PAYSAGES - VOYAGES & TOURISME, L'AUTRE MONDE ...


Le tourisme résulte d’une division binaire basique, il y a d'une part l'ordinaire de la vie quotidienne, et de l'autre l'aventure, l'extraordinaire, le singulier, le décalé, ou plus modestement l'exotisme de proximité. L'expérience touristique doit dépasser, un temps raisonnable sous peine de perdre son artificielle apparence, cet ordinaire dans lequel nous avons désormais bien du mal à construire cette image de soi, vis-à-vis des autres, qui devient notre essentiel moyen de communication avec nos semblables ... et nous-mêmes... Et c'est ainsi que prennent corps d'immenses pélerinages vers les lieux consacrés du tourisme international, pour les plus égocentriques, et les plus aisés, les lieux branchés et méga-évènements du moment. ..

 

Tourism is the result of a basic binary division: on the one hand, there's the ordinary of everyday life, and on the other, adventure, the extraordinary, the singular, the out-of-the-ordinary, or more modestly, local exoticism. The tourist experience must go beyond, for a reasonable period of time, or risk losing its artificial appearance, this ordinariness in which we now have great difficulty in constructing this self-image, in relation to others, which has become our essential means of communication with our fellow human beings... and ourselves... And so it is that immense pilgrimages to the consecrated places of international tourism take shape, for the most egocentric and affluent, the trendy places and mega-events of the moment...

 

L'être humain a exploré la planète Terre, l'a découpé en Etats au gré des langues, des ethnies et des conflits, dressé des frontières et ... dépouillé la Nature en la colonisant, paysages et peuplements associés. L'être humain est physiologiquement et intellectuellement appareillé à la planète Terre, il y a puisé son intelligence et sa pratique de la vie, sans même s'en rendre compte. Une même humanité, - huit milliards d'habitants - se partage la planète Terre, mais chacun cloisonné derrière ses frontières, et pourtant en totale interdépendance, sans même s'en rendre compte, si ce n'est à jouer à ce qu'on appelle la "mondialisation", qui insensiblement modèle notre existence et érode toujours un peu plus notre intelligence critique. Elle est aux mains des dominants, subie par les dominés qui tant qu'ils ont quelque illusion de liberté, de liberté de jeux notamment, - et c'est bien le rôle de la technologie -, se suffisent à être spectateurs indifférents d'une histoire qui n'est plus qu'évènementielle....

 

Human beings have explored planet Earth, carving it up into states according to language, ethnicity and conflict, erecting borders and stripping Nature of its landscapes and associated populations. Human beings are physiologically and intellectually attuned to planet Earth, and have drawn their intelligence and way of life from it, without even realizing it. One and the same humanity - eight billion inhabitants - share planet Earth, but each cloistered behind their borders, and yet in total interdependence, without even realizing it, other than to play at what we call "globalization", which is insensitively shaping our existence and eroding our critical intelligence ever further. It is in the hands of the dominant, and suffered by the dominated, who as long as they have some illusion of freedom, particularly freedom of play - and this is the role of technology - are content to be indifferent spectators of a history that is no more than event-driven....


Cette planète Terre est donnée à voir, à partager, à respecter, nous ne la voyons que par le prisme tant médiatique que de nos préjugés, nous ne la partageons ni ne la respectons tant nos points de vue sont restrictifs et le citoyen du monde une douce rêverie littéraire. Et pourtant, nous sommes bien les enfants d'une histoire et de nombreux paysages, qu'ils soient réels, désirés ou imaginés, toutes les cultures que l'on veut tant isoler les unes des autres et adosser à des nations qui ne sont que découpage aléatoire d'une très longue histoire conflictuelle, partagent bien des thématiques et des aspirations communes, elles communiquent d'emblée les unes avec les autres sans même que nous nous rendions compte. Mais qui veut s'en rendre compte...

Entretemps, c'est installé un autre monde qui vient redoubler notre monde-nature, un monde digitalisé, machine à découper la surface du monde pour mieux s'y loger et exister dans l'immédiat, l'évènement médiatique, et la représentation de soi.

