Feminism - Betty Friedan (1921-2006), "The Feminine Mystique" (La Femme mystifiée), "The Second Stage" (1981), "The Fountain of Age" (1993), "Beyond Gender" (1997) - Germaine Greer (1939), "The Female Eunuch" (1970, La femme eunuque) - "Sex and Destiny: The Politics of Human Fertility" (1984), "The Change: Women, Aging and the Menopause" (1991), "The Whole Woman" (1999) - Susan Faludi , "Backlash: The Undeclared War Against American Women" (1991)...

Last update: 12/12/2022


"The Problem That Has No Name" - Le féminisme en tant que mouvement a failli disparaître pendant les années de la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale, et il fallut attendre les années 1960 pour que ce mouvement reprenne vie et existence : l'un des ouvrages qui inspira cette renaissance fut, aux Etats-Unis, "The Feminine Mystique", de Betty Friedan (1963). Il fut un best-seller instantané. Explorant le malheur vécu, intériorisé,  par les femmes blanches de la classe moyenne, le livre a résonné avec des millions de femmes américaines, et Friedan devint une porte-parole de premier plan, bien que parfois controversée, de ce mouvement féministe soudain redynamisé. Comme beaucoup de voix féministes, il ne s'agit pas ici de théoriser ou de concevoir quelque abstraction, mais l'oeuvre est à consonance autobiographique, on y parle de vécu et d'expérience dans un monde de faux-semblants et d'hypocrisie latente . Comme autant de pièges qui peuvent à tout moment se refermer sur soi : la féminité en est un, aisément manipulable en domination masculine permanente, et si vulnérable en compréhension féminine. Soutenant que la biologie d’une femme ne devrait pas déterminer sa vie, dès après Betty Friedan, vint Germaine Greer, toutes deux ont décrit et contesté l’image de la féminité idéalisée imposée aux femmes par l’éducation, la vie quotidienne et la psychologie, les exhortant à contester systématiquement les stéréotypes, tous les stéréotypes, encore faut-il les reconnaître ... 

 


La "ménagère" (housewife),  doit-elle attendre le succès d'une révolution mondiale pour acquérir enfin sa totale liberté ? -  Après la Seconde Guerre mondiale, au tout début des années 1950, les femmes en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne sont encouragées à quitter leur carrière construites en temps de guerre et à regagner la sphère domestique. Mais les textes de Simone de Beauvoir vont s'imposer rapidement, dans le monde entier, notamment occidental, comme ceux d'une incontournable médiatrice d'une condition féminine qui parviendra en quelques trente années, - si l'on prend pour référence son ouvrage de référence, "Le Deuxième Sexe" (1949) -, à briser ce qu'elle décrivait, en existentialiste : ce principe d' "immanence" en vertu duquel les femmes sont limitées, par et dans leur expérience du monde, si ce n'est soumises tant à un confinement physique de leur existence qu'à des barrières intellectuelles que la société globale et la "transcendance" donnée par défaut à l'homme leur imposent. Le "Deuxième Sexe" fut un succès mondial, et, malgré les erreurs de langage et de concepts de sa première traduction anglaise, lança aux Etats-Unis la seconde vague du mouvement féministe radical que portent, entre autres, Betty Friedan (La femme mystifiée, 1963) et Germaine Greer (La femme eunuque, 1970). Toutes deux vont ainsi inspirer une génération d'activistes féministes réagissant au retour des valeurs familiales de la femme au foyer et de l'épouse modèle consécutive à la Seconde Guerre mondiale...

(An advertisement for dishwashing liquid in 1956 portrays the stereotypical American housewife as a selfless wife and mother embodying what Friedan called the "feminine mystique"). 

 

En 1963, Betty Friedan identifie un "problème qui n'a pas de nom", qu'elle ressent et partage intimement avec  nombre de femmes au foyer de la classe moyenne. Elle en vient à concevoir cette fameuse « mystique féminine » comme une féminité idéalisée impossible à atteindre pour les femmes. Le succès fut tel auprès du public féminin de l'époque que celle-ci éditera un peu plus tard un second livre portant sur les multiples réactions et témoignages de ses lectrices, "It Changed My Life". Et de même, pour les femmes nées dans l’immédiat après-guerre, il y eut les années BG et AG – et « avant Greer» et » et « après Greer»: il est trop facile de sous-estimer son influence, mais le fait est qu’en 1970, chaque femme de gauche qui se respecte possédait une copie de "The Female Eunuch"...

(Des femmes inondent la Cinquième Avenue de New York lors de la Grève des Femmes pour l’Egalité organisée en août 1970, un événement reproduit dans d’autres villes américaines. La marche a été menée par l’Organisation nationale pour Les femmes, cofondées par Friedan). 

 

Les périodiques et les revues féminines ont prospéré au XIXe siècle, en particulier aux États-Unis, où l’obtention du droit de vote était un objectif majeur pour les femmes. Avec le suffrage largement atteint à la fin des années 1920 des deux côtés de l’Atlantique (mais pas en France jusqu’en 1944), le nombre de publications féministes a commencé à diminuer ...

jusqu'au retour de L’édition "féministe" des années 1970. La domesticité étouffante, représentée par le best-seller de Betty Friedan "The Feminine Mystique" (1963), fut le premier déclencheur, tout comme le récit de la journaliste et activiste Gloria Steinem sur l’exploitation humiliante qu’elle a subie en tant que Playboy Bunny, également publié cette année-là ("Outrageous Acts and Everyday Rebellions", 1983, en est le prolongement). L’édition par et pour les femmes faisait partie de la « révolution » dont Steinem a parlé dans ses discours, arguant que les femmes ne devraient pas simplement rechercher la réforme : le monde - et surtout la politique - avait besoin d’un changement fondamental, radical ...


Betty Friedan ...

Née Bettye Naomi Goldstein à Peoria, Illinois, en 1921, Friedan est diplômée en psychologie du Smith College pour femmes en 1942. Intéressée par la politique de gauche, elle a fréquenté l’Université de Berkeley pendant un an avant d’écrire pour des publications syndicales. Friedan s’est mariée en 1947 et est devenue écrivaine indépendante après avoir perdu son emploi parce qu’elle était enceinte. Engagée pour une plus grande participation publique des femmes, elle a cofondé en 1966 et est devenue la première présidente de l’Organisation nationale pour les femmes (NOW), le plus grand organisme féministe des États-Unis sur l’égalité des droits. En 1971, elle participe à la création du Caucus politique national des femmes avec d’autres féministes, dont Gloria Steinem et Bella Abzug. Plus tard, elle a critiqué l’extrémisme dans le mouvement féministe. Elle est décédée en 2006 ...

 

Poursuivant ses recherches sur ce paradoxe, Friedan a interviewé plus de femmes, ainsi que des psychologues, des éducateurs, des médecins et des journalistes. Elle a découvert que ces sentiments de mécontentement étaient partagés par les femmes partout en Amérique.

En 1963, Friedan a publié ses conclusions dans le livre "The Feminine Mystique", dans lequel elle note que, tout en faisant campagne, les femmes avaient tant combattu et accompli pendant la première vague du féminisme, les aspirations des femmes avaient changé à la fin des années 1940. Bien que plus de femmes fréquentaient l’université, seul un petit nombre d’entre elles ont entrepris une carrière. Les femmes ont continué de voir la « mystique féminine », une image idéalisée de la féminité enracinée dans le mariage et la famille, comme le rôle le plus désirable qui leur soit offert. Elle observe comment elles se mariaient à un âge plus jeune qu’auparavant, aidant souvent leurs maris à terminer leur carrière universitaire, puis consacrant leur vie à élever des enfants et à faire un foyer pour la famille ...

 

Comment toute femme doit se déshabiller devant son mari ...

 

L'IMAGE IDEALE - Selon Friedan, les femmes de l'après-guerre ont subi d'énormes pressions pour se conformer à la mystique féminine. Les magazines féminins, tels que le Ladies' Home Journal et McCall's, qui, dans les années 1930, présentaient des femmes jeunes et indépendantes, étaient désormais remplis de photos de femmes au foyer américaines satisfaites, dans des maisons confortables équipées des derniers gadgets. Des articles tels que "La féminité commence à la maison" (Femininity Begins at Home), "La gestion d'un foyer" (The Business of Running a Home) et "Comment piéger un homme" (How to Snare a Male) renforçaient l'image des femmes en tant qu'objets sexuels et femmes au foyer, tandis que des articles tels que "La politique, un monde vraiment masculin" (Really a Man’s World, Politics) laissaient entendre que la vie en dehors du foyer était réservée aux hommes. Friedan évoque également l'impact de la pensée freudienne sur la création de la mystique féminine, rappelant aux lecteurs que Freud attribuait tous les problèmes rencontrés par les femmes à la répression sexuelle. Notant que les psychologues ont adopté les vues de Freud, elle affirme que la psychanalyse en tant que thérapie n'est pas en soi responsable de la mystique féminine, mais qu'elle a informé les écrivains, les chercheurs, les professeurs d'université et d'autres éducateurs, ce qui a eu un effet restrictif sur les femmes. Selon Friedan, "la mystique féminine, élevée par la théorie freudienne au rang de religion scientifique, n'a fait entendre aux femmes qu'une note unique, surprotectrice, limitant leur vie et leur interdisant tout avenir" (The feminine mystique, elevated by Freudian theory into a scientific religion, sounded a single, overprotective, life-restricting, future-denying note for women) ...

 

Betty Friedan, "The Feminine Mystique" (1963, La Femme mystifiée), 

1 The Problem That Has No Name - 2 The Happy Housewife Heroine - 3 The Crisis in Woman’s Identity - 4 The Passionate Journey - 5 The Sexual Solipsism of Sigmund Freud - 6 The Functional Freeze, the Feminine Protest, and Margaret Mead - 7 The Sex-Directed Educators - 8 The Mistaken Choice - 9 The Sexual Sell - 10 Housewifery Expands to Fill the Time Available - 11 The Sex-Seekers - 12 Progressive Dehumanization: The Comfortable Concentration Camp - 13 The Forfeited Self - 14 A New Life Plan for Women

 

"Si j’ai raison, le problème qui n’a pas de nom dans l’esprit de tant de femmes américaines aujourd’hui n’est pas une question de perte de féminité ou trop d’éducation, ou les exigences de la domesticité. C’est beaucoup plus important que quiconque ne le reconnaît. C’est la clé de ces autres problèmes nouveaux et anciens qui torturent les femmes, leurs maris et leurs enfants, et intriguent leurs médecins et leurs éducateurs depuis des années. C’est peut-être la clé de notre avenir en tant que nation et culture. Nous ne pouvons plus ignorer cette voix chez les femmes qui dit : « Je veux quelque chose de plus que mon mari, mes enfants et ma maison."

 

"If I am right, the problem that has no name stirring in the minds of so many American women today is not a matter of loss of femininity or too much education, or the demands of domesticity. It is far more important than anyone recognizes. It is the key to these other new and old problems which have been torturing women and their husbands and children, and puzzling their doctors and educators for years. It may well be the key to our future as a nation and a culture. We can no longer ignore that voice within women that says: “I want something more than my husband and my children and my home."

 

We can no longer ignore that voice within women that says, ‘I want something more than my husband and my children and my home," - « Nous ne pouvons plus ignorer cette voix chez les femmes qui dit : « Je veux quelque chose de plus que mon mari, mes enfants et ma maison », a conclu Betty Friedan dans le premier chapitre de son étude historique de 1963 sur ses contemporains. Friedan a découvert son thème lorsqu’on lui a demandé : en 1957, pour mener un sondage auprès de ses camarades de classe du Smith College à l’occasion du quinzième anniversaire de leur diplôme, et a noté dans leurs réponses le mécontentement récurrent quant à l’endroit où ils se trouvaient. Pourquoi, Friedan a entrepris d’enquêter, Tant de femmes américaines de son temps et de sa classe étaient-elles malheureuses? Beaucoup d’autres sociologues, psychologues et, si l’on peut dire, écrivains de fiction de l’après-guerre avaient découvert des flux importants de malaise culturel dans la population en général, citons David Riesman, "The Lonely Crowd", ou Norman Mailer, “The Man Who Studied Yoga.” 

En ces années 1950 et au début des années 1960, les contextes héroïques de la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale, où chacun avec une certaine conscience des périls en cours, se répandait par vagues successives le confort de la consommation et de la conformité, qui, pour beaucoup, étaient de la facilité, mais sans relief. Cela n'empêchait pas le magazine Life, en 1956, de faire un éloge du retour des femmes américaines au foyer...

 

"The Feminine Mystique" est un cri de rage très spécifique sur la façon dont les femmes intelligentes et bien éduquées ont été tenues à l’écart de la vie professionnelle américaine et considérées comme un peu plus qu’un ensemble d’organes reproducteurs en talons. C’est une description très spécifiquement personnelle, et c’est ce qui lui donne un tel pouvoir de frappe au livre. Friedan avait abandonné ses études de troisième cycle parce que, selon elle, sa réussite scolaire menaçait son petit ami. Elle était furieuse de la façon dont les étudiantes de la prochaine génération avaient été programmées pour considérer l’obtention d’un diplôme MRS comme la fin de leur expérience dans l’enseignement supérieur. Elle ne supportait pas la façon dont la profession psychiatrique considérait le malheur des femmes au foyer comme un symptôme d’une libido débridée. Elle était en colère contre la façon dont l’économie semblait voir son sexe comme simple machine à consommer participant activement à la prospérité nationale en achetant de nouveaux appareils pour la cuisine et en cherchant par tous les moyens le détergent à lessive le plus opérationnel. Et ce, abondamment relayé et illustré par les magazines féminins qui célébraient, jour après jour, le style de vie idéal de banlieue auquel toute femme ne pouvait que se conformer.

