Lectures

des XVIIe-XVIIIe siècles...

580 millions d'habitants sur la planète Terre en 1600, et quelques dizaines de littérateurs...

De 1600 à 1840, s'édifie une part de notre XXIe siècle, à raison de 3 générations par siècle, soit 2 siècles et demi, sept à neuf générations, une planète Terre qui s'étend, se peuple, se structure et se complexifie. En démographie pure, 580 millions d'habitants sur la planète Terre en 1600, 682 millions en 1700, 978 millions en 1800. Un être humain (une poignée d'êtres humains) qui structure sa pensée, son langage et ses comportements, qui se pense en maître de la Nature et  de sa raison individuelle, qui conçoit l'éducation et la science comme source de progrès...

Au centre de cette vaste période, la pensée des Lumières : "les Lumières c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable", écrit dans son célèbre essai "Was ist Aufklärung?", Emmanuel Kant (1784). "L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre". L'être humain "absolu" expérimente en deux siècles, génération par génération, la conduite de son entendement, de sa réflexion, qu'elle privilégie la rationalité, comme au début du XVIIe siècle ou la subjectivité et l'imagination, comme à la fin du XVIIIe siècle, la conduite de la science et de la technologie qu'il forge, la production de la richesse et les mesures les plus propres à favoriser son accroissement...

Cette évolution des idées et des pratiques, cette littérature qui s'enrichit et se complexifie au fur et à mesure que nous avançons dans le XVIIIe et le début du XIXe, ne peut s'enraciner et se développer sur notre planète Terre qu'au fil de l'expansion démographique  des classes populaires qui s'alphabétisent et apprennent à maîtriser le "grand livre du monde": le tournant déterminant sera celui des années 1830 que le XIXe vient consolider avec l'avènement de la société industrielle...

Mais vis à vis du politique, la situation se révèle plus ambigüe, peut-être une étape manquée : l'être humain, qui dans cette période construit les outils de sa compréhension du monde et de sa nature, ne conçoit pas pour autant un "nouvelle cité", mais une société dont la seule finalité est de mettre fin à l'ancien absolutisme aristocratique. Les grandes instances politiques qu'il forge, l'Habeas corpus voté par le parlement anglais en 1679 pour faire face à la politique répressive menée par les gouvernements à tendance absolutiste du roi Charles II, la Déclaration d'indépendance américaine, adoptée le 4 juillet 1776,  et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, certes portent des concepts de sauvegarde de l'individualité, liberté de pensée et liberté de conscience, égalité des droits et souveraineté populaire, mais laissent l'Histoire forger les systèmes politiques à venir, la monarchie constitutionnelle, la république, la démocratie...

L'histoire politique de la planète Terre, et plus singulièrement de l'histoire constitutionnelle européenne et américaine, se joue pour une part fondamentale entre le XVIe et XVIIIe siècles. De l'édit de tolérance promulgué le 30 avril 1598 par le roi de France Henri IV (Edit de Nantes), la Pétition des droits de 1628, la Déclaration de Breda de 1660, à l'Habeas corpus, voté par le parlement anglais en 1679, le Bill of Rights de février 1689, et à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, - la première Déclaration des droits de l'époque moderne est anglaise et précède exactement de cent ans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen -, une poignée d'êtres humains, lettrés, politiques, curieux, imaginatifs, dans la continuité de nos quelques réseaux d'humanistes du XVIe siècle, cristallise un espace intellectuel à partir duquel va se construire une histoire de la pensée occidentale qui structure encore et toujours nos mentalités, une histoire de la pensée qui ne peut se concevoir séparée de son socle économique, social et démographique.. 

Au coeur de cette première période, le mouvement des Lumières inaugure, cristallise ou réinvente  le sentiment de notre liberté de penser et d'agir, le monde peut être observé, expliqué par la Raison et nos sentiments et passions exprimés formellement, mais cette idée et ce désir d’être un individu libre, vécue et décrite par une si faible minorité sociale, à une époque soumise à une instabilité chronique et constante, semble tant fragile qu'elle ne peut être détachée soit du religieux soit d'un Etat en charge de garantir la stabilité de nos existences. L'idée se fait d'une élite avancée œuvrant pour le progrès du monde, combattant l’irrationnel, l’arbitraire, l’obscurantisme et la superstition des siècles passés, et procédant au renouvellement du savoir, de l’éthique et de l’esthétique de leur temps. Cette étape se concrétise dans les grands événements de la fin du XVIIIe siècle tant à travers la Déclaration d'indépendance des États-Unis  que de la Révolution française, qui porte les idéaux de liberté et d'égalité. C'est alors un Nouveau monde qui se met en place et que les siècles suivants, le XVIIIe et le XIXe vont démultiplier à un rythme soutenu..

1500, 470 millions d'habitants...

En 1500, la Terre est peuplée d'environ 470 millions d'humains, avant son extraordinaire exploration systématique à laquelle vont s'adonner les Européens. Les deux à trois siècles qui s'étendent de 1500, 1600 à 1800 forment la première période d'une époque de transition dont nous vivons à l'aube du XXIe siècle la troisième période, époque de la découverte du monde par l'Europe et des chocs qui en résultent. En 1500, chaque grande partie du monde vit dans son système religieux, culturel, cosmologique et philosophique propre, formant un tout mental cohérent et l'ignorance quasi totale  de tous les autres préserve cette autarcie, la Chine de la dynastie Ming, l'Empire Moghol, sommet  de l'expansion musulmane en Inde, l'Empire ottoman qui occupe les Balkans depuis 1354 et qui est au XVIe siècle à son apogée (Soliman le Magnifique étend ses conquêtes en Orient, et jusqu'aux terres de l'empereur Charles Quint), le shogunat Tokugawa au Japon, le Đại Việt au Vietnam, l'Empire safavide en Perse, une Europe partagée notamment entre le Saint Empire Romain Germanique, le royaume de France, l'Union Ibérique, le tsarisme de la Russie, la Monarchie des Habsbourg, le royaume d'Angleterre, le royaume d'Ecosse, l'empire suédois, la république de Venise, et une Afrique encore plus morcelée. L'Inde, principal centre de peuplement compte (avec les actuels Pakistan, Bangladesh, Népal, Bhoutan, Sri Lanka) environ 95 millions d'habitants, la Chine 84 millions, le Soudan central (Niger-Nigéria), 25 millions, le Pérou et le Mexique 12 millions chacun, le Japon près de 10 millions, et ... l'Europe 78 millions. 

