George Hendrik Breitner (Rotterdam 1857-1923) - James Ensor (Ostende 1860-1949) - Gustave De Smet (Gand 1877-1943) - Léon Spilliaert (Ostende 1881 - 1946) - Gustave Van De Woestyne (Gand 1881-1947) Albert Servaes (Gand 1883-1966) -  Frits Van den Berghe (Gent 1883-1939) - Constant Permeke (Anvers 1886-1952) - Roger Raveel (Machelen-aan-de-Leie 1921-1964) - ...

Last update: 07/07/2018

 

L'expressionnisme flamand (Vlaams Expressionisme) - Dans la région de la Lys, réputée pour sa lumière irisée, il est un petit village, Laethem-Saint-Martin (Sint-Martens-Latem), à huit kilomètres de Gand, qui à lui seul est emblématique de cette peinture flamande qui, en deux générations, entre 1898 et 1914 notamment, explore toutes les voies artistiques qui s'offre au XIXe siècle finissant, l'impressionnisme ou luminisme, le symbolisme et l'expressionnisme, un expressionnisme qui prend toute son importance après les tragédies de la Première Guerre mondiale. Un premier "groupe" peut être identifié, le sculpteur et dessinateur George Minne (Gand, 1866- 1941), les peintres Valerius De Saedeleer (Alost, 1867-1941), Gustave Van de Woestijne (Gand, 1881-1947) et Albert Servaes (Gand, 1883- 1966), tous tenté par l'allégorie, le luminisme, puis une deuxième vague,  Constant Permeke (Anvers, 1886-1952), Gustave de Smet (Gand, 1877-1943), Frits Van den Berghe (Gand, 1883-1939), il est alors possible de parler d'expressionnisme flamand. Mais un expressionnisme qui ne peut se défaire du symbolisme, on sait que la Belgique, à mi-chemin de la France et de l'Allemagne, est la contrée par excellence du symbolisme, art plastique et littérature (Maeterlinck, Verhaeren), il baigne tant les compositions expressionnistes que surréalistes (Delvaux, Magritte)...

("De mosseleters", Les mangeurs de moules, 1923, KMSKA, Antwerp)


 James Ensor (Ostende 1860-1949)

L'oeuvre de James Ensor, comme celle de Van Gogh et de Munch appartiennent à la première phase de l'avant-garde expressionniste encore imprégnée des théories du symbolisme. Avec ses séries des "masques" (The Intrigue, 1890) et des "crânes" (The Skeleton Painter, 1895), Ensor tente la métaphore du quotidien dans une société qui lui apparaît dominée par le mensonge et la mort spirituelle, l'individu solitaire tourmenté par ses démons. Mais plus encore, méconnu pendant longtemps, Ensor a parcouru un demi-siècle de peinture en jouant aux limites de tous les genres, du naturalisme à l'expressionnisme et au surréalisme en passant par l'impressionnisme, le symbolisme et le fauvisme, sans postérité, il fut le « précurseur» de nombreux peintres, Frits Van den Berghe et Alechinsky, Nolde, Heckel, Grosz, Kubin, Klee, Jorn, et soudainement, mystérieusement, sa prodigieuse imagination créatrice semble se tarir avant le tournant du XXe siècle. C'est à partir des années 1880 que le masque apparaît, non pour se dissimuler mais pour mettre en évidence la méchanceté foncière de l'être humain. Les couleurs sont  vives, agressives et contrastantes, les touches de peinture grossières et nerveuses...

"L'entrée du Christ à Bruxelles" (1888, J. Paul Getty Museum, Los Angeles), le plus célèbre du peintre, réalisé la même année que "La Vision après le sermon" de Paul Gauguin, "L'Etonnement du masque Wouse" (1889), "Les Masques et la Mort" (1897, Musée des Beaux-Arts de Liège), "De intrige" (L’intrigue) - (1890, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen), "Masks Mocking Death" (1888) et "Banquet of the Starved" (1915, Metropolitan Museum of Art, New York), "Carnival in Flanders" (1929, Stedelijk Museum Amsterdam), L'Assassinat (1890, Columbus Museum of Art, Ohio)...