 

"The problem lay buried, unspoken for many years in the minds of American women." - Au moment où Friedan a commencé à écrire son livre, la majorité des familles américaines étaient des propriétaires, de leurs maisons, de leurs voitures et de leurs télévisions, prenaient des vacances et espéraient envoyer leurs enfants à l’université. Les emplois étaient faciles à obtenir, à tel point que des employeurs désespérés préparaient des campagnes publicitaires qui pourraient convaincre les femmes mariées qu’un bon travail de bureau ou de vente à temps partiel serait un excellent moyen de gagner de l’argent pour les extras pour la maison et les enfants. Et peut-êre était-ce l'époque au cours de lquelle, pour la première fois dans l’histoire américaine, tout individu avait les moyens et le loisir de se demander s'il était vraiment heureux. Friedan ne l’était pas, et la question semblait pas encore l'une des plus importantes qui pouvaient se poser dans l’esprit des femmes américaines. Ce fut sans doute une bien singulière expérience lorsque vint à leur esprit un étrange sentiment d’insatisfaction, "Alors qu’elle préparait les lits, achetait des provisions, assortissait des housses, mangeait des sandwichs au beurre de cacahuètes avec ses enfants...",  “As she made the beds, shopped for groceries, matched slipcover material, ate peanut butter sandwiches with her children, chauffeured Cub Scouts and Brownies, lay beside her husband at night - she was afraid to ask even of herself the silent question -‘is this all?’ ” - eurent-elles peur de se poser la question silencieuse : « Est-ce tout? » .. L'évolution ne fut pas brutale, mais insidieuse, quelques regards sur le passé, des interrogations sur l'avenir, sur soi ... 

 

En ce début des années 1960, "The Feminine Mystique" n’a certes pas créé le mouvement des droits des femmes, des commissions sur la condition des femmes avaient été lancées par l’administration Kennedy avant sa publication, et la Loi sur les droits civiques était débattue au Congrès alors que les ménagères américaines commençaient seulement à prendre connaissance du livre de Friedan. L'aspect le plus décisif de l'ouvrage est la perception qu'a Friedan de la nature factice des récits mis à la disposition des femmes pour façonner une idée du bonheur qu'elles puissent s'approprier, où dominent les notions de mariage et de maternité. 

Comment, se demande Friedan, les femmes pourraient-elles devenir les protagonistes de l'histoire de leur propre vie ?

Là encore elle sait mettre en évidence les forces qui contrôlent les idéaux de féminité et de domesticité qu'elle considère comme décourageants pour les femmes de sa propre génération : les gourous de la publicité qui glorifient les vertus du travail ménager et de la femme au foyer ; le patrimoine psychosexuel contre nature de Sigmund Freud ; les rédacteurs masculins des magazines "féminins" ; la conspiration discrète des éducateurs qui s'efforcent de maintenir les étudiantes à l'écart des enceintes plus libératrices et égalitaires de l'apprentissage et de l'avancement professionnel. Témoignage personnel et historique de la lutte pour l'égalité des droits et des chances, "The Feminine Mystique" a été un catalyseur du mouvement des femmes dans les années 1960 et au-delà ...

 

En 1957, Friedan, déjà journaliste expérimentée, a mené une enquête intensive auprès de ses camarades de classe 15 ans après avoir tous obtenu leur diplôme. Elle se sentait déjà un peu coupable que, en tant qu’épouse et mère de trois jeunes enfants, elle était parfois obligée de travailler loin de la maison. Cela l’a amenée à remettre en question sa propre situation et à parler à d’autres femmes de leurs sentiments et de leurs expériences. Les femmes qu’elle a interviewées étaient blanches, diplômées de l’université, mariées avec des enfants, vivant généralement dans les banlieues verdoyantes, et à toutes les apparences extérieures économiquement confortables. Cependant, à maintes reprises, Friedan a constaté que ces femmes étaient malheureuses; elles ont exprimé leur mécontentement, mais ont été incapables d’en identifier la cause. Les femmes interrogées par Friedan ne pouvaient pas exprimer le problème; elles disaient plutôt qu’elles estimaient qu’elles n’existaient pas, qu’elles étaient inexplicablement fatiguées ou qu’elles devaient utiliser des tranquillisants pour effacer leurs sentiments de mécontentement. Friedan a appelé ce sentiment de malheur « le problème qui n’a pas de nom »...

 

"The Problem That Has No Name"

"The problem lay buried, unspoken, for many years in the minds of American women. It was a strange stirring, a sense of dissatisfaction, a yearning that women suffered in the middle of the twentieth century in the United States. Each suburban wife struggled with it alone. As she made the beds, shopped for groceries, matched slipcover material, ate peanut butter sandwiches with her children, chauffeured Cub Scouts and Brownies, lay beside her husband at night—she was afraid to ask even of herself the silent question—“Is this all?”

 

Le problème est resté enfoui, inexprimé, pendant de nombreuses années dans l'esprit des femmes américaines. C'était une étrange agitation, un sentiment d'insatisfaction, un désir ardent dont les femmes souffraient au milieu du vingtième siècle aux États-Unis. Chaque femme de la banlieue luttait seule contre ce sentiment. En faisant les lits, en faisant les courses, en assortissant les housses, en mangeant des sandwichs au beurre de cacahuète avec ses enfants, en conduisant les louveteaux et les jeannettes, en s'allongeant à côté de son mari la nuit, elle avait peur de se poser à elle-même la question silencieuse : "Est-ce tout ?"

 

For over fifteen years there was no word of this yearning in the millions of words written about women, for women, in all the columns, books and articles by experts telling women their role was to seek fulfillment as wives and mothers. Over and over women heard in voices of tradition and of Freudian sophistication that they could desire no greater destiny than to glory in their own femininity. Experts told them how to catch a man and keep him, how to breastfeed children and handle their toilet training, how to cope with sibling rivalry and adolescent rebellion; how to buy a dishwasher, bake bread, cook gourmet snails, and build a swimming pool with their own hands; how to dress, look, and act more feminine and make marriage more exciting; how to keep their husbands from dying young and their sons from growing into delinquents. They were taught to pity the neurotic, unfeminine, unhappy women who wanted to be poets or physicists or presidents. They learned that truly feminine women do not want careers, higher education, political rights—the independence and the opportunities that the old-fashioned feminists fought for.

 

 Pendant plus de quinze ans, ce désir n'a pas été évoqué dans les millions de mots écrits sur les femmes, pour les femmes, dans toutes les colonnes, tous les livres et tous les articles d'experts expliquant aux femmes que leur rôle était de s'épanouir en tant qu'épouses et en tant que mères. À maintes reprises, les femmes ont entendu les voix de la tradition et de la sophistication freudienne leur dire qu'elles ne pouvaient aspirer à un plus grand destin que celui de se glorifier de leur propre féminité. Des experts leur ont expliqué comment attraper un homme et le garder, comment allaiter les enfants et s'occuper de leur apprentissage de la propreté, comment gérer la rivalité entre frères et sœurs et la rébellion des adolescents, comment acheter un lave-vaisselle, faire du pain, cuisiner des escargots gastronomiques et construire une piscine de leurs propres mains, comment s'habiller, paraître et agir de manière plus féminine et rendre le mariage plus excitant, comment empêcher leurs maris de mourir jeunes et leurs fils de devenir des délinquants. On leur a appris à plaindre les femmes névrosées, non féminines et malheureuses qui voulaient être poètes, physiciennes ou présidentes. Elles ont appris que les femmes vraiment féminines ne veulent pas de carrière, d'éducation supérieure, de droits politiques - l'indépendance et les opportunités pour lesquelles les féministes à l'ancienne se sont battues.

 

Some women, in their forties and fifties, still remembered painfully giving up those dreams, but most of the younger women no longer even thought about them. A thousand expert voices applauded their femininity, their adjustment, their new maturity. All they had to do was devote their lives from earliest girlhood to finding a husband and bearing children.

By the end of the nineteen-fifties, the average marriage age of women in America dropped to 20, and was still dropping, into the teens. Fourteen million girls were engaged by 17. The proportion of women attending college in comparison with men dropped from 47 per cent in 1920 to 35 per cent in 1958. A century earlier, women had fought for higher education; now girls went to college to get a husband. By the mid-fifties, 60 per cent dropped out of college to marry, or because they were afraid too much education would be a marriage bar. Colleges built dormitories for “married students,” but the students were almost always the husbands. A new degree was instituted for the wives—“Ph.T.” (Putting Husband Through). 

 

Certaines femmes, dans la quarantaine et la cinquantaine, se souviennent encore d'avoir douloureusement renoncé à ces rêves, mais la plupart des jeunes femmes n'y pensent même plus. Mille voix expertes applaudissent leur féminité, leur adaptation, leur nouvelle maturité. Tout ce qu'elles avaient à faire, c'était de consacrer leur vie, dès leur plus jeune âge, à trouver un mari et à avoir des enfants.

À la fin des années cinquante, l'âge moyen du mariage des femmes en Amérique était tombé à 20 ans et continuait à baisser, jusqu'à l'adolescence. Quatorze millions de filles étaient fiancées à 17 ans. La proportion de femmes fréquentant l'université par rapport aux hommes est passée de 47 % en 1920 à 35 % en 1958. Un siècle plus tôt, les femmes s'étaient battues pour obtenir une éducation supérieure ; aujourd'hui, les filles vont à l'université pour trouver un mari. Au milieu des années cinquante, 60 % d'entre elles ont abandonné l'université pour se marier ou parce qu'elles craignaient qu'un niveau d'éducation trop élevé ne soit un obstacle au mariage. Les universités ont construit des dortoirs pour les "étudiants mariés", mais les étudiants étaient presque toujours les maris. Un nouveau diplôme a été créé pour les épouses : le "Ph.T." (Putting Husband Through). 

 

Then American girls began getting married in high school. And the women’s magazines, deploring the unhappy statistics about these young marriages, urged that courses on marriage, and marriage counselors, be installed in the high schools. Girls started going steady at twelve and thirteen, in junior high. Manufacturers put out brassieres with false bosoms of foam rubber for little girls of ten. And an advertisement for a child’s dress, sizes 3–6x, in the New York Times in the fall of 1960, said: “She Too Can Join the Man-Trap Set.”

 

Puis les jeunes filles américaines ont commencé à se marier au lycée. Les magazines féminins, déplorant les statistiques malheureuses de ces jeunes mariages, ont insisté pour que des cours sur le mariage et des conseillers matrimoniaux soient mis en place dans les lycées. Les filles commençaient à sortir ensemble à douze ou treize ans, au collège. Les fabricants ont mis sur le marché des soutiens-gorge à fausse poitrine en caoutchouc mousse pour les petites filles de dix ans. Et une publicité pour une robe d'enfant, taille 3-6x, dans le New York Times à l'automne 1960, disait : "Elle aussi peut rejoindre l'ensemble des pièges à hommes".

(...)

"Interior decorators were designing kitchens with mosaic murals and original paintings, for kitchens were once again the center of women’s lives. Home sewing became a million-dollar industry. Many women no longer left their homes, except to shop, chauffeur their children, or attend a social engagement with their husbands. Girls were growing up in America without ever having jobs outside the home. In the late fifties, a sociological phenomenon was suddenly remarked: a third of American women now worked, but most were no longer young and very few were pursuing careers. They were married women who held part-time jobs, selling or secretarial, to put their husbands through school, their sons through college, or to help pay the mortgage. Or they were widows supporting families. Fewer and fewer women were entering professional work. ..

 

Les décorateurs d'intérieur conçoivent des cuisines ornées de mosaïques murales et de peintures originales, car les cuisines sont à nouveau au centre de la vie des femmes. La couture à domicile est devenue une industrie qui rapporte des millions de dollars. De nombreuses femmes ne sortent plus de chez elles, sauf pour faire des courses, conduire leurs enfants ou assister à un événement social avec leur mari. Les filles grandissent en Amérique sans jamais avoir eu de travail en dehors de la maison. À la fin des années cinquante, un phénomène sociologique a été soudainement remarqué : un tiers des femmes américaines travaillaient désormais, mais la plupart d'entre elles n'étaient plus jeunes et très peu poursuivaient une carrière. Il s'agissait de femmes mariées qui occupaient des emplois à temps partiel, dans la vente ou le secrétariat, pour permettre à leur mari d'aller à l'école, à leur fils d'aller à l'université ou pour aider à payer l'hypothèque. Ou encore, elles étaient veuves et subvenaient aux besoins de leur famille. De moins en moins de femmes entraient dans le monde professionnel...

 

"The suburban housewife—she was the dream image of the young American woman and the envy, it was said, of women all over the world.The American housewife—freed by science and labor-saving appliances from the drudgery, the dangers of childbirth and the illnesses of her grandmother. She was healthy, beautiful, educated, concerned only about her husband, her children, her home. She had found true feminine fulfillment. As a housewife and mother, she was respected as a full and equal partner to man in his world. She was free to choose automobiles,clothes, appliances, supermarkets; she had everything that women ever dreamed of...