A quoi bon varier les points de vue et s'interroger avec un peu d'humilité, il fait si bon voguer à la surface des choses, des autres et de soi-même. La planète Terre est notre socle commun de vie, au-delà de tous les découpages que nous pourrions en faire, au-delà de tous les miroirs digitalisés que nous pourrions tendre à nos egos, au-delà de toutes les formes de domination que nous acceptons comme allant de soi, au-delà de tous les inégalités sociales que nous jugeons quasi naturelles. Parcourir le monde a toujours, de tout temps, nourrit de véritables expériences au travers desquelles nous éprouvons le sens que nous donnons à notre vie, à celle des autres, voire à concevoir ce sens. Cela semble aller de soi, mais l'être humain, qui déjà ne se détache plus de ses réseaux sociaux, s'enferme sur lui-même et courbe l'échine, souvent par indifférence, pour ne pas trop réfléchir. Il s'est ainsi trouvé une fenêtre sur la planète Terre qui ne demande pas trop de remise en question : la "turismania" ...



Notre planète Terre de plus de 7 milliards d'habitants (environ 8,5 milliards en 2035) est l'objet d'un flux touristique sans équivalent à la mesure de notre si courte histoire, plus de 960 millions en 2022 (contre 25 millions en 1950), pour n'évoquer que le tourisme international : plus de 600M (millions) à destination de l' Europe (se répartissant principalement entre la France, 80M, l'Espagne, 72M, l'Italie, 50M (et 10%  à 12% du PIB), le Royaume-Uni, 31M, l'Allemagne, 29M), plus de 360 millions à destination de l'Asie et du Pacifique (la Chine, 65M, Thaïlande, 40M, Japon, 32M, Malaisie, 26M), plus de 200 millions vers le continent américain (dont 51M vers les Etats-Unis, 38M vers le Mexique), plus de 60 millions vers l'Afrique (l'Egypte et le Maroc, 13M chacun, l'Afrique du Sud, 10M),  et plus de 60 millions vers le Proche-Orient. On veut espérer 600 millions de voyages supplémentaires prévus par l’OMT dans le secteur du tourisme international, soit un total de 1,8 milliard en 2030, et près de la moitié d’entre eux proviendront de la Chine qui représente potentiellement un quart du tourisme international. Mais ces mobilités sont extrêmement coûteuses pour l’environnement, les transports représentant environ un tiers de toutes les émissions de CO2. Isolé de l’environnement d’accueil et de la population locale, le touriste de masse voyage en groupes guidés de monuments en attractions artificielles et jouissant de pseudo-événements ..

Au fil du temps, via la publicité et les médias, il  s’agit encore et toujours de constituer un système fermé d’illusions qui fournissent au touriste la base idéale pour sélectionner et évaluer les lieux potentiels à visiter, et les futurs selfies qui alimenteront les popularités individuelles des réseaux sociaux ...

 


