivées les classes cultivées, écrit Mark Twain en 1899 dans une lettre à Andrew Lang. Je n'étais pas outillé pour le faire : il m'en manquait aussi bien les qualités naturelles que la préparation. Je n'ai jamais eu d'ambitions de ce genre, mais j'ai toujours essayé de chasser un plus gros gibier : les masses. Je me suis rarement proposé de les instruire, mais j'ai fait de mon mieux pour les amuser. Les amuser et rien d'autre aurait déjà satisfait ma plus grande et constante ambition."

 

Hannibal, petite ville silencieuse et tranquille sur les bords du Mississipi, dont la vie se déroulait le long du fleuve, connaissait un seul moment d'animation, celui de l'arrivée du navire chargé de passagers et de marchandises. C'est dans cette atmosphère que grandit Samuel Langhorne, Mark Twain... tout comme Tom Sawyer dans une petite ville le long du fleuve Mississippi, la ville de « Saint-Pétersbourg », inspirée par Hannibal ...

Né dans le Missouri, romancier, humoriste et essayiste, Samuel Langhorne Clemens. orphelin de père à l’âge de 12 ans, Mark Twain exerce diverses activités : apprenti typographe, rédacteur d’articles dans le journal de son frère, pilote de bateau à vapeur sur le Mississipi.  Il s’enfuit vers les montagnes du Névada et devient chercheur d’or pour éviter de combattre dans les rangs sudistes. A partir de 1864, reporter à San Francisco, il parcourt l'Europe, réunit ses articles en un volume (The Innocents abroad, 1869), gagne New York et organise avec un certain succès des conférences qui lui permettent de raconter devant un public fasciné "sa" conquête de l'Ouest.Le 18 novembre 1865, il publie dans Saturday Post son premier conte folklorique du Far West, la Fameuse Grenouille sauteuse de Calaveras. En 1867, il rassemble ces contes en un premier volume, "The Celebrated Jumping Frog of Calaveras County, and Other Sketches".

Mais Twain a, semble-t-il, soif de reconnaissance sociale : il épouse en 1870 une bourgeoise distinguée et prude, Olivia Langdon, qui surveille ses manières et corrige ses manuscrits. On a écrit avec raison que bien des écrivains américains étaient écartelés entre une littérature de pionniers, anarchiste et picaresque, et le tempérament austère du puritanisme originel. En 1875, il raconte ses souvenirs de pilote dans des feuilletons, qui forment la base d'un de ses meilleurs livres, "Life on the Mississippi" (1883). Puis, exploitant toujours sa nostalgie de l'Ouest et de son passé, il publie "Les aventures de Tom Sawyer" (1876) puis  "Les aventures d'Huckleberry Finn" (1885) qui lui apportent la notoriété.

Mais par la suite Twain n'a plus guère d'imagination : "The £1,000,000 Bank Note and Other New Stories" (1893), "The Man That Corrupted Hadleyburg and Other Stories and Sketches" (1900), "A Double Barrelled Detective Story" (1902), "The $30,000 Bequest and Other Stories" (1906). Twain se jette dans les affaires, finance une machine à vapeur, un générateur électrique, une presse à imprimer, une maison d'édition, voyage en Europe, multiplie les œuvres alimentaires pour mener grand train de vie.

La seconde partie de sa vie, Twain se lance avec véhémence dans la dénonciation de la société américaine de son temps, de la prétendue moralité et religiosité qui sont alors mises en pratique. La fin de sa vie est assombrie par des ennuis financiers ainsi que par la mort de l’une de ses filles, puis de sa femme. Ses derniers livres, "Extracts from Adam's Diary, Extracts from Eve's Diary" (1904), "What is Man ?" (1906), donnent une dimension métaphysique à sa vision désespérée de la solitude de l'homme dans un univers absurde... 


The Adventures of Tom Sawyer, 1876
Mark Twain nous décrit les frasques et mésaventures de Tom Sawyer, jeune garçon à l'esprit vif et débordant d'imagination, élevé par sa tante, au bord du Mississipi. Tom ne loupe pas une occasion de se distinguer pour plaire à la jolie Becky, et il est toujours prêt pour vivre des aventures en compagnie de son inséparable ami Huckleberry Finn, fils de l'ivrogne du village. Un soir dans un cimetière, Tom et Huck sont témoins d'un meurtre. Muff Potter est accusé du crime, mais Tom et Huck savent que le véritable assassin est Joe l'Indien. Les jeux d'enfants tournent alors à la révolte contre des adultes ridicules et incapables : seuls les enfants démasquent le coupable. Le thème est déjà celui de la supériorité de l'innocence sur l'expérience adulte. Il sera repris et développé dans Huck Finn. En créant le personnage typique de Tom Sawyer, Twain a pour ainsi dire synthétisé les différents caractères enfantins dont il avait eu l'expérience, créant ainsi un seul type original...

 

Les aventures de Tom Sawyer, commence avec son héros déjà en difficulté, ou au moins sur le point de l’être, sous l’œil vigilant de sa tante Polly, les lignes d'affrontement entre l'enfance et le monde des adultes sont rapidement tracées, et nous sommes invités à savoir immédiatement de quel côté nous sommes....

 

“TOM!”

No answer.

“TOM!”

No answer.

“What’s gone with that boy, I wonder? You TOM!”

No answer.

The old lady pulled her spectacles down and looked over them about the room; then she put them up and looked out under them. She seldom or never looked through them for so small a thing as a boy; they were her state pair, the pride of her heart, and were built for “style,” not service — she could have seen through a pair of stove-lids just as well. She lookedperplexed for a moment, and then said, not fiercely, but still loud enough for the furniture to hear:

“Well, I lay if I get hold of you I’ll— “

She did not finish, for by this time she was bending down and punching under the bed with the broom, and so she needed breath to punctuate the punches with. She resurrected nothing but the cat.

