Psychologie positive - Mihaly Csikszentmihalyi (1934), "Beyond Boredom and Anxiety" (1975), "Flow : The Psychology of Optimal Experience" (1990), "The Evolving Self : A Psychology for the Third Millennium" (1993), "Creativity" (1996), "Finding Flow: The Psychology of Engagement with Everyday Life" (1997) - Martin Seligman (1942), ""What You Can Change and What You Can’t: The Complete Guide to Successful Self-Improvement" (1993), "Authentic Happiness" (2002), "The Hope Circuit : A Psychologist's Journey from Helpleness to Optimism" (2018) - Jon Kabat-Zinn (1944), "Whereever You Go, There You Are" (1994) - ...

Last update : 2023/11/11


La "poursuite du bonheur" (the pursuit of happiness) est inscrite dans la Déclaration d’Indépendance comme un droit de tous les Américains, ainsi que sur les étagères dédiées au "selfimprovement" de chaque librairie américaine ou de part le monde. Pourtant, personne n'a vu la moindre preuve scientifique selon laquelle nous pourrions modifier notre niveau de bonheur de manière durable ni même décrire avec quelque précision ce qu'est le bonheur : mais ce qui émerge depuis la fin du XXe siècle, c'est que désormais nous pouvons côtoyer ce bonheur, qu'il existe en chacun de nous des émotions dites "positives" qui pourraient éventuellement nous acheminer aux confins de ce que serait notre conscience ....

La psychologie positive porte toutefois une question essentielle, pouvons-nous réellement et de façon durable évoluer psychologiquement, c'est le domaine qu'affectionne particulièrement Martin Seligman ...

 

Sigmund Freud avait entraîné dans le corps de la psychologie du XXe siècle, cette ancienne tradition religieuse du "péché originel", le vers était dans le fruit (ou culpabilité), fondant ainsi toute notre civilisation occidentale (tant la morale que la science, la religion que le progrès technologique) et une conception de notre nature humaine comme une défense élaborée contre les conflits fondamentaux issus de la sexualité infantile et d'un sentiment d'agression permanente : nous n'avions de cesse de réprimer ces conflits latents à cause de l’angoisse insupportable qu’ils provoquent, et cette angoisse s'exprimait en énergie considérable, générant les éléments de notre civilisation et de notre nature, et se résolvait tant intérieurement qu'extérieurement en compensation. Cette idée singulière de Freud a finalement initié une démarche toujours présente dans la pratique psychologique et psychiatrique quotidienne, où les patients partent en quête de  leur passé, à la recherche des impulsions négatives et des événements qui ont contribué à structurer leurs identités. Une démarche qui oppose plus qu'on ne pense l'Amérique à la vieille Europe, pour ne rester qu'en Occident ...

 

La psychologie dite expérimentale s'était concentrée, après la Seconde Guerre mondiale, sur les processus cognitifs et, durant la « révolution cognitive ››, un mouvement de psychologie clinique se dégagea qui refusait de ne voir les patients qu'au travers de leurs troubles, la dépression, l'anxiété et prônait une approche plus holistique, plus humaniste : il s'agissait principalement de soulager le malheur plus que de promouvoir le bonheur. Des psychologues comme Erich Fromm, Abraham Maslow (A Theory of Human motivation, 1943) et Carl Rogers (Client-Centered Therapy, 1951) commencèrent à s'interroger sur ce qu'étaít une vie "bonne et heureuse" plutôt que de chercher systématiquement à alléger le fardeau de la dépression et de l'anxiété. C'est ainsi que naquit la psychologie positive (un terme utilisé dès 1954 par A. Maslow), ...

Un chemin que découvre Mihaly Csikszentmihalyi avec ses concepts de "flow" et d' "optimal experience", une intuition surgie des pratiques humaines, de celles qui vont au bout de leurs compétences et en ressentent une joie ineffable, et nous verrons dans les années 1990 cette prise de contrôle sur la conscience, sur la conscience de nous-même, nécessaire pour enclencher notre expérience du bonheur, déboucher paradoxalement sur une perte de conscience qui se résout dans une quasi harmonie mystique. La perte de la conscience de soi conduit à la transcendance de soi, au sentiment que les limites de notre être ont été repoussées. Il ne s'agit pas de comprendre le monde ou d'étoffer une connaissance critique sur celui-ci, peu importe qu'il soit,.  Et en 1994, dans "Whereever You Go, There You Are", John Kabat-Zinn soutient la pratique de la pleine conscience pour affronter le stress, l'anxiété, la douleur et la maladie... et voir le monde autrement ...


La Créativité, nouvel horizon de la pensé proposée aux êtres humains en ce début du XXIe siècle, en droite ligne de la psychologie positive. "Creativity: Flow and the Psychology of Discovery and Invention" est l'aboutissement, en 1996, de 30 années de travail sur la créativité écrit par Mihaly Csikszentmihalyi, dans la suite logique de son concept du "Flow".

Et il existe depuis une véritable petite industrie de livres et de séminaires sur la façon d'être plus créatif, une industrie très américaines (désormais à l'échelle du monde entier) et que l'on retrouve, non sans surprises dans les annonces triomphales de cette nouvelle IA qui orne les titres de nos médias et les messages imprudents de quelques politiciens en veine d'idées prospectives.

On a connu, il y a quelques décennies, la vague des "systèmes-experts", on en a oublié les délires de nombre de commentateurs. Il faut bien vivre, écrire, gagner un peu sa vie. En 2024, l'IA est désormais le domaine qui s'offre à nos esprits, non pas pour une pensée critique (ça ne se fait plus ou on ne sait plus faire), mais pour nous proposer un univers des possibles où nous irons butiner des ressources textuelles, graphiques ou audio, afin d'alimenter ce qu'on appelle un "projet créatif" (récréatif?) : nous seront proposés de nouvelles idées, des idées auxquelles nous n'aurions sans doute pas pensé, pas manque de temps (ou manque de culture, mais on n'en parle pas), stimulant cette "extraordinaire" créativité  qui va jusqu'à nous libérer de toutes contraintes techniques ou compétence insuffisante et ordonner, une fois de plus, toutes les combinatoires possibles qui pourraient s'offrir à notre esprit. Combinatoires limitées, tout comme notre cerveau qui survit comme il peut, depuis sa préhistoire, sans avoir véritablement évolué, au moins émotionnellement ...



Dans "Flow the Psychology of Hapiness", Mihaly Csikszentmihalyi a synthétisé pour le grand public, des décennies de recherche, nous dit-il, sur le les aspects positifs de l’expérience humaine que sont la joie, la créativité, et ce processus de participation totale à la vie qu'il nomme le "FLOW".  Et avant de se tourner plus précisément vers la créativité, qui fit son véritable succès, le psychologue soutint son intuition centrale,  qu'il est erroné de rechercher le bonheur en soi. Le détour par la pratique, et non par la théorie. Nous devrions plutôt reconnaître les moments où nous sommes véritablement heureux - ce que nous faisons lorsque nous nous sentons puissants et "vrais" - et les pratiquer davantage. Les activités de flux que nous pratiquons pour le simple plaisir ou la satisfaction intellectuelle, plutôt que pour obtenir une récompense extrinsèque. On peut vouloir gagner une partie d'échecs, par exemple, mais on y joue parce qu'elle mobilise totalement l'esprit. On peut vouloir devenir un bon danseur, mais c'est l'apprentissage et la danse qui constituent la principale récompense.

Son idée centrale était tout simplement que c’est une erreur de poursuivre le bonheur par lui-même. Nous devrions tout au contraire nous focaliser sur le sentiment de bonheur lorsque nous le rencontrons, et savoir reconnaître que nous sommes vraiment heureux quand nous nous sentons puissants et « vrais » (when we feel powerful and “true”) et prêts — et faire davantage de ces choses. Les activités de flux que nous faisons pour le pur plaisir ou la satisfaction intellectuelle, plutôt que d’obtenir une récompense extrinsèque. Vous pourriez vouloir gagner une partie d’échecs, par exemple, mais vous y jouez parce que cela engage totalement votre esprit. Vous pourriez vouloir devenir un bon danseur, mais c’est l’apprentissage et la danse qui sont la récompense principale.

Csikszentmihalyi a pris ces idées et les a appliquées à la question de savoir comment certaines personnes deviennent véritablement créatives. Il ne s’intéressait pas à ce qu’il appelle la « petite » créativité qui consiste à faire un gâteau, à choisir des rideaux ou à parler avec imagination d’un enfant, mais au genre qui change tout un « domaine » ou un domaine d’activité humaine. Les gens vraiment créatifs ont la capacité de changer la façon fondamentale dont nous voyons, comprenons, apprécions ou faisons les choses, que ce soit en inventant une nouvelle machine ou en écrivant un ensemble de chansons, et Csikszentmihalyi voulait savoir ce qui les rendait différents...


C'est avec Mihály Csíkszentmihályi et son concept de "Flow" que la psychologie positive a pu enfin élaborer la trame de son courant résolument optimiste, un concept élaboré dans les années 1970, et pleinement explicité dans son livre "Flow :  The Psychology of Optimal Experience", publié en 1990 et traduit en français en 2004 sous le titre "Vivre. La psychologie du bonheur". Comme souvent aux Etats-Unis, la matière, l'intuition peut-être, est tirée de l'expérience, le concept émergea des entretiens de l'auteur avec des gens ordinaires, nous dit-il, menant des existences ordinaires, des personnes comprenant tout autant des Américains vivant en milieu urbain — des chirurgiens, des professeurs, des employés de bureau et des ouvriers, de jeunes mères de famille, des retraités et des adolescents, des musiciens, des hommes d'affaires -,  qu'issus d'autres cultures (asiatiques, australiennes, européennes). Nous leur avons tous demandé, explique-t-il, de décrire ce qu'étaient pour eux une vie épanouie et ce qu'ils ressentaient, que ce soit dans le travail ou les loisirs, lorsqu'ils avaient, dans ce contexte, le sentiment de vivre intensément, passionnément, ce qu'ils faisaient. 