 

La femme au foyer de banlieue - elle était l'image rêvée de la jeune femme américaine et l'envie, disait-on, des femmes du monde entier. La femme au foyer américaine - libérée par la science et les appareils économisant le travail des corvées, des dangers de l'accouchement et des maladies de sa grand-mère. Elle était en bonne santé, belle, éduquée, ne se préoccupant que de son mari, de ses enfants, de son foyer. Elle avait trouvé le véritable épanouissement féminin. En tant que femme au foyer et mère, elle était respectée comme une partenaire à part entière et égale de l'homme dans son monde. Elle était libre de choisir des automobiles, des vêtements, des appareils électroménagers, des supermarchés ; elle avait tout ce dont les femmes avaient toujours rêvé...

 

In the fifteen years after World War II, this mystique of feminine fulfillment became the cherished and self-perpetuating core of contemporary American culture. Millions of women lived their lives in the image of those pretty pictures of the American suburban housewife, kissing their husbands goodbye in front of the picture window, depositing their stationwagonsful of children at school, and smiling as they ran the new electric waxer over the spotless kitchen floor. They baked their own bread, sewed their own and their children’s clothes, kept their new washing machines and dryers running all day. They changed the sheets on the beds twice a week instead of once, took the rug-hooking class in adult education, and pitied their poor frustrated mothers, who had dreamed of having a career. Their only dream was to be perfect wives and mothers; their highest ambition to have five children and a beautiful house, their only fight to get and keep their husbands. They had no thought for the unfeminine problems of the world outside the home; they wanted the men to make the major decisions. They gloried in their role as women, and wrote proudly on the census blank: "Occupation: housewife.”

 

Dans les quinze années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, cette mystique de l'épanouissement féminin est devenue le cœur chéri et auto-entretenu de la culture américaine contemporaine. Des millions de femmes ont vécu leur vie à l'image de ces jolies photos de la femme au foyer de la banlieue américaine, embrassant leur mari devant la baie vitrée, déposant leurs enfants dans le break à l'école et souriant en passant la nouvelle cireuse électrique sur le sol impeccable de la cuisine. Elles faisaient leur propre pain, cousaient leurs vêtements et ceux de leurs enfants, faisaient tourner leurs nouvelles machines à laver et leurs nouveaux sèche-linge toute la journée. Elles changeaient les draps deux fois par semaine au lieu d'une, suivaient le cours de tapis au crochet dans le cadre de l'éducation des adultes et plaignaient leurs pauvres mères frustrées, qui avaient rêvé d'avoir une carrière. Leur seul rêve était d'être des épouses et des mères parfaites ; leur plus grande ambition était d'avoir cinq enfants et une belle maison, leur seul combat était d'obtenir et de garder leur mari. Elles ne se préoccupaient pas des problèmes non féminins du monde extérieur à la maison ; elles voulaient que les hommes prennent les grandes décisions. Elles se glorifiaient de leur rôle de femme et écrivaient fièrement sur le formulaire de recensement : "Profession : femme au foyer".

 

For over fifteen years, the words written for women, and the words women used when they talked to each other, while their husbands sat on the other side of the room and talked shop or politics or septic tanks, were about problems with their children, or how to keep their husbands happy, or improve their children’s school, or cook chicken or make slipcovers. Nobody argued whether women were inferior or superior to men; they were simply different. Words like “emancipation” and “career” sounded strange and embarrassing; no one had used them for years. When a Frenchwoman named Simone de Beauvoir wrote a book called The Second Sex, an American critic commented that she obviously “didn’t know what life was all about,” and besides, she was talking about French women. The “woman problem” in America no longer existed.

 

Pendant plus de quinze ans, les mots écrits pour les femmes, et les mots que les femmes utilisaient lorsqu'elles se parlaient entre elles, tandis que leurs maris étaient assis de l'autre côté de la pièce et parlaient de shopping, de politique ou de fosses septiques, portaient sur les problèmes avec leurs enfants, ou sur la manière de rendre leurs maris heureux, ou d'améliorer l'école de leurs enfants, ou de cuisiner du poulet ou de faire des housses de lit. Personne ne se demandait si les femmes étaient inférieures ou supérieures aux hommes ; elles étaient simplement différentes. Des mots comme "émancipation" et "carrière" semblaient étranges et embarrassants ; personne ne les avait utilisés depuis des années. Lorsqu'une Française, Simone de Beauvoir, a écrit un livre intitulé Le deuxième sexe, un critique américain a fait remarquer qu'elle ne savait manifestement pas ce qu'était la vie et qu'en outre, elle parlait des Françaises. Le "problème de la femme" n'existait plus en Amérique.

 

If a woman had a problem in the 1950’s and 1960’s, she knew that something must be wrong with her marriage, or with herself. Other women were satisfied with their lives, she thought. What kind of a woman was she if she did not feel this mysterious fulfillment waxing the kitchen floor? She was so ashamed to admit her dissatisfaction that she never knew how many other women shared it. If she tried to tell her husband, he didn’t understand what she was talking about. She did not really understand it herself. For over fifteen years women in America found it harder to talk about this problem than about sex. Even the psychoanalysts had no name for it. When a woman went to a psychiatrist for help, as many women did, she would say, “I’m so ashamed,” or “I must be hopelessly neurotic.” “I don’t know what’s wrong with women today,” a suburban psychiatrist said uneasily. “I only know something is wrong because most of my patients happen to be women. And their problem isn’t sexual.” Most women with this problem did not go to see a psychoanalyst, however. “There’s nothing wrong really,” they kept telling themselves. “There isn’t any problem.”

 

Si une femme avait un problème dans les années 1950 et 1960, elle savait que quelque chose ne tournait pas rond dans son mariage ou en elle-même. D'autres femmes étaient satisfaites de leur vie, pensait-elle. Quel genre de femme était-elle si elle ne ressentait pas cette mystérieuse satisfaction en cirant le sol de la cuisine ? Elle avait tellement honte d'admettre son insatisfaction qu'elle n'a jamais su combien d'autres femmes la partageaient. Si elle essayait d'en parler à son mari, il ne comprenait pas de quoi elle parlait. Elle ne le comprenait pas vraiment elle-même. Pendant plus de quinze ans, les femmes américaines ont eu plus de mal à parler de ce problème que de sexe. Même les psychanalystes n'avaient pas de nom pour cela. Lorsqu'une femme allait voir un psychiatre pour obtenir de l'aide, comme c'était le cas pour de nombreuses femmes, elle disait : "J'ai tellement honte" ou "Je dois être désespérément névrosée". "Je ne sais pas ce qui ne va pas chez les femmes d'aujourd'hui", dit un psychiatre de banlieue, mal à l'aise. "Je sais seulement que quelque chose ne va pas parce que la plupart de mes patients sont des femmes. Et leur problème n'est pas d'ordre sexuel". La plupart des femmes souffrant de ce problème ne consultent pas de psychanalyste. Elles se disaient : "Il n'y a rien de grave". "Il n'y a pas de problème.

 

But on an April morning in 1959, I heard a mother of four, having coffee with four other mothers in a suburban development fifteen miles from New York, say in a tone of quiet desperation, “the problem.” And the others knew, without words, that she was not talking about a problem with her husband, or her children, or her home. Suddenly they realized they all shared the same problem, the problem that has no name. They began, hesitantly, to talk about it. Later, after they had picked up their children at nursery school and taken them home to nap, two of the women cried, in sheer relief, just to know they were not alone ...

 

 

Mais un matin d'avril 1959, j'ai entendu une mère de quatre enfants, prenant un café avec quatre autres mères dans une banlieue à quinze miles de New York, dire sur un ton de désespoir tranquille : "le problème". Et les autres savaient, sans mots, qu'elle ne parlait pas d'un problème avec son mari, ou ses enfants, ou sa maison. Soudain, ils ont réalisé qu'ils partageaient tous le même problème, le problème qui n'a pas de nom. Ils ont commencé, avec hésitation, à en parler. Plus tard, après avoir récupéré leurs enfants à la crèche et les avoir ramenés à la maison pour la sieste, deux des femmes ont pleuré de soulagement, simplement parce qu'elles savaient qu'elles n'étaient pas seules....

 

Friedan critiquera également la théorie sociale du "fonctionnalisme", selon laquelle chaque partie de la société contribue à la stabilité de l'ensemble, un point de vue qui était populaire dans les sciences sociales à l'époque. Friedan affirme que cette théorie a également contribué à la mystique féminine en suggérant que la fonction des femmes devrait se limiter à leur rôle sexuel et biologique d'épouse et de mère. Friedan affirme également que les anthropologues ont appliqué leurs découvertes à d'autres cultures pour arriver à la même conclusion. Se référant à l'anthropologue culturelle américaine Margaret Mead, qui a contribué à la mystique féminine en glorifiant la capacité de reproduction des femmes, Friedan souligne la contradiction inhérente aux opinions de Mead, étant donné qu'elle a vécu une vie professionnelle et épanouie.

Friedan a ainsi constaté que l'éducation renforçait la mystique féminine. Les filles et les jeunes femmes inscrites à l'université étaient la proie de ce qu'elle décrit comme des "éducateurs orientés vers le sexe", qui dispensaient ce qui était considéré comme des cours spécifiques à chaque sexe dans les années 1950 et 1960. Il y a même eu, dit-elle, une tentative de donner une tournure scientifique à ces cours en suggérant que les filles étaient plus aptes aux "sciences domestiques" qu'à la physique et à la chimie.

Pour Friedan enfin, la mystique féminine était un idéal impossible à atteindre. Pendant 15 ans, dit-elle, elle a vu les femmes américaines essayer de se conformer à une image qui les poussait à "renier leur esprit". Après en avoir analysé les causes, Friedan élabore ce qu'elle appelle un "nouveau plan de vie pour les femmes" et exhorte les femmes à se libérer de la mystique féminine et à rechercher un travail utile qui leur permette de s'épanouir. Elle reconnaît que cela peut être difficile, mais cite des femmes qui ont réussi. Pour elle, l'éducation et l'emploi rémunéré sont des moyens de sortir du piège de la mystique féminine...


Dans "A STRANGE STIRRING", qui porte sur l'impact de "La femme mystifiée", Stephanie Coontz écrira que ses élèves ont réagi "viscéralement" (responded viscerally) à des chapitres tels que celui intitulé  « The Sexual Sell »  où la femme apparaît non seulement comme une machine à consommer mais elle-même comme un "objet à consommer". Betty Friedan en est venue à aborder ce sujet parce que, au fil de sa reconstitution de l'image de la "femme au foyer", il lui semblait que quelque chose d'autre devait pouvoir expliquer COMMENT CES FEMMES POUVAIENT EVITER DE S'INTERROGER, perpétuer une image tant obsolète et contenir leurs frustrations. "IL Y A CERTAINS FATS DE LA VIE SI EVIDENTS ET SI BANALS QU'ON EN PARLE JAMAIS". Comment tout simplement les retenir à la maison, et non plus seulement en ménagères ...

Dans les années 50 on découvrit le  marché des adolescents, adolescents et jeunes mariés,  une population qui n’avaient fréquenté que l’école secondaire et n’avaient jamais travaillé, et donc plus manipulables. Puis, "à leur profit et à celui de leurs clients, les manipulateurs ont découvert que des millions de femmes au foyer américaines, soi-disant heureuses, ont des besoins complexes que la maison et la famille, l'amour et les enfants ne peuvent combler. Mais par une morale qui va au-delà du dollar, les manipulateurs sont coupables d'utiliser leurs connaissances pour vendre aux femmes des choses qui, aussi ingénieuses soient-elles, ne satisferont jamais ces besoins de plus en plus désespérés. Ils sont coupables de persuader les femmes au foyer de rester chez elles, hypnotisées devant un poste de télévision, leurs besoins humains non sexuels n'étant pas nommés, insatisfaits, comblés par la vente sexuelle dans l'achat d'objets. Les manipulateurs et leurs clients du monde des affaires américain peuvent difficilement être accusés d'avoir créé la mystique féminine. Mais ils sont les plus puissants de ceux qui la perpétuent ; ce sont leurs millions qui couvrent le pays d'images persuasives, flattant la femme au foyer américaine, détournant sa culpabilité et dissimulant son sentiment croissant de vide. Elles y sont parvenues avec un tel succès, en utilisant les techniques et les concepts des sciences sociales modernes et en les transposant dans ces annonces et publicités trompeusement simples, intelligentes et scandaleuses, qu'un observateur de la scène américaine accepte aujourd'hui comme un fait que la grande majorité des femmes américaines n'ont pas d'autre ambition que d'être des femmes au foyer...."


"Twenty years ago I wrote in the Introduction to "The Female Eunuch" that I thought that the book should quickly date and disappear. I hoped that a new breed of woman would come upon the earth for whom my analysis of sex oppression in the developed world in the second half of the twentieth century would be utterly irrelevant. Many new breeds of woman are upon the earth: there are female body builders whose pectorals are as hard as any man’s; there are women marathon runners with musculature as stringy and tight as any man’s; there are women administrators with as much power as any man; there are women paying alimony and women being paid palimoney; there are up-front lesbians demanding the right to marry and have children by artificial insemination; there are men who mutilate themselves and are given passports as statutory females; there are prostitutes who have combined in highly visible professional organizations; there are armed women in the front line of the most powerful armies on earth; there are full colonels with vivid lipstick and painted nails; there are women who write books about their sexual conquests, naming names and describing positions, sizes of members and so forth. None of these female phenomena was to be observed in any numbers twenty years ago.