“I never did see the beat of that boy!”

She went to the open door and stood in it and looked out among the tomato vines and “jimpson” weeds that constituted the garden. No Tom.

So she lifted up her voice at an angle calculated for distance and shouted:

“Y-o-u-u TOM!”

There was a slight noise behind her and she turned just in time to seize a small boy by the slack of his roundabout and arrest his flight.

“There! I might ‘a’ thought of that closet. What you been doing in there?”

“Nothing.”

“Nothing! Look at your hands. And look at your mouth. What is that truck?”

“I don’t know, aunt.”

“Well, I know. It’s jam — that’s what it is. Forty times I’ve said if you didn’t let that jam alone I’d skin you. Hand me that switch.”

The switch hovered in the air — the peril was desperate — 

“My! Look behind you, aunt!”

The old lady whirled round, and snatched her skirts out of danger. The lad fled on the instant, scrambled up the high board-fence, and disappeared over it

(...)

 

Comme l'a écrit l'auteur lui-même, ce livre rapporte un certain nombre d'aventures vécues par ses compagnons d'école. Mais si Huck Finn est dépeint tel qu'il était, Tom Sawyer résume en un seul personnage les caractères de trois gamins que l'auteur a connus, ainsi qu'évoqué précédemment ("Most of the adventures recorded in this book really occurred; one or two were experiences of my own, the rest of those boys were schoolmates of mine. Huck Finn is drawn from life; Tom Sawyer also, but not from an individual — he is a combination of the characteristics of three boys whom I knew, and therefore belongs to the composite order of architecture"). Les superstitions, dont il est fait état dans le livre, survivaient encore parmi les garçons et les esclaves de l'Ouest à l'époque où se passe l'intrigue. Twain destinait son œuvre à un vaste public et désirait rappeler à ses lecteurs ce qu'ils étaient, ce qu'iIs pensaient, et dans quelles étranges entreprises ils s'aventuraient quelquefois. Avec ce livre il semblait inaugurer une sorte de revue réaliste des premiers habitants des plaines du Middle West qui s'achèvera plus tard avec les Aventures de Huckleberry Finn où l'on retrouve les mêmes personnages. 

 

Les Aventures de Tom Sawyer sont avant tout le récit de ce qui arriva à Tom et Huck, deux amis inséparables, partis une nuit pour enterrer un chat dans le cimetière du village ; les aventures de Tom et de ses camarades, comme tout le reste du livre, ne sont qu'un prétexte pour nous décrire les aspects du pays dans lequel vivent les deux héros. Dans le cimetière, au cours de cette nuit fameuse, Tom et Huck sont témoins d'un assassinat. En effet, Joe l'Indien et un certain Muff Potter qui, à moitié ivre, s'est laissé entraîner par Joe, sont allés avec le docteur du pays déterrer un mort. Tout à coup s'élève une discussion au sujet du prix que l'Indien exige pour faire la besogne, et pour garder le silence; la lutte commence entre les trois hommes, avivée par une vieille rancœur de la part de l'Indien; le docteur réussit à étourdir Potter en lui assénant un coup de poing, mais il est finalement tué par Joe qui s'est servi pour l'assassiner d'un couteau appartenant à Potter et qu'il met entre les mains de celui-ci durant son évanouissement. Quand Potter reprend ses sens, Joe lui fait croire qu'il est l'auteur du crime. Le lendemain, l'assassinat est découvert, ainsi que le couteau ensanglanté laissé auprès du cadavre, et Potter est arrêté. L'histoire bouleverse le village dont le meurtre a troublé la tranquillité. Bien des scènes épiques vont suivre : le procès, l'accusation de l'Indien qui fuit par une fenêtre quand Tom se décide à le démasquer, le remords de Tom réfugié dans une grotte, sa rencontre avec l'Indien qui veut se venger sur lui, et enfin la mort de Joe, des scènes qui donne au jeune garçon une stature de héros.

Mais "Tom Sawyer" restera inférieur à "Huckleberry Finn" dont les qualités s'expliquent par le fait que Twain suivait et étudiait, sous les traits de cette figure d'emprunt, ses propres réactions d'enfant et ses propres aventures...

 

L'auteur reprendra ces deux personnages dans "Tom Sawyer détective" et "Tom Sawyer à l'étranger", publiés en 1878 et 1894, deux livres à clefs, et le crime dont il est question s'inspire des données d'un procès qui eut lieu en Suisse. Les protagonistes en sont deux frères jumeaux, absolument identiques, dont l'un est un voleur poursuivi par ses complices auxquels il a soustrait le fruit de leur larcin, et l'autre un propre-à-rien qui vit à la campagne; l'un des deux est assassiné et tout le monde pense qu'il s'agit du second, du fait que le premier a disparu depuis ,plusieurs années. Le vieil oncle de Tom est accusé du meurtre, car il avait quelques raisons d'en vouloir à la victime. Mais Tom réussit à découvrir que le mort était l'autre frère et que le second avait pris sa place dans l'intention de faire accuser l'oncle Silas et de le ruiner. Cette découverte survient en cours d'audience, quand le sort du pauvre vieil oncle semblait déjà décidé. On peut dire que parmi tous les récits de Twain, celui-ci est un des moins caractéristiques. Dans l'édition définitive de ses œuvres, on trouve, dans le même volume, le fameux conte du "Vol de l'éléphant blanc" et "La Rencontre avec un  interviewer" qui comptent, au contraire, parmi les. écrits les plus représentatifs de son esprit satirique et humoristique, bien qu'ils aient une valeur littéraire inférieure à celle de ses autres œuvres....