"Flow is the way people describe their state of mind when consciousness is harmoniously ordered, and they want to pursue whatever they are doing for its own sake..." - Tous relatent dans ce moment d'intense bonheur, une perte  de conscience, les choses arrivent d'elles-même, les voici se sentant entraînés par un puissant courant : la personne qui le subit se sent impliquée, concentrée, absorbée; elle sait ce qui doit être fait et reçoit un retour d'information immédiat sur la manière dont elle fait les choses, le musicien sait instantanément si la note qu'il joue sonne juste et le joueur de tennis sait si la balle qu'il vient de frapper va atteindre son but. C'est un véritable état d'extase - Les gens ayant expérimenté le flow évoquent un sentiment de clarté et de sérénité associé à la disparition de la notion de temps -, nous dit Csikszentmihalyi (du grec ekstasis,  être hors de soi).  Le "flow", pour Csikszentmihályí, c'est le moyen tout simplement de profiter d'une activité de manière optimale au point de combler jusqu'aux attentes de la vie.

Le diagnostic étant posé, la finalité parfaitement définie, il s'agit désormais pour notre maître psychologue de développer cette intuition et décrire en de nombreux ouvrages et conférences  comment l'atteindre dans notre quotidien ...  "The study of flow", l’étude du flux que Csikszentmihalyi a commencé à l’Université de Chicago va se répandre dans le monde entier. À l’heure actuelle, nous dit-il, la plus vaste collection de données en dehors de Chicago se trouve à l’Institut de psychologie de la faculté de médecine de l’Université de Milan, en Italie. Le concept de flux s'est imposé aux psychologues qui étudient tant la quête du bonheur, que celle de la satisfaction de la vie et de la motivation;  les sociologues y voient le contraire de l’anomie et de l’aliénation, et les anthropologues qui s’intéressent aux phénomènes d’effervescence collective et de rituels, une voie de compréhension de  l’évolution de notre humanité.

Mais comme toujours, aux Etats-Unis, le "flow" n’est pas seulement un sujet académique, et toute théorie n'a de finalité que pratique :  dès lors que l’objectif est d’améliorer la qualité de la vie, la théorie des flux peut montrer la voie, inspirer la création de programmes scolaires  expérimentaux, la formation de cadres d’entreprise, la conception de produits et services de loisirs, générer des idées et des pratiques en psychothérapie clinique, réhabiliter des jeunes délinquants ou organiser des activités dans les maisons de retraite. On peut en sourire. Mais tout cela s’est produit dans les douze années qui ont suivi la parution des premiers articles sur le flow dans des revues savantes ...


Mihaly Csikszentmihalyi (1934)

Mihaly Csikszentmihalyi est né en 1934 à Fiume, sur l'Adriatique, et son père était le consul hongrois de ce qui était alors une ville italienne. Le nom de famille signifie "Saint Michel de la province de Csik", Csik étant à l'origine une province hongroise. Csikszentmihalyi a passé son adolescence à Rome, aidant à gérer le restaurant familial tout en recevant une éducation classique. Après avoir obtenu son diplôme, il a travaillé comme photographe et agent de voyage. En 1958, il s'inscrit à l'université de Chicago, où il obtient une licence et un doctorat. Bien qu'il soit plus intéressé par les idées de Carl Jung, il fut obligé d'étudier la psychologie behavioriste, et ce n'est que plus tard, pendant ses années de professorat à Chicago, qu'il a pu développer ses théories sur le "flux" (flow), le concept d' "expérience optimale" ( optimal experience), la créativité et le soi. Il obtint la citoyenneté américaine en 1968. Après 1997, Mihaly Csikszentmihalyi travaille avec William Damon et Howard Gardner au "GoodWork Project" en publiant en 2002 "Good Work : When Excellence and Ethics Meet" et "Good Business: Leadership, Flow and the Making of Meaning". Depuis 1999, Csikszentmihalyi est professeur à la Claremont Graduate University en Californie, où son centre de recherche sur la qualité de vie explore les aspects de la psychologie positive. En 2003, il publie "Good Business: Leadership, Flow, and the Making of Meaning" ...


"Flow: The Psychology of Optimal Experience", Mihaly Csikszentmihalyi, 1990

Mihaly Csikszentmihalyi, l’un des pionniers de la recherche en matière de bonheur individuel, offre ici un guide qu'il estime indispensable pour vivre le meilleure  de notre vie. Qu’est-ce qui peut nourrir une vie qui serait pour chacun d'entre nous satisfaisante, et même plus encore, heureuse? Qu'est-ce que le bonheur? Est-ce l’argent, un travail d'importance, une meilleure santé, plus de temps libre, posséder toujours plus, acquérir célébrité ou s'abandonner aux mille et une aventures technologiques qui s'offrent désormais à nous ?Su nous prenons la notion de "travail", nous nous constations que celui-ci n'ajoute en fin de compte qu'un peut plus d’anxiété et de pression à notre existence, de sorte que pendant notre temps libre, nous avons tendance à vivre dans l’ennui, absorbés par télévisions et smartphones. Le bonheur que nous évoquons n'est pas en fait celui que nous voudrions atteindre, quelqu'en soit l'expérience que nous semblons en faire; et ce "bonheur", dont la définition reste ambiguë, est tout autant pour chacun d'entre nous d'une description bien imprécise, comme s'il ne jouait pas en fin de compte un si grand rôle dans notre existence quotidienne ..

Mihaly Csikszentmihalyi, dans sa préface, nous dit avoir passé un quart de siècle à comprendre ce phénomène si insaisissable, vingt-cinq ans avant de commencer à pouvoir formuler sa "découverte" ...

 

"Ce que j’ai « découvert », c’est que le bonheur n’est pas quelque chose qui arrive. Ce n’est pas le résultat de la chance ou du hasard. Ce n’est pas quelque chose que l’argent peut acheter ou commander, cela ne dépend pas des événements extérieurs, mais plutôt de la façon dont nous les interprétons. Le bonheur, en effet, est une condition qui doit être préparée, cultivée et défendue en privé par chacun. Les gens qui apprennent à contrôler l’expérience intérieure seront en mesure de déterminer la qualité de leur vie, qui est aussi proche que n’importe lequel d’entre nous peut arriver à être heureux..." ( What I “discovered” was that happiness is not something that happens. It is not the result of good fortune or random chance. It is not something that money can buy or power command. It does not depend on outside events, but, rather, on how we interpret them. Happiness, in fact, is a condition that must be prepared for, cultivated, and defended privately by each person. People who learn to control inner experience will be able to determine the quality of their lives, which is as close as any of us can come to being happy)

 

Si nous ne ne pouvons pas atteindre le bonheur en le recherchant consciemment, la seule voie qui suivre à nous est celle, préalable à tout, de la maîtrise du contenu de notre conscience....

Les différentes forces qui façonnent notre expérience, et qui ont chacune un impact sur notre bien ou notre mal-être, échappent à notre contrôle. "Nous ne pouvons choisir ni les parents ni l’heure de naissance, et il n’est pas en votre pouvoir ou en le mien de décider s’il y aura une guerre ou une dépression. Les instructions contenues dans nos gènes, l’attraction de la gravité, le pollen dans l’air, la période historique dans laquelle nous sommes nés—ces conditions et d’autres innombrables déterminent ce que nous voyons, comment nous nous sentons, ce que nous faisons. Il n’est pas surprenant que nous devrions croire que notre destin est principalement ordonné par des organismes extérieurs.

Pourtant, nous avons tous connu des moments où, au lieu d’être subordonnés à des forces anonymes, nous nous sommes sentis maîtres de notre propre destin. Dans les rares occasions où cela se produit, nous ressentons un sentiment d’euphorie, un profond sentiment de plaisir qui devient un repère dans la mémoire de ce que la vie devrait être."

C'est que l'auteur entend par "expérience optimale" (optimal experience), une expérience de notre vie qui nous apporte satisfaction et que nous avons réussi à atteindre par nous-même, en allant au-delà de notre corps ou de notre pensée...

 

"In the course of my studies I tried to understand as exactly as possible how people felt when they most enjoyed themselves, and why. My first studies involved a few hundred “experts”—artists, athletes, musicians, chess masters, and surgeons—in other words, people who seemed to spend their time in precisely those activities they preferred. From their accounts of what it felt like to do what they were doing, I developed a theory of optimal experience based on the concept of flow—the state in which people are so involved in an activity that nothing else seems to matter; the experience itself is so enjoyable that people will do it even at great cost, for the sheer sake of doing it.

 

Au cours de mes études, j’ai essayé de comprendre le plus exactement possible comment les gens se sentaient quand ils heureux, et pourquoi. Mes premières études ont porté sur quelques centaines d’ "experts" — artistes, athlètes, musiciens, maîtres d’échecs et chirurgiens —, c’est-à-dire des gens qui semblaient consacrer leur temps aux activités qu’ils préféraient le plus. À partir de leurs récits sur ce que c’était de faire ce qu’ils faisaient, j’ai élaboré une théorie de l’expérience optimale fondée sur le "concept du flux" — l’état dans lequel les gens sont si impliqués dans une activité que rien d’autre ne semble avoir d’importance; l’expérience elle-même est si agréable que les gens le feront même à un coût élevé, pour le simple plaisir de le faire...."

 

Mihaly Csikszentmihalyi nous explique la principale raison pour laquelle ce "bonheur" est si difficile à atteindre ("The Roots of Discontent")  : c'est que cet univers dans lequel nous vivons n’a pas été conçu pour satisfaire l'être humain, tant au niveau de son esprit que de son corps. Cet univers est hostile, vide et froid, violent, pour survivre, hommes et femmes ont dû lutter pendant des millions d’années contre la glace, le feu, les inondations, les animaux sauvages et les micro-organismes invisibles qui apparaissent de nulle part pour nous exterminer, tout au long de l’histoire, les armes conçues pour assurer notre sécurité se sont retournées contre nous. Fondamentalement,  "les processus naturels ne prennent pas en compte les désirs humains. Ils sont sourds et aveugles à nos besoins, et donc ils sont aléatoires en contraste avec l’ordre que nous essayons d’établir à travers nos objectifs. Une météorite sur une trajectoire de collision avec New York pourrait obéir à toutes les lois de l’univers, mais ce serait toujours une nuisance. Le virus qui attaque les cellules d’un Mozart ne fait que ce qui vient naturellement, même s’il inflige une grave perte à l’humanité. « L’univers n’est pas hostile, ni encore amical », selon les mots de J. H. Holmes. « Il est tout simplement indifférent. »  .." 

(But natural processes do not take human desires into account. They are deaf and blind to our needs, and thus they are random in contrast with the order we attempt to establish through our goals. A meteorite on a collision course with New York City might be obeying all the laws of the universe, but it would still be a damn nuisance. The virus that attacks the cells of a Mozart is only doing what comes naturally, even though it inflicts a grave loss on humankind. “The universe is not hostile, nor yet is it friendly,” in the words of J. H. Holmes. “It is simply indifferent.”). 