Auparavant, Ensor s'attardait dans les salons bourgeois ou les rues d'Amsterdam, se focalisant, via une palette impressionniste, sur les attitudes volontairement chargés d'une ambiguïté suffisament significative pour nous interroger : une jeune femme se gave d'huitres et de vin ("De oestereetster", La mangeuse d'huîtres, 1882, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen),  une jeune femme en visite chez une femme plus âgée semble désorientée ("Namiddag in Oostende", Après-midi à Ostende, 1881, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen), femme figée dans une attente qui semble insoutenable (1880-1882), et autres oeuvres exposées au Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de Liège,  dans les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Brussels..


Constant Permeke (Anvers 1886-1952)

Constant Permeke, peintre et sculpteur,  est sans doute l'artiste expressionniste le plus renommé de Flandre. En 1907, Constant Permeke est à Gand, étudie la peinture, suit le parcours du luministe Emile Claus et rencontre Frits Van den Berghe, Gust et Léon De Smet, Albert Servaes. Mais c'est en 1914, marqué profondément par la guerre (il fut grièvement blessé au cours de la Première Guerre mondiale), que Constant Permeke entre dans sa période de maturité : son oeuvre se fonde alors sur de puissantes simplifications formelles, une utilisation métaphorique des couleurs (proche de l'italien Mario Sironi) et de tragiques textures de la matière. Ses compositions sont dépourvues de toute lumière externe, c'est de ses personnages, aux contours sombres, que semble naître cette lumière, intérieure. 

De retour à Ostende, en 1919, après une convalescence en Angleterre, Permeke renoue avec sa fascination pour la rude existence des pêcheurs et des paysans : ses personnages, massifs et robustes, à peine coloriés semblent épuisés par la dureté de leur existence dans un espace vital qui ne leur laisse que peu d'espoir de libération... : "Le mangeur de Bouillie" (1922, Groeningemuseum Bruges), "Vespertijd" (L’heure des vêpres, 1927, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen), "Vissersvrouw" (Femme de pêcheur, 1920, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen), "L’homme avec la veste" (1910) et "Les fiancés" (1923, KMSKA), "Weeding Woman" (1931), "The Two Shipmates" (1923, Kunstmuseum Basel), "Le pain quotidien" (1950, Musée d’Ostende), mais à partir de 1937, la sculpture l'emporte sur la peinture .. 

Sa maison de Jabbeke (Landesmuseum Constant Permeke), à 10km d'Ostende, expose de nombreux tableaux, "Le Paysan et sa femme" (1928), "Le pain quotidien" (1950), "La moisson" (1928), "Le bienheureux" (1935), "Maternité" (1936), "L'Adieu" (1948) et des "Nus", la "femme" étant un autre de ses thèmes privilégiés, lien de l'homme à la nature... Durant la Seconde Guerre mondiale, son oeuvre fut cataloguée comme "entarte Kunst" ( art dégénéré) par les Nazis...


Léon Spilliaert (Ostende 1881 - 1946)

Les débuts de l'artiste ostendais Léon Spilliaert coïncident avec le passage du XIXe au XXe siècle et cette période a vu naître différentes tendances artistiques traitant les sujets les plus divers : mais comment classer Léon Spilliaert  dans un courant particulier (Il est considéré comme un des grands artistes du symbolisme belge), il reconnaît l'influence de James Ensor, construit une oeuvre originale, utilise l'encre, le crayon de couleur ou le pastel, cherchant à s'analyser dans ses autoportraits sombres et agités (une dizaine d'autoportraits entre 1903 et 1908), ou parcourant la nuit les rues d'Ostende en quête d'une singulière et mystérieuse courbe de lumière (La Nuit, 1908, La Poursuite, 1910). La jeunesse passée, comme Ensor, Spilliaert se replia sur les paysages, sa palette s'éclaircit, les premières intuitions s'étant taries... Ma vie s'est passée seul et triste, avec un immense froid autour de moi. J'ai toujours eu peur, écrira-t-il... Ses œuvres sont exposées à Ostende (Beaux-Arts) et à Bruxelles (Musées royaux des beaux-arts de Belgique).