 

"Il y a vingt ans, j'ai écrit dans l'introduction de "L'eunuque féminin" que je pensais que ce livre devrait rapidement être dépassé et disparaître. J'espérais qu'une nouvelle race de femmes arriverait sur terre et que mon analyse de l'oppression sexuelle dans le monde développé au cours de la seconde moitié du vingtième siècle ne serait absolument pas pertinente. De nombreuses nouvelles races de femmes sont apparues sur terre : il y a des femmes culturistes dont les pectoraux sont aussi durs que ceux de n'importe quel homme ; il y a des femmes marathoniennes dont la musculature est aussi filandreuse et serrée que celle de n'importe quel homme ; il y a des femmes administratrices qui ont autant de pouvoir que n'importe quel homme ; il y a des femmes qui paient des pensions alimentaires et d'autres qui reçoivent de l'argent de poche ; il y a des lesbiennes qui revendiquent le droit de se marier et d'avoir des enfants grâce à l'insémination artificielle ; Il y a des hommes qui se mutilent et obtiennent des passeports en tant que femmes ; il y a des prostituées qui font partie d'organisations professionnelles très en vue ; il y a des femmes armées en première ligne des armées les plus puissantes du monde ; il y a des colonels avec du rouge à lèvres vif et des ongles peints ; il y a des femmes qui écrivent des livres sur leurs conquêtes sexuelles, en donnant des noms et en décrivant les positions, la taille des membres, etc. Aucun de ces phénomènes féminins ne pouvait être observé en nombre il y a vingt ans.

 

Women’s magazines are now written for grown-ups, and discuss not only pre-marital sex, contraception and abortion, but venereal disease, incest, sexual perversion, and, even more surprising, finance high and low, politics, conservation, animal rights and consumer power. Contraception having saturated its market and severely curtailed the money to be made out of menstruation, the pharmaceutical multinationals have at last turned their attention to the menopausal and post-menopausal women who represent a new, huge, unexploited market for HRT. Geriatric sex can be seen in every television soap opera. What more could women want?

Freedom, that’s what.

 

Les magazines féminins s'adressent désormais aux adultes et traitent non seulement des relations sexuelles avant le mariage, de la contraception et de l'avortement, mais aussi des maladies vénériennes, de l'inceste, de la perversion sexuelle et, plus surprenant encore, de la haute et de la basse finance, de la politique, de la protection de l'environnement, des droits des animaux et du pouvoir des consommateurs. La contraception ayant saturé son marché et sévèrement réduit l'argent à tirer de la menstruation, les multinationales pharmaceutiques ont enfin tourné leur attention vers les femmes ménopausées et post-ménopausées qui représentent un nouveau marché énorme et inexploité pour l'hormonothérapie substitutive. Le sexe gériatrique est présent dans tous les feuilletons télévisés. Qu'est-ce que les femmes peuvent bien vouloir de plus ?

 

Freedom from being the thing looked at rather than the person looking back. Freedom from self-consciousness. Freedom from the duty of sexual stimulation of jaded male appetite, for which no breast ever bulges hard enough and no leg is ever long enough. Freedom from the uncomfortable clothes that must be worn to titillate. Freedom from shoes that make us shorten our steps and push our buttocks out. Freedom from the ever-present juvenile pulchritude. 

Freedom from the humiliating insults heaped on us by the top shelf of the newsagents; freedom from rape, whether it is by being undressed verbally by the men on the building site, spied on as we go about our daily business, stopped, propositioned or followed on the street, greasily teased by our male workmates, pawed by the boss, used sadistically or against our will by the men we love, or violently terrorized and beaten by a stranger, or a gang of strangers. 

 

Liberté d'être la chose regardée plutôt que la personne qui regarde en arrière. Liberté de la conscience de soi. Liberté par rapport au devoir de stimulation sexuelle de l'appétit masculin blasé, pour lequel aucun sein ne se gonfle jamais assez et aucune jambe n'est jamais assez longue. Liberté par rapport aux vêtements inconfortables qu'il faut porter pour émoustiller. Liberté par rapport aux chaussures qui nous font raccourcir nos pas et pousser nos fesses vers l'extérieur. Liberté face à la splendeur juvénile omniprésente. 

Liberté face aux insultes humiliantes qui nous sont adressées par les marchands de journaux ; liberté face au viol, qu'il s'agisse d'être déshabillée verbalement par les hommes sur le chantier, espionnée dans nos activités quotidiennes, arrêtée, proposée ou suivie dans la rue, aguichée par nos collègues de travail masculins, tripotée par le patron, utilisée de manière sadique ou contre notre volonté par les hommes que nous aimons, ou violemment terrorisée et battue par un étranger, ou une bande d'inconnus. 

 

Twenty years ago it was important to stress the right to sexual expression and far less important to underline a woman’s right to reject male advances; now it is even more important to stress the right to reject penetration by the male member, the right to safe sex, the right to chastity, the right to defer physical intimacy until there is irrefutable evidence of commitment, because of the appearance on the earth of AIDS. The argument in The Female Eunuch is still valid, none the less, for it holds that a woman has the right to express her own sexuality; which is not at all the same thing as the right to capitulate to male advances. The Female Eunuch argues that the rejection of the concept of female libido as merely responsive is essential to female liberation. This is the proposition that was interpreted by the brain-dead hacks of Fleet Street as ‘telling women to go out and do it’.

 

Il y a vingt ans, il était important de souligner le droit à l'expression sexuelle et beaucoup moins important de souligner le droit de la femme à rejeter les avances masculines ; aujourd'hui, il est encore plus important de souligner le droit à rejeter la pénétration par le membre masculin, le droit à la sexualité sans risque, le droit à la chasteté, le droit à différer l'intimité physique jusqu'à ce qu'il y ait une preuve irréfutable de l'engagement, en raison de l'apparition du SIDA sur la terre. L'argument de L'eunuque féminin reste néanmoins valable, car il soutient qu'une femme a le droit d'exprimer sa propre sexualité, ce qui n'est pas du tout la même chose que le droit de capituler devant les avances masculines. The Female Eunuch soutient que le rejet du concept de la libido féminine en tant que simple réponse est essentiel à la libération de la femme. C'est cette proposition qui a été interprétée par les écervelés de Fleet Street comme "disant aux femmes de sortir et de le faire".

 

The freedom I pleaded for twenty years ago was freedom to be a person, with the dignity, integrity, nobility, passion, pride that constitute personhood. Freedom to run, shout, to talk loudly and sit with your knees apart. Freedom to know and love the earth and all that swims, lies and crawls upon it. Freedom to learn and freedom to teach. Freedom from fear, freedom from hunger, freedom of speech and freedom of belief. Most of the women in the world are still afraid, still hungry, still mute and loaded by religion with all kinds of fetters, masked, muzzled, mutilated and beaten. "The Female Eunuch" does not deal with poor women (for when I wrote it I did not know them) but with the women of the rich world, whose oppression is seen by poor women as freedom.

 

La liberté pour laquelle j'ai plaidé il y a vingt ans était la liberté d'être une personne, avec la dignité, l'intégrité, la noblesse, la passion, la fierté qui constituent l'identité d'une personne. La liberté de courir, de crier, de parler fort et de s'asseoir les genoux écartés. Liberté de connaître et d'aimer la terre et tout ce qui y nage, y gît et y rampe. Liberté d'apprendre et liberté d'enseigner. La liberté de ne pas avoir peur, la liberté de ne pas avoir faim, la liberté d'expression et la liberté de croyance. La plupart des femmes dans le monde ont toujours peur, ont toujours faim, sont toujours muettes et sont chargées par la religion de toutes sortes d'entraves, masquées, muselées, mutilées et battues. "La femme eunuque" ne traite pas des femmes pauvres (car lorsque je l'ai écrite, je ne les connaissais pas), mais des femmes du monde riche, dont l'oppression est perçue par les femmes pauvres comme une liberté.

 

The sudden death of communism in 1989—90 catapulted poor women the world over into consumer society, where there is no protection for mothers, for the aged, for the disabled, no commitment to health care or education or raising the standard of living for the whole population. In those two years millions of women saw the bottom fall out of their world; though they lost their child support, their pensions, their hospital benefits, their day care, their protected jobs, and the very schools and hospitals where they worked closed down, there was no outcry. They had freedom to speak but no voice.

They had freedom to buy essential services with money that they did not have, freedom to indulge in the oldest form of private enterprise, prostitution, prostitution of body, mind and soul to consumerism, or else freedom to starve, freedom to beg. You can now see the female Eunuch the world over; all the time we thought we were driving her out of our minds and hearts she was spreading herself wherever blue jeans and Coca-Cola may go. Wherever you see nail varnish, lipstick, brassieres and high heels, the Eunuch has set up her camp. You can find her triumphant even under the veil.

 

La mort soudaine du communisme en 1989-1990 a catapulté les femmes pauvres du monde entier dans la société de consommation, où il n'y a aucune protection pour les mères, les personnes âgées, les handicapés, aucun engagement en faveur des soins de santé ou de l'éducation ou de l'amélioration du niveau de vie de l'ensemble de la population. Au cours de ces deux années, des millions de femmes ont vu leur monde s'écrouler ; bien qu'elles aient perdu leurs pensions alimentaires, leurs retraites, leurs allocations hospitalières, leurs crèches, leurs emplois protégés, et que les écoles et les hôpitaux où elles travaillaient aient fermé, il n'y a pas eu de tollé. Elles étaient libres de s'exprimer, mais n'avaient pas de voix.

Ils étaient libres d'acheter des services essentiels avec l'argent qu'ils n'avaient pas, libres de se livrer à la plus ancienne forme d'entreprise privée, la prostitution, la prostitution du corps, de l'esprit et de l'âme au profit du consumérisme, ou bien libres de mourir de faim, libres de mendier. La femme eunuque est aujourd'hui présente dans le monde entier ; alors que nous pensions la chasser de nos esprits et de nos cœurs, elle s'est répandue partout où les blue-jeans et le Coca-Cola pouvaient aller. Partout où l'on voit du vernis à ongles, du rouge à lèvres, des soutiens-gorge et des talons hauts, l'eunuque a établi son camp. Vous pouvez la trouver triomphante même sous le voile."

(Germaine Greer, Préface, The Female Eunuch, 2023)


Germaine Greer (1939), "The Female Eunuch" (1970, La femme eunuque)

"Women have somehow been separated from their libido, from their faculty of desire, from their sexuality.” - Cinq sections, "Body ", "Soul", "Love", "Hate", "Revolution" - La couverture du livre, conçue par John Holmes pour l'édition de 1971, fut suffisament saisissante pour devenir à elle-seule, une oeuvre d'art quasi emblématique ...

Partageant avec "The Feminine Mystique" de Betty Friedan, une critique, ici très vigoureuse et très figurative, de la représentation des femmes dans les médias, Germaine Greer, qui a fait ses études aux universités de Melbourne et de Sydney avant de passer un doctorat en littérature à l’Université de Cambridge en 1967, établit à sa façon un bilan, à date,  du mouvement féministe : la revendication de l'égalitarisme hommes - femmes est un mythe, aboutissant inéluctablement, non seulement à soumettre toutes les femmes au modèle viril de la société libérale occidentale, mais  plus encore, malgré, ou à cause des droits acquis, à accroître le malaise de toute femme dans son propre corps. La seule et unique clé de la libération des femmes est la libération sexuelle...

L’ouvrage de Germaine Greer a créé une onde de choc de reconnaissance chez les femmes, une onde qui pouvait être ressentie partout dans le monde. Il est devenu un best-seller international, traduit dans plus de douze langues, et un point de repère dans l’histoire du mouvement des femmes. Affirmant que la libération sexuelle est la clé de la libération des femmes, Greer examine les différences biologiques inhérentes et inaltérables entre les hommes et les femmes ainsi que les profondes différences psychologiques qui résultent du conditionnement social. 

Dans cette optique, Greer va examiner , en s'appuyant tant sur l'histoire, la littérature ou la culture populaire, et via des sections intitulées "Corps", "Esprit", "Amour" et "Haine", les différents niveaux de perception que les femmes peuvent avoir d'elles-mêmes, ou croient avoir d'elles-mêmes tant sont puissantes les  représentations stéréotypées de l'éternel féminin, tant la femme est encore et toujours cible commerciale et objet de marchandisation, et les modèles féminins des magazines des "poupées" dont la représentation essentielle est la "castration". On y retrouve, remis en perspective, les origines de nombreuses attitudes et droits que les jeunes femmes tiennent pour acquis une génération seulement après leur introduction. 

En thèse essentielle, "The Female Eunuque" postule que la passivité dans la sexualité des femmes est une caractéristique associée à "the timidity, plumpness, languor, delicacy and preciosity",  - d’où le titre, d'où le rôle qui leur est toujours imposé non seulement par l’histoire et par les hommes, mais aussi par les femmes elles-mêmes. 

Les textes sont percutants, d'où la controverse. En 1999, elle publiera "The Whole Woman", dans lequel elle critique beaucoup d'avancées supposées du mouvement des femmes comme étant transmis en fait par l’establishment masculin...