"Il n’y a pas grand-chose que nous pouvons faire en tant qu’individus pour changer la façon dont l’univers fonctionne. Au cours de notre vie, nous exerçons peu d’influence sur les forces qui interfèrent avec notre bien-être. Il est important de faire tout ce que nous pouvons pour prévenir la guerre nucléaire, pour abolir l’injustice sociale, pour éradiquer la faim et la maladie. Mais il est prudent de ne pas s’attendre à ce que les efforts pour changer les conditions extérieures améliorent immédiatement la qualité de notre vie. Comme J. S. Mill l’a écrit : « Aucune grande amélioration dans le sort de l’humanité n’est possible, jusqu’à ce qu’un grand changement se produise dans la constitution fondamentale de leurs modes de pensée. ».  (

There is not much that we as individuals can do to change the way the universe runs. In our lifetime we exert little influence over the forces that interfere with our well-being. It is important to do as much as we can to prevent nuclear war, to abolish social injustice, to eradicate hunger and disease. But it is prudent not to expect that efforts to change external conditions will immediately improve the quality of our lives. As J. S. Mill wrote, “No great improvements in the lot of mankind are possible, until a great change takes place in the fundamental constitution of their modes of thought.”)

 

Mihaly Csikszentmihalyi rappelle donc, dans sa préface, que si nous ne pouvons effectivement contrôler ce qui nous est extérieur en ce monde, nous disposons d'une activité psychique qui nous offre, à chacun d'entre nous,  expérimentation et maîtrise, sans lequels nous ne pourrions partir en quête du bonheur ...

 

 "How we feel about ourselves, the joy we get from living, ultimately depend directly on how the mind filters and interprets everyday experiences. Whether we are happy depends on inner harmony, not on the controls we are able to exert over the great forces of the universe. Certainly we should keep on learning how to master the external environment, because our physical survival may depend on it. But such mastery is not going to add one jot to how good we as individuals feel, or reduce the chaos of the world as we experience it. To do that we must learn to achieve mastery over consciousness itself.

 

"La façon dont nous nous sentons, la joie que nous tirons de la vie, dépendent directement de la façon dont l’esprit filtre et interprète les expériences quotidiennes. Que nous soyons heureux dépend de l’harmonie intérieure, et non des contrôles que nous sommes capables d’exercer sur les grandes forces de l’univers. Certes, nous devrions continuer à apprendre à maîtriser l’environnement extérieur, car notre survie physique peut en dépendre. Mais une telle maîtrise ne va pas ajouter un iota à la façon dont nous nous sentons bien en tant qu’individus, ou réduire le chaos du monde comme nous l’expérimentons. Pour ce faire, nous devons apprendre à maîtriser la conscience elle-même..."

 

"Each of us has a picture, however vague, of what we would like to accomplish before we die. How close we get to attaining this goal becomes the measure for the quality of our lives. If it remains beyond reach, we grow resentful or resigned; if it is at least in part achieved, we experience a sense of happiness and satisfaction....

 

Chacun de nous a une image, aussi vague soit-elle, de ce que nous aimerions accomplir avant de mourir. La façon dont nous nous rapprochons de cet objectif devient la mesure de la qualité de notre vie. Si elle reste hors de portée, nous devenons rancuniers ou résignés; si elle est au moins en partie atteinte, nous éprouvons un sentiment de bonheur et de satisfaction...."

 

Pour la majorité des gens sur cette Terre, les objectifs de la vie sont malheureusement relativement simples, il s'agit de survivre, soi-même et ses enfants. Mais dès que ces problèmes fondamentaux sont résolus, il ne suffit plus d’avoir suffisamment de nourriture et un abri confortable pour nous satisfaire, de nouveaux besoins se font sentir, de nouveaux désirs surgissent. 

"Avec l’affluence et le pouvoir viennent les attentes croissantes, et comme notre niveau de richesse et de confort ne cesse d’augmenter, le sentiment de bien-être que nous espérions atteindre continue de reculer dans la distance" (New needs are felt, new desires arise. With affluence and power come escalating expectations, and as our level of wealth and comforts keeps increasing, the sense of well-being we hoped to achieve keeps receding into the distance°. La satisfaction est-elle un sentiment toujours renouvelé et  qui ne peut être jamais atteint? Améliorer laa qualité de notre vie est-il un processus insurmontable? 

 

Pour faire face à ces obstacles, chaque culture se développe avec des dispositifs de protection - religions, philosophies, arts et conforts - qui nous protègent du chaos, nous font croire que nous sommes en contrôle de ce qui se passe et nous donnent des raisons d’être satisfaits de notre sort. Mais ces garde-fous ne sont efficaces que pendant un certain temps; après quelques siècles, parfois après seulement quelques décennies, une religion ou une croyance s’use et ne fournit plus la subsistance spirituelle qu’elle avait autrefois. Et lorsque les gens essaient d’atteindre le bonheur par eux-mêmes, sans le soutien d’une foi, ils cherchent généralement à maximiser les plaisirs qui sont soit biologiquement programmés dans leurs gènes ou sont aussi attrayants par la société dans laquelle ils vivent. La richesse, le pouvoir et le sexe deviennent les principaux objectifs qui orientent leurs efforts, mais la qualité de vie ne peut être améliorée de cette façon. Et à l’apogée de sa splendeur matérielle, notre société souffre d’une étonnante variété de maux étranges....

 

Ainsi, dans leur précieux « temps libre », la plupart des gens semblent en fait utiliser leur esprit le moins possible. La plus grande partie du temps libre — presque la moitié pour les adultes américains — est passée devant le téléviseur. Les intrigues et les personnages des émissions populaires sont si répétitifs que, bien que regarder la télévision nécessite le traitement d’images visuelles, très peu d’autres éléments de mémoire, de pensée ou de volonté sont nécessaires. Sans surprise, un tel spectacle ne sollicite que très peu de concentration, peu de compétence, peu de clarté de pensée et encore moins un sentiment de puissance. Et les autres activités de loisirs que les gens font habituellement à la maison ne sont qu’un peu plus exigeantes. Lire la plupart des journaux et des magazines, parler à d’autres personnes et regarder par la fenêtre requièrent tout autant bien peu de nos facultés mentales ....

 

Le seul chemin qui nous reste pour tenter de nous extirper de cette situation et tenter de commencer à concevoir ce que peut être l'expérience du bonheur, est de, via une prise de conscience du monde qui nous entoure, traduire celle-ci en termes d'expériences d'un moi confronté à ses entreprises, à ses activités,  ses pratiques en cherchant tout simplement à être lui-même : c'est ainsi que le moi acquiert sa complexité à la suite de l’expérience du "flux", "The self becomes complex as a result of experiencing flow" ...

Paradoxalement, c’est lorsque nous agissons librement, pour le bien de l’action elle-même plutôt que pour des motifs ultérieurs, que nous apprenons à devenir plus que ce que nous étions. Lorsque nous choisissons un objectif et que nous nous y investissons aux limites de notre concentration, tout ce que nous faisons sera agréable. Et une fois que nous aurons goûté à cette joie, nous redoublerons d’efforts pour la goûter à nouveau. C’est ainsi que le moi grandit., que s'installe la confiance en soi qui permet de développer toutes nos véritables compétences ...

"Paradoxically, it is when we act freely, for the sake of the action itself rather than for ulterior motives, that we learn to become more than what we were. When we choose a goal and invest ourselves in it to the limits of our concentration, whatever we do will be enjoyable. And once we have tasted this joy, we will redouble our efforts to taste it again. This is the way the self grows  (....)  Flow is important both because it makes the present instant more enjoyable, and because it builds the self-confidence that allows us to develop skills and make significant contributions to humankind...."

 

Chapitre 1 (Happiness Revisited) et 2 (The Anatomy of Consciousness) 

"TWENTY-THREE HUNDRED YEARS AGO Aristotle concluded that, more than anything else, men and women seek happiness. While happiness itself is sought for its own sake, every other goal—health, beauty, money, or power —is valued only because we expect that it will make us happy. Much has changed since Aristotle’s time. Our understanding of the worlds of stars and of atoms has expanded beyond belief. The gods of the Greeks were like helpless children compared to humankind today and the powers we now wield. And yet on this most important issue very little has changed in the intervening centuries. We do not understand what happiness is any better than Aristotle did, and as for learning how to attain that blessed condition, one could argue that we have made no progress at all.

Despite the fact that we are now healthier and grow to be older, despite the fact that even the least affluent among us are surrounded by material luxuries undreamed of even a few decades ago (there were few bathrooms in the palace of the Sun King, chairs were rare even in the richest medieval houses, and no Roman emperor could turn on a TV set when he was bored), and regardless of all the stupendous scientific knowledge we can summon at will, people often end up feeling that their lives have been wasted, that instead of being filled with happiness their years were spent in anxiety and boredom..."

 

"Il y a vingt-trois siècles, Aristote concluait que, plus que toute autre chose, les hommes et les femmes recherchent le bonheur. Si le bonheur est recherché pour lui-même, tout autre objectif - la santé, la beauté, l'argent ou le pouvoir - n'a de valeur que parce que nous pensons qu'il nous rendra heureux. Beaucoup de choses ont changé depuis l'époque d'Aristote. Notre compréhension des mondes des étoiles et des atomes s'est développée au-delà de toute croyance. Les dieux des Grecs étaient comme des enfants sans défense comparés à l'humanité d'aujourd'hui et aux pouvoirs que nous exerçons. Et pourtant, sur cette question essentielle, très peu de choses ont changé au cours des siècles. Nous ne comprenons pas mieux qu'Aristote ce qu'est le bonheur, et pour ce qui est d'apprendre à atteindre cet état béni, on pourrait dire que nous n'avons fait aucun progrès.

Bien que nous soyons aujourd'hui en meilleure santé et que nous vieillissions, bien que même les moins riches d'entre nous soient entourés d'un luxe matériel inimaginable il y a quelques décennies (il y avait peu de salles de bains dans le palais du Roi Soleil, les chaises étaient rares même dans les maisons médiévales les plus riches), aucun empereur romain ne pouvait allumer la lumière de son téléphone portable, et aucun empereur romain ne pouvait allumer un poste de télévision lorsqu'il s'ennuyait), et en dépit de toutes les stupéfiantes connaissances scientifiques que nous pouvons convoquer à volonté, les gens finissent souvent par avoir le sentiment que leur vie a été gâchée, qu'au lieu d'être remplies de bonheur, leurs années se sont déroulées dans l'anxiété et l'ennui...."