"Tom Sawyer à l'étranger", bien singulier, relate un voyage en ballon que le héros fait à travers l'océan, le désert du Sahara et l'Egypte. C`est l'inséparable Huck qui, en quelques épisodes, fait le récit du voyage. Les autres compagnons de route sont l'esclave noir, Jim, et le fou, constructeur du ballon, qui finalement se jette dans l'océan en laissant les trois autres se débrouiller seuls. Face aux multiples -problèmes qui se posent alors, Tom a, seul, la conduite d'un homme intelligent, calme et prompt à l'action; les deux autres discutent et soulèvent des objections sans fin. Au cours de ces dialogues, souvent très amusants, Twain réussit à peindre non seulement trois figures d'homme, mais aussi trois sortes de mentalités différentes, et ses descriptions ont souvent un caractère de satire....


"Now the way that book winds up, is this: Tom and me found the money that the robbers hid in the cave, and it made us rich. We got six thousand dollars apiece—all gold. . . .  - "The Adventures of Huckleberry Finn" furent publiées huit ans après "Adventures of Tom Sawyer",et Huck, au début de ses aventures, décrit la fin de Tom Sawyer. Dès ses premières phrases, nous savons par l’écriture que nous sommes dans un totalement monde différent. Alors que le premier est raconté du point de vue d’un narrateur à la troisième personne, le second est raconté par le protagoniste lui-même, et le langage est comme un fil vivant d’énergie vernaculaire (le dialecte noir du Missouri, la forme la plus extrême du dialecte sud-ouest de l’arrière-pays, le dialecte ordinaire du « comté de Pike »; et quatre variétés modifiées de ce dernier)  ...

 

You don’t know about me, without you have read a book by the name of “The Adventures of Tom Sawyer,” but that ain’t no matter. That book was made by Mr. Mark Twain, and he told the truth, mainly. There was things which he stretched, but mainly he told the truth. That is nothing. I never seen anybody but lied, one time or another, without it was Aunt Polly, or the widow, or maybe Mary. Aunt Polly—Tom’s Aunt Polly, she is—and Mary, and the Widow Douglas, is all told about in that book—which is mostly a true book; with some stretchers, as I said before...

 

(Huck Finn se présente au lecteur).

L’ami de Tom, c’est moi, Huckleberry Finn. Si vous n’avez pas lu les Aventures de Tom Sawyer, vous ne me connaissez pas. Cela ne fait rien : nous aurons vite lié connaissance. M. Mark Twain vous a raconté l’histoire de Tom, et il y a mis un peu du sien, même en parlant de moi. Cela ne fait rien non plus, puisqu’on m’assure qu’il n’a ennuyé personne. La tante Polly, Mary Sawyer et la veuve Douglas ne disaient jamais que la vérité, et elles n’étaient pas toujours amusantes. Je parle de la tante de Tom, de sa cousine, et de la veuve qui m’avait adopté. Au fond, sauf quelques enjolivements, M. Mark Twain a rapporté les faits tels qu’ils se sont passés. Pour ma part, je n’ai pas assez d’esprit pour inventer, je raconterai donc simplement la suite de mes aventures.

 

 Now the way that the book winds up is this: Tom and me found the money that the robbers hid in the cave, and it made us rich. We got six thousand dollars apiece — all gold. It was an awful sight of money when it was piled up. Well, Judge Thatcher he took it and put it out at interest, and it fetched us a dollar a day apiece all the year round — more than a body could tell what to do with. The Widow Douglas she took me for her son, and allowed she would sivilize me; but it was rough living in the house all the time, considering how dismal regular and decent the widow was in all her ways; and so when I couldn’t stand it no longer I lit out. I got into my old rags and my sugar-hogshead again, and was free and satisfied. But Tom Sawyer he hunted me up and said he was going to start a band of robbers, and I might join if I would go back to the widow and be respectable. So I went back.

 

Or voici comment finit le livre de M. Mark Twain : Tom et moi, nous avions découvert un trésor caché dans une caverne, et nous étions devenus riches. Six mille dollars chacun – une jolie fortune pour des orphelins de douze à treize ans ! Tom avait sa tante qui ne le laissait manquer de rien, si elle le tarabustait un peu. J’étais moins orphelin et plus libre que lui. Mon père vivait encore ; mais il avait disparu depuis longtemps. Je ne tenais pas à le voir revenir, parce qu’il me battait quand il avait bu, c’est-à-dire tous les jours. J’aurais mieux aimé n’avoir qu’une tante.

 

 The widow she cried over me, and called me a poor lost lamb, and she called me a lot of other names, too, but she never meant no harm by it. She put me in them new clothes again, and I couldn’t do nothing but sweat and sweat, and feel all cramped up. Well, then, the old thing commenced again. The widow rung a bell for supper, and you had to come to time. When you got to the table you couldn’t go right to eating, but you had to wait for the widow to tuck down her head and grumble a little over the victuals, though there warn’t really anything the matter with them, — that is, nothing only everything was cooked by itself. In a barrel of odds and ends it is different; things get mixed up, and the juice kind of swaps around, and the things go better.

After supper she got out her book and learned me about Moses and the Bulrushers, and I was in a sweat to find out all about him; but by and by she let it out that Moses had been dead a considerable long time; so then  I didn’t care no more about him, because I don’t take no stock in dead people.

Pretty soon I wanted to smoke, and asked the widow to let me. But she wouldn’t. She said it was a mean practice and wasn’t clean, and I must try to not do it any more. That is just the way with some people. They get down on a thing when they don’t know nothing about it. Here she was a-bothering about Moses, which was no kin to her, and no use to anybody, being gone, you see, yet finding a power of fault with me for doing a thing that had some good in it. And she took snuff, too; of course that was all right, because she done it herself...