Plafonner le nombre de visiteurs à travers le monde devient une nécessité devant des afflux de touristes qui n'ont de cesse de satisfaire un désir d'évasion, aussi bref que la renommée du site est grande, le temps d'un selfie : le Taj Mahal accueille jusqu'à 50 000 touristes par jour et environ sept millions de personnes visitent le site chaque année, la Cité interdite (Pékin, Chine) jugulant pour l'heure ses 15,3 millions de touristes l'an, en provenance le plus souvent de Hong Kong, Macau, et Taiwan. Bien loin pourtant du Senso-ji, le plus vieux temple bouddhiste de Tokyo, situé dans le quartier d'Asakusa au bord de la rivière Sumida, qui reçoit 30 millions de visiteurs l'an. Si la Basílica de Nuestra Señora de Guadalupe, à Mexico, accueille plus de 20 millions de visiteurs chaque année, la basilique Saint-Pierre de Rome, au Vatican, atteint le chiffre de 11 millions, mais si c'est la ferveur religieuse qui se révèle en ses deux lieux, on peut rappeler qu'à Rome le gouvernement fut dans l'obligation d'interdire de s'asseoir sur l'une des 135 marches de la Piazza di Spagna. Le canyon de Fjaðrárgljúfur, en Islande, a subi les assauts d'un millions de touristes faisant suite à la diffusion d'un clip-vidéo en 2015. L'étroit couloir ferroviaire du "train street" de Hanoi est un incontournable de la capitale du Vietnam et des cohortes de "Selfie-snapping tourists". La petite bourgade idyllique de Haute-Autriche, Hallstatt, et ses 780 habitants  accueillent chaque année plus d'un million de touristes, venus le plus souvent de Chine, de Corée ou du Japon. Le Bloemenmarkt, à Amsterdam, constituait l'unique marché aux fleurs flottant au monde lorsqu'il fut submergé par plus de 18 millions de visiteurs venus uniquement pour poser devant leur smartphone. Il y avait en 2016 à Reykjavik, Iceland, plus de touristes américains que d'islandais, plus d'un million. Le nombre de visiteurs autorisés à visiter quotidiennement l'ancien village inca de Machu Picchu (2500), Cusco, Pérou, est largement dépassé et oblige la mise en place de circuits spécifiques. La blanche Santorin, l'une des plus belles îles des Cyclades, dans la mer Égée, tente d'imposer un quota de 8000 visiteurs par jour pour juguler le flux des quelques 800 000 croisiéristes qui empruntent quelques 600 navires de croisière. Et la population de Cuba, il y a quelques années, fut proche de la pénurie alimentaire après avoir accueilli durant l'année un nombre record de 3,5 millions de visiteurs.....

Contradictions sans fin ... Reinhold Messner, célèbre alpiniste italien de langue allemande, clame haut et fort en février 2024 que les 16 millions d'habitants qui peuplent les Alpes ne peuvent renoncer au tourisme de masse sans disparaître, et ce malgré la réduction du volume des glaciers et la disparition du pergélisol qui entraînerait le glissement de montagnes entières. Quant au sable, la ressource la plus utilisée au monde après l'eau et qui ne peut se reconstituer naturellement, 50 milliards de tonnes son utilisées chaque année pour des constructions en béton, asphalte et verre qui ne cessent de couvrir la planète et la fabrication de microprocesseurs et des panneaux solaires dont il faudrait plus de 50 milliards (350W) pour alimenter le monde ...


La gestion du flux de ces visiteurs, de ces foules, le plus souvent indifférentes, qui envahissent les ruelles, les places, les musées, les ponts, les autobus, les restaurants devient de plus en plus problématique, - l'Espagne et l'Italie, ne serait-ce que par la configuration exiguë de certains sites "touristiques", Venecia et Roma en sont des exemples parfaits -, devient véritablement problématique : on comptait 25 millions de touristes dans le monde dans les années 1950, aujourd'hui, XXIe siècle, c'est bien 1,1 milliard de personnes (près de 10% du PIB mondial) qui "voyagent" dans le monde chaque année, et ce phénomène ne peut que progresser, mondialisation oblige..  

Tourisme massif plus que tourisme de masse, impossible à contenir d'autant que désormais tout être vivant de cette planète est un touriste potentiel et que l'offre touristique s'est élargie, nous n'y recherchons pas tant des monuments et des visites de musées que de l'expérience, une expérience des plus singulières, superficielle, pacagée, un service de consommation standardisé ou personnalisable, quête de souvenirs, d'exotisme et d'émotions au sens le plus large possible. Et dans un même lieu se succèdent désormais au long de l'année des vagues de touristes, touristes consommateurs d'objets et d'émotions, mais totalement indifférents aux lieux et aux habitants qu'ils envahissent le temps d'un bref séjour, l'impact est à peine mesurable aujourd'hui, mais cette mondialisation s'accompagne d'une homogénéisation progressive des sites...


Holi celebration at Dwarkadhish Temple in Mathura, India…..