 

"What I “discovered” was that happiness is not something that happens. It is not the result of good fortune or random chance. It is not something that money can buy or power command. It does not depend on outside events, but, rather, on how we interpret them. Happiness, in fact, is a condition that must be prepared for, cultivated, and defended privately by each person. People who learn to control inner experience will be able to determine the quality of their lives, which is as close as any of us can come to being happy."

 

"Ce que j’ai « découvert », c’est que le bonheur n’est pas quelque chose qui arrive. Ce n’est pas le résultat de la chance ou du hasard. Ce n’est pas quelque chose que l’argent peut acheter ou commander, cela ne dépend pas des événements extérieurs, mais plutôt de la façon dont nous les interprétons. Le bonheur, en effet, est une condition qui doit être préparée, cultivée et défendue en privé par chacun. Les gens qui apprennent à contrôler l’expérience intérieure seront en mesure de déterminer la qualité de leur vie, qui est aussi proche que chacun d’entre nous peut arriver à être heureux."

 

"Au cours de mes études, nous livre Mihaly Csikszentmihalyi, j’ai essayé de comprendre le plus exactement possible comment les gens se sentaient quand ils s’amusaient le plus, et pourquoi (In the course of my studies I tried to understand as exactly as possible how people felt when they most enjoyed themselves, and why). Mes premières études ont porté sur quelques centaines d’ "experts"— artistes, athlètes, musiciens, maîtres d’échecs et chirurgiens —, c’est-à-dire des gens qui semblaient consacrer leur temps aux activités qu’ils préféraient. À partir de leurs récits sur ce que c’était de faire ce qu’ils faisaient, j’ai élaboré une théorie de l’expérience optimale fondée sur le concept du flux — l’état dans lequel les gens sont si impliqués dans une activité que rien d’autre ne semble avoir d’importance; l’expérience elle-même est si agréable que les gens le feront même à un coût élevé, pour le simple plaisir de le faire...

"From their accounts of what it felt like to do what they were doing, I developed a theory of optimal experience based on the concept of flow—the state in which people are so involved in an activity that nothing else seems to matter; the experience itself is so enjoyable that people will do it even at great cost, for the sheer sake of doing it..."

 

Cette notion de "flux" rejoint ainsi celle du "bonheur", question primordiale pour tout un chacun. Et c'est au détour d'enquêtes pour mesurer la qualité de l’expérience subjective (via une . méthode d’échantillonnage d’expérience ( Experience Sampling Method) effectuées dans différentes parties du monde et qui consiste à demander aux gens de porter un dispositif de téléappel électronique pendant une semaine et d’écrire ce qu’ils ressentent et ce à quoi ils pensent chaque fois que le téléavertisseur leur signale, à des intervalles aléatoires) que s'est imposé ainsi le concept de "flux" comme susceptible de répondre en tant que méthode et pratique à la question initiale ...

- "The concept of flow has been found useful by psychologists who study happiness, life satisfaction, and intrinsic motivation; by sociologists who see in it the opposite of anomie and alienation; by anthropologists who are interested in the  phenomena of collective effervescence and rituals. Some have extended the implications of flow to attempts to understand the evolution of mankind, others to illuminate religious experience..." -, un concept de flux qui en fin de compte a été trouvé utile par les psychologues qui étudient le bonheur, la satisfaction de la vie et la motivation intrinsèque; par les sociologues qui y voient le contraire de l’anomie et de l’aliénation; par des anthropologues qui s’intéressent aux phénomènes d’effervescence collective et de rituels....

 

"The self is no ordinary piece of information, however. In fact, it contains everything else that has passed through consciousness: all the memories, actions, desires, pleasures, and pains are included in it. And more than anything else, the self represents the hierarchy of goals that we have built up, bit by bit, over the years. The self of the political activist may become indistinguishable from his ideology, the self of the banker may become wrapped up in his investments. Of course, ordinarily we do not think of our self in this way. At any given time, we are usually aware of only a tiny part of it, as when we become conscious of how we look, of what impression we are making, or of what we really would like to do if we could. We most often associate our self with our body, though sometimes we extend its boundaries to identify it with a car, house, or family...

 

Le moi n’est cependant pas une information ordinaire. En fait, il contient tout le reste qui a traversé la conscience : tous les souvenirs, les actions, les désirs, les plaisirs et les douleurs y sont inclus. Et plus que toute autre chose, le moi représente la hiérarchie des objectifs que nous avons construits, petit à petit, au fil des ans. Le soi du militant politique peut devenir indiscernable de son idéologie, le soi du banquier s'incarne dans ses investissements. Bien sûr, d’habitude nous ne pensons pas à nous-mêmes de cette façon. À un moment donné, nous ne sommes généralement conscients que d’une infime partie, comme lorsque nous devenons conscients de notre apparence, de notre impression ou de ce que nous aimerions vraiment faire si nous le pouvions. Nous nous associons le plus souvent à notre corps, bien que parfois nous étendions ses limites pour l’identifier avec une voiture, une maison ou une famille. Pourtant, peu importe combien nous en sommes conscients, le moi est à bien des égards l’élément le plus important de la conscience, car il représente symboliquement tous les autres contenus de la conscience, ainsi que le modèle de leurs interrelations." (Yet however much we are aware of it, the self is in many ways the most important element of consciousness, for it represents symbolically all of consciousness’s other contents, as well as the pattern of their interrelations).

 

"L’une des principales forces qui nuisent à la conscience est le désordre psychique, c’est-à-dire l’information qui entre en conflit avec les intentions existantes ou qui nous empêche de les réaliser. Nous donnons à cette condition plusieurs noms, selon la façon dont nous l’expérimentons : douleur, peur, rage, anxiété ou jalousie. Toutes ces variétés de désordre forcent l’attention à être détournée vers des objets indésirables, ne nous laissant plus libres de l’utiliser selon nos préférences. L’énergie psychique devient lourde et inefficace.

L'état optimal de l'expérience intérieure est celui dans lequel la conscience est "structurée". Cela se produit lorsque l'énergie psychique - ou l'attention - est investie dans des objectifs réalistes et que les compétences correspondent aux possibilités d'action. La poursuite d'un objectif met de l'ordre dans la conscience parce qu'une personne doit concentrer son attention sur la tâche à accomplir et oublier momentanément tout le reste...

 

 "We have called this state the flow experience, because this is the term many of the people we interviewed had used in their descriptions of how it felt to be in top form" : nous avons appelé cet état l’expérience de "flux", parce que c’est le terme que beaucoup de personnes que nous avons interviewées ont utilisé dans leurs descriptions de la façon dont il se sentait être en forme supérieure : « C’était comme flotter » (It was like floating) ou « J’ai été entraîné par le flux » (I was carried on by the flow) ... Ce sentiment de "flux" nous entraîne dans un état de profonde conscience, toutes nos pensées, nos intentions, nos sentiments et tous les sens sont fovcalisés dans une même direction, à la fin de cet épisode, nous nous ressention splus en harmonie avc nous-même et avec le monde qui nous environne.... Un pas vers la transformation de notre vie, nous dit l'auteur ...

 

Après la conscience de cette prise de conscience, nous entrons dans une phase ultime, à la suite de cette expérience, la perte de conscience, "The Loss of Self-Consciousness" ...

 

"When a person becomes so dependent on the ability to control an enjoyable activity that he cannot pay attention to anything else, then he loses the ultimate control: the freedom to determine the content of consciousness. Thus enjoyable activities that produce flow have a potentially negative aspect: while they are capable of improving the quality of existence by creating order in the mind, they can become addictive, at which point the self becomes captive of a certain kind of order, and is then unwilling to cope with the ambiguities of life.

 

"Quand une personne devient tellement dépendante de la capacité de contrôler une activité agréable qu’elle ne peut pas faire attention à autre chose, alors elle perd le contrôle ultime : la liberté de déterminer le contenu de la conscience. Ainsi, les activités agréables qui produisent du flux ont un aspect potentiellement négatif : alors qu’elles sont capables d’améliorer la qualité de l’existence en créant de l’ordre dans l’esprit, elles peuvent devenir addictives, à ce moment-là, le moi devient captif d’un certain ordre, et ne veut pas faire face aux ambiguïtés de la vie.

 

"Preoccupation with the self consumes psychic energy because in everyday life we often feel threatened. Whenever we are threatened we need to bring the image we have of ourselves back into awareness, so we can find out whether or not the threat is serious, and how we should meet it. For instance, if walking down the street I notice some people turning back and looking at me with grins on their faces, the normal thing to do is immediately to start worrying ...

 

"La préoccupation de soi consomme de l’énergie psychique parce que dans la vie quotidienne, nous nous sentons souvent menacés. Chaque fois que nous sommes menacés, nous devons ramener l’image que nous avons de nous-mêmes dans la conscience, afin que nous puissions découvrir si oui ou non la menace est grave, et comment nous devrions la rencontrer. Par exemple, si, en marchant dans la rue, je remarque que certaines personnes se retournent et me regardent avec le sourire, la chose normale à faire est de commencer immédiatement à s’inquiéter : « Y a-t-il quelque chose qui ne va pas? Est-ce que j’ai l’air drôle? Est-ce la façon dont je marche ou est-ce que mon visage est taché?» (Is there something wrong? Do I look funny? Is it the way I walk, or is my face smudged?) Des centaines de fois chaque jour, on nous rappelle notre vulnérabilité. Et chaque fois que cela se produit, l’énergie psychique est perdue en essayant de rétablir l’ordre dans la conscience (?” Hundreds of times every day we are reminded of the vulnerability of our self. And every time this happens psychic energy is lost trying to restore order to consciousness).

 

Ainsi, en fin de compte, nous dit-on,  la perte de conscience de soi n’implique pas une perte de soi, et certainement pas une perte de conscience : mais seulement une perte de conscience de soi (So loss of self-consciousness does not involve a loss of self, and certainly not a loss of consciousness, but rather, only a loss of consciousness of the self)...

 

"Loss of self-consciousness can lead to self-transcendence, to a feeling that the boundaries of our being have been pushed forward. This feeling is not just a fancy of the imagination, but is based on a concrete experience of close interaction with some Other, an interaction that produces a rare sense of unity with these usually foreign entities ...