 

Tom Sawyer réapparaîtra, dans un rôle moins étoffé, mais crucial, à la fin des Aventures de Huckleberry Finn, devenu un peu plus insensible, comme si Twain s’opposait à la façon dont un personnage d’un livre pour enfants, celui qu'il incarnait dans Les aventures de Tom Sawyer, n'était pas en mesure d'aborder ces questions de liberté et d’esclavage, de vie et de mort, qui sont au cœur de ces secondes Aventures, si différentes. Ici les dangers sont bien réels, violence, abus, oppression, cupidité, meurtre, peur...

 

The Adventures of Huckleberry Finn from the Book by Mark Twain, by by Edward Everett Henry, 1959

 

The Adventures of Huckleberry Finn, 1884
Devenu son propre éditeur, Twain publie ce qu'il présente comme une suite à Tom Sawyer. La censure l'interdira dans plusieurs États : l'histoire est racontée à la première personne avec l'argot pittoresque d'un enfant mal élevé. Mais c'est aussi l'histoire d'un enfant qui n'accepte pas les choses telles qu'elles sont. Orphelin de mère, abandonné par un père délinquant et alcoolique, Huck est recueilli par une veuve, éduqué, dressé. Mais, préférant les coups de son père à l'ennui de l'école, il le rejoint au maquis. Séquestré, menacé de mort par son père atteint de delirium tremens, Huck s'enfuit sur une île du Mississippi. Il y rencontre Jim, esclave évadé, dont on a vendu la femme et l'enfant. L'enfant blanc et l'esclave noir s'échappent sur un radeau au fil du Mississippi et tentent d'échapper à un univers où règnent l'escroquerie, la violence, le lynchage, l'esclavage et, pour eux, à la mort. La dernière phrase de Huck, souvent citée, est le cri du cœur de tout homme pollué par un excès de civilisation, et qui rêve de l'Ouest comme d'un paradis : "Il va falloir que je file au territoire indien, car tante Sally veut me civiliser, et je ne peux pas supporter ça !" ("I reckon I got to light out for the Territory ahead of the rest, because Aunt Sally she's going to adopt me and sivilize me, and I can't stand it. I been there before").

"WE went tiptoeing along a path amongst the trees back towards the end of the widow’s garden, stooping down so as the branches wouldn’t scrape our heads. When we was passing by the kitchen I fell over a root and made a noise.  We scrouched down and laid still.  Miss Watson’s big nigger, named Jim, was setting in the kitchen door; we could see him pretty clear, because there was a light behind him.  He got up and stretched his neck out about a minute, listening.  Then he says:

“Who dah?”

He listened some more; then he come tiptoeing down and stood right between us; we could a touched him, nearly.  Well, likely it was minutes and minutes that there warn’t a sound, and we all there so close together.  There was a place on my ankle that got to itching, but I dasn’t scratch it; and then my ear begun to itch; and next my back, right between my shoulders.  Seemed like I’d die if I couldn’t scratch.  Well, I’ve noticed that thing plenty times since.  If you are with the quality, or at a funeral, or trying to go to sleep when you ain’t sleepy—if you are anywheres where it won’t do for you to scratch, why you will itch all over in upwards of a thousand places. Pretty soon Jim says:

“Say, who is you?  Whar is you?  Dog my cats ef I didn’ hear sumf’n. Well, I know what I’s gwyne to do:  I’s gwyne to set down here and listen tell I hears it agin.”

So he set down on the ground betwixt me and Tom.  He leaned his back up against a tree, and stretched his legs out till one of them most touched one of mine.  My nose begun to itch.  It itched till the tears come into my eyes.  But I dasn’t scratch.  Then it begun to itch on the inside. Next I got to itching underneath.  I didn’t know how I was going to set still. This miserableness went on as much as six or seven minutes; but it seemed a sight longer than that.  I was itching in eleven different places now.  I reckoned I couldn’t stand it more’n a minute longer, but I set my teeth hard and got ready to try.  Just then Jim begun to breathe heavy; next he begun to snore—and then I was pretty soon comfortable again.

 Tom he made a sign to me — kind of a little noise with his mouth — and we went creeping away on our hands and knees. 

"Nous avançâmes sur la pointe des pieds le long d’une allée qui menait à une des sorties du jardin. Au moment où nous passions devant la cuisine, mon pied s’embarrassa dans une racine d’arbre, je tombai à la renverse et ma chute causa un léger bruit. Tom l’accroupit par terre et nous demeurâmes immobiles. Jim se tenait assis à la porte de la cuisine. Nous le voyions très bien, parce qu’il y avait une lumière derrière lui. Il se leva et avança la tête en prêtant l’oreille.

– Qui est là ? demanda-t-il au bout d’une minute.

Après avoir encore écouté un instant, il s’avança de notre côté et s’arrêta entre Tom et

moi. Nous aurions presque pu le toucher ; mais nous nous gardions bien de bouger. Une de mes chevilles se mit à me démanger et je n’osai pas me gratter ; ensuite ce fut mon oreille gauche, puis mon dos, juste entre les deux épaules. Il me semblait que je mourrais, si je ne me grattais pas. 

J’ai souvent remarqué depuis que ces sortes de démangeaisons vous prennent toujours mal à propos, lorsque vous êtes à table, à l’école, ou quand vous essayez de vous endormir. Bientôt Jim dit :

– Ah çà ! qui êtes-vous ? Où êtes-vous ? Pour sûr, j’ai entendu quelque chose... Bon, je sais ce que je vais faire. Je ne bougerai pas d’ici, et de cette façon je verrai bien si je me suis trompé.