Nous cheminons ainsi vers cette fameuse civilisation planétaire tant annoncée, et la transition que nous vivons, au fil des différentes générations qui se partagent le monde, est sans doute la plus importante de l'histoire, celle qui nous démarque de toutes les civilisations passées

Et si l'on évoque ces forces inexorables et colossales de l'histoire et de la technologie qui poussent à cet aboutissement et qui sont absolument incontrôlables, ajoutons y cette tendance si constante de l'esprit humain, portée depuis la nuit des temps par la littérature, que l'on dissimule par ignorance ou par hypocrisie : la créativité intellectuelle qui a forgé nos existences et nos sociétés n'est que l'oeuvre d'une infime minorité dans notre Histoire, une minorité le plus souvent sacrifiée à cet égocentrisme assumé de chacun d'entre nous, un égocentrisme qui vire avec une facilité déconcertante à l'indifférence, à la bêtise, à l'intolérance ... 

 

C'est dire aussi qu'en fin de compte, les désirs primitifs qui forgèrent l'homme des cavernes, et toujours présents en nos comportements, pour le meilleur et pour le pire, et l'emporteront toujours sur la technologie moderne quand celle-ci semble s'opposer à ceux-là. Bien que plus de 5 milliards de personnes possèdent dans notre monde des appareils mobiles (les deux tiers de l'humanité), et que plus de la moitié de ces connexions sont des smartphones, et donc intégrées à nos existences individuelles, Internet ne tuera pas la radio ou la télévision, ou les spectacles de toute nature, la cyberculture n'étouffera pas la culture, le cybertourisme et les téléchargements d'images ou de vidéos n'épuiseront pas les frissons - qui frissonne dans un monde digitalisé? -,  que nous éprouvons à contempler un paysage ou une place de marché, à écouter un morceau de musique ou à lire un ouvrage, "se sentir au coeur des choses", "hors des sentiers battus", "one really does feel in the heart of things, and off the beaten track" (E. M. Forster, Where Angels Fear to Tread, 1905) ..

 

Restent cette intelligence humaine critique à entretenir, cette variation des points de vue à privilégier, cette ouverture au monde, nature et humanité, à cultiver comme une part de soi-même : artistes de toute nature ont beaucoup marché ...

 


Les "innocents" à l'étranger, "The Innocents abroad or the new pilgrims'sprogress", 1869, un livre de voyage dans lequel Mark Twain relate avec humour ce qu'il a appelé sa "Great Pleasure Excursion" à bord du navire affrété, le Quaker City, à travers l’Europe et la Terre Sainte avec un groupe de voyageurs américains en 1867 ce fut l’un des livres de voyage les plus vendus de tous les temps ...

 

"During that memorable month I basked in the happiness of being for once in my life drifting with the tide of a great popular movement. Everybody was going to Europe — I, too, was going to Europe. Everybody was going to the famous Paris Exposition — I, too, was going to the Paris Exposition. The steamship lines were carrying Americans out of the various ports of the country at the rate of four or five thousand a week in the aggregate. If I met a dozen individuals during that month who were not going to Europe shortly, I have no distinct remembrance of it now. I walked about the city a good deal with a young Mr. Blucher, who was booked for the excursion. He was confiding, good-natured, unsophisticated, companionable; but he was not a man to set the river on fire. He had the most extraordinary notions about this European exodus and came at last to consider the whole nation as packing up for emigration to France...."

 

"Au cours de ce mois mémorable, j'ai savouré le bonheur d'être, pour une fois dans ma vie, à la dérive d'un grand mouvement populaire. Tout le monde allait en Europe - moi aussi, j'allais en Europe. Tout le monde allait à la célèbre Exposition de Paris - moi aussi, j'allais à l'Exposition de Paris. Les compagnies maritimes transportaient des Américains hors des différents ports du pays au rythme de quatre ou cinq mille par semaine au total. Si j'ai rencontré une douzaine de personnes au cours de ce mois qui n'allaient pas se rendre en Europe sous peu, je n'en ai aucun souvenir précis aujourd'hui. Je me suis beaucoup promené en ville avec un jeune M. Blucher, qui était inscrit à l'excursion. Il était confiant, bon enfant, sans sophistication, aimable, mais il n'était pas homme à mettre le feu à la rivière. Il avait les idées les plus extraordinaires sur cet exode européen et en vint finalement à considérer que toute la nation se préparait à émigrer en France..." 