 

"La perte de la conscience de soi peut conduire à la transcendance de soi, au sentiment que les limites de notre être ont été repoussées. Ce sentiment n’est pas seulement une fantaisie de l’imagination, mais est basé sur une expérience concrète d’interaction étroite avec un Autre, une interaction qui produit un rare sentiment d’unité avec ces entités habituellement étrangères. Pendant les longues veilles de la nuit, le marin solitaire commence à sentir que le bateau est une extension de lui-même, se déplaçant aux mêmes rythmes vers un objectif commun (During the long watches of the night the solitary sailor begins to feel that the boat is an extension of himself, moving to the same rhythms toward a common goal) ...

 

Et cette croissance du moi ne se produit que si l’interaction est agréable, c’est-à-dire si elle offre des possibilités d’action non triviales et nécessite une perfection constante des compétences...

 

"This growth of the self occurs only if the interaction is an enjoyable one, that is, if it offers nontrivial opportunities for action and requires a constant perfection of skills. It is also possible to lose oneself in systems of action that demand nothing but faith and allegiance. Fundamentalist religions, mass movements, and extremist political parties also offer opportunities for self-transcendence that millions are eager to accept. They also provide a welcome extension of the boundaries of the self, a feeling that one is involved in something great and powerful. The true believer also becomes part of the system in concrete terms, because his psychic energy will be focused and shaped by the goals and rules of his belief. But the true believer is not really interacting with the belief system; he usually lets his psychic energy be absorbed by it. From this submission nothing new can come; consciousness may attain a welcome order, but it will be an order imposed rather than achieved...

 

"Il est aussi possible de se perdre dans des systèmes d’action qui n’exigent que foi et allégeance. Les religions fondamentalistes, les mouvements de masse et les partis politiques extrémistes offrent également des possibilités de dépassement de soi que des millions de personnes sont désireuses d’accepter. Ils fournissent également une extension bienvenue des limites du soi, un sentiment que l’on est impliqué dans quelque chose de grand et de puissant. Le vrai croyant fait aussi partie du système en termes concrets, parce que son énergie psychique sera concentrée et façonnée par les objectifs et les règles de sa croyance. Mais le vrai croyant n’interagit pas vraiment avec le système de croyance ; il laisse habituellement son énergie psychique être absorbée par lui. De cette soumission, rien de nouveau ne peut venir; la conscience peut atteindre un ordre bienvenu, mais ce sera un ordre imposé plutôt qu’atteint ...

 

Voici enfin résumé ce qu'il faut attendre de cette expérience avec laquelle joue notre conscience  ..

"In flow a person is challenged to do her best, and must constantly improve her skills. At the time, she doesn’t have the opportunity to reflect on what this means in terms of the self—if she did allow herself to become self-conscious, the experience could not have been very deep. But afterward, when the activity is over and selfconsciousness has a chance to resume, the self that the person reflects upon is not the same self that existed before the flow experience: it is now enriched by new skills and fresh achievements. (Dans le flux, une personne est mise au défi de faire de son mieux et doit constamment améliorer ses compétences, mais jusque-là, elle n’avait  pas eu l’occasion de réfléchir à ce que cela impliquait  pour elle-même, et sans cette perte de conscience, elle n'aurait pas atteint une profondeur d'existence. Mais par la suite, lorsque l’activité est terminée et que la conscience de soi reprend le dessus, alors ce moi sur lequel la personne réfléchit n’est plus le même que celui qui existait avant l’expérience du flux : il est maintenant enrichi par de nouvelles compétences et de nouvelles réalisations...

 

Dans le chapitre 3 (Enjoyment and the Quality of Life), l'auteur décrit ces périodes de lutte entreprises pour surmonter les différents défis qui s'offrent à nous et souvent les moments les plus agréables de la vie. C'est ainsi qu'une personne qui a réussi à contrôler son énergie psychique et à l'investir dans des objectifs consciemment choisis ne peut que devenir un être plus complexe. En élargissant ses compétences, en s'efforçant de relever des défis plus élevés, elle devient un individu de plus en plus "extraordinaire"...

 

Dans le chapitre 4 (The Conditions of the Flow experience), l'auteur revient sur les témoignages relatifs à cette "expérience optimale" au cours de laquelle nous nous adonnons entièrement à telle ou telle activité jusqu'à nous perdre nous-même ...

"WE HAVE SEEN HOW PEOPLE DESCRIBE the common characteristics of optimal experience: a sense that one’s skills are adequate to cope with the challenges at hand, in a goal-directed, rule-bound action system that provides clear clues as to how well one is performing. Concentration is so intense that there is no attention left over to think about anything irrelevant, or to worry about problems. Self-consciousness disappears, and the sense of time becomes distorted. An activity that produces such experiences is so gratifying that people are willing to do it for its own sake, with little concern for what they will get out of it, even when it is difficult, or dangerous. But how do such experiences happen? ..."

Pourquoi cetrtaines activités nous sont-elles plus agréables que d'autres? Ce chapitre explore ces activités particulières susceptibles de produire des expériences optimales, ainsi que les traits de caractère qui aident les gens à atteindre facilement la fameuse "fluidité" de leurs expériences respectives ...

Et, remarque l'auteur, "l’un des paradoxes les plus ironiques de notre époque est cette grande disponibilité de loisirs dont nous disposons et qui ne se traduit que très peu en quelque sentiment de plaisir (One of the most ironic paradoxes of our time is this great availability of leisure that somehow fails to be translated into enjoyment). Par rapport aux gens qui vivaient il y a seulement quelques générations, nous avons énormément plus de possibilités de passer un bon moment, mais rien n’indique que nous apprécions la vie plus que nos ancêtres. Toutefois, les possibilités ne suffisent pas à elles seules. Nous avons aussi besoin de compétences pour les utiliser (Compared to people living only a few generations ago, we have enormously greater opportunities to have a good time, yet there is no indication that we actually enjoy life more than our ancestors did. Opportunities alone, however, are not enough. We also need the skills to make use of them). Et nous devons savoir comment contrôler la conscience, une compétence que la plupart des gens n’ont pas appris à cultiver (And we need to know how to control consciousnes, a skill that most people have not learned to cultivate). Entourés d’une panoplie étonnante de gadgets récréatifs et de choix de loisirs, la plupart d’entre nous continuent à s’ennuyer et à être vaguement frustrés (Surrounded by an astounding panoply of recreational gadgets and leisure choices, most of us go on being bored and vaguely frustrated)...

 

Ce fait nous amène à la deuxième condition qui affecte la possibilité de réaliser ces fameuses expériences optimale" : "la capacité d’un individu à restructurer la conscience afin de rendre le flux possible" (an individual’s ability to restructure consciousness so as to make flow possible). "Certaines personnes s’amusent où qu’elles soient, tandis que d’autres s’ennuient même lorsqu’elles sont confrontées aux perspectives les plus éblouissantes. Donc, en plus de considérer les conditions externes, ou la structure des activités de flux, nous devons également prendre en compte les conditions internes qui rendent le flux possible...."

 

Les chapitres 5 (The Body in Flow) et 6 (The Flow of Thought) - Nous ne pouvons, nous rappelle l'auteur, compter uniquement sur les jeux et l'art pour améliorer la qualité de notre vie. Pour parvenir à contrôler ce qui se passe dans l'esprit, on peut en effet s'appuyer sur une gamme presque infinie de possibilités de plaisir, par exemple en utilisant des compétences physiques et sensorielles allant de l'athlétisme à la musique en passant par le yoga (chapitre 5), ou en développant des compétences symboliques telles que la poésie, la philosophie ou les mathématiques (chapitre 6)....

 

Dans nos études, nous avons constaté que toutes les activités de flux, qu'elles impliquent la compétition, le hasard ou toute autre dimension de l'expérience, ont ceci en commun : elles procurent un sentiment de découverte, un sentiment créatif qui transporte la personne dans une nouvelle réalité. Elle pousse la personne à atteindre des niveaux de performance plus élevés et la conduit à des états de conscience jusqu'alors insoupçonnés. En bref, elle a transformé le moi en le rendant plus complexe. C'est dans cette croissance du moi que réside la clé des activités de flux....

 

"A simple diagram might help explain why this should be the case. Let us assume that the figure below represents a specific activity—for example, the game of tennis. The two theoretically most important dimensions of the experience, challenges and skills, are represented on the two axes of the diagram. The letter A represents Alex, a boy who is learning to play tennis. The diagram shows Alex at four different points in time. When he firststarts  laying (A1), Alex has practically no skills, and the only challenge he faces is hitting the ball over the net. This is not a very difficult feat, but Alex is likely to enjoy it because the difficulty is just right for his rudimentary skills. So at this point he will probably be in flow. But he cannot stay there long. After a while, if he keeps practicing, his skills are bound to improve, and then he will grow bored just batting the ball over the net (A2). Or it might happen that he meets a more practiced opponent, in which case he will realize that there are much harder challenges for him than just lobbing the ball—at that point, he will feel some anxiety (A3) concerning his poor performance."

 

Les chapitres 7 (Work as Flow) et 8 (Enjoying Solitude and Other People) poursuivent dans d'autres domaines la pratique de cette activité du "Flow", après le corps, et la pensée, le monde des relations humaines, la plupart des gens ne passent-ils pas la plus grande partie de leur vie à travailler et à interagir avec les autres, en particulier avec les membres de leur famille. Il est donc crucial d’apprendre à transformer nos potentialités en activités génératrices de flux (chapitre 7) et de réfléchir aux moyens de rendre les relations avec les parents, les conjoints, les enfants et les amis des plus agréables (chapitre 8). On en vient dans le chapitre 9 (Cheating Chaos) à évoquer des cas limites en termes de difficultés et de stress en tout genre et nos réactions en terme d'atteinte du bonheur malgré l’adversité.