Expansion ibérique - Le Portugal et l'Espagne se sont ouverts la voie de la conquête commerciale et politique du monde, par les océans, le traité de Tordesillas de 1494, assure aux Portugais le Brésil sucrier, des comptoirs en Afrique et jusqu'en Extrême-Orient, et la maîtrise de la première route maritime vers les épices. Le traité de Saragosse, avec l'Espagne, permet, de plus, garantir le monopole portugais. De leur côté, les Espagnols se sont installés sur le continent américain et les conquistadores soumettent en quelques décennies un territoire immense, les populations indigènes sont décimées. Suite à la traversée de Magellan qui atteint les Philippines en 1521, les Espagnols abordent l'Asie à leur tour, par le Pacifique...

Réforme - Dans le reste de l'Europe, la Réforme luthérienne, puis calviniste, a divisé le continent en proie à de sanglantes guerres politico-religieuses, l'Ordre jésuite, fondé en 1540, évangélise le Nouveau Monde, et dépêche ses missions catholiques en Éthiopie, en Inde, à la cour des Ming et jusqu'au Japon. À côté de la réforme catholique et de la réforme protestante, le XVIe siècle connaît une troisième réforme . Les sociétés allemande et hollandaise tentent de se forger une identité tant politique que religieuse et culturelle, et c'est dans ce contexte que s'exprime un radicalisme religieux suscité par une génération de prophètes engendrés par leur exégèse personnelle de la Bible. L'anabaptisme est ainsi, sous toutes ses formes, un mouvement des territoires impériaux de l'Europe recrutant tant dans les masses populaires qu'auprès des humanistes. Quatre mouvements sont ainsi identifiés : celui de Thomas Münzer (1489 env.-1525), celui du souabe Melchior Hofmann  (1495 env.-1543), millénariste convaincu, l'anabaptisme pacifique suisse, allemand du Sud et hollandais ; l'antitrinitarisme ou socinianisme...

En 1543, les ouvrages "Des révolutions des sphères célestes" (De Revolutionibus Orbium Coelestium) de Nicolas Copernic (1473-1543), et "A propos de la structure du corps humain" (De humani corporis fabrica), de André Vésale (1514-1564), parus la même année inaugurent une révolution scientifique et humaniste...

Transition entre le XVIe et le XVIIe siècle, mais aussi début d'une littérature d'une extraordinaire maturité, exprimant une épaisseur jusque-là insoupçonnée de la nature humaine, nos motivations et nos émotions, toute l'intrigue de l'être humain aux prises avec le monde qui l'entoure, trois écrivains initient pratiquement le socle de notre pensée pour la planète entière, William Shakespeare (1564-1616), Miguel de Cervantes (1547-1616), et Lope de Vega (1562-1635), "Hamlet", écrit en 1598-1601, "L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche" (1605-1615), "La Arcadia" (1598), "Fuenteovejuna" (1619)... Plus formellement les longues narrations en prose vont supplanter progressivement les poèmes épiques, le théâtre, espace scénique, relationnel et émancipatoire par excellence en comparaison du livre, va rester tant au XVIe qu'au XVIIe siècle, tant en France, qu'en Angleterre ou en Espagne (corrales de comedias), le support d'expression le plus populaire. On peut tout autant évoquer dans le même tempo, l'émergence au Japon, en pleine époque Edo, de deux genres de théâtre, le kabuki et le bunraku...

1616, mort de Shakespeare et de Cervantès, édit de l'inquisition contre l'astronomie de Galilée. Dans la philosophie européenne, la période moderne s'étend du début du XVIIe siècle, avec Descartes, jusqu'au début du XIXe, lorsque que Kant fit entrer la pensée dans une ère nouvelle...


1600, 580 millions d'habitants sur la planète Terre...

En 1600, on ne peut que constater les bouleversements engendrés par un premier choc de ce "nouveau monde" avec l'Europe, avec elle-même : la population américaine  a été divisée par cinq, le premier débarquement de la variole au Mexique en 1517 par exemple a emporté en trois ans plus de 30% de la population, et les populations d'Afrique, d'Asie et d'Océanie, en autarcie, stagnent. La planète Terre compte environ 579 millions d'habitants, plus de la moitié se partagent entre la Chine de la dynastie Ming et l'Empire Moghol (160 à 110 millions), 10% entre le Saint Empire Germanique et l'Empire Ottoman (25 à 30 millions), et le Royaume de France, l'Union Ibérique, et le Japon de Tokugawa comptent chacun à peu près 20 millions d'habitants.

Pour l'Europe, c'est une période de régression qui va dans un premier temps emporter sa population : de 106 millions en 1600, la population de l'Europe passe à 103 millions en 1650, famines, peste, guerres sévissent sur tout le continent...

Pendant plus de la moitié du début de la période moderne, la mortalité épidémique est directement liée aux épidémies récurrentes de peste qui constituent un fléau mortel depuis 1348, apparu dans les années 1330 en Asie du Sud, un fléau qui frappera jusque dans les années 1720, un fléau qu'illustre la grande peste londonienne de 1666, un fléau qui porte avec lui nombre de maladies épidémiques, bronchite, varicelle, convulsions, diphtérie, dysenterie, pneumonie, variole, syphilis, tuberculose, typhus et coqueluche, etc. Des épidémies qui redoublaient lorsqu'elles s'accompagnaient de famines et de guerres, dont la guerre de Trente ans, épisode de dévastation dramatique : on cite ainsi le duché de Wurtemberg, dont la population est passée de 450 000 habitants en 1618 à 166 000 en 1648. La croissance démographique  s'était concentrée au bas de la pyramide sociale au cours du siècle qui a suivi 1525, la guerre de Trente Ans a détruit tant la population excédentaire que les suppléments de terres gagnées sur la nature..

Et pourtant c'est au XVIIe siècle que les langues, française, anglaise, puis plus tardivement allemande, vont se structurer, s'enrichir, par le biais de quelques auteurs, de quelques écrivains, tandis qu'une sorte de démocratie d'érudition et d'activité intellectuelle se met en place, au plus près des pouvoirs, dans un contexte généralisé de bouleversements de toutes sortes, et comme naturellement, va progressivement s'ouvrir à une plus grande liberté de parole et de créativité : l'Angleterre et les Pays Bas seront les premiers à adopter cette relation entre une république de littérature et l'idéal de liberté d'expression politique...

"MAN, as the minister and interpreter of nature, does and understands as much as his observations on the order of nature, either with regard to things or the mind, permit  him, and neither knows nor is capable of more." - C'est à partir du philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626), qui, au terme de plusieurs ébauches, fait paraître en 1620 son ouvrage le plus célèbre, le 'Novum Organum", que va s'élaborer au cours de ce XVIIe siècle l'une des plus fameuses distinctions établie, sans doute à partir de Kant, dans l'histoire de la pensée occidentale entre "rationalisme et "empirisme". Une classification, sans doute discutable mais depuis intangible, va permettre de séparer les philosophes de ce siècle, et à venir, entre ceux de l'Europe continentale, Descartes, Leibniz, Spinoza, pour lesquels la connaissance proviendrait du seul usage de la raison, et les philosophes britanniques, Locke, Berkeley, Hume, pour lesquels la même connaissance est issue de la seule expérience. Mathématiques contre sciences physiques. Aucun philosophe ne pensait alors appartenir à l'un ou l'autre camp, quant à Francis Bacon, son empirisme tient au fait qu'il pense alors qu'il est impossible de connaître, par conjecture ou par inférence, ce qui n'est pas visible à partir de ce qui est visible...