 

- "BODY" (Gender, Bones, Curves, Hair, Sex, The Wicked Womb) -

"It is impossible to argue a case for female liberation if there is no certainty about the degree of inferiority or natural dependence which is unalterably female. That is why this book begins with the "Body". We know what we are, but know not what we may be, or what we might have been. The dogmatism of science expresses the status quo as the ineluctable result of law: women must learn how to question the most basic assumptions about feminine normality in order to reopen the possibilities for development which have been successively locked off by conditioning. So, we begin at the beginning, with the sex of cells. Nothing much can be made of chromosomal difference until it is manifested in development, and development cannot take place in a vacuum: from the outset our observation of the female is consciously and unconsciously biassed by assumptions that we cannot help making and cannot always identify when they have been made. The new assumption behind the discussion of the body is that everything that we may observe could be otherwise. In order to demonstrate some of the aspects of conditioning a discussion follows of the effects of behaviour upon the skeleton. From Bones we move to Curves, which is still essential to assumptions about the female sex, and then to Hair, for a long time considered a basic secondary sexual characteristic.

 

"Il est impossible d'argumenter en faveur de la libération de la femme si l'on n'a pas de certitude sur le degré d'infériorité ou de dépendance naturelle qui est inaltérablement féminin. C'est pourquoi ce livre commence par le "corps". Nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pourrions être, ni ce que nous aurions pu être. Le dogmatisme de la science exprime le statu quo comme le résultat inéluctable de la loi : les femmes doivent apprendre à remettre en question les hypothèses les plus fondamentales sur la normalité féminine afin de rouvrir les possibilités de développement qui ont été successivement verrouillées par le conditionnement. Commençons donc par le commencement, le sexe des cellules. La différence chromosomique ne peut pas être prise en compte tant qu'elle ne se manifeste pas dans le développement, et le développement ne peut pas avoir lieu dans le vide : dès le départ, notre observation de la femme est consciemment et inconsciemment biaisée par des suppositions que nous ne pouvons pas nous empêcher de faire et que nous ne pouvons pas toujours identifier lorsqu'elles ont été faites. La nouvelle hypothèse qui sous-tend la discussion sur le corps est que tout ce que nous pouvons observer pourrait être différent. Afin de démontrer certains aspects du conditionnement, nous examinerons ensuite les effets du comportement sur le squelette. Des os, nous passons aux courbes, qui sont toujours essentielles aux hypothèses sur le sexe féminin, puis aux cheveux, longtemps considérés comme une caractéristique sexuelle secondaire fondamentale.

 

"Female sexuality has always been a fascinating topic; this discussion of it attempts to show how female sexuality has been masked and deformed by most observers, and never more so than in our own time. The conformation of the female has already been described in terms of a particular type of conditioning, and now the specific character of that conditioning begins to emerge. What happens is that the female is considered as a sexual object for the use and appreciation of other sexual beings, men. Her sexuality is both denied and misrepresented by being identified as passivity. The vagina is obliterated from the imagery of femininity in the same way that the signs of independence and vigour in the rest of her body are suppressed.

The characteristics that are praised and rewarded are those of the castrate  - timidity, plumpness, languor, delicacy and preciosity. 

 

"La sexualité féminine a toujours été un sujet fascinant ; cette discussion tente de montrer comment la sexualité féminine a été masquée et déformée par la plupart des observateurs, et jamais autant qu'à notre époque. La conformation de la femme a déjà été décrite en termes d'un type particulier de conditionnement, et maintenant le caractère spécifique de ce conditionnement commence à émerger. Ce qui se passe, c'est que la femme est considérée comme un objet sexuel destiné à être utilisé et apprécié par d'autres êtres sexuels, les hommes. Sa sexualité est à la fois niée et dénaturée en étant identifiée à la passivité. Le vagin est effacé de l'imagerie de la féminité de la même manière que les signes d'indépendance et de vigueur du reste du corps sont supprimés. Les caractéristiques qui sont louées et récompensées sont celles du castrat - timidité, rondeur, langueur, délicatesse et préciosité. 

 

Body ends with a look at the way in which female reproduction is thought to influence the whole organism in the operations of the Wicked Womb, source of hysteria, menstrual depression, weakness, and unfitness for any sustained enterprise. The compound of induced characteristics of soul and body is the myth of the "Eternal Feminine", nowadays called the "Stereotype". This is the dominant image of femininity which rules our culture and to which all women aspire. Assuming that the goddess of consumer culture is an artefact, we embark on an examination of how she comes to be made, the manufacture of the Soul. The chief element in this process is like the castration that we saw practised upon the body, the suppression and deflection of Energy. Following the same simple pattern, we begin at the beginning with Baby, showing how of the greater the less is made. The Girl struggles to reconcile her schooling along masculine lines with her feminine conditioning until Puberty resolves the ambiguity and anchors her safely in the feminine posture, if it works. When it doesn’t she is given further conditioning as a corrective, especially by psychologists, whose assumptions and prescriptions are described as the Psychological Sell.

 

"The Body" se termine par un regard sur la manière dont la reproduction féminine est censée influencer l'ensemble de l'organisme dans les opérations de l' "utérus méchant" (the Wicked Womb), source d'hystérie, de dépression menstruelle, de faiblesse et d'inaptitude à toute entreprise soutenue. La combinaison des caractéristiques induites de l'âme et du corps constitue le mythe de l'"éternel féminin", aujourd'hui appelé "stéréotype". C'est l'image dominante de la féminité qui régit notre culture et à laquelle toutes les femmes aspirent. Partant du principe que la déesse de la culture de consommation est un artefact, nous nous lançons dans l'examen de son mode de fabrication, la fabrication de l'âme. L'élément principal de ce processus est semblable à la castration que nous avons vue pratiquée sur le corps, la suppression et la déviation de l'énergie. En suivant le même schéma simple, nous commençons par le début avec le Bébé, montrant comment du plus grand on fait le moins. La jeune fille s'efforce de concilier son éducation masculine avec son conditionnement féminin jusqu'à ce que la puberté résolve l'ambiguïté et l'ancre en toute sécurité dans la posture féminine, si cela fonctionne. Si ce n'est pas le cas, elle est soumise à un conditionnement supplémentaire pour la corriger, en particulier par les psychologues, dont les hypothèses et les prescriptions sont décrites comme la vente psychologique.

 

La section « Corps » s'ouvre sur une contestation (Gender) qui provoque bien des clivages, "It is true that the sex of a person is attested by every cell in his body. What we do not know is exactly what that difference in the cells means in terms of their functioning", s'il est vrai que le sexe d'une personne est attesté par chaque cellule de son corps, nous ne pouvons en déduire ce que signifie exactement cette différence entre les cellules en termes de comportement, ni supposer une quelconque  supériorité ou infériorité, ni se référer à une polarité "naturelle", "les mondes animal et végétal ne sont pas universellement divisés en deux sexes". Les fameuses caractéristiques sexuelles dites "secondaires" de la femme sont par suite évoquées, tant symboliquement, socialement, que psychologiquement et anatomiquement, les courbures, la poitrine, le mamelon, les fesses, la taille, la chevelure, l'absence de pilosité ("the glabrous odourless body of the feminine toy,", le corps glabre et inodore du jouet féminin), l'adaptabilité constante de la femme à la demande masculine en terme de représentation sexuelle de son corps ne cesse encore et toujours de s'exercer dans nos vies sociales. Enfin la question fondamentale du sexe, dans tout son imaginaire plus ou moins biologiquement justifié, un imaginaire entièrement structuré par le désir de l'homme et ce qu'on en dit ... Les femmes ne sont considérées que comme des objets sexuels pour l’usage d’autres êtres sexuels, en particulier les hommes ..

 

"Women’s sexual organs are shrouded in mystery. It is assumed that most of them are internal and hidden, but even the ones that are external are relatively shady. When little girls begin to ask questions their mothers provide them, if they are lucky, with crude diagrams of the sexual apparatus, in which the organs of pleasure feature much less prominently than the intricacies of tubes and ovaries. I myself did not realize that the tissues of my vagina were quite normal until I saw a meticulously engraved dissection in an eighteenth-century anatomy textbook.  The little girl is not encouraged to explore her own genitals or to identify the tissues of which they are composed, or to understand the mechanism of lubrication and erection. 

 

Les organes sexuels des femmes sont entourés de mystère. On suppose que la plupart d'entre eux sont internes et cachés, mais même ceux qui sont externes sont relativement obscurs. Lorsque les petites filles commencent à poser des questions, leurs mères leur fournissent, si elles ont de la chance, des schémas rudimentaires de l'appareil sexuel, sur lesquels les organes du plaisir figurent beaucoup moins en évidence que les complexités des trompes et des ovaires. Je n'ai moi-même réalisé que les tissus de mon vagin étaient tout à fait normaux que lorsque j'ai vu une dissection méticuleusement gravée dans un manuel d'anatomie du dix-huitième siècle.  La petite fille n'est pas encouragée à explorer ses propres organes génitaux, ni à identifier les tissus qui les composent, ni à comprendre le mécanisme de la lubrification et de l'érection. 

 

The very idea is distasteful. Because of this strange modesty, which a young woman will find extends even into the doctor’s surgery, where the doctor is loath to examine her, and loath to expatiate on what he finds, female orgasm has become more and more of a mystery, at the same time as it has been exalted as a duty. Its actual nature has become a matter for metaphysical speculation. All kinds of false ideas are still in circulation about women, although they were disproved years ago: many men refuse to relinquish the notion of female ejaculation, which although it has a long and prestigious history is utterly fanciful. Part of the modesty about the female genitalia stems from actual distaste. The worst name anyone can be called is cunt. The best thing a cunt can be is small and unobtrusive: the anxiety about the bigness of the penis is only equalled by anxiety about the smallness of the cunt. No woman wants to find out that she has a twat like a horse-collar: she hopes she is not sloppy or smelly, and obligingly obliterates all signs of her menstruation in the cause of public decency ..."

 

"L'idée même est répugnante. En raison de cette étrange pudeur, dont une jeune femme s'apercevra qu'elle s'étend jusqu'au cabinet médical, où le médecin répugne à l'examiner et à s'étendre sur ce qu'il trouve, l'orgasme féminin est devenu de plus en plus un mystère, en même temps qu'il a été exalté comme un devoir. Sa nature même est devenue un sujet de spéculation métaphysique. Toutes sortes d'idées fausses circulent encore sur les femmes, alors qu'elles ont été réfutées depuis des années : beaucoup d'hommes refusent d'abandonner la notion d'éjaculation féminine, qui, bien qu'elle ait une longue et prestigieuse histoire, est tout à fait fantaisiste. La pudeur à l'égard des organes génitaux féminins s'explique en partie par un réel dégoût. Le pire nom que l'on puisse donner à quelqu'un est "chatte". La meilleure chose qu'une chatte puisse être est petite et discrète : l'anxiété liée à la taille du pénis n'a d'égale que l'anxiété liée à la petitesse de la chatte. Aucune femme ne veut découvrir qu'elle a une chatte comme un collier de cheval : elle espère qu'elle n'est pas négligée ou qu'elle ne sent pas mauvais, et efface obligeamment tous les signes de ses menstruations pour préserver la décence publique...." 

 

"The Wicked Womb" (Le mauvais utérus) - Le sexe n’est pas reproduction, l'être humain a tout loisir d'expérimenter le plaisir du sexe et de le désirer pour lui-même, et avec son style particulièrement direct l'auteur n'hésite guère à montrer combien divergent les représentations que l'on en fait, que l'on soit homme ou femme, et  que si la partie du corps la plus importante d’une femme est son utérus, il n'est guère évoqué dans le monde occidental ou même pensé pour être vital, mise à part lors de la procréation, et sujet de nombreux fantasmes quand il n'est pas emporté avec la menstruation dans un amalgame terrifiant de répugnance et d'impureté et livré à une intimité clandestine. 

Après le "corps", c'est sur l' "âme" que l'on se, penche, c'est ici que s'expriment les stéréotypes, "In that mysterious dimension where the body meets the soul the stereotype is born and has her being. She is more body than soul, more soul than mind.." On y parle des fantaisies exprimées sur les supposées capacités mentales des uns et des autres, ..

 

- "SOUL" (The Stereotype, Energy, Baby, Girl, Puberty, The Psychological Sell, The Raw Material, Womanpower,Work) -

"Because so many assumptions about the sex of mind cloud the issue of female mental ability, there follows a brief account of the failure of fifty years of thorough and diversified testing to discover any pattern of differentiation in male and female intellectual powers, called The Raw Material. Because the tests have been irrelevant to the continuing conviction that women are illogical, subjective and generally silly, Womanpower takes a coherent expression of all such prejudice, Otto Weininger’s Sex and Character, and turns all the defects which it defines into advantages, by rejecting Weininger’s concepts of virtue and intelligence and espousing those of Whitehead and others. As a corrective to such a theoretical view of how valuable such female minds might be, Work provides a factual account of the patterns that the female contribution actually takes and how it is valued. The castration of women has been carried out in terms of a masculine-feminine polarity, in which men have commandeered all the energy and streamlined it into an aggressive conquistatorial power, reducing all heterosexual contact to a sadomasochistic pattern. This has meant the distortion of our concepts of Love. 