 "Zelfportret met blauw schetsboek" (Autoportrait avec carnet de croquis bleu, 1907, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen) - "Digue la nuit" et "Portrait de l'artiste par lui-même" (1908, Musée d'Orsay, Paris) - "De absintdrinkster" (La buveuse d’absinthe, 1907) - ...


Philibert Cockx (Ixelles 1879-1949), Liggend naakt, KMSKA, Antwerpen...


Gustave Van De Woestyne (Gand 1881-1947)

Gustave Van De Woestyne produit un style étrange et singulier, ses techniques sont multiples, mais toutes habitées par une sorte de mystique à mi-chemin du désespoir et de l'indifférence, que veut-il, que cherche-t-il, nulle réponse si ce n'est que nombre de ses oeuvres nous interpellent et nous troublent. Gustave Van De Woestyne est le fils d'un industriel gantois et le frère de Karel Van de Woestyne (1878-1929), le poète symboliste, l'égal de Guido Gezelle, l'auteur de "Het vaderhuis" (la Maison paternelle, 1903), "De modderen man" (l’Homme de boue, 1920), "Het bergmeer" (le Lac de montagne, 1928), tous deux s'installent à Laethem-Saint-Martin  en 1899, tous deux traversent une crise d'exaltation mystique, puis en 1908 Gustave épouse Prudence De Schepper et entame sa vocation d'artiste. En 1909-1913, il est à Louvain, puis  Bruxelles  et Tiegem, exécutant des compositions symboliques et religieuses, des scènes de la vie rurale, des portraits. Pendant la guerre, il se réfugie en Angleterre et s'oriente vers des peintures allégoriques, le voici ignorant l'impressionnisme mais intégrant modernisme, expressionnisme, néoréalisme et faisant preuve d'une créativité toute singulière. Cet immense portraitiste  a peint la vie rurale comme des scènes bibliques, réalisé pour son grand ami de collectionneur, le banquier Van Buuren (cf le Musée Alice et David van Buuren, Uccle), de paisibles scènes de famille et peint ses cinq enfants sous tous les angles à table et avec des assiettes vides ("La table des enfants", 1919),  reconstruit la simplicité des primitifs flamands (Le Christ offrant son sang, 1925) en la réinterprétant dans son énigmatique univers...

Works : "Le berger" (1910, Uccle, Musée Van Buuren) - "De twee lentes" (1910, KMSKA, Antwerpen) - "Gaston en zijn zuster" (Gaston et sa soeur,  1923, KMSKA, Antwerpen) - "Peasant Kerckhove" (1910, Museum Dhondt-Dhaenens, Sint-Martens-Latem) - "Portret van Prudence De Schepper, de vrouw van de kunstenaar" (1910, Gent, MSK) - "Boerinnetje (1913, Museum voor Schone Kunsten, Gent) - "Dimanche après-midi" (1914, Bruxelles, MRBAB) - "De likeurdrinksters" (KMSKA, Antwerpen) - "Le Christ offrant son sang" (1925, Bruxelles, MRBAB) - "Fuga" (1925, Gent, MSK) - "Laatste Avondmaal" (Dernière Cène, 1927, Groeninge Museum, Bruges) - "Paysanne" (1926, Bruxelles, Musée Van Buuren) - "Christus in de woestijn" (1939, Gand, MSK) - "Azuur" (1928, KMSKA, Antwerpen) - ...