"C'est une estrange humeur la tienne, Celadon, que de te cacher avec tant de peine, et d’opiniatreté à ta Bergere, et de desirer avec tant de passion que toute l’Europe sçache où tu es, et ce que tu fais. Il vaudroit bien mieux, ce me semble, mon Berger, que ta seule Astree le sçeust, et que le reste de l’Univers l’ignorast : car j’ay tousjours ouy dire que les sacrifices d’Amour se font en secret et avec silence..." - Alors qu'en 1600, la Contre-Réforme étend sa zone d'influence et qu'une première vague baroque se constitue en 1610,  la "préciosité" s'impose au tout début du XVIIe siècle comme un phénomène européen, l'euphuïsme d'un John Lily en Angleterre (1580), le marinisme du cavalier Marin en Italie (1623), le gongorisme de poète Gongora en Espagne (1610), la quête d'une certaine subtilité de la pensée, l'ingéniosité de l'esprit, souvent artificielle jusqu'à l'obscurité, le culte de la périphrase ou de l'allusion mythologique, l'Astrée d'Honoré d'Urfé (1607), en France, mais avec cette singularité pour ce dernier bastion de la préciosité européenne, la formation d'une société précieuse qui s'épanouie dans le cadre des salons et des hôtels aristocratique, qui suppose le développement d'un certain savoir et un certain mépris tant de la Cour par trop grossière que la bourgeoisie montante. Une préciosité, entendue au sens plus strict, s'épanouira plus tard en France au cours de la période de 1650 à 1660..

En cette première moitié du XVIIe siècle, la question religieuse continue de hanter l'histoire européenne : la guerre de Trente (1618-1648), le conflit le plus sanglant jamais enregistré en Europe, est provoquée par la question de la liberté religieuse des protestants de Bohême, une liberté que supprime le Saint Empire Romain Germanique, d'autres conflits et doléances se greffent sur un conflit généralisé qui va coûter la vie à des millions de civils. Dans le même temps, en 1630, alors que le puritanisme colonise la façade atlantique de l'Amérique du Nord, que la guerre civile s'empare de l'Angleterre (1642-1649), alors qu'en 1643, l'absolutisme triomphe en France, sous Louis XIII, Richelieu, Louis XIV (1661-1715), qu'un Thomas Hobbes (1588-1679) fonde sa théorie contractuelle sur le droit du prince et la souveraineté absolue de l'Etat, la production culturelle n'est plus l'apanage des seuls Princes, les salons parisiens et les théâtres londoniens constituent de nouveaux lieux de débats littéraires, les conflits incessants des beaux esprits mettent en exergue la diversité croissante des sources  d'autorité, et les langues, base de l'expression, l'anglais (Samuel Daniel, 1562-1619), l'allemand (Martin Optiz, 1597-1639) ou le français (François de Malherbe, 1555-1628), font l'objet d'une reconquête formelle et qualitative. Dans ce XVIIe siècle européen, le monde littéraire devient véritablement multipolaire...

C'est à Leyde, le 8 juin 1637, que René Descartes publie, anonymement, "Le Discours de la méthode", ou "Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences". René Descartes (1596-1650), après avoir mis en doute l'existence du monde, a découvert, nous dit-il, l'autonomie de sa pensée, s'appuie sur les forces de la "raison" et sur l’évidence pour atteindre la "vérité" (rationalisme) et se rendre "comme maître et possesseurs de la nature" alors qu'un Leibniz (1646-1716) n'entendra pour "ordre raisonnable" que le meilleur des mondes possibles. A la même époque, Galilée (1564-1642) crée la physique classique, découvre les lois de la chute des corps (1632), que Képler (1571-1630) complète par les lois sur le mouvement des planètes (1609-1618), et Isaac Newton (1643-1727), par celle de la gravitation (1687)...

- Mais dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la fermeture des esprits , plus encore que celle des frontières, est la règle sur la planète Terre, seule l'Europe, et pour trois siècles, a l'initiative et le bénéfice du progrès comme de l'évolution culturelle. Le traité de Westphalie en 1648, qui clôture la Guerre de Trente ans qui déchirait l'Europe et écarte toute hégémonie des Habsbourgs, marque le début de l'Etat sécularisé et l'essor de nouvelles grandes puissances, la France, la Suède, les Pays-Bas, tandis que l'Allemagne se dissout dans un Etat fédéral impuissant politique. Dans les années 1640, le conflit entre Charles Ier et le Parlement britannique dégénère en guerre civile, un protectorat républicain est mis en place, puis la monarchie est restaurée (1660). L'Autriche, qui parvient à sauver Vienne des assauts turques, rejoint les grands de l'Europe à partir de 1683. Et c'est aussi en 1644 que la dynastie Ming, en Chine, cède ses espaces infinis à la dynastie Mandchoue...

Le XVIIe siècle en Europe ? Une "République des Lettres et des marchands" se constitue au long du siècle, un "public" non pas de "doctes" ou de "spécialistes", mais d'amateurs qui vont produire du "savoir" et structurer échanges et connaissances : "Âge d’or néerlandais", "Classicisme français" (1660-1685), "Restauration" (1660-1700) en Angleterre, Siècle d'or espagnol finissant, et atmosphère de fin du siècle dans le Saint Empire romain germanique..

La Fin du XVIIe, en Europe ?  1680-1715, cette "Conscience européenne" est à peine forgée qu'elle entre déjà en "Crise", un passage décisif qui voit dès 1687-1688, dans une Angleterre dominée par la philosophie de Locke (Two Treatises of Government, 1689), naître la Déclaration des Droits (1689) et l'absolutisme politique remplacé par une monarchie constitutionnelle, tandis qu'Isaac Newton (1642-1727) publie "Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica" (1687), quelques règles de bon sens et d'expérience appuyées sur le principe des causes finales qui lui permettent d'établir sa théorie de la gravitation et ses trois lois du mouvement. Galilée avait maintenu séparées l'astronomie et la physique, sa défense du copernicianisme ne dépendait pas de la loi de la chute des corps, Newton réalise la synthèse de ces deux domaines...

Retour aux réalité, le XVIIe siècle se termine, 1690-1694, par une grave crise de subsistances et d'épidémies affectant presque toute l'Europe...