 

Parce que de nombreuses hypothèses sur le sexe de l'esprit obscurcissent la question des capacités mentales féminines, un bref compte rendu de l'échec de cinquante années de tests approfondis et diversifiés pour découvrir un modèle de différenciation des pouvoirs intellectuels masculins et féminins, intitulé La matière première, est présenté ci-après. Parce que les tests n'ont rien changé à la conviction persistante que les femmes sont illogiques, subjectives et généralement idiotes, Womanpower prend une expression cohérente de tous ces préjugés, "Sex and Character" d'Otto Weininger, et transforme tous les défauts qu'il définit en avantages, en rejetant les concepts de vertu et d'intelligence de Weininger et en adoptant ceux de Whitehead et d'autres. En guise de correctif à cette vision théorique de la valeur des esprits féminins, Work fournit un compte rendu factuel des modèles que la contribution féminine prend réellement et de la manière dont elle est évaluée. La castration des femmes a été réalisée en termes de polarité masculin-féminin, dans laquelle les hommes ont réquisitionné toute l'énergie et l'ont rationalisée en un pouvoir de conquête agressif, réduisant tous les contacts hétérosexuels à un modèle sadomasochiste. Cela a entraîné une distorsion de nos concepts d'amour. 

 

On évoque, entre autres, dans le chapitre consacré à l'Amour, l'imagination et le pouvoir de la "romance" qui nourrit la psyché féminine, le mariage ou la relation de couple viendront par suite y mettre un terme, brutalement parfois, la relation qu'en fait Germaine Greer vaut ici bien le détour, et pourtant il semble totalement impossible de penser une vie sans amour, amour nuptial ?

 

- "LOVE" (The Ideal, Altruism, Egotism, Obsession, Romance, The Object of Male Fantasy, The Middle-Class Myth of Love and Marriage, Family, Security) -

"Beginning with a celebration of an Ideal, "Love" proceeds to describe some of the chief perversions, Altruism, Egotism, and Obsession. These distortions masquerade under various mythic guises, of which two follow—Romance, an account of the fantasies on which the appetent and the disappointed woman is nourished, and The Object of Male Fantasy, which deals with the favourite ways in which women are presented in specifically male literature. The Middle-Class Myth of Love and Marriage records the rise of the most commonly accepted mutual fantasy of heterosexual love in our society, as a prelude to a discussion of the normal form of life as we understand it, the Family. The nuclear family of our time is severely criticized, and some vague alternatives are suggested, but the chief function of this part, as of the whole book, is mostly to suggest the possibility and the desirability of an alternative. The chief bogy of those who fear freedom is insecurity, and so Love ends with an animadversion on the illusoriness of Security, the ruling deity of the welfare state, never more insubstantial than it is in the age of total warfare, global pollution and population explosion.

 

Commençant par la célébration d'un idéal, "Love" décrit quelques-unes des principales perversions, l'altruisme, l'égoïsme et l'obsession. Ces distorsions se dissimulent sous diverses formes mythiques, dont deux suivent - la romance, un compte rendu des fantasmes dont se nourrissent les femmes appétissantes et déçues, et l'objet du fantasme masculin, qui traite des façons préférées dont les femmes sont présentées dans la littérature spécifiquement masculine. Le mythe de l'amour et du mariage dans la classe moyenne retrace la montée du fantasme mutuel de l'amour hétérosexuel le plus communément accepté dans notre société, en prélude à une discussion sur la forme de vie normale telle que nous la concevons, la famille. La famille nucléaire de notre époque est sévèrement critiquée et quelques vagues alternatives sont suggérées, mais la fonction principale de cette partie, comme de l'ensemble du livre, est surtout de suggérer la possibilité et le bien-fondé d'une alternative. La principale bogue de ceux qui craignent la liberté étant l'insécurité, "Love" se termine par une animadversion sur le caractère illusoire de la sécurité, la divinité dominante de l'État-providence, qui n'a jamais été aussi insubstantielle qu'à l'ère de la guerre totale, de la pollution mondiale et de l'explosion démographique.

 

Dans ce qui est peut-être l'une des thèses les plus provocantes de "The Female Eunuch", Greer affirme que l'amour a été tellement perverti qu'il s'est transformé en haine, en dégoût et en répugnance. Elle affirme, dit-elle, qu'au fond d'eux-mêmes, les hommes haïssent les femmes et les rejettent, non sans un certain dégoût, en particulier pendant l'acte sexuel. Pour prouver son point de vue, elle cite de nombreux exemples....

 

"HATE" (Loathing and Disgust, Abuse, Misery, Resentment, Rebellion) -

"Because love has been so perverted, it has in many cases come to involve a measure of hatred. In extreme cases it takes the form of Loathing and Disgust occasioned by sadism, fastidiousness and guilt, and inspires hideous crimes on the bodies of women, but more often it is limited to Abuse and ridicule, expressed by casual insult and facetiousness. Rather than dwell upon the injustices suffered by women in their individual domestic circumstances, these parts deal with more or less public occasions in which the complicated patterns of mutual exploitation do not supply any ambiguous context. There are many subjective accounts of suffering to be found in feminist literature, so Misery deals with the problem on a broader scale, showing how much objective evidence there is that women are not happy even when they do follow the blueprint set out by sentimental and marriage guidance counsellors and the system that they represent. Although there is no pattern of female assault on men to parallel their violence to women, there is plenty of evidence of the operation of Resentment in bitter, non-physical sexual conflict, usually enacted as a kind of game, a ritualized situation in which the real issues never emerge. This unconscious vindictiveness has its parallels in more organized and articulate female Rebellion, in that it seeks to characterize men as the enemy and either to compete with or confront or attack them. In so far as such movements demand of men, or force men to grant their liberty, they perpetuate the estrangement of the sexes and their own dependency.

 

Parce que l'amour a été tellement perverti, il en est venu, dans de nombreux cas, à impliquer une certaine dose de haine. Dans les cas extrêmes, cette haine prend la forme du dégoût et de la répugnance provoqués par le sadisme, l'obséquiosité et la culpabilité, et inspire des crimes hideux sur le corps des femmes, mais le plus souvent elle se limite à la maltraitance et au ridicule, exprimés par l'insulte désinvolte et la facétie. Plutôt que de s'attarder sur les injustices subies par les femmes dans leur situation domestique individuelle, ces parties traitent d'occasions plus ou moins publiques dans lesquelles les schémas compliqués d'exploitation mutuelle n'offrent pas de contexte ambigu. La littérature féministe contient de nombreux récits subjectifs de souffrances. Misery aborde donc le problème à une échelle plus large, en montrant combien il existe de preuves objectives que les femmes ne sont pas heureuses, même lorsqu'elles suivent le plan établi par les conseillers sentimentaux et matrimoniaux, ainsi que par le système qu'ils représentent. Bien qu'il n'y ait pas de modèle d'agression féminine contre les hommes qui soit parallèle à leur violence à l'égard des femmes, il existe de nombreuses preuves du fonctionnement du ressentiment dans les conflits sexuels amers et non physiques, qui se déroulent généralement sous la forme d'une sorte de jeu, d'une situation ritualisée dans laquelle les véritables problèmes n'apparaissent jamais. Cette vindicte inconsciente a ses parallèles dans la rébellion féminine plus organisée et plus articulée, en ce sens qu'elle cherche à caractériser les hommes comme l'ennemi et à les concurrencer, les confronter ou les attaquer. Dans la mesure où ces mouvements exigent des hommes ou les obligent à leur accorder leur liberté, ils perpétuent l'éloignement des sexes et leur propre dépendance.

 

Dans la dernière partie de son livre, Greer suggère que les femmes doivent désormais refuser de s'engager dans des relations patriarcales telles que le mariage, refuser d'être des travailleuses non rémunérées et s'opposer à tous les stéréotypes concernant les femmes. Par-dessus tout, elle affirme que les femmes doivent se réapproprier leur sexualité, leur énergie et leur pouvoir. En se libérant des processus d'une société misogyne, affirme Greer, les femmes peuvent œuvrer à leur propre libération sexuelle et sociale. Greer a voulu que "The Female Eunuch" soit particulièrement subversif, et il se présente comme un texte féministe radical. Avec son langage sexuellement explicite, son appel provocateur à la libération a influencé d'innombrables femmes....

 

- "REVOLUTION" -

"Revolution" ought to entail the correction of some of the false perspectives which our assumptions about womanhood, sex, love and society have combined to create. Tentatively it gestures towards the re-deployment of energy, no longer to be used in repression, but in desire, movement and creation. Sex must be rescued from the traffic between powerful and powerless, masterful and mastered, sexual and neutral, to become a form of communication between potent, gentle, tender people, which cannot be accomplished by denial of heterosexual contact. 

 

La "révolution" devrait impliquer la correction de certaines des fausses perspectives que nos hypothèses sur la féminité, le sexe, l'amour et la société ont contribué à créer. Il s'agit d'un geste timide vers le redéploiement de l'énergie, qui ne doit plus être utilisée dans la répression, mais dans le désir, le mouvement et la création. Le sexe doit être sauvé du trafic entre puissants et impuissants, maîtres et maîtrisés, sexuels et neutres, pour devenir une forme de communication entre personnes puissantes, douces et tendres, ce qui ne peut être accompli par le refus du contact hétérosexuel. 

 

The Ultra-feminine must refuse any longer to countenance the self-deception of the Omnipotent Administrator, not so much by assailing him as freeing herself from the desire to fulfil his expectations. It might be expected that men would resist female liberation because it threatens the foundations of phallic narcissism, but there are indications that men themselves are seeking a more satisfying role. If women liberate themselves, they will perforce liberate their oppressors: men might well feel that as sole custodians of sexual energy and universal protectors of women and children they have undertaken the impossible, especially now that their misdirected energies have produced the ultimate weapon. In admitting women to male-dominated areas of life, men have already shown a willingness to share responsibility, even if the invitation has not been taken up. Now that it might be construed that women are to help carry the can full of the mess that men have made, it need not be surprising that women have not leapt at the chance. If women could think that civilization would come to maturity only when they were involved in it wholly, they might feel more optimism in the possibilities of change and new development. The spiritual crisis we are at present traversing might be just another growing pain.

 

L'ultra-féminine doit refuser plus longtemps de cautionner l'auto-illusion de l'administrateur omnipotent, non pas tant en l'assaillant qu'en se libérant du désir de répondre à ses attentes. On pourrait s'attendre à ce que les hommes résistent à la libération féminine parce qu'elle menace les fondements du narcissisme phallique, mais il semble que les hommes eux-mêmes recherchent un rôle plus satisfaisant. Si les femmes se libèrent elles-mêmes, elles libéreront nécessairement leurs oppresseurs : les hommes pourraient bien avoir le sentiment qu'en tant que seuls dépositaires de l'énergie sexuelle et protecteurs universels des femmes et des enfants, ils ont entrepris l'impossible, surtout maintenant que leurs énergies mal dirigées ont produit l'arme ultime. En admettant les femmes dans les domaines de la vie dominés par les hommes, les hommes ont déjà montré leur volonté de partager les responsabilités, même si l'invitation n'a pas été suivie d'effet. Maintenant que l'on peut considérer que les femmes doivent aider à porter la boîte pleine du gâchis que les hommes ont fait, il ne faut pas s'étonner que les femmes n'aient pas sauté sur l'occasion. Si les femmes pouvaient penser que la civilisation n'arrivera à maturité que lorsqu'elles y participeront pleinement, elles seraient peut-être plus optimistes quant aux possibilités de changement et de nouveau développement. La crise spirituelle que nous traversons actuellement pourrait n'être qu'une douleur croissante de plus.

 

"Revolution" does little more than ‘peep to what it would’. It hints that women ought not to enter into socially sanctioned relationships, like marriage, and that once unhappily in they ought not to scruple to run away. It might even be thought to suggest that women should be deliberately promiscuous. It certainly maintains that they should be self-sufficient and consciously refrain from establishing exclusive dependencies and other kinds of neurotic symbioses. Much of what it points to is sheer irresponsibility, but when the stake is life and freedom, and the necessary condition is the recovery of a will to live, irresponsibility might be thought a small risk. It is almost a hundred years since Nora asked Helmer ‘What do you consider is my most sacred duty?’ and when he answered ‘Your duty to your husband and children’, she demurred.

 

La "révolution" ne fait rien d'autre que de "jeter un coup d'œil à ce qu'elle ferait". Il laisse entendre que les femmes ne devraient pas s'engager dans des relations socialement sanctionnées, comme le mariage, et qu'une fois qu'elles sont malheureuses, elles ne devraient pas hésiter à s'enfuir. On pourrait même penser qu'il suggère que les femmes devraient être délibérément dévergondées. Elle soutient certainement qu'elles devraient être autosuffisantes et s'abstenir consciemment d'établir des dépendances exclusives et d'autres types de symbioses névrotiques. Une grande partie de ce qu'elle souligne est de l'irresponsabilité pure et simple, mais lorsque l'enjeu est la vie et la liberté, et que la condition nécessaire est la récupération d'une volonté de vivre, l'irresponsabilité peut être considérée comme un petit risque. Près de cent ans se sont écoulés depuis que Nora a demandé à Helmer "Quel est, selon vous, mon devoir le plus sacré ?" et qu'il lui a répondu "Ton devoir envers ton mari et tes enfants", elle a hésité.