Et le voilà qui s’assoit par terre, s’adosse à un arbre et allonge les jambes de mon côté.

Alors ce fut le nez qui commença à me démanger au point que les larmes me vinrent aux yeux. Cela dura six ou sept minutes ; mais le temps me parut beaucoup plus long – j’avais une peur atroce d’éternuer. Heureusement la respiration de Jim annonça qu’il s’endormait, et en effet il ne tarda pas à ronfler."

 



C'est incontestablement le chef-d'œuvre de l'écrivain américain Mark Twain et, en un certain sens, la suite des Aventures de Tom Sawyer. Le livre, publié en 1885, va constituer une vaste épopée de l'Amérique des aventuriers, celle des villes misérables, embryonnaires, éparpillées dans la vallée du Missouri et de l'Ohio, aux temps de la colonisation et de la vie violente. 

Tom Sawyer et Huckleberry Finn - mais surtout ce dernier, car il est bien le porte-voix de Mark Twain enfant. Huckleberry Finn est ici le fils aventureux d'un père indigne et quelque peu ivrogne. Abandonné à lui-même, puis recueilli et adopté par des personnes charitables qui auraient voulu lui faire donner une instruction convenable, mais le retour du père, Pap, toujours aussi violent et alcoolique, change la donne, il réapparait et veut faire main basse sur l’argent de Huck. Le juge local, le juge Thatcher, et la veuve tentent d’obtenir la garde légale de Huck, mais un autre nouveau juge bien intentionné de la ville croit aux droits du père naturel de Huck et le confie au vieil ivrogne tout en lui tenant un discours moralisateur. Cet effort échoue lamentablement, et Pap revient bientôt à ses anciennes habitudes. Il traîne en ville pendant plusieurs mois, harcelant son fils, qui a entre-temps appris à lire, puis le kidnappe et l'enferme dans une cabane de l’autre côté de la rivière de Saint-Pétersbourg qui bordent l'Illinois. Huck, habilement (il feint sa propre mort ), arrive à fuir et gagne une île du fleuve à l'aide d'un canot qu'il trouva jadis et qu'il avait dissimulé, attendant l'occasion favorable pour s'en servir. 

 

Je me suis couché au fond du canot et je l’ai laissé flotter...

"I got out amongst the driftwood, and then laid down in the bottom of the canoe and let her float. I laid there, and had a good rest and a smoke out of my pipe, looking away into the sky; not a cloud in it. The sky looks ever so deep when you lay down on your back in the moonshine; I never knowed it before. And how far a body can hear on the water such nights! I heard people talking at the ferry landing. I heard what they said, too—every word of it ..."

 

 Après quelques jours sur l’île, il rencontre Jim, l’un des esclaves de Mlle Watson, qui s'est enfui par crainte d'être vendu et séparé de sa femme et de ses enfants. Huck et Jim font équipe, malgré l’incertitude de Huck sur la légalité ou la moralité d’aider un esclave en fuite. Alors qu’ils campent sur l’île, une grande tempête provoque l’inondation du Mississippi. Huck et Jim espionnent un radeau en rondins et une maison flottant devant l’île. Ils s'emparent du radeau et pillent la maison, y trouvant le corps d’un homme qui a été abattu. Jim refuse de laisser Huck voir le visage du mort. Les voici obligé de quitter l'île lorsque Huck apprend que l'on a vu de la fumée provenant de leur refuge et qu’une récompense a été offerte pour la capture de Jim. Huck et Jim commencent à descendre la rivière sur le radeau, avec l’intention de le laisser à l’embouchure de la rivière Ohio et de remonter cette rivière en bateau à vapeur vers un Etat abolitionniste où Jim puisse au moins vivre en paix. 

 

"This second night we run between seven and eight hours, with a current that was making over four mile an hour. We catched fish, and talked, and we took a swim now and then to keep off sleepiness. It was kind of solemn, drifting down the big still river, laying on our backs looking up at the stars, and we didn’t ever feel like talking loud, and it warn’t often that we laughed, only a little kind of a low chuckle...."

 

"Sometimes we’d have that whole river all to ourselves for the longest time. Yonder was the banks and the islands, across the water; and maybe a spark—which was a candle in a cabin window—and sometimes on the water you could see a spark or two—on a raft or a scow, you know; and maybe you could hear a fiddle or a song coming over from one of them crafts. It’s lovely to live on a raft..."

 

Leurs aventures sur un radeau naviguant sur le Mississippi et leurs rencontres avec divers personnages et circonstances menaçants constituent le cœur du livre. L’utilisation fréquente d’insultes contemporaines et d’épithètes raciales peut distraire les lecteurs aujourd’hui de la complexité et même de la sensibilité de l’attention du roman aux thèmes culturels qu’il incarne dans son récit. L’amitié entre Huck et Jim est à la fois instable et troublante dans ses implications, mais humaine dans son importance — « Très bien, alors, je vais aller en enfer », se dit-il en décidant d’enfreindre la loi et d’aider Jim à s’échapper — tandis que Jim incarne la fidélité à des idéaux qui vont au-delà des simples circonstances de la vie ...

 

Ainsi  rencontrent-ils successivement une bande de voleurs à bord d’un bateau à vapeur naufragé, parvenant à s’échapper avec le butin des voleurs; puis, lors d'une nuit de brouillard épais, Huck et Jim rencontrent un groupe d’hommes à la recherche d’esclaves évadés, - Huck a un bref instant une interrogation morale au sujet de Jim l'esclave en fuite -,  

 

"That’s just the way: a person does a low-down thing, and then he don’t want to take no consequences of it. Thinks as long as he can hide it, it ain’t no disgrace. That was my fix exactly..." 