1700, 682 millions d'habitants...

En 1700, la planète Terre est peuplée par environ 682 millions d'habitants, un gain global de 100 millions par rapport à 1600, avec une Europe qui compte près de 120 millions d'habitants, un gain d'un peu plus d'un dizaine de millions en un siècle (il sera de cent millions entre 1700 et 1820). Et c'est au Japon que l'on constate un essor de la population considérable, passant de 10 millions vers 1600 à 25 millions en 1700. En Europe, alors que Pierre le Grand confisque la Baltique à la Suède et commence à s'imposer parmi les plus grandes nations (1697-1725), que débutent les règnes de Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740) en Prusse, et que Louis XV succède à Louis XIV sur le trône de France (1715), via la régence de Philippe d'Orléans, les Parlements d'Angleterre et d'Ecosse s'unissent en 1708, provoquant l'organisation des premières élections générales en Grande-Bretagne. Le rationalisme à la française disparaît tandis que le singulier G. W. Leibniz (1646-1716), esprit encyclopédique, métaphysicien et mathématicien, clôture le XVIIe siècle avec la Monadologie (1721) et la possibilité d'une harmonie préétablie de l'Univers....

- C'est à partir de 1730 que la population de l'Europe va croître rapidement, passant à 180 millions, et celle de la Chine plus encore, de 150 à 330 millions dans le même siècle. Pour l'heure, un peu plus de la moitié de la population de la Terre vit dans la Chine de la dynastie Ming et sous l'Empire Moghol, le saint Empire Germanique, l'Empire Ottoman, le Japon de Togukawa, l'Empire espagnol et l'Empire français comptent chacun une vingtaine de millions d'habitants. L'Empire britannique, la Monarchie des Habsbourg et l'Union polono-lituanienne comptent ne franchissent pas, chacun, la barre des 10 millions d'habitants...

- 1750 peut symboliquement constituer l'étape fondamentale du début de l'expansion démographique sur notre planète Terre. Jusqu’à la moitié du XVIIIe siècle, l’espérance de vie en France, par exemple, était en moyenne de 25 ans. A partir de 1750, les famines, les épidémies tendent à s’espacer, cette espérance de vie sera de 43 ans en 1850. C'est aussi entre 1750 et 1780 que le dramatique épisode de mortalité engendré par la guerre de Trente ans, plus d'un demi-siècle plus tard, semble s'être estompé. 

Mais cette expansion démographique semble s'effectuer selon un schéma particulièrement pernicieux, et sans doute fatal à notre organisation socio-politique à venir. Ce dynamisme démographique, opiniâtre, va se faire au détriment de la classe dite moyenne, ce sont les milieux dits populaires qui alimentent cet accroissement démographique continu, et qui, dans un ordre social particulièrement immuable et immutable, vont ainsi par eux-mêmes bloquer toutes possibilités d'ascension sociale et de liberté politique, ou du moins en ralentir dramatiquement la progression. Manchester, par exemple, comptait 2 500 habitants en 1725, lorsque Daniel Defoe l'a traversée, et près d'un million en 1841, à peu près au moment où Friedrich Engels s'y est installé...

- 1756 à 1763, la première guerre qualifiée de "mondiale", la guerre de Sept Ans, oppose les grandes puissances européennes de cette époque, regroupées en deux systèmes d'alliance (la France et l'Espagne; l'Autriche et l'Empire russe, d'une part,  la Grande-Bretagne et la Prusse d'autre part), s'affrontant sur plusieurs continents, en Europe, en Amérique du Nord et en Inde. A l'issu de ce conflit, va disparaître le premier empire colonial français en Amérique du Nord et en Inde, la Prusse s'affirme dans l'espace germanique du Saint-Empire, et le plus vaste empire au monde, l'Empire moghol qui couvrait toute l'Inde depuis 1526 devient un espace d'affrontements entre Européens : les Britanniques agrandissent leurs possessions et envahissent le Bengale. 1763, l' émergence de la Grande-Bretagne comme puissance coloniale dominant le monde...

Les colonies américaines, du milieu à la fin du XVIIIe siècle, connaissent une croissance démographique fulgurante. En 1730, la population des 13 colonies était d'environ 655 000 habitants. Boston était la plus grande ville, avec une population d'environ 13 000 habitants, tandis que New York et Philadelphie comptaient chacune environ 8 500 habitants. En 1760, la population avait atteint 1,6 million d'habitants, sans compter les esclaves africains, et en 1775, la population blanche s'élevait à 2,5 millions. Cette année-là, Philadelphie était la plus grande ville, avec une population d'environ 34 000 habitants.

- Au tournant des années 1760 se multiplient les découvertes qui donnent corps à l'idée de «révolution industrielle», notamment en Grande-Bretagne, un phénomène qui touche principalement les filature de coton tant en Europe qu'en Amérique du nord, la  mise au point de la machine à vapeur, la généralisation des hauts-fourneaux fonctionnant au coke, la technique du puddlage. Le "père de l'économie politique", Adam Smith (1723-1790), publie en 1776 "An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations" (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations), explicitant les causes de cette richesse qui gagne la société et les mesures les plus propres à favoriser son accroissement. Le mouvement fait de l'Angleterre l'atelier du monde. Avec l'industrialisation, la classe moyenne britannique s'agrandit et devient plus influente à mesure que le nombre de financiers, de propriétaires d'usines et de fermiers capitalistes augmente. Si la classe supérieure possède toujours les terres et les titres, la classe moyenne industrielle a l'argent. Pendant tout le XVIIIe siècle, l'aristocratie foncière résistera fermement à toute tentative de la classe moyenne d'accéder au pouvoir...

- 1740 -1780 - Pierre Bayle (1647-1706), Montesquieu (1689-1755), et Voltaire (1694-1778) ouvrent successivement en France la voie au Siècle des Lumières. En fond, des élites aristocratiques et des fractions montantes de la bourgeoisie contestant en première instance une fiscalité injuste et l'inégalité des "droits" et des "privilèges", sous l'égide d'une Raison philosophique devenue évidente pour un public dit "éclairé", un discours qui prend corps, alimenté par une vaste offensive littéraire contre l'intolérance, la superstition, l'injustice, au nom de la Raison toute puissante, autorité indiscutable qui pendant quarante années fournit une armature intellectuelle incomparable, - Montesquieu (Lettres persanes, 1721, L'Esprit des Lois, 1748), Voltaire (Zadig ou la Destinée, 1747, Candide, 1759), d'Alembert (Discours préliminaire de l'Encyclopédie, 1751), Denis Diderot (Le Rêve de D’Alembert, 1669, Le Neveu de Rameau, 1762, Jacques le Fataliste, 1778) -, tandis que matérialistes et athées collaborent à" L'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers" de Denis Diderot (1713-1784) et de Jean Le Rond d'Alembert (1717-1783) pour établir la somme de cet énorme appétit de savoir et de cet optimisme incommensurable qui habitent le XVIIIe siècle. 