Métaphysique des lieux - "Il y a dans le trouble des lieux de semblables serrures qui ferment mal sur l'infini" - Louis Aragon et le Surréalisme porteront, plus que tout autre, cette nécessité intérieure, traduisible ou pas littérairement ou picturalement, au fond peu importe, d'éprouver ces expériences privilégiées que nous pouvons faire, pourvu que nous y portions attention, des lieux, fussent-ils quotidiens, villes ou campagnes, montagnes ou bords d'océans...

 

"Je ne veux plus me retenir des erreurs de mes doigts, des erreurs de mes yeux. Je sais maintenant qu'elles ne sont pas que des pièges grossiers, mais de curieux chemins vers un but que rien ne peut me révéler, qu'elles. A toute erreur des sens correspondent d'étranges fleurs de la raison. Admirables jardins des croyances absurdes, des pressentiments, des obsessions et des délires. Là prennent figure des dieux inconnus et changeants. Je contemplerai ces visages de plomb, ces chènevis de l'imagination. Dans vos châteaux de sable que vous êtes belles, colonnes de fumées! Des mythes nouveaux naissent sous chacun de nos pas. Là où l'homme a vécu commence la légende, là où il vit. Je ne veux plus occuper ma pensée que de ces transformations méprisées. Chaque jour se modifie le sentiment moderne de l'existence. Une mythologie se noue et se dénoue. C'est une science de la vie qui n'appartient qu'à ceux qui n'en ont point l'expérience. C'est une science vivante qui s'engendre et se suicide. M'appartient-il encore, j'ai déjà vingt-six ans, de participer à ce miracle? Aurai-je longtemps le sentiment du merveilleux quotidien? Je le vois qui se perd dans chaque homme, avance dans sa propre vie comme dans un chemin de mieux en mieux sauvé, qui avance dans l'habitude du monde avec une aisance croissante, qui se défait progressivement du goût et de la perception de l'insolite. C'est ce que désespérément je ne pourrai jamais savoir.

Métaphysique des lieux, c'est vous qui bercez les enfants, c'est vous qui peuplez leurs rêves. Ces plages de l'inconnu et du frisson, toute notre matière mentale les borde. Pas un pas que je fasse vers le passé, que je ne retrouve ce sentiment de l'étrange qui me prenait, quand j'étais encore l'émerveillement même, dans un décor où pour la première fois me venait la conscience d'une cohérence inexpliquée et de ses prolongements dans mon cœur. 

Toute la faune des imaginations, et leur végétation marine, comme par une chevelure d'ombre, se perd et se perpétue dans les zones mal éclairées de l'activité humaine. C'est là qu'apparaissent les grands phares spirituels, voisins par la forme de signes moins purs. La porte du mystère, une défaillance humaine l'ouvre, et nous voilà dans les royaumes de l'ombre. Un faux pas, une syllabe achoppée révèlent la pensée d'un homme. Il y a dans le trouble des lieux de semblables serrures qui ferment mal sur l'infini. Là où se poursuit l'activité la plus équivoque des vivants, l'inanimé prend parfois un reflet de leurs plus secrets mobiles : nos cités sont ainsi peuplées de sphinx méconnus qui n'arrêtent pas le passant rêveur, s'il ne tourne vers eux sa distraction méditative, qui ne lui posent pas de questions mortelles. Mais s'il sait les deviner ce sage, alors, que lui les interroge, ce sont encore ses propres abîmes que grâce à ses monstres sans figure il va de nouveau sonder. 

La lumière moderne de l'insolite, voilà désormais ce qui va le retenir..." (Le Paysan de Paris, 1926)