"I knowed very well why [the words] wouldn’t come. It was because my heart warn’t right; it was because I warn’t square; it was because I was playing double. I was letting on to give up sin, but away inside of me I was holding on to the biggest one of all ..."(chapter 31)

 

.. mais fait fuir ses interlocuteurs en racontant que son père sur le radeau souffre de la variole. Jim et Huck reprennent leur route vers le bas de la rivière, mais la nuit suivante, un choc de leur radeau avec un bateau à vapeur séparent Huck et Jim. Huck se retrouve dans la maison des Grangerfords, une famille d’aristocrates du Sud en pleine querelle avec un clan voisin, les Shepherdsons,l'une fille de Grangerford ayant fui avec un fils de Shepherdson. Mais, alors que surgit à nouveau Jim sur un radeau remis à neuf, Huck s'enfuit et le rejoint...

 

"Raft home" ..

" ... I never felt easy till the raft was two mile below there and out in the middle of the Mississippi. Then we hung up our signal lantern, and judged that we was free and safe once more. I hadn’t had a bite to eat since yesterday, so Jim he got out some corn-dodgers and buttermilk, and pork and cabbage and greens—there ain’t nothing in the world so good when it’s cooked right—and whilst I eat my supper we talked and had a good time. I was powerful glad to get away from the feuds, and so was Jim to get away from the swamp. We said there warn’t no home like a raft, after all. Other places do seem so cramped up and smothery, but a raft don’t. You feel mighty free and easy and comfortable on a raft..."

 

 La tromperie et le mensonge sur l’identité sont des thèmes récurrents dans Huckleberry Finn. Quelques jours plus tard, Huck et Jim sauvent deux hommes poursuivis par des bandits armés, mais des hommes qui se révèlent de notoires escrocs, prétendent être l'un, un duc anglais en fuite (the duke), et l'autre l’héritier du royaume de France (the dauphin). Impuissants, Huck et Jim se voient contraints de descendre la rivière avec ce couple de faux aristocrates qui écument les petites villes le long de la rivière. En arrivant dans l'une ville d'entre elles, l’histoire d’un certain Peter Wilks, récemment mort et qui a laissé une grande partie de son héritage à ses deux frères qui devraient revenir d’Angleterre, les incitent à se faire passer pour eux. Alors que les trois nièces de Wilks accueillent les escrocs et se mettent rapidement à liquider la succession, quelques citadins sceptiques, - et Huck, qui a quelque penchant pour les sœurs Wilks -. La manoeuvre des deux escrocs échoue, et le voici tous les quatre obligés de s'enfuir. Les pages qui narrent les aventures et l'incroyable imbroglio tissés par les deux imposteurs (le Duc et le Roi) sont parmi les plus mouvementées à lire que Mark Twain ait pu écrire...

"I wasn’t feeling so brash as I was before, but kind of ornery, and humble, and to blame, somehow—though I hadn’t done nothing. But that’s always the way; it don’t make no difference whether you do right or wrong, a person’s conscience ain’t got no sense, and just goes for him anyway..." (chapter 33)

 

Mais le pire est à venir lorsque le duc et le dauphin entreprennent de vendre Jim à un fermier local, ajoutant que c'est un esclave en fuite et donc avec forte récompense à la clé. 

Alors que Huck découvre où Jim est détenu et décide de le libérer, il se rend compte que les personnes qui le détiennent ne sont autres que la tante et l’oncle de Tom Sawyer, Silas et Sally Phelps. Mais les Phelpses confondent Huck avec Tom, celui-ci, revenu entretemps, entre dans son jeu et se fait passer pour son propre frère cadet, Sid. 

 

À partir du moment où les deux garçons se retrouvent, à la grande surprise de Tom qui croyait que Huck était mort, le livre prend une allure moins vive. On l'a souvent dit, le dénouement de Huckleberry Fin est en effet amoindri par le retour de Tom Sawyer et les critiques sont à peu près unanimes à reconnaître sa faiblesse. La ferme de l'oncle Silas devient le théâtre de tous les événements, et l'intérêt se concentre sur les plans mirobolants de Tom pour la libération de Jim. Après de multiples complications, tout finit le mieux du monde (Jim est libre, Tom est en voie de se remettre d’une blessure par balle, et tante Sally a proposé d’adopter Huck), et le livre s'achève sur la mélancolique perspective, pour Huck, de retoumer bientôt à l'école et sur une vague allusion au projet qu'il aurait fait d`aller vivre avec les Indiens, "But I reckon I got to light out for the territory ahead of the rest, because Aunt Sally she’s going to adopt me and sivilize me, and I can’t stand it. I been there before."

En fait, fatigué de son ancienne vie, Huck envisage de continuer à vivre avec la même liberté qu’il a connu sur le radeau, la rupture de Huck avec la société est totale ...

 


Mark Twain, "The Man That Corrupted Hadleyburg" (1899)