Un demi-siècle plus tard, la maturation politique aidant, la Déclaration d'indépendance américaine, adoptée le 4 juillet 1776,  et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 constitueront une nouvelle étape, décisive, en se concentrant sur des concepts tels que l'égalité des droits et la souveraineté populaire...

Mais face à cette Raison omnisciente, à cet optimisme sans limite, une autre petite musique se fait entendre. David Hume (1711-1776), fonde, avec Locke et Berkeley, et contre Descartes, l'empirisme moderne, et singulièrement un scepticisme actif. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) trace, quant à lui, un autre chemin, critiquant la civilisation et l'idée du progrès, - la civilisation corrompt - , et prônant un retour à la nature, au sentiment, à la culture du coeur. En germe, la future critique des Lumières qui marque déjà la deuxième partie du XVIIIe siècle....

1781-1788 - A la fin du XVIIIe, les premières années 1780 apparaissent comme des année décisives. Un nouveau géant se dessine sur la planète Terre avec l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique en 1781-1783...

Et "Critique de la Raison pure", 1781...

Au début de cette décennie, le plus grand penseur de l'époque sépare la science de la foi et relativise les prétentions du rationalisme comme de l'empirisme : pour Emmanuel Kant (1724-1804), le monde ne peut être connu que comme il nous apparaît et non comme il est, l'être humain doit se libérer de son "immaturité auto-infligée" (selbstverschuldeten Unmündigkeit) et ne pas avoir peur d'utiliser son propre entendement. Après Kant, tout philosophe allemand se déterminera selon qu'il maintient, accepte ou rejette la coupure instaurée par la Critique de la raison pure entre « ce qui apparaît » (le phénomène) et ce qui est en soi...

En 1781, Wolfgang Amadeus Mozart, l'un des plus grands compositeurs de notre planète Terre, s'installe à 25 ans à Vienne et pendant dix années tente en vain, jusqu'à sa mort, de séduire un public qui n'aspire qu'à la légèreté. Pour la première fois la musique dévoile la psychologie des personnages et guide le rythme de la dramaturgie... 

L'oeuvre de Kant oriente donc la philosophie dans des directions nouvelles mais, dans d'autres domaines comme le politique, son apport est inexistant. Deux courants majeurs ouvrent une ère nouvelle, au même moment, l'utilitarisme de Jeremy Bentham (1748-1832)et le radicalisme politique et religieux de la fin du XVIIIe siècle. Tous deux servirent de point de départ à des philosophes comme John Stuart Mill et contribuèrent à la formation des courants révolutionnaires en France et en Amérique du Nord...

1789 - Alors que George Washington est porté à la présidence des États-Unis le 30 avril 1789, pour deux mandats, 1789-1797, selon une pratique électorale qui reste censitaire, et que s'opposent, dans l'interprétation de la Constitution, fédéralistes et républicains, dans le royaume de France, le 24 janvier 1789, les représentants des trois ordres ont rédigés leurs cahiers de doléances et écouter avec ennui les discours de Louis XVI et de Necker, la Révolution s'annonce, incarnée par une bourgeoisie devenue, depuis 1750, en une génération, plus urbaine, plus cultivée et plus exigeante vis-à-vis des structures du régime en place, plus forte, en rupture avec une noblesse dépassée par l'évolution matérielle et intellectuelle de la société, paralysée face à une monarchie qu'elle a toujours combattue. 

1789-1795 - De janvier 1789 à août 1795, six années d'une rare intensité, la culture des Lumières (montée du rationalisme formel, abandon implicite du principe de monarchie de droit divin, reprise des idées de droit naturel et de bonheur commun), la virulence de la critique de la monarchie de droit divin qu'elle porte, pénètrent une "bourgeoisie" soutenue par les classes populaires urbaines qui va transformer les Etats généraux en Assemblée nationales et constituer une rupture considérable qui va abolir la monarchie et inventer de nouveaux rapports sociaux et politiques. Plus encore, la Révolution française symbolise et incarne  à elle seule une époque de l'histoire de l'Europe et du monde, une rupture, une radicalité qui jette les bases d'une nouvelle culture politique...

C'est en en septembre 1791 que se déroulent les toutes premières élections françaises, il s'agit d'élire l'Assemblée législative et seuls les citoyens payant des impôts sont autorisés à voter, soit un peu plus de 4 millions de votants sur une population de 24 à 26 millions d'habitants, une population à la démographie très faible, presque nulle, entre 1790 et 1793...

1786-1832 - "Weimarer Klassik"Après des décades de stagnation culturelle, l'Allemagne connaît un renouveau littéraire qui culmine dans le Classicisme de Weimar des années 1780-1790, et qui va régner sur la culture allemande pendant près de 30 ans, en réconciliant les Lumières avec l'énergie du Sturm und Drang. Christian Wolff (1679-1754) et Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) condamne le théâtre classique français et recommande l'imitation de Shakespeare (Hamburgische Dramaturgie, 1769). Johann Gottfried Herder (1744-1803) s'installe en 1776 à Weimar et fournit au mouvement ses bases philosophiques et, s'opposant au goût français, forge la notion littéraire de "Volksgeist" (âme du peuple), source de créativité artistique : tout pays a ses traditions populaires socle de la culture d'une nation et de son développement historique. 

Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) publie "les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister" (1796), et retrouve Friedrich von Schiller (1759-1805) à Weimar qui publie en 1799 sa trilogie "Wallenstein", le plus grand drame historique jamais écrit en langue allemande et oeuvre-clé du mouvement..

1785-1832 - The Romantic Period, naissance de la littérature romantique anglaise  - La décennie s'achève en 1798 avec la publication des "Ballades lyriques" (Lyrical Ballads), de William Wordsworth (1770-1850) et de Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), une poésie de l'imagination, populaire et simple, avec le célèbre "The Rime of the Ancient Mariner", "It is an ancient Mariner, / And he stoppeth one of three. / 'By thy long grey beard and glittering eye, / Now wherefore stopp'st thou me?..."

De la même génération que William Wordsworth (1770-1850) et Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), on peut évoquer parmi les plus auteurs les plus essentiels, Charles Lamb (1775-1834), Walter Scott (1771-1832), avec "Waverley", le premier d'une série de romans historiques (1814) qui connurent un succès considérable, Jane Austen (1775-1817), avec "Orgueil et préjugés" (1813) et six romans analysant avec profondeur les relations humaines...

1789-1794 - William Blake (1657-1827) voit dans la Révolution française la possibilité d'introduire des modes de pensée plus radicaux et plus spirituels, "Songs of Innocence" (1789), "Songs of Experience" (1794), apologie de la liberté de l'individu et condamnation des contraintes des institutions exprimées à travers un langage symbolique radical...