Le chapitre 10 (The Making of Meaning), le problème du sens, conclut le livre de Mihaly Csikszentmihalyi en décrivant comment les gens parviennent à fusionner  toutes leurs expériences dans un modèle significatif qui aboutit au sentiment pour chacun d'entre nous d'être parvenu à contrôler une existence qui, non seulement a su échapper aux désirs et aux insatisfactions permanentes au profit d'une existence jugée agréable, mais plus encore à développer cette complexité de l'esprit qui nous habite tous potentiellement : "la tâche des prochaines décennies et des prochains siècles consistera à réaliser cette composante sous-développée de l'esprit. Tout comme nous avons appris à nous séparer les uns des autres et de l'environnement, nous devons maintenant apprendre à nous réunir avec les autres entités qui nous entourent sans perdre notre individualité durement acquise. La foi la plus prometteuse pour l'avenir pourrait se fonder sur la prise de conscience que l'univers tout entier est un système lié par des lois communes et qu'il est absurde d'imposer nos rêves et nos désirs à la nature sans en tenir compte. En reconnaissant les limites de la volonté humaine, en acceptant un rôle de coopération plutôt que de domination de l'univers, nous devrions ressentir le soulagement de l'exilé qui rentre enfin chez lui. Le problème du sens sera alors résolu, le but de l'individu se fondant dans le flux universel" (The most promising faith for the future might be based on the realization that the entire universe is a system related by common laws and that it makes no sense to impose our dreams and desires on nature without taking them into account. Recognizing the limitations of human will, accepting a cooperative rather than a ruling role in the universe, we should feel the relief of the exile who is finally returning home. The problem of meaning will then be resolved as the individual’s purpose merges with the universal flow) .

 


"Creativity: Flow and the Psychology of Discovery and Invention",  Mihaly Csikszentmihalyi, 1996. 

Complexité de l'humain et créativité - Csikszentmihalyi a repris ces idées et les a appliquées à la question de savoir comment certaines personnes deviennent véritablement créatives, très concrètement, comme à son habitude. Il ne s'est pas intéressé à ce qu'il appelle la "petite créativité", qui consiste à faire un gâteau, à choisir des rideaux ou à laisser libre cours à l'imagination d'un enfant, mais à celle qui modifie tout un "domaine" ou toute une sphère de l'activité humaine. Les personnes réellement créatives ont la capacité de changer la manière fondamentale dont nous voyons, comprenons, apprécions ou faisons les choses, que ce soit en inventant une nouvelle machine ou en écrivant une série de chansons, et Csikszentmihalyi voulait savoir ce qui les rendait différentes...

 

Tout débute par l'étude des créatifs (Studying the creative) ...

Au début de "Creativity), Csikszentmihalyi fournit des informations sur ce qu'il affirme être la première étude systématique sur les personnes créatives vivantes, comprenant des entretiens avec 91 personnes considérées comme ayant eu un impact exceptionnel sur leur domaine, qu'il s'agisse des arts, des affaires, du droit, du gouvernement, de la médecine ou de la science (les scientifiques comprenaient 14 lauréats du prix Nobel). Parmi les noms cités figurent Mortimer J. Adler, philosophe ; John Bardeen, physicien ; Kenneth Boulding, économiste ; Margaret Butler, mathématicienne ; Subrahmanyan Chandrasekhar, astrophysicien ; Barry Commoner, biologiste ; Natalie Davis, historienne ; Gyorgy Faludy, poète ; Nadine Gordimer, écrivain ; Stephen Jay Gould, paléontologue ; Hazel Henderson, économiste ; Ellen Lanyon, artiste ; Ernst Mayr, zoologiste ; Brenda Milner, psychologue ; Ilya Prigogine, chimiste ; John Reed, banquier ; Jonas Salk, biologiste ; Ravi Shankar, musicien ; Benjamin Spock, pédiatre ; et Eva Zeisel, créatrice de céramiques.

Il vaut la peine de se procurer Creativity rien que pour lire des articles sur ces personnes, dont certaines sont carrément célèbres et d'autres sont surtout connues dans leur propre domaine. Presque tous les sujets avaient plus de 60 ans, ce qui a permis à Csikszentmihalyi d'étudier des carrières bien développées et d'obtenir des informations sur les secrets de la réussite créative à l'âge mûr...

 

La créativité en contexte (Creativity in context) ...

Csikszentmihalyi suggère que l'idée commune selon laquelle un individu créatif est à l'origine de grandes idées, découvertes, œuvres ou inventions de manière isolée est erronée. La créativité résulte d'une interaction complexe entre une personne et son environnement ou sa culture, et dépend également du moment.

Par exemple, si les grands artistes de la Renaissance comme Ghiberti ou Michel-Ange étaient nés 50 ans avant eux, la culture du mécénat artistique n'aurait pas été en place pour financer ou façonner leurs grandes réalisations. Prenons également le cas des astronomes : Leurs découvertes n'auraient pas pu avoir lieu si des siècles de développement technologique du télescope et d'évolution de la connaissance de l'univers ne les avaient pas précédés.

L'idée de Csikszentmihalyi est que nous devrions accorder autant d'attention au développement d'un domaine qu'aux personnes qui y travaillent, car c'est la seule façon d'expliquer correctement comment les progrès sont réalisés. Les individus ne sont que "le maillon d'une chaîne, une phase d'un processus" ( a link in a chain, a phase in a process), note-t-il. Einstein a-t-il vraiment "inventé" (invent) la théorie de la relativité ? Edison a-t-il "inventé" l'électricité ? Cela revient à dire que l'étincelle est responsable du feu, alors que le feu implique bien sûr de nombreux éléments.

Les produits de la créativité ont également besoin d'un public réceptif pour les évaluer. Une création disparaît si elle n'est pas reconnue. "Memes" sont l'équivalent culturel des gènes, des éléments tels que la langue, les coutumes, les lois, les chansons, les théories et les valeurs. S'ils sont forts, ils survivent, sinon ils se perdent. Les personnes créatives cherchent à créer des "memes" qui peuvent avoir un impact sur leur culture. Plus le créateur est grand, plus l'impact des "memes" est durable et profond.

 

L'une des premières orientations de cette créativité, "Tout d'abord, aimez votre travail" ... (First, love your work) - "Les percées créatives ne tombent jamais du ciel. Elles sont presque toujours le résultat d'années de travail acharné et d'une attention particulière". De nombreuses découvertes créatives sont le fruit de la chance, en particulier celles de type scientifique, mais la "chance" survient généralement après des années de travail approfondi dans le domaine où la découverte a été faite. Csikszentmihalyi parle de l'astronome Vera Rubin, qui a découvert que les étoiles de certaines galaxies ne tournent pas toutes dans le même sens : certaines tournent dans le sens des aiguilles d'une montre, d'autres dans le sens inverse. Elle n'aurait pas fait cette découverte si elle n'avait pas eu accès à un nouveau type d'analyse spectrale plus claire, et cet accès était dû au fait qu'elle était déjà connue pour ses contributions substantielles dans ce domaine. Rubin ne cherchait pas à faire une grande découverte, mais plutôt le résultat d'une observation minutieuse des étoiles et de l'amour de son travail. Son objectif était d'enregistrer des données, mais c'est son dévouement qui lui a permis de faire des découvertes surprenantes. Les personnes véritablement créatives travaillent pour le plaisir du travail, et si elles font une découverte publique ou deviennent célèbres, c'est un bonus. Ce qui les motive, plus que les récompenses, c'est le désir de trouver ou de créer de l'ordre là où il n'y en avait pas auparavant.

 

Seconde exigence, "être un maître avant d'être un créateur" (Be a master before a creator) ..

L'image populaire de la personne créative est qu'elle défie toutes les normes, tous les dogmes et toutes les coutumes. Cette image est cependant erronée, car toute personne qui crée un véritable changement a d'abord dû maîtriser son domaine, c'est-à-dire s'imprégner et maîtriser les compétences et les connaissances qui s'y rapportent. Ce n'est que plus tard, après avoir maîtrisé son domaine, que l'on peut véritablement faire preuve de créativité, car l'intégration des "règles" du domaine permet de les contourner ou de les enfreindre pour créer quelque chose de nouveau. En bref, pour faire de nouvelles choses, il faut d'abord avoir bien fait les anciennes. Le bon sens ?

 

Csikszentmihalyi synthétise certaines caractéristiques créatives qui semblent communes à toutes ses manifestations (Common creative features) ...

L'idée d'une personne créative torturée est en grande partie un mythe. La plupart des personnes interrogées étaient très satisfaites de leur vie et de leur production créative. Par contre on rencontre chez elles curiosité et dynamisme. Les personnes créatives prennent leur intuition au sérieux, cherchant des modèles là où d'autres voient de la confusion, et sont capables d'établir des liens entre des domaines de connaissance distincts. Si les personnes créatives sont souvent considérées comme arrogantes, mais c'est généralement parce qu'elles veulent consacrer l'essentiel de leur attention à leur travail passionnant. Un environnement spécifique semble nécessaire, et certainement pas des séminaires sur la "créativité". Csikszentmihalyi s'avance un peu en nous que ce n'est ni à l'école ni dans une université que l'on rencontra un créatif ; que nombreuses personnes considérées plus tard comme des génies n'étaient pas particulièrement remarquables lorsqu'elles étaient enfants;  que de nombreux créateurs sont orphelins ou n'ont eu que peu de contacts avec leur père, mais une mère très impliquée et aimante; que la plupart d'entre eux appartenaient à une des deux catégories de familles, pauvres ou défavorisés,-  mais avec des parents qui les ont néanmoins poussés à poursuivre leurs études -, ou ont grandi dans des familles d'intellectuels, de chercheurs, de professionnels, d'écrivains, de musiciens, etc. Seuls 10 % d'entre eux appartenaient à la classe moyenne. Première leçon, nous dit l'auteur : pour devenir un adulte puissamment créatif, il est préférable d'être élevé dans une famille qui valorise l'effort intellectuel, et non dans une famille qui célèbre le confort de la classe moyenne. Enfin, le fait qu'il n'existe qu'une seule "personnalité créative" est un mythe, toutes les personnes créatives semblent avoir en commun la complexité, elles "tendent à porter en elles tout l'éventail des possibilités humaines" ...

 

Pour conclure, écrit Csikszentmihalyi, il serait trop facile de considérer les personnes créatives comme une élite privilégiée. Au contraire, leur vie est un message qui montre que nous devrions tous être en mesure de trouver un travail épanouissant et que nous aimons. Mais la plupart des personnes interrogées dans le cadre de son étude ne venaient pas de milieux privilégiés, mais ont dû se battre pour faire ce qu'elles voulaient face aux pressions économiques ou familiales.  

 

Pourquoi devrions-nous vraiment nous soucier de la créativité ? Les travaux de Csikszentmihalyi sur l'expérience du flux ont montré qu'elle se produit plus facilement lorsque les gens sont engagés dans "la conception ou la découverte de quelque chose de nouveau". Nous sommes plus heureux lorsque nous sommes créatifs parce que nous perdons notre sentiment d'identité et que nous avons l'impression de faire partie de quelque chose de plus grand. Nous sommes en fait programmés pour tirer satisfaction et plaisir de la découverte et de la créativité, explique-t-il, car les résultats de ces activités contribuent à notre survie en tant qu'espèce. De nouvelles idées sont plus que jamais nécessaires à la survie de la planète, et les meilleures d'entre elles sont susceptibles d'émaner de personnes véritablement créatives... 