Publié pour la première fois en 1899, The Man That Corrupted Hadleyburg (L'homme qui a corrompu Hadleyburg) est parmi les plus célèbres des courts récits écrits par Mark Twain. Hadleyburg est une bourgade américaine de quelques milliers d'habitants qui jouissent tous d'une réputation d'honnêteté incorruptible. Un homme va tenter de saper cette réputation et exposer l'hypocrisie de sas habitants, notamment des dix-neuf notables les plus estimés (The Nineteen). Il abandonne au domicile du caissier de la banque locale, Edward Richards, et sa femme, Mary, un sac de pièces d'or qui contient une note expliquant que l'on souhaite récompenser le citoyen d'Hadleyburgh qui, il y a quelques années, a donné vingt dollars et de bons conseils à un vagabond affamé. La note déclare que les conseils reçus par le joueur sont écrits et scellés dans une enveloppe à l'intérieur du sac. Ainsi, pour prouver son identité et réclamer l'argent, son bienfaiteur n'a qu'à réécrire les conseils et les soumettre au révérend Burgess qui ouvrira l'enveloppe lors d'une réunion publique. La référence à ce révérend est d'autant plus surprenante que jadis la ville s'est jadis liguée contre lui et l'on apprend qu'Edward aurait pu prouver son innocence de Burgess mais a décidé à l'époque de ne pas le faire pour ne pas être mêlé au scandale. Tant le caissier et sa femme, et l'imprimeur du journal, M. Cox, ont tour à tour la tentation de garder le sac d'or, mais la diffusion de leur annonce est déjà sortie coupant court à leurs hésitations. Peu de temps après, chacun des Dix-neuf, sans qu'ils le sachent, reçoit des lettres d'un inconnu nommé Howard Stephenson, qui explique que c'est un certain Barclay Goodson, décédé depuis, qui a aidé l'étranger, qu'il était lui-même présent et qu'il a pu ainsi entendre le fameux conseil donné au vagabond, et qu'il pense que chacun d'entre eux mérite le sac d'or pour diverses raisons. C'est ainsi que le dénommé Stephenson explique par exemple à Edward qu'il se souviens que Goodson a dit qu'il n'aimait personne dans la ville, excepté lui,  "mais que vous - je crois qu'il a dit que vous - j'en suis presque sûr - lui aviez rendu un très grand service une fois... et qu'il avait acquis une fortune, il vous l'aurait laissée à sa mort... Maintenant, si c'est vous qui lui avez rendu ce service, vous êtes son héritier légitime, et vous avez droit au sac d'or". La lettre révèle ensuite à Edward (et à tous les autres Ninesters) la remarque qui lui fera gagner le sac d'or : "You are far from being a bad man : Go, and Reform."  Incrédule au départ, chacun des Dix-neuf va se convaincre au fil des jours qu'ils ont réellement aidé Goodson et envoient donc tous les dix-neuf, au révérend Burgess, la même réponse. 

"It was many years ago. Hadleyburg was the most honest and upright town in all the region round about. It had kept that reputation unsmirched during three generations, and was prouder of it than of any other of its possessions. It was so proud of it, and so anxious to insure its perpetuation, that it began to teach the principles of honest dealing to its babies in the cradle, and made the like teachings the staple of their culture thenceforward through all the years devoted to their education. Also, throughout the formative years temptations were kept out of the way of the young people, so that their honesty could have every chance to harden and solidify, and become a part of their very bone. The neighbouring towns were jealous of this honourable supremacy, and affected to sneer at Hadleyburg's pride in it and call it vanity; but all the same they were obliged to acknowledge that Hadleyburg was in reality an incorruptible town; and if pressed they would also acknowledge that the mere fact that a young man hailed from Hadleyburg was all the recommendation he needed when he went forth from his natal town to seek for responsible employment.

But at last, in the drift of time, Hadleyburg had the ill luck to offend a passing stranger--possibly without knowing it, certainly without caring, for Hadleyburg was sufficient unto itself, and cared not a rap for strangers or their opinions. Still, it would have been well to make an exception in this one's case, for he was a bitter man, and revengeful. All through his wanderings during a whole year he kept his injury in mind, and gave all his leisure moments to trying to invent a compensating satisfaction for it. He contrived many plans, and all of them were good, but none of them was quite sweeping enough: the poorest of them would hurt a great many individuals, but what he wanted was a plan which would comprehend the entire town, and not let so much as one person escape unhurt. At last he had a fortunate idea, and when it fell into his brain it lit up his whole head with an evil joy. He began to form a plan at once, saying to himself "That is the thing to do--I will corrupt the town."


Le jour vient où Burgess doit révéler le nom de la personne qui mérite le sac d'or. Non seulement tout Hadleyburg se presse dans l'hôtel de ville, mais des journalistes et des spectateurs du pays se pressent pour assister à l'événement. Burgess ouvre le premier billet, le lit à haute voix et révèle que c'est Deacon Billson qui l'a écrit. Alors que Billson se lève pour accepter la récompense, l'avocat Wilson fait de même, pensant que Burgess a prononcé son nom. Burgess ouvre alors la note de Wilson et la lit à haute voix, et la foule découvre alors que les deux hommes ont soumis la même réponse. Il en est ainsi de tous les protagonistes à l'exception d'Edward qui bénéficie miraculeusement d'un geste de Burgess : il ouvre enfin une seconde lettre à l'intérieur du sac, une lettre qui révèle que l'histoire est en fait totalement inventée, qu'il s'agissait d'un plan pour révéler l'hypocrisie de la ville de Hadleyburg, une ville dont les "vertus" n'ont jamais été en fait éprouvées dans la réalité. Si tous les notables apparaissent ainsi compromis, et que le sac d'or se révèle en fait un sac de plomb, la plaisanterie tourne au drame lorsque le récit se poursuit avec le piège qui se referme sur Edward et sa femme, jusque-là préservés, mais entraînés par leur soif de fortune ...  

 "... No!" said Richards; "I want witnesses. I want you all to hear my confession, so that I may die a man, and not a dog. I was clean --artificially--like the rest; and like the rest I fell when temptation came. I signed a lie, and claimed the miserable sack. Mr. Burgess remembered that I had done him a service, and in gratitude (and ignorance) he suppressed my claim and saved me. You know the thing that was charged against Burgess years ago. My testimony, and mine alone, could have cleared him, and I was a coward and left him to suffer disgrace--"

"No--no--Mr. Richards, you--"

"My servant betrayed my secret to him--"

"No one has betrayed anything to me--"

--"And then he did a natural and justifiable thing; he repented of the saving kindness which he had done me, and he EXPOSED me--as I deserved--"

"Never!--I make oath--"

"Out of my heart I forgive him."