1795-1799 - Le Directoire, octobre 1795-novembre 1799. Entre la Convention et l'époque napoléonienne, une période de tentative de stabilisation, les espoirs révolutionnaires sont liquidés tandis que se prépare une prise de pouvoir personnelle. La France de 1795 est plus grande que celle de 1789, elle compte environ 32 millions d'habitants, une population nombreuse et jeune (11,5 millions de Français ont moins de dix-neuf ans, 14 millions ont entre vingt et soixante-quatre ans), en grande majorité rurale. Dans la société du Directoire, par rapport à celle de l'Ancien Régime, on constate la disparition des ordres privilégiés, clergé et noblesse, une bourgeoisie dominante qui forme un bloc hétérogène, l'ascension des artisans ou des commerçants, l'apparition de nouveaux riches...

1799 - 1803 - Le coup d'Etat du 18 Brumaire (9 novembre 1799) voit le général Napoléon Bonaparte instaurer un régime politique totalement inédit en Europe, le despotisme "éclairé" d'un général auréolé de gloire militaire et soutenu par une majorité de la population. L'apprentissage de la démocratie n'est pas à l'ordre du jour, le Consulat et l'Empire et les constitutions qui les définissent ne laissent progressivement le pouvoir qu'à un seul homme qui entend consolider les aspirations profondes d'une société, la propriété des biens, la restauration des valeurs d'autorités, de religion, de famille, la soif de hiérarchies, de distinctions. La France des notables et des propriétaires, dit-on, succède à la France des ordres et des privilèges. Singulièrement alors que la reconstruction des institutions administratives et de l'unification effective de la France s'achève vers 1808, Napoléon-Bonaparte, proclamé empereur des Français sous le nom de Napoléon Ier (Constitution de l'an XII) le 18 mai 1804, se lance à l'assaut de l'Europe..

1798-1804 - Intermédiaire entre le Classicisme Weimar et le Romantisme, l'essentiel de la création poétique de Johann Christian Hölderlin (1770-1843) s'étend de 1798 à 1804 : ce n'est que durant ces cinq années que le poète parvient à construire une oeuvre qui prolonge par son langage cette volonté, portée à l'origine par Friedrich Klopstock (1724-1803), de doter la langue allemande d'une perfection, d'une simplicité, d'une transparence toutes classiques, à l'égal du grec, et seul langage à même d'exprimer cette invisible présence du divin dans la nature, patrie de l'être, perdue, mythique..

1799 - Frühromantik - Jenaer Romantik (1798-1804)- Le premier romantisme allemand, le romantisme d'Iéna - C'est en Allemagne que vont s'exprimer avec force les idées maîtresses qui vont inspirer le romantisme, entre les années 1795, -"Über naive und sentimentalische Dichtung", de Schiller -, et 1801, qui correspond à la mort de Novalis. Le cercle des frères Schlegel est le plus précoce : Friedrich (1772-1829) et August Wilhelm (1767-1845) von Schlegel fondent en 1798 le célèbre Athenäum qui sera l'organe du premier romantisme. Ludwig Tieck (1773-1853), avec son roman "Les Pérégrinations de Franz Sternbald" (Franz Sternbalds Wanderungen, 1798), et son drame "Geneviève de Brabant" (Leben und Tod der heiligen Genoveva, 1799), est le plus prolifique des écrivains du début du romantisme. Novalis (Friedrich Leopold, 1772-1801), avec "Hymnes à la nuit" (Hymnen an die Nacht, 1800) et "Heinrich von Ofterdingen" (publié en 1802) représente l'héritage le plus durable de ce premier groupe...

En 1798, Thomas Robert Malthus (1766-1834) publie anonymement la première édition de "An Essay on the Principle of Population as It Affects the Future Improvement of Society, with Remarks on the Speculations of Mr. Godwin, M. Condorcet, and Other Writers" (Essai sur le principe de population en tant qu'il influe sur le progrès futur de la société) , expliquant que l'espoir humain d'un bonheur social infini est vain, car la croissance démographique dépassera toujours la hausse de la production. La population est donc vouée à être accablée par la famine, la guerre et les maladies si rien ne ralentit sa reproduction...


1800, 978 millions d'habitants...

En 1800, alors qu'on commence à comprendre que les différentes parties de notre cerveau et de notre système nerveux sont spécialisées dans certaines fonctions, un nouvel ordre démographique s'installe, le peuplement européen progresse toujours, celui de l'Amérique stagne, sauf sur la côte atlantique de l'Amérique du Nord qui commence à accueilli de nombreux immigrants (5 millions d'habitants), la Chine, qui a rompu les relations, continue à vivre à son propre rythme, tandis que le peuplement de l'Afrique, saigné par la traite, régresse, ainsi que celui de l'Océanie décimé par les épidémies.

En 1800, la planète Terre compte environ 978 millions habitants, environ 300 millions d'entre eux vivent sous la dynastie Qing, la dernière dynastie impériale à avoir régné sur la Chine, de 1644 à 1912, 170 millions dans l'Empire marathe qui domine le nord de l'Inde et qui sera bientôt intégré à l'empire colonial britannique, près de 57 millions regroupés sous la bannière de l'Empire britannique (ils seront 142 millions un siècle plus tard), 47 millions dans le Royaume de France, 41 millions dans le morcelé Saint Empire Romain Germanique, 35 millions dans l'Empire russe, 29 millions sous le shogunat Togukawa au Japon, 26 millions dans l'Empire Ottoman, 24 millions dans l'Empire espagnol, 23 millions sous la monarchie des Habsbourg, 16 millions sous la dynastie Joseon en Corée, à peine 10 millions chacun sous le Royaume de Prusse et ce qui reste de l'Empire portugais...

Entre 1800 et 1840, l'Europe vit au rythme des guerres napoléoniennes et des coalitions formées par les puissances européennes qui s'opposent à sa tentation impériale. 1805-1810, Napoléon est roi d'Italie en 1805, remporte Austerlitz le 2 décembre, est à Berlin en octobre 1806, à Vienne en 1809, annexe Rome en 1810, semble, en 1811, à l'apogée de son empire, mais se font déjà sentir les premiers éléments discordants, la boucherie d'Eylau le 8 février 1807, la volonté démesurée de prendre le contrôle de la péninsule ibérique et de s'emparer de l'immensité russe...