Frits Van den Berghe (Gent 1883-1939)

Frits Van den Berghe, comme Gustave, Léon De Smet, Constant Permekefait partie de la seconde école de Laethem, c'est aussi est l'intellectuel du groupe et la fenêtre ouverte sur le monde extérieur. En 1906, il partage un atelier à Laethem-Saint-Martin avec Servaes, de 1908 à 1913, il passe l'été à Laethem, la palette est post-impressionniste (De kleine Eva, 1905, Extase, 1910), passe la guerre aux Pays-Bas où, comme tous ses compagnons, il s'initie aux tendances expressionnistes et cubistes européennes (Le peintre, 1916, Les exilés, 1919). Puis avec  Gustave De Smet, il s'installe en 1922 à Bachte-Maria-Leerne, peu après à Afsnee : dans la villa Malpertuis, la demeure de leur bienfaiteur Paul Gustave Van Hecke, il va peindre  quelques-unes de ses meilleures toiles expressionnistes (cf le portrait de Paul Gustave Van Hecke et sa femme Norine). Puis c'est vers le surréalisme qu'il se tourne, fin des années 1920, expérimentant la veine fantastique (l'Éternel Vagabond, 1925, musée d'Ostende ; le Flûtiste, 1925, musée de Bâle; Angela, circa 1925; Le repenti, 1928) avant de se tourner dans les années 1930 vers des caricatures et des illustrations de presse et de romans...

"Self-Portrait" (1919, Museum of Fine Arts, Ghent) - "Obsession" (1919) - "Portrait of Fortuna Brulez" (1919, Ghent) - "Malpertuus" (1920, Museum of Fine Arts Ghent) - "Paul Gustave Van Hecke en zijn vrouw Norine" (Paul Gustave Van Hecke et sa femme Norine, 1923, KMSKA, Antwerpen) - "The Desire" (1925, Private collection) - "Lovers in the village" (1925, Groeningemuseum, Brugge) - "L'homme des nuages" (1927, MRBAB, Bruxelles) - "The Fall of the Saints" (1933, Museum voor Schone Kunsten, Ghent) - ...


Gustave De Smet (Gand 1877-1943)

Gustave et Léon (ce dernier plus adepte du luminisme et portraitiste reconnu) s'initièrent à la peinture dans l'atelier de leur père, J.F. De Smet (1846-1929), photographe et peintre de décors de théâtre et de baraques foraines.  A partir de 1900, il quitte Gand, partage un atelier à Ostende avec Permeke, est de vient une des figure marquante du second groupe de Laethem-Saint-Martin, où il s'installe :  il y évoluera de l'impressionnisme au symbolisme puis  à l'expressionnisme (Femme de Spakenburg, 1917, musée des Bx-Arts d'Anvers). Ses préférences vont aux peintres de Die Brücke, Schmidt-Rotluff, Kirchner et Heckel, mais la couleur semble plus proche de J. Sluyters. On a pu parler à son propos d'expressionnisme constructif tant ce peintre des thèmes rustiques et quotidiens, des nus et des scènes de kermesse, conserve un esprit classique dans la composition de ses oeuvres. Il n'en restera pas là et sera tenté par le cubisme lors de son expérience hollandaise et 1920 marque l'influence de Léger et de Lhôte. 1926 le verra s'intéresser au milieu citadin, les années trente, nus et personnages ruraux, glissant progressivement vers une préoccupation moins formelle...

"Femme de Shakenburg" (1917, Anvers, KMSKA) - "Le Pigeonnier" (1920, Bruxelles, musée d'Ixelles) - "De mosseleters" (Les mangeurs de moules, 1923, KMSKA, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen) - "Parade" (1922, Bruxelles, musée d'Ixelles) - "Le Couple devant la porte" (1923) - " Het goede huis" (1926, MSK Gent) - "Le Couple paysan" (1933) - ...