Burgess's impassioned protestations fell upon deaf ears; the dying man passed away without knowing that once more he had done poor Burgess a wrong. The old wife died that night.

The last of the sacred Nineteen had fallen a prey to the fiendish sack; the town was stripped of the last rag of its ancient glory. Its mourning was not showy, but it was deep.

By act of the Legislature--upon prayer and petition--Hadleyburg was allowed to change its name to (never mind what--I will not give it away), and leave one word out of the motto that for many generations had graced the town's official seal.

It is an honest town once more, and the man will have to rise early that catches it napping again."

À la suite de ce scandale, Hadleyburg changera de nom et modifiera  sa devise, "LEAD US NOT INTO TEMPTATION" est remplacé par  "LEAD US INTO TEMPTATION". "C'est une ville honnête une fois de plus", écrit Twain, "et l'homme qui la rattrapera devra se lever tôt".


William Dean Howells (1837-1920)

 Romancier, directeur de revue, critique littéraire, Howells a découvert et poussé nombre d'écrivains américains qui n'hésitèrent pas à s'engager, plus loin qu'il n'osa le faire, dans une écriture réaliste proche de la révolte : Crane, Norris, Veblen. Son réalisme, au sens américain du terme, est en effet jugé "prudent".

Son écriture inaugure une nouvelle approche, l'observation fidèle des détails quotidiens (Leur voyage de noces, 1872 ; Une connaissance de hasard, 1873). Mais c'est dans les années 1880 que Howells semble découvrir, lors de ses séjours à New York, le poids des problèmes sociaux les misères et les injustices de la société urbaine mais, influencé sans doute par la lecture de Tolstoï, il sera toujours tenté de voir la solution aux maux de la société dans un "art démocratique", fondé sur la perception d'une Amérique "moyenne", ou plus individuellement la bonne volonté, voire la rédemption individuelle. "The Rise of Silas Lapham" (1885) a pour sujet le personnage du self-made man. "A Hazard of New Fortunes" (1892), considéré comme son meilleur livre, traite non des problèmes de la richesse et de la pauvreté, de la grève et des mécanismes de défense du capitalisme, mais aussi de la situation mercenaire de l'écrivain et de son aliénation. L'ouvrage tente également de proposer des solutions, ici le collectivisme."A Traveller from Altruria" (1894) est le récit d'une utopie sur la société sans classe.

 

A Modern Instance, 1882 (Un cas moderne)

La Fortune de Silas Lapham

(The Rise of Silas Lapham, 1885)


Winslow Homer, Three boys in a dory, 1873, private collection

Winslow Homer (1836-1910) partage avec Mark Twain ou Louisa May Alcott, cette idéalisation du caractère libre de l'enfance à qui la nature offre un dernier refuge possible contre la corruption, les responsabilités de l'âge adulte, mais plus symboliquement encore, l'urbanisation et le révolution industrielle naissante. Winslow Homer eut une profonde influence sur Edward Hopper ou Robert Henri.


Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les Etats-Unis sont en quête d'une expression artistique, littérature ou peinture, qui leur soit propre, distincte de l'esprit européen. Cette expression est d'autant plus difficile à définir que l'art est pour une grande part totalement étranger aux attentes d'un public américain partagé entre puritanisme et affairisme sans frein : l'ouverture et l'exploration de son territoire va permettre l'émergence d'une première thématique, portée, ainsi que nous le savons, par cette fameuse "Ecole de l'Hudson" qui prolonge l'oeuvre des premiers grands peintres de l'histoire américaine que sont Thomas Cole (1801-1848) et Asher B. Durand (1796-1886), et regroupe, vers le milieu du XIXe siècle, une génération d'artistes nés après 1800 (John W. Kasilear, 1811-1893 ; John F. Kensett, 1816-1872 ; Worthington Whittredge, 1820-1910 ; Sanfort R. Gifford, 1823-1880 ; Francis Cropsey, 1828-1900). Tous, nous le savons, retrouvent dans les paysages grandioses et sauvages de cette nouvelle Amérique qui se découvrent progressivement à leurs yeux, les identifications bibliques de la Terre promise et de la Création : la dimension esthétique rejoint alors cette valeur éthique qui donne sens à leur destinée d'émigrants de la vieille Europe. Le style artistique est certes emprunté à cette Europe, le "luminisme" qui met en valeur le rôle de la lumière dans la perception des formes et des couleurs de cette nature encore vierge, la contemplation "romantique" de l'homme face aux forces naturelles, illustrée par cette fameuse Académie de Düsseldorf qui forma tant de peintres allemands ou étrangers, paysagistes ou non, entre les années 1830 et 1840. Pourtant, cette peinture qui semble contribuer au sentiment religieux d'un peuple élu, conquérant et sous protection divine, ne pénètre pas plus en avant les consciences et son succès reste ambigu.

 

En 1881, Albert Bierstadt (1830-1902) peignit les chutes du Yellowstone et Thomas Moran (1837-1926) fut le peintre de l'ouverture du plus ancien parc naturel du monde que fut le Yellowstone National Park, au nord-ouest du Wyoming (Green River, Wyoming (1878), Crystal Bridges Museum of American Art; Cliffs of Green River, 1874, Amon Carter Museum of American Art; The Grand Canyon of the Yellowstone, Smithsonian American Art Museum). Worthington Whittredge (1820-1910) séjourne en 1865 dans les Montagnes Rocheuses en compagnie de Sanford Robinson Gifford et de John Frederick Kensett.