1806, Heidelberger Romantik - Une Seconde phase du Romantisme voit le jour en 1806, à Heidelberg. Les leaders du groupe, Clemens Brentano (1778-1842), Achim von Arnim 1781-1831) et Joseph von Görres (1776-1848), publient un périodique, Zeitung für Einsiedler (Journal pour les ermites, 1808). Le groupe est davantage connu pour avoir produit un recueil de chants populaires, "Des Knaben Wunderhorn" (Le Cor enchanté de l'enfant,1805-1808). Par rapport à leurs prédécesseurs d'Iéna, les Romantiques de Heidelberg se montrèrent plus pragmatiques et plus déterminés à stimuler l'intérêt de leurs concitoyens pour le passé de l'Allemagne...

1807-1815, l'Idéalisme allemand - Un courant de pensée, l'idéalisme, qui par nature, subordonne toute existence à la pensée, acquiert en Allemagne, entre 1780 et 1820, en une quarantaine d'années et deux générations, une consistance conceptuelle qui va bouleverser notre façon de penser notre Histoire et notre Humanité : la philosophie est toute entière l'explicitation de ma génèse conjointe de la conscience, du savoir et du monde objectif.

Emmanuel Kant (1724-1804), Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) et Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling (1775-1854) sont les acteurs principaux de cette révolution de pensée. Emmanuel Kant en est l'initiateur, avec sa  "Critique de la raison pure" (1781-1787), on parle d'idéalisme transcendantal, que poursuivent, en radicalisant son projet, la "Doctrine de la science" (1794 -1814) de Fichte et "l'Encyclopédie des sciences philosophiques" (1817) de Hegel. Cet intense moment philosophique coïncide en littérature avec la période de fermentation intellectuelle que constitue le romantisme allemand, et qui s'en trouve influencé. Friedrich Hölderlin (1770-1843), "le plus allemand" des grands poètes, qui n'a jamais, dit-il, compris la parole des hommes, communie avec la Nature, l'idéal féminin, la Révolution, la nostalgie de notre origine, quelque part en Grèce.

Alors que Ludwig van Beethoven (1770-1827) compose la plus grande partie de ses œuvres les plus célébrées entre 1795 et 1815, alors que paraît en 1807, le "Discours à la nation allemande" de Fichte, Friedrich Hegel publie la "Phénoménologie de l’Esprit" (Phänomenologie des Geistes), une "science de l’expérience de la conscience" qui inaugure une véritable révolution de la pensée philosophique, tout juste éditée à 750 exemplaires à l'époque. La "Science de la Logique" (1812-1816) lui permettra par la suite d'enseigner à Heidelberg et de développer son système dont le plan est donné dans "l'Encyclopédie des sciences philosophiques". Parallèlement, sous la dénomination d'un idéalisme romantique, Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling (1775-1854) repense la philosophie dite transcendantale (Philosophie de la nature, 1797), l'Âme du monde, 1798), Systèmes de l'idéalisme transcendantal, 1800, Recherches sur la liberté humaine, 1809). Non loin, Friedrich Schleiermacher (1768-1834) pense que la religion est l'intuition de l'Univers. Friedrich Heinrich Jacobi (1743-1819), quant à lui, au fil des différentes controverses qu'il entame à l'encontre des idéalistes par trop excessif (Fichte, Schelling), défend la liberté individuelle: on ne peut confondre des conditions de conceptualisation avec les conditions d'existence. Arthur Schopenhauer (1788-1860) refusera cet idéalisme au profit du "Monde comme volonté et comme représentation" (1818)..

1808-1832, "Faust" de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), le chef d'oeuvre et le legs ultime du classicisme de Weimar, la première partie est publiée en 1808 alors que se soulève à Madrid la population qui accuse Charles IV de servilité envers Napoléon et que Murat envoie sa cavalerie contre la foule (le Dos de Mayo)... 

- De l'impact des ravages de la Révolution et du régime napoléonien sur la littérature française - 1805-1810, "Atala-René", conçus comme des épisodes des Natchez, roman que Chateaubriand (1768-1848) ne publia qu'en 1826, incorporés dans la première édition du Génie du christianisme (1802), mais publiés séparément dès 1805, devient l'ouvrage de référence d'une génération désenchantée, annonçant un mouvement romantique français plus tardif que ses homologues allemands et anglais : "Levez-vous vite, orages désirés... " - Les écrivains français inventèrent l'expression "mal du siècle" pour illustrer cette détresse (Alfred de Musset). - Mme de Staël (1766-1817), qui personnifie la révolte libérale contre l'Empereur, prépare elle-aussi la voie au romantisme avec "De la littérature" (1800) et "De l'Allemagne"(1810) : les sociétés post-révolutionnaires ont besoin de nouvelles formes d'expression littéraire. Ses deux romans, "Delphine" (1802) et "Corinne" (1807) mettent en évidence les limites que la société tentait d'imposer aux femmes indépendantes. Quant à "Adolphe" (1816), de Benjamin Constant (1767-1830), il est considéré au même titre que "Les souffrances du jeune Werther" (1774) de Goethe, comme un chef-d'œuvre absolument romantique...

- "Free land makes free men" - Débute aux Etats-Unis "The Winning of the West", le "Mythical West Garden", la conquête de l'Ouest  par migrations internes et immigration provenant de l'Europe, avec une population qui passe de 3,9 millions en 1790 à 7,2 millions en 1810 et va coloniser l'intérieur du continent au-delà des Appalaches...

1810-1830 - Début des soulèvements dans les colonies espagnoles d'Amérique, au Mexique, à Buenos Aires, Bogota et Caracas, .. Entre 1815 et 1825, l'indépendance de l'Amérique latine sera pratiquement achevée tandis que la croissance démographique s'empare progressivement du continent, passant de 19 millions d'habitants en 1800 à 83 millions en 1900, une croissance par ailleurs hétérogène et qui laisse persistant l'esclavagisme. Deux figures de libérateurs s'imposent, Simon Bolivar (1783-1830) au Vénézuela, José de San Martin y Matorras (1778-1850) en Argentine. Le Pérou, l'Equateur et le Mexique proclameront leur indépendance dans les années 1820...

1811, Apogée, artificielle, de l'Empire napoléonien qui compte près de 70 millions d'habitants. Dès 1808-1809, premières alertes, l'hostilité croissante des notables face au despotisme du régime et à la démesure d'un Empereur qui se porte à la conquête de la péninsule ibérique, avant que ne démarre en 1812 la dramatique Campagne de Russie. De 1792 à 1815, entre 600.000 et un million combattants napoléoniens auront été tués, 75% d'entre eux après 1805 car le nombre des victimes ne cessera d'augmenter, 1200 tués à Austerlitz, 7000 à Friedland, 17.000 à Wagram, 50.000 tués ou blessés  à  Leipzig, 25.000 à Waterloo...

On n'enregistra que peu de changements notables dans la forme littéraire entre 1789 et 1815, notamment en raison du régime napoléonien centralisateur qui incitait à un retour au mode classique. On ressentait toutefois vaguement que Rousseau avait déjà conquis ses partisans avec sa mise en exergue de la subjectivité et de l'expression..