 

I have another duty, just as sacred…My duty to myself…I believe that before everything else I’m a human being—just as much as you are…or at any rate I shall try to become one. I know quite well that most people would agree with you, Torvald, and that you have a warrant for it in books; but I can’t be satisfied any longer with what most people say, and with what’s in books. I must think things out for myself and try to understand them.

The relationships recognized by our society, and dignified with full privileges, are only those which are binding, symbiotic, economically determined. The most generous, tender, spontaneous relationship deliquesces into the approved mould when it avails itself of the approved buttresses, legality, security, permanence. Marriage cannot be a job as it has become. Status ought not to be measured for women in terms of attracting and snaring a man. The woman who realizes that she is bound by a million Lilliputian threads in anattitude of impotence and hatred masquerading as tranquillity and love has no option but to run away, if she is not to be corrupted and extinguished utterly. Liberty is terrifying but it is also exhilarating.

 

J'ai un autre devoir, tout aussi sacré... Mon devoir envers moi-même... Je crois qu'avant toute chose, je suis un être humain - tout autant que vous... ou en tout cas, j'essaierai de le devenir. Je sais bien que la plupart des gens seraient d'accord avec toi, Torvald, et que les livres le justifient ; mais je ne peux plus me contenter de ce que disent les gens et de ce qu'il y a dans les livres. Je dois réfléchir par moi-même et essayer de comprendre.

Les relations reconnues par notre société et bénéficiant de tous les privilèges sont uniquement celles qui sont contraignantes, symbiotiques, économiquement déterminées. La relation la plus généreuse, la plus tendre, la plus spontanée se coule dans le moule approuvé lorsqu'elle se prévaut des contreforts approuvés, de la légalité, de la sécurité, de la permanence. Le mariage ne peut pas être un métier comme il l'est devenu. Pour les femmes, le statut ne doit pas se mesurer en termes d'attraction et de séduction d'un homme. La femme qui se rend compte qu'elle est liée par un million de fils lilliputiens dans une attitude d'impuissance et de haine déguisée en tranquillité et en amour n'a d'autre choix que de fuir, si elle ne veut pas être corrompue et totalement anéantie. La liberté est terrifiante, mais elle est aussi exaltante.

 

Life is not easier or more pleasant for the Noras who have set off on their journey to awareness, but it is more interesting, nobler even. Such counsel will be called encouragement of irresponsibility, but the woman who accepts a way of life which she has not knowingly

chosen, acting out a series of contingencies falsely presented as destiny, is truly irresponsible. To abdicate one’s own moral understanding, to tolerate crimes against humanity, to leave everything to someone else, the father-ruler-king-computer, is the only irresponsibility. To deny that a mistake has been made when its results are chaos visible and tangible on all sides, that is irresponsibility. What oppression lays upon us is not responsibility but guilt.

The revolutionary woman must know her enemies, the doctors, psychiatrists, health visitors, priests, marriage counsellors, policemen, magistrates and genteel reformers, all the authoritarians and dogmatists who flock about her with warnings and advice. She must know her friends, her sisters, and seek in their lineaments her own.

 

La vie n'est pas plus facile ni plus agréable pour les Noras qui ont entrepris leur voyage vers la conscience, mais elle est plus intéressante, plus noble même. De tels conseils seront qualifiés d'encouragement à l'irresponsabilité, mais la femme qui accepte un mode de vie qu'elle n'a pas choisi en toute connaissance de cause, agissant selon une série de contingences faussement présentées comme un destin, est vraiment irresponsable.

Mais la femme qui accepte un mode de vie qu'elle n'a pas choisi en toute connaissance de cause, qui agit en fonction d'une série de contingences faussement présentées comme un destin, est vraiment irresponsable. Abdiquer sa propre compréhension morale, tolérer les crimes contre l'humanité, tout laisser à quelqu'un d'autre, le père-règle-roi-ordinateur, c'est la seule irresponsabilité. Nier qu'une erreur a été commise alors que ses résultats sont un chaos visible et tangible de tous côtés, c'est de l'irresponsabilité. Ce que l'oppression nous impose, ce n'est pas la responsabilité mais la culpabilité.

La femme révolutionnaire doit connaître ses ennemis, les médecins, les psychiatres, les visiteurs médicaux, les prêtres, les conseillers matrimoniaux, les policiers, les magistrats et les réformateurs gentils, tous les autoritaires et les dogmatiques qui affluent autour d'elle avec des avertissements et des conseils. Elle doit connaître ses amies, ses sœurs, et chercher dans leurs traits sa propre personnalité.

 

With them she can discover cooperation, sympathy and love. The end cannot justify the means: if she finds that her revolutionary way leads only to further discipline and continuing incomprehension, with their corollaries of bitterness and diminution, no matter how glittering the objective which would justify it, she must understand that it is a wrong way and an illusory end. The struggle which is not joyous is the wrong struggle. The joy of the struggle is not hedonism and hilarity, but the sense of purpose, achievement and dignity which is the reflowering of etiolated energy. Only these can sustain her and keep the flow of energy coming. The problems are only equalled by the possibilities: every mistake made is redeemed when it is understood. The only ways in which she can feel such joy are radical ones: the more derided and maligned the action that she undertakes, the more radical.

 

Avec eux, elle peut découvrir la coopération, la sympathie et l'amour. La fin ne peut justifier les moyens : si elle constate que sa voie révolutionnaire ne mène qu'à une discipline accrue et à une incompréhension permanente, avec leurs corollaires d'amertume et d'amoindrissement, quel que soit l'éclat de l'objectif qui la justifierait, elle doit comprendre qu'il s'agit d'une voie erronée et d'une fin illusoire. La lutte qui n'est pas joyeuse est la mauvaise lutte. La joie de la lutte n'est pas l'hédonisme et l'hilarité, mais le sens du but, de l'accomplissement et de la dignité qui est la refloraison de l'énergie étiolée. Seuls ces éléments peuvent la soutenir et maintenir le flux d'énergie. Les problèmes n'ont d'égal que les possibilités : chaque erreur commise est rachetée lorsqu'elle est comprise. Les seules façons de ressentir une telle joie sont radicales : plus l'action qu'elle entreprend est tournée en dérision et calomniée, plus elle est radicale.

 

The way is unknown, just as the sex of the uncastrated female is unknown. However far we can see it is not far enough to discern the contours of what is ultimately desirable. And so no ultimate strategy can be designed. To be free to start out, and to find companions for the journey is as far as we need to see from where we stand. The first exercise of the free woman is to devise her own mode of revolt, a mode which will reflect her own independence and originality. The more clearly the forms of oppression emerge in her understanding, the more clearly she can see the shape of future action. In the search for political awareness there is no substitute for confrontation. It would be too easy to present women with yet another form of self-abnegation, more opportunities for appetence and forlorn hope, but women have had enough bullying. They have been led by the nose and every other way until they have to acknowledge that, like everyone else, they are lost. 

 

Le chemin est inconnu, tout comme le sexe de la femelle non castrée. Aussi loin que nous puissions voir, ce n'est pas assez loin pour discerner les contours de ce qui est finalement souhaitable. C'est pourquoi aucune stratégie ne peut être élaborée. Être libre de commencer et de trouver des compagnons de voyage, c'est tout ce que nous avons besoin de voir depuis notre position actuelle. Le premier exercice de la femme libre est de concevoir son propre mode de révolte, un mode qui reflétera sa propre indépendance et son originalité. Plus les formes d'oppression apparaissent clairement dans sa compréhension, plus elle peut voir clairement la forme de l'action future. Dans la recherche de la conscience politique, il n'y a pas de substitut à la confrontation. Il serait trop facile de présenter aux femmes une autre forme d'abnégation, d'autres possibilités d'appétence et d'espoir déçu, mais les femmes ont été assez brimées. Elles ont été menées par le bout du nez et par tous les chemins jusqu'à ce qu'elles soient obligées de reconnaître que, comme tout le monde, elles sont perdues. 

 

A feminist elite might seek to lead uncomprehending women in another arbitrary direction, training them as a task force in a battle that might, that ought never to eventuate. If there is a pitched battle women will lose, because the best man never wins; the consequences of militancy do not disappear when the need for militancy is over. Freedom is fragile and must be protected. To sacrifice it, even as a temporary measure, is to betray it. It is not a question of telling women what to do next, or even what to want to do next. The hope in which this book was written is that women will discover that they have a will; once that happens they will be able to tell us how and what they want.

 

Une élite féministe pourrait chercher à conduire des femmes incompréhensives dans une autre direction arbitraire, en les entraînant comme une force de frappe dans une bataille qui pourrait, qui ne devrait jamais avoir lieu. S'il y a une bataille rangée, les femmes perdront, parce que le meilleur homme ne gagne jamais ; les conséquences du militantisme ne disparaissent pas lorsque le besoin de militantisme n'existe plus. La liberté est fragile et doit être protégée. La sacrifier, même temporairement, c'est la trahir. Il ne s'agit pas de dire aux femmes ce qu'elles doivent faire ensuite, ni même ce qu'elles veulent faire ensuite. L'espoir qui a présidé à la rédaction de ce livre est que les femmes découvrent qu'elles ont une volonté ; elles pourront alors nous dire comment et ce qu'elles veulent.

 

The fear of freedom is strong in us. We call it chaos or anarchy, and the words are threatening. We live in a true chaos of contradicting authorities, an age of conformism without community, of proximity without communication. We could only fear chaos if we imagined that it was unknown to us, but in fact we know it very well. It is unlikely that the techniques of liberation spontaneously adopted by women will be in such fierce conflict as exists between warring self-interests and conflicting dogmas, for they will not seek to eliminate all systems but their own. However diverse they may be, they need not be utterly irreconcilable, because they will not be conquistatorial. 

 

La peur de la liberté est forte en nous. Nous appelons cela le chaos ou l'anarchie, et les mots sont menaçants. Nous vivons dans un véritable chaos d'autorités contradictoires, une ère de conformisme sans communauté, de proximité sans communication. Nous ne pourrions craindre le chaos que si nous imaginions qu'il nous est inconnu, mais en fait nous le connaissons très bien. Il est peu probable que les techniques de libération adoptées spontanément par les femmes se heurtent à des conflits aussi violents que ceux qui opposent les intérêts personnels et les dogmes, car elles ne chercheront pas à éliminer tous les systèmes sauf le leur. Aussi diverses qu'elles puissent être, elles n'auront pas besoin d'être totalement inconciliables, parce qu'elles ne seront pas conquérantes. 

 

Hopefully, this book is subversive...."


"Backlash: The Undeclared War Against American Women", Susan Faludi (1991)

Introduction : blame it on feminism -- 1: Myths and flashbacks -- Man shortages and barren wombs : the myths of the backlash -- Backlashes then and now -- 2: The backlash in popular culture -- The "trends" of antifeminism : the media and the backlash -- Fatal and fetal visions : the backlash in the movies -- Teen angels and unwed witches : the backlash on TV -- Dressing the dolls : the fashion backlash -- Beauty and the backlash -- 3: Origins of a reaction: backlash movers, shakers, and thinkers -- The politics of resentment : the new right's war on women -- Ms. Smith leaves Washington : the backlash in national politics -- The backlash brain trust : from neocons to neofems -- 4: Backlashings: the effects on women's minds, jobs, and bodies -- It's all in your mind : popular psychology joins the backlash -- The wages of the backlash : the toll on working women -- Reproductive rights under the backlash : the invasion of women's bodies

 

"Backlash" paraît au début des années 1990, une décennie qui voit la publication de plusieurs autres ouvrages féministes, "The Beauty Myth", de Naomi Wolf (1990), "Revolution From Within", de Gloria Steinem (1992) et "The War Against Women" de Marilyn French (1992).  Le livre, best-seller, revient sur les années 1980, des années qui succèdent à une décennie, celle de 70, qui a compté de très nombreuses avancées avancées féministes, des gains certes initiés par la deuxième vague du mouvement, mais restés inachevés. Or, dit-elle, on assiste dès cette fin des années 1980 à une riposte considérable des forces dites réactionnaires, - au moins conservatrices -, alimentée tant par les médiasque par le mouvement de libération des femmes. Alors que les femmes semblaient sur le point d'atteindre enfin une égalité tant revendiquée, une réaction prend corps, dans la société politico-médiatique, et tente de convaincre les Américains que le mécontentement des femmes découlait de cette égalité, - pourtant partielle -, plutôt que de son absence. Et de fait, quand bien même le XXIe siècle semble débuter avec des avancées féministes substantielle, portées notamment par une nouvelle génération de femmes s'exprimant via les nouveaux espaces qu'offre internet, que nombre d'entreprises inscrivent « l’égalité des sexes » parmi leurs valeurs fondamentales, que le Congrès se peuple de plus en de femmes,  que les dénonciations des  agressions sexuelles s'organisent explicitement, les ferments de la réaction, nombreux et puissants, y compris parmi les femmes, ne cessent de diaboliser leur liberté. 

 

"Blame it on Feminism" introduit l'intention dominante de "Backlash" en partant du double discours circulant médiatiquement à propos du féminisme des années 1980 : la lutte féministe pour l’égalité, a été très largement gagnée, mais maintenant que les femmes ont acquis cette égalité, elles n’ont jamais été dans une condition d'existence aussi déplorable. Or cette lutte est non seulement loin d'être achevée, soutient Faludi, mais faut-il encore s'organiser pour arrêter cette puissante contre-offensive qui ne vise qu'à arrêter ou inverser les gains déjà si durement acquis dans ce combat pour l’égalité. 