Martin Seligman (1942)

"FIRST, DURING MY LIFETIME psychology abandoned behaviorism and took cognition seriously. Second, during my lifetime psychology turned its attention from misery toward happiness. Third, during my lifetime psychology finally took evolution and the brain seriously. And fourth, during my lifetime psychology moved from its obsession with the past to researching how the brain thinks about the future" (D’abord. pendant ma vie, la psychologie a abandonné le comportementalisme et a pris la cognition au sérieux. Deuxièmement, au cours de ma vie, la psychologie a tourné son attention de la misère vers le bonheur. Troisièmement, au cours de ma vie, la psychologie a finalement pris l’évolution et le cerveau au sérieux. Et quatrièmement, au cours de ma vie, la psychologie est passée de son obsession du passé à la recherche sur la façon dont le cerveau pense à l’avenir). - Né à Albany, dans l'Etat de New York, Martin Seligman  passe en 1964 une maîtrise de philosophie à l'université de Princeton  avant de s'orienter vers la psychologie, présenter un doctorat à l'université de Princeton, avant de s'orienter vers la psychologie. Il présente un doctorat à l'université de Pennsylvanie puis enseigna pendant trois ans à l'université Cornell (New York). En 1976, il obtient une chaire de psychologie. Les travaux qu'il effectue sur la dépression aboutissent à l'élaboration de la théorie de l' "impuissance apprise" et la recherche d'un moyen de contrer le pessimisme insidieux qui lui est associé : cette impuissance apprise consiste à renforcer des attitudes pessimistes dans des pathologies comme la dépression. Mais alors que les traitements obtenus dans les années 1980 montraient une certaine efficacité, Seligman part en quête d'une thérapie qui pourrait s'intéresser tant aux forces qu'aux faiblesses de ses patients : il ne s'agit pas d'atténuer  ou de supprimer ce qui nous rend malheureux, mais d'identifier et de favoriser ce qui peut nous rendre heureux. Les émotions négatives et les traits de personnalité négatifs ont des limites biologiques très fortes, et sans doute que la meilleure science et la meilleure pratique jamais proposées avec les approches que préconisent Seligman dans ses différents ouvrages sont-elles d’encourager les gens "à vivre dans la meilleure partie de leur gamme de symptômes psychologiques" ...

En philosophe, Seligman identifie trois types de vie heureuse, la "vie agréable", recherche du plaisir, la plus éphémère, la "vie pleine", caractérisée par le succès dans les relations, travail ou activités de loisir, et la "vie intense", que l'on peut traduire comme un engagement envers une cause plus grande que soi. Dans les années 1990, Seligmen passe ainsi de cette notion de la dépression à la "psychologie positive" et, face à une expérience personnelle ("THE CHANGE IN my own life and the change in psychology are intertwined"), finit par se persuader que la clé du bonheur réside dans la concentration de ces forces positives. Il est à l'origine du Centre de psychologie positive de l'université de Pennsylvanie ...

Dans son cheminement, Seligman va retrouver le fameux état de "flow", ou état extatique", décrit par Mihaly Csikszentmihalyi : vie pleine et vie intense supposent une telle implication dans nos activités qu'elles mènent effectivement à cette expérience.

Seligman ajoute toutefois sa petite musique : les relations sociales font partie intégrante de la vie "agréable", mais les gens qui vivent une vie vie "pleine" ou "intense" sont tous extrêmement sociables. Ainsi donc, si les relations sociales ne garantissent pas le bonheur suprême, aucun bonheur ne peut être complet sans elles... 

 

Plus que certains psychologues, Martin Seligman se pose, au détour de la psychologie positive, une question essentielle : pouvons-nous réellement et de façon durable évoluer psychologiquement ... Les idéologies de la psychiatrie biologique et de l’auto-amélioration veulent nous proposer une résolution de nos problèmes, mais qui n'est qu'apparente. Il y a des choses en nous qui peuvent être changées, d’autres qui ne le peuvent pas, et d’autres qui ne peuvent être changées qu’avec une extrême difficulté. Que pouvons-nous réussir à changer à notre sujet? Que ne pouvons-nous pas faire? 

 

"TWO WORLDVIEWS are in collision. On the one hand, this is the age of psychotherapy and the age of self-improvement. Millions are struggling to change: We diet, we jog, we meditate. We adopt new modes of thought to counteract our depressions. We practice relaxation to curtail stress. We exercise to expand our memory and to quadruple our reading speed. We adopt draconian regimes to give up smoking. We raise our little boys and girls to androgyny. We come out of the closet or we try to become heterosexual. We seek to lose our taste for alcohol. We seek more meaning in life. We try to extend our life span.

 

"DEUX VISIONS DU MONDE s'affrontent. D'une part, c'est l'ère de la psychothérapie et de l'amélioration de soi. Des millions de personnes s'efforcent de changer : nous suivons un régime, nous faisons du jogging, nous méditons. Nous adoptons de nouveaux modes de pensée pour contrer nos dépressions. Nous pratiquons la relaxation pour réduire le stress. Nous faisons de l'exercice pour développer notre mémoire et quadrupler notre vitesse de lecture. Nous adoptons des régimes draconiens pour arrêter de fumer. Nous éduquons nos petits garçons et nos petites filles à l'androgynie. Nous sortons du placard ou nous essayons de devenir hétérosexuels. Nous cherchons à perdre notre goût pour l'alcool. Nous cherchons à donner plus de sens à notre vie. Nous essayons de prolonger notre durée de vie.

 

"Sometimes it works. But distressingly often, self-improvement and psychotherapy fail. The cost is enormous. We think we are worthless. We feel guilty and ashamed. We believe we have no willpower and that we are failures. We give up trying to change.

 

Parfois, cela fonctionne. Mais il est affligeant de constater que l'amélioration de soi et la psychothérapie échouent souvent. Le coût est énorme. Nous pensons que nous ne valons rien. Nous nous sentons coupables et honteux. Nous pensons que nous n'avons pas de volonté et que nous sommes des ratés. Nous renonçons à changer....

 

Martin Seligman commence par contester l'ère de la "psychiatrie biologique" dont certains se réclament encore. Face à un âge de "l’auto-amélioration et de la thérapie" (the age of self-improvement and therapy), se dresse une autre idéologie, celui de l’âge de la psychiatrie biologique (the age of biological psychiatry). Le génome humain sera presque cartographié, "les systèmes cérébraux qui sous-tendent le sexe, l’ouïe, la mémoire, la main gauche et la tristesse sont maintenant connus. Les drogues psychoactives - des agents externes - apaisent nos peurs, soulagent notre blues, nous apportent le bonheur, atténuent notre manie et dissolvent nos délires plus efficacement que nous ne le pouvons par nous-mêmes. Notre personnalité même - notre intelligence et notre talent musical, même notre religiosité, notre notre conscience (ou son absence), notre politique et notre exubérance - s’avère être plus le produit de nos gènes que presque personne n’aurait cru il y a une décennie (...) Le message sous-jacent de l’ère de la psychiatrie biologique est que notre biologie rend souvent impossible le changement, malgré tous nos efforts..." On en sait beaucoup aujourd'hui sur le changement. Une grande partie de ces connaissances n’existe que dans la littérature technique, et elles ont souvent été obscurcies par des intérêts commerciaux, thérapeutiques et, pas des moindres, politiques. Il y a longtemps, les comportementalistes disaient au monde que tout pouvait être changé : intelligence, sexualité, humeur, masculinité ou féminité. Les psychanalystes affirment toujours qu’avec suffisamment de perspicacité, tous vos traits de personnalité peuvent être reprogrammés. 

 

Dans "Learned Optimism: How to Change Your Mind and Your Life" (1990) puis "What You Can Change and What You Can’t: The Complete Guide to Successful Self-Improvement" (1993),  Martin Seligman s'était attaqué à ce climat généralisé d’auto-amélioration (self-improvement) qui imprègne notre culture,  traitant tout à la fois l'alcoolisme, l’anxiété, la perte de poids, la colère, la dépression, le dysfonctionnement sexuel et une gamme de phobies et d’obsessions des plus variés, un énorme marché d'informations et de méthodes contestables qui débouchait pour beaucoup sur de la frustration ou la rechute. Après avoir fourni une analyse critique de ces différents domaines, il proposait, pour chacun d'entre eux, des facteurs naturels qui permettaient d'apporter des changements durables...

 

"Here are some facts about what you can change" - Voici quelques faits sur ce que vous pouvez changer : La panique peut être facilement désapprise, mais ne peut être guérie par des médicaments. Les "dysfonctionnements" sexuels - frigidité, impuissance, éjaculation précoce - sont faciles à désapprendre. Nos humeurs, qui peuvent faire des ravages sur notre santé physique, sont facilement contrôlables. La dépression peut être guérie par de simples changements dans la pensée consciente ou aidée par des médicaments, mais elle ne peut pas être guérie par un regard sur l'enfance. L'optimisme est une compétence qui s'apprend. Une fois acquise, elle permet d'améliorer les résultats au travail et la santé physique.

Voici quelques faits qui ne peuvent faire l'objet de modifications : Les régimes, à long terme, ne fonctionnent presque jamais. Les enfants ne deviennent pas androgynes facilement. Aucun traitement n'est connu pour améliorer le cours naturel de la guérison de l'alcoolisme. L'homosexualité ne devient pas hétérosexuelle. Le fait de revivre les traumatismes de l'enfance n'efface pas les problèmes de personnalité de l'adulte...

 

"Ce livre est le premier guide précis et factuel de ce que vous pouvez changer et de ce que vous ne pouvez pas changer. Puisque je m'apprête à soutenir que tant d'affirmations à grand renfort de trompettes sur l'auto-amélioration, la psychothérapie, les médicaments et la génétique ne sont pas dignes de foi, que certaines choses en vous ne changeront pas quels que soient vos efforts, mais que d'autres changeront facilement, vous devriez en savoir un peu plus sur mes qualifications. J'ai passé les trente dernières années à travailler sur la question de la "plasticité", le jargon académique pour dire ce qui change et ce qui ne change pas. J'ai travaillé des deux côtés de la rue...." (This book is the first accurate and factual guide to what you can change and what you cannot change. Since I am going to argue that so many loudly trumpeted claims about self-improvement, psychotherapy, medication, and genetics are not to be believed, that some things about you will not change no matter how much you try, but that other things will change easily, you should know a little about my qualiɹcations. I have spent the last thirty years working on the question of “plasticity,” academic jargon for what changes and what doesn’t. I have worked both sides of the street) ...