 

"Part One – Myths and Flashbacks" - La source de cette contre-offensive est alimentée par des enquêtes et des statistiques médiatisée à l'extrême, le plus souvent non étayées et mobilisées uniquement à charge, sont ainsi reconstruits nombre de justifications mythiques à l'encontre des femmes, Faludi les reprend et les réfute, non sans reprendre des situations similaires dans l'histoire récente.

 

"Part Two – The Backlash in Popular Culture" - Comment opère ce "contrecoup" dans la culture populaire, portée par une diffusion négative : reportages sur les "tendances", sur l'évolution supposée du rôle des femmes, l'industrie cosmétique ou la chirurgie esthétique, la mobilisation médiatique emprunte tous les poncifs possibles et joue sur la répétition, "la nouvelle abstinence", "la nouvelle féminité", "la nouvelle moralité" , "le nouveau célibat". Hollywood y a sa part, mythologie oblige, et la télévision produit les séries qui entretiennent ces "tendances" jugées populaires et parfaitement fondée dans l'air du temps.

"Part Three – Origins of a Reaction: Backlash Movers, Shakers, and Thinkers" - L'auteur évoque ici la "Nouvelle Droite" (New Right), dont l'intenttion dominante est de " remonter le temps à 1954", la présidence Reagan et de son renversement des acquis féministes des années 1970, et quelques écrivains ou personnages "grand public" dont les opinions ont aidé le public à accepter cette contre-offensive, consciemment ou pas. 

 

 "Part Four – Backlashings: The Effects on Women's Minds, Jobs, and Bodies" - Faludi dresse ici un bilan intermédiaire lié aux implications d'une telle contre-offensive, non seulement au niveau d'un certaine nombre de manuels à consonnance sociale ou de livres de psychologie grand-public, voire de thérapie, que des indicateurs socio-économiques qui montrent par exemple le déclin de la situation d’emploi et d’une ségrégation de plus en plus marquée entre les sexes, les salaires des femmes diminuant tout au long des années 1980 ...

 

Faludi conclura en suggérant que bien que les années 1980 aient été une décennie qui "a produit une longue, douloureuse et incessante campagne pour contrecarrer le progrès des femmes" (produced one long, painful and unremitting campaign to thwart women's progress),  les femmes ont résisté. Mais ont-elles été, sont-elles véritablement conscientes du pouvoir politique et de la dynamique sociales dont elles disposent?


"Divided lives : American women in the twentieth century", by Rosenberg, Rosalind (1992)

La vie des femmes américaines a radicalement changé au cours des neuf décennies qui ont suivi le tournant du siècle. Les femmes ont fait des progrès extraordinaires pour obtenir l’autonomie personnelle, la liberté sexuelle, l’indépendance économique et les droits légaux. Ils ont obtenu le droit de vote, le droit légal à un salaire égal pour un travail égal et le droit de contrôler leur vie reproductive. Néanmoins, la grande majorité des femmes assument encore les charges domestiques qui laissent les hommes libres de jouer leur rôle traditionnel à l’extérieur du foyer; paradoxalement, le socle de l’individualisme libéral qui a rendu possibles les grands acquis des femmes s’oppose à la puissante tradition d’inégalité entre les sexes. De plus, cela a nui à la croissance des services sociaux — les soins de santé, l’aide maternelle et la garde d’enfants — qui pourraient promouvoir davantage l’égalité des femmes. L’égalité dans la pratique demeure insaisissable. Rosalind Rosenberg écrit une histoire vivante. Elle comprend des vignettes de nombreux grands leaders qui, au cours d’un siècle de lutte turbulente, ont accompli tant pour leur sexe : les réformistes Jane Addams et Frances Peck; les leaders syndicaux Elizabeth Gurley Flynn et Ruth Young; les défenseurs du contrôle des naissances Emma Goldman et Margaret Sanger; les leaders des droits civiques Ida Wells-Barnett et Pauli Murray; les féministes Alice Paul et Betty Friedan; et de nombreuses femmes moins connues. Agréable, coloré et éclairé, le livre de Mme Rosenberg maintient une orientation claire puisqu’il traite des dirigeants, des objectifs (parfois contradictoires) et des triomphes (et des revers occasionnels) du mouvement des femmes au XXe siècle.


"The feminist promise : 1792 to the present", by Stansell, Christine, 2010

Wild wishes -- Brothers and sisters: women's rights and the abolition of slavery -- New moral worlds -- Loyalty's limits: the Civil War, emancipation, and women's bids for power -- The politics of the mothers -- Modern times: political revival and winning the vote -- Democratic homemaking and its discontents: feminism in the lost years -- The revolt of the daughters -- Politics as usual and unusual politics -- Politics and the female body -- Global feminism: the age of Reagan and beyond.

« Depuis plus de deux siècles, les rangs des féministes comprennent des idéalistes rêveurs et des réformateurs consciencieux, des rebelles érotiques et des ménagères en colère, des écrivains éblouissants, des stratèges politiques avisés et des travailleuses contrariées. Avec une main habile, Stansell peint des portraits surprenants et richement détaillés de leaders bien connus : Mary Wollstonecraft, l’écrivaine anglaise passionnée qui, en 1792, publia le premier argumentaire complet pour les droits des femmes ; Elizabeth Cady Stanton, brillante et intrépide ; l’impérieuse et querelleuse Betty Friedan....

D’autres, également, apparaissent sous un nouveau jour, comme Ruth Bader Ginsburg, qui dans les années 1970 a mené une révolution dans les interprétations constitutionnelles des droits des femmes. Au cours d’une carrière de plusieurs décennies, Ruth Bader Ginsburg (1933-2020), membre de la Cour suprême des États-Unis de 1993 à 2020, la deuxième femme nommée à la plus haute juridiction fédérale., s'est engagée tant pour l’égalité des sexes que pour s’assurer que la Constitution des États-Unis ne laisse personne de côté. Son travail a transformé non seulement le paysage juridique américain, mais la société américaine en général ("My Own Words", 2016 ; "Ruth Bader Ginsburg: A Life", Jane Sherron De Hart, 2018). Et Toni Morrison, dont la prose douce-amère a donné voix à l’expérience féminine noire moderne. Stansell explique les échecs du féminisme ainsi que les succès. Elle note des moments importants dans la lutte pour l’égalité des sexes, comme l’émergence, au début des années 1900, de la 'New Woman'; l’adoption du dix-neuvième amendement, qui accordait aux femmes le droit de vote; l’effondrement des néo-démocrates de banlieue après la Seconde Guerre mondiale. Le victorianisme, et le féminisme radical des années 1960, qui ont tous entraîné de vastes changements dans la culture et la société américaines. en racontant l’histoire à travers l’âge de Reagan et à l’ère des mouvements féministes internationaux qui ont balayé le globe...


"Century of Struggle: The Woman’s Rights Movement in the United States", Eleanor Flexner (1959) - "Century of Struggle" raconte l’histoire d’un des grands mouvements sociaux de l’histoire américaine. La lutte pour le droit de vote des femmes a été l’un des défis les plus longs, les plus réussis et, à certains égards, les plus radicaux jamais posés au système électoral américain. et « Le livre que vous allez lire raconte l’histoire d’un des grands mouvements sociaux de l’histoire américaine. La lutte pour le droit de vote des femmes a été l’un des défis les plus longs, les plus réussis et, à certains égards, les plus radicaux jamais posés au système électoral américain… Il est difficile d’imaginer maintenant une époque où les femmes étaient en grande partie exclues par la coutume, la pratique et le droit des droits et responsabilités politiques formels qui soutenaient et soutenaient la jeune démocratie du pays… Dans l’histoire politique américaine moderne, le mouvement du suffrage n’a que peu d’équivalent ...

 

(Préface) "Where American women are concerned, "the scene" has changed so drastically since this book was first published in 1959 that its preface should serve a very different purpose from the original one. At that time there was almost no interest in the past history of women or their current situation. Few were concerned that originally women could neither \ote nor attend college, and that outside of teaching and work in factories or on the farm, they had few ways of earning a decent livelihood. How their position changed, and through whose efforts, mattered to none, certainly not to historians or textbook authors, who, at best, referred to passage of the woman suffrage amendment to the Constitution in 1920.

During the forty some years after that event, with the exception of a small group working for a further "Equal Rights Amendment," there was no organized "woman's rights movement," and this despite continuing discrepancies between the earnings of men and women, the small number of women in political life (although women had come to outnumber men on the voter registration lists by 1956) , and the fact that very few women achieved union leadership although the numbers of working women were steadily increasing. Few women reached the top, whether in business, the professions or politics.

Nevertheless as an issue the status of women was nonexistent.

Any conHicts which might beset women intent on a working career and family responsibilities remained a private affair. Today, all these questions, and many others relating to women, are widely and hotly debated. The change came so suddenly and so dramatically as to raise yet another question: "Why?" The answer, "women's lib," only substitutes one mystery for another. Why should it happen at the particular time it did—the close of the 1960's?

 

"En ce qui concerne les femmes américaines, "la scène" a tellement changé depuis que ce livre a été publié pour la première fois en 1959 que sa préface devrait servir un but très différent de l’original. À cette époque, il n’y avait presque aucun intérêt pour l’histoire passée des femmes ou leur situation actuelle. Peu de gens craignaient qu’à l’origine, les femmes ne puissent ni aller à l’université, ni aller à l’université, et qu’en dehors de l’enseignement et du travail dans les usines ou à la ferme, elles aient peu de moyens de gagner décemment leur vie. Comment leur position a changé, et par leurs efforts, n’importait à personne, certainement pas aux historiens ou aux auteurs de manuels, qui, au mieux, ont fait référence à l’adoption de la modification du suffrage féminin à la Constitution en 1920.

Au cours des quarante années qui ont suivi cet événement, à l’exception d’un petit groupe de travail pour un nouvel "amendement sur l’égalité des droits", il n’y a pas eu de "mouvement pour les droits des femmes" organisé, et ce malgré les divergences persistantes entre les revenus des hommes et des femmes, le petit nombre de femmes dans la vie politique (bien que les femmes soient devenues plus nombreuses que les hommes sur les listes électorales en 1956) et le fait que très peu de femmes ont accédé à la direction syndicale bien que le nombre de femmes actives ne cesse d’augmenter. Peu de femmes ont atteint le sommet, que ce soit dans les affaires, les professions ou la politique.

Néanmoins, le statut des femmes était inexistant.

Tout ce qui pouvait heurter les femmes désireuses d’une carrière professionnelle et de responsabilités familiales restait une affaire privée. Aujourd’hui, toutes ces questions, et bien d’autres qui ont trait aux femmes, font l’objet de nombreux débats. Le changement est arrivé si soudainement et si dramatiquement qu’il a soulevé une autre question : "Pourquoi?" La réponse, « la libération des femmes », ne fait que substituer un mystère à un autre. Pourquoi cela se produirait-il au moment précis où cela s’est produit — à la fin des années 1960?

 

 The new generation of feminists has raised a host of new issues. Indeed, they question some of the most basic premises of "woman's riglus" as conceived by suffragists, educators and pioneers in the professions in the first decades of-the century. The first "wave" of feminists had insisted, for the most part, that women could be mothers, housewives and activists or full-time paid workers as well; today's "lib" balks at women carrying such loads, and questions whether a mother (or even either parent) need be tied down by child care. The earlier militants claimed that activities and responsibilities outside the home had no harmful effects on their femininity; today the question is asked, what is femininity? Radical ideologists are even querying whether genetic differences between men and women actually exist—whether all differences are not environmental, cultural—and therefore largely meaningless? Fortunately, a history need not attempt answers to such questions; indeed, many of them have been formulated too recently to do more than record that fact. What does, however, need to be essayed is a brief factual summary of what has happened in the recent past, and to link these developments with the events of the hundred years which are the main theme of this book.

 

La nouvelle génération de féministes a soulevé une foule de nouvelles questions. En effet, ils remettent en question certains des prémisses les plus fondamentales du "woman's riglus" tel que conçu par les suffragettes, les éducateurs et les pionniers des professions dans les premières décennies du siècle. La première "wave" de féministes avait insisté, pour la plupart, sur le fait que les femmes pouvaient être des mères, des femmes au foyer et des activistes ou des travailleurs rémunérés à plein temps; la "lib" d’aujourd’hui rechigne à ce que les femmes portent de telles charges, et se demande si une mère (ou même l’un ou l’autre des parents) doivent être liées par des services de garde. Les militants précédents ont affirmé que les activités et les responsabilités à l’extérieur du foyer n’avaient pas d’effets néfastes sur leur féminité; aujourd’hui, la question est posée, qu’est-ce que la féminité? Les idéologues radicaux se demandent même si les différences génétiques entre les hommes et les femmes existent vraiment — si toutes les différences ne sont pas environnementales, culturelles — et donc en grande partie dénuées de sens? Heureusement, il n’est pas nécessaire que l’histoire tente de répondre à de telles questions; en effet, beaucoup d’entre elles ont été formulées trop récemment pour faire plus que d’enregistrer ce fait. Ce qu’il faut essayer, cependant, c’est un bref résumé factuel de ce qui s’est passé dans le passé récent, et de lier ces développements avec les événements du siècle qui sont le thème principal de ce livre...."