 

"La nature de la bête : la dépression, l'anxiété, la stupidité, la méchanceté, le stress traumatique, l'alcoolisme, la graisse, la "perversion" sexuelle. Lorsque j'étais un jeune théoricien de l'apprentissage, je savais que je poursuivais ces bêtes. Je ne me rendais pas compte alors que pour les comprendre, il fallait tenir compte d'une autre bête, la bête humaine.

 

"The nature of the beast. depression, anxiety, stupidity, meanness, traumatic stress, alcoholism, fatness, sexual “perversion.” When I was a callow learning theorist, I knew I was stalking after those beasts. I did not then realize that to understand them I had to take into account another beast, the human beast."

 

"Mon idéologie me disait que l'environnement était entièrement responsable des bêtes psychologiques. La stupidité est causée par l'ignorance ; fournissez suffisamment de livres et d'éducation, et vous guérirez la stupidité. La dépression et l'anxiété sont causées par des traumatismes, en particulier les mauvaises expériences de l'enfance ; minimisez les mauvaises expériences, élevez des enfants sans adversité, et vous bannirez la dépression et l'anxiété. Les préjugés sont causés par la méconnaissance ; faites connaissance avec les gens et les préjugés disparaîtront. La "perversion" sexuelle est causée par la répression et le refoulement ; laissez libre cours à votre imagination et tout le monde deviendra un hétérosexuel libidineux. Mon parti pris actuel est que, bien que tout cela ne soit pas totalement faux, c'est très incomplet. La longue histoire évolutive de notre espèce a également façonné nos bêtises, nos peurs, notre tristesse, nos crimes, ce que nous désirons, et bien d'autres choses encore. L'espèce que nous sommes se combine à ce qui nous arrive pour nous accabler de bêtes psychologiques ou pour nous en protéger. Pour comprendre et éliminer ces effets malveillants, nous devons faire face à la bête humaine...."

 

"My ideology told me that environment is completely responsible for the psychological beasts. Stupidity is caused by ignorance; provide enough books and education, and you will cure stupidity. Depression and anxiety are caused by trauma, particularly bad childhood experience; minimize bad experience, raise children without adversity, and you will banish depression and anxiety. Prejudice is caused by unfamiliarity; get people acquainted, and prejudice will disappear. Sexual “perversion” is caused by repression and suppression; let it all hang out, and everyone will become lusty heterosexuals.My bias now is that while this is not wholly wrong, it is seriously incomplete. The long evolutionary history of our species has also shaped our stupidities, our fears, our sadness, our crimes, what we lust after, and much else besides. The species we are combines with what actually happens to us to burden us with psychological beasts or to protect us against them. To understand and undo such malevolent eʃects, we must face the human beast."...

 

Et dans "The Hope Circuit" (2018), Martin E. P Seligman offrira de nombreuses techniques, simples, expliquant comment briser le bien connu et  habituel « j’abandonne » (how to break an “I–give-up” habit), concevoir un attitude plus constructive pour interpréter notre comportement et expérimenter les avantages d’un dialogue intérieur plus positif. ...


"Authentic Happiness : using the new positive psychology to realize your potential for lasting your fulfillment" (2002)

"I use happiness and well-being: The word happiness is the overarching term that describes the whole panoply of goals of Positive Psychology" - J’utilise, écrit Seligman, les termes de "bonheur" et de "bien-être", et le terme de "bonheur" n'est que le terme global qui décrit toute la panoplie d’objectifs de la psychologie positive. Le mot lui-même n’est pas un terme dans la théorie (contrairement au plaisir ou au flux, qui sont des entités quantifiables avec des propriétés psychométriques reconnues, c’est-à-dire qu’elles montrent une certaine stabilité dans le temps et la fiabilité parmi les observateurs). Le bonheur en tant que terme est comme le terme cognition dans le domaine de la psychologie cognitive ou de l’apprentissage dans la théorie de l’apprentissage. Ces termes ne font que nommer un champ, mais ils ne jouent aucun rôle dans les théories sur le terrain....

Selon Martin Seligman, le bonheur n’est pas le résultat de bons gênes ou de la chance, le vrai bonheur durable vient du fait de se concentrer sur ses forces personnelles plutôt que sur ses faiblesses, et de travailler avec elles pour améliorer tous les aspects de sa vie. À l’aide d’exercices pratiques, de brefs tests et d’un programme web dynamique, Seligman montre aux lecteurs comment identifier leurs plus hautes vertus et les utiliser d’une manière qu’ils n’ont pas encore envisagée. Il installe son propos dans le champs de la psychologie positive, qu'il structure en trois études, l’étude de l’émotion positive, celle des traits positifs, que sont forces,  vertus, et capacités, et enfin celle relatives aux "institutions" dites positives, comme la démocratie, les familles fortes, la liberté de presse ou de pensée, qui soutiennent vertus et émotions positives. Les émotions positives de confiance et d’espoir, par exemple, nous sont nécessaires quand la vie devient difficile; en période de crise, ne dit-on pas qu'il est essentiel de comprendre et de renforcer ces mêmes institutions positives ...

 

"The great lesson of the endless debates about “What is happiness?” is that happiness comes by many routes. Looked at in this way, it becomes our life task to deploy our signature strengths and virtues in the major realms of living: work, love, parenting, and finding purpose. These topics occupy the third part of this book. So this book is about experiencing your present, past, and future optimally, about discovering your signature strengths, and then about using them often in all endeavors that you value. Importantly, a “happy” individual need not experience all or even most of the positive emotions and gratifications..."

 

"La grande leçon à tirer des débats sans fin sur la question du bonheur est qu'il existe de nombreuses voies d'accès au bonheur. Vu sous cet angle, notre tâche consiste à déployer les forces et les vertus qui nous caractérisent dans les principaux domaines de la vie : le travail, l'amour, l'éducation des enfants et la recherche d'un but. Ces sujets occupent la troisième partie de ce livre. Ce livre a donc pour but de vous permettre de vivre votre présent, votre passé et votre avenir de manière optimale, de découvrir les forces qui vous caractérisent et de les utiliser souvent dans toutes les activités qui vous tiennent à cœur. Il est important de noter qu'une personne "heureuse" n'a pas besoin d'éprouver toutes les émotions et gratifications positives, ni même la plupart d'entre elles..."


Jon Kabat-Zinn (1944)

Nous sommes davantage que nos pensées - La méditation bouddhiste qui encourage la pratique de la pleine conscience (mindfulness meditation) depuis plus de 2000 ans semble reconnue, cliniquement, depuis les débuts des années 1990. Mais il a fallu attendre les années 1960, pour que le moine bouddhiste vietnamien, et militant de la paix, Thích Nhất Hạnh (1926-2022) popularise aux Etats-Unis la méditation de pleine conscience ("The Miracle of Mindfulness", "Peace Is Every Step: The Path of Mindfulness in Everyday Life", 1990). 

Du point de vue bouddhiste, notre état de conscience ordinaire est assez limité : nous faisons souvent des choses inconsciemment, sans être pleinement présents dans l’instant. Le simple fait que nous faisons toujours quelque chose, alors que les pensées nous traversent la tête sans cesse, laisse très peu de place pour nous-mêmes. Donc, pour vraiment intégrer ce présent, nous devons systématiquement observer qui nous sommes et examiner notre vision du monde, ce qui, essentiellement, est la pleine conscience. Alors pourquoi être conscient? La pleine conscience est un outil qui nous aide à réaliser toutes nos potentialités et nos évolutions. La cultiver nous permet de réintégrer en nous des aspects de nous-mêmes que nous négligeons souvent, nous ouvrant à de nouvelles façons d’exister à la fois dans notre propre identité et dans le monde. Sur ce chemin, deux obstacles à surmonter, notre esprit pensant et notre égocentrisme. Patience et la pleine conscience sont profondément liées, avec patience, nous acceptons les choses telles qu’elles sont et que les événements qui adviennent surgissent toujours au bon moment...

Les bénéfices thérapeutiques de la méditation attirèrent l'attention du psychologue américain Jon Kabat-Zinn qui développa, dès 1982, une méthode intégrant celle-ci à la psychologie cognitive et la faisant connaitre sous le nom de "réduction du stress par la pleine conscience" (Stress Reduction and Relaxation Program). Il s'agit d'observer pensées et processus mentaux, et tout autant le corps et ses processus physiologiques, avec un regard qui serait décentré et ne porterait aucun jugement. C'est ainsi que l'on apprend, en s'abandonnant à cette "méditation de pleine conscience" à se laisser entrainer par les choses, à ne pas les rejeter, à les laisser tout simplement exister. Et que nous pouvons observer, calmement, nos pensées, et ce sans s'identifier à elles : à prendre ainsi conscience que notre esprit a une vie qui lui est propre. Chacun de nous, répète Kabat-Zin, est davantage qu'un corps, et davantage que les pensées qui traversent notre esprit ...

 

"Meditation Is Not What You Think" entend nous montrer pourquoi et comment adopter la méditation de pleine conscience dans  notre vie : elle est à même de transformer notre relation à notre pensée : ne sommes nous pas si souvent emprisonnés par elles lorsque nous oublions qu’elles ne sont que des pensées et que des événements dans le domaine de la conscience, plutôt que dans celui d'une vérité toute faite. "Falling Awake", explore en détail comment cultiver systématiquement la pleine conscience dans notre vie quotidienne. Le pouvoir de guérison et de transformation de la pleine conscience réside dans la pratique elle-même. La pleine conscience n’est pas une technique. C’est une façon d’être en relation apaisée avec l’ensemble de notre expérience intérieure et extérieure. Et cela signifie que nos sens, tous — et il y en a beaucoup plus de cinq — jouent un rôle énorme essentiel. "The Healing Power of Mindfulness", porte sur la promesse de la pleine conscience, il en explore les avantages potentiels dans une perspective très large. ..

Dans les années 1990, Zindel Segal, Mark Williams et John D. Teasdale développent la thérapie cognitive basée sur la méditation pleine conscience, inspirée de celle de Kabat-Zinn, pour traiter la dépression ...