1812-1813, la Grande Armée, forte de 600.000 hommes, engage la Campagne de Russie contre les 150.000 hommes du Tsar, qui adoptent la tactique de la terre brûlée, ce sera l'un des plus grands désastres militaires de l'histoire. La bataille des Nations, d'octobre 1813, à Leipzig, contre les Russes, les Autrichiens et les Prussiens scelle le sort de Napoléon tandis que les Français sont chassés de la péninsule ibérique, l'absolutisme y restauré en 1814 avec Ferdinand VII. Les troupes de coalisés entrent à Paris..

1814- 1815 - Après la victoire de la Sixième Coalition (Royaume-Uni, Russie, Prusse, Suède et Autriche) dans le cadre de la campagne de France, l'abdication de l'Empereur le 6 avril 1814 ouvre le pouvoir à Louis XVIII, qui rentre à Paris. Durant cette Première Restauration qui tente de réconcilier pouvoir royal et droits individuels, le souverain octroie aux Français la Charte de 1814, décevant les monarchistes les plus extrêmes. 

1815-1830 - La Seconde Restauration, régime politique de la France de 1815 à 1830, qui succède au retour de Napoléon, aux Cent-Jours, à la bataille de Waterloo du 18 juin 1815, à la 2e abdication de Napoléon Ier et au retour de Louis XVIII, est marquée par les élections législatives des 14 et 28 août 1815 : sont ainsi électeurs tous les citoyens d'au moins 21 ans et payant 300 francs d'impôts directs, 35 200 sur 40 400 électeurs portent leur choix sur les ultraroyalistes, pour une population globale de 30 millions d'habitants. De 1815 à 1835, la population française  augmentent à un rythme plus rapide qu'à n'importe quel autre moment du siècle, passant de 30,7 millions à 34,1 millions, soit une croissance de 170 000 personnes par an...

1817 - Dans ses "Principes de l'économie politique" (1817),  David Ricardo (1772-1823) approfondit l'œuvre de Smith mais adopte un point de vue plus pessimiste en soulignant l'antagonisme des intérêts des acteurs économiques (propriétaires, ouvriers, industriels) qui risque, à terme, de conduire à un état 'stationnaire"...

1818 - Le Congrès de Vienne prononce en 1815 la liquidation l'empire napoléonien (Metternich), les autorités dites légitimes et les équilibres sont restaurés, la redéfinition des frontières se fait au bénéfice des vainqueurs, l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse, la Russie. Une considérable production intellectuelle et artistique va suivre le Congrès de Vienne, proclamation d'identité culturelle en Italie et en Allemagne, hantées par leurs aspirations unitaires, peuples d'Europe centrale intégrés malgré eux dans les empires turc, russe ou autrichien, et dans le royaume de Prusse. Dès 1820, éclatent les premières insurrections, rapidement écrasées (libéraux espagnols, carbonari italiens, décembristes russes. Mais ces nouvelles aspirations , ne trouvent que peu d'écho, Vienne et son Congrès opère un retour à l'ordre, font éclater les structures archaïques de l'économie agraire au profit de la révolution industrielle et d'un capitalisme modernisateur, emportant très rapidement l'immense majorité des habitants de ce monde dans une apathie politique que ne troublera que très peu la révolution de 1830...

1815-1848 - Biedermeier

La période Biedermeier est une conséquence de 1815 et du congrès de Vienne, jusqu'en 1848 (Révolution de Mars 1848), elle traduit un état d'esprit dans les États d'une Confédération germanique morcelée et dans l'empire d'Autriche : le terme remonte au poète et avocat humoriste Ludwig Eichrodt (1827-1892) qui invente le personnage du loyal Gottlieb Biedermaier, un instituteur de village souabe, fuyant la politique et se réfugiant dans une existence étriquée, un bonheur privé, un esprit étroit et conservateur. Face au très libéral Junge Deutschland et au radical-démocratique Vormärz, Biedermeier a façonné la littérature, la culture et l'art de la bourgeoisie qui ont émergé au cours de cette période (mode vestimentaire, mobilier, art). 

A partir de 1816, l'Allemagne a entamé une croissance démographique importante, doublant sa population en soixante-quinze ans, la triplant en un peu plus d’un siècle, le processus est irréversible malgré les épisodes d'épidémies et de disettes. De 1816 à 1871, la population de l’Allemagne va passer de 23,7 à 39,5 millions d’habitants, avec une véritable explosion entre 1816 et 1825, un fléchissement dans les années 1830-1831, 1846-1848, 1851-1855. De toutes les villes allemandes comptant plus de 50 000 habitants en 1800, Berlin est la seule qui connaisse une expansion phénoménale à partir de 1830. Sa population, 172 000 habitants en 1800, était passée à 198 000 en 1816 et 220 000 en 1825, 461 000 habitants en 1855...

Eduard Mörike (1804-1875), modeste pasteur, professeur et poète méconnu, a pourtant, par sa connaissance des littératures grecque et latine, renouvelé les formes poétiques héritées du romantisme et du classicisme, et créer un lyrisme qui a inspiré Schumann et Brahms. Ses poèmes, parus en 1838 et 1848, comptent des idylles dans le goût du Biedermeier.  Parmi les auteurs rattachés à ce mouvement, citons Ferdinand Jakob Raimund (1790-1836), Franz Grillparzer (1791-1872), Annette von Droste-Hülshoff (1797-1848), Jeremias Gotthelf (1797-1854), Eduard Mörike (1804-1875), Adalbert Stifter (1805-1868)...

- Klemens von Metternich (1773-1859) devient en 1821 le chancelier de Cour et d'État de la monarchie autrichienne. Il restera aux affaires pendant près de quarante ans et  marquera profondément la politique de l'Europe tout entière, considéré comme l'un des repoussoirs les plus fameux de l'historiographie libérale. Son unique but fut de maintenir un équilibre européen susceptible d'empêcher toute révolution bourgeoise et toute diffusion des principes de 1789, qu'il jugeait intrinsèquement néfaste pour toute société. Pourtant, la Guerre de l'indépendance grecque (1821-1830) contre un souverain a priori légitime, mais soutenus par des alliés du Congrès de Vienne, et qui la voit se libère de l'Empire ottoman, semble présager de la possibilité d'une révolution européenne...

1812-1824 - Alors que Hegel semble légitimer l'ordre politique qui règne sur l'Europe, lorsque qu'il écrit dans ses Principes de la philosophie du droit (1821), «ce qui est rationnel est réel, et ce qui est réel est rationnel», surgit, en rupture, une génération romantique marquée par le tragique des destinées individuelles : Lord Byron (1788-1824), John Keats (1795-1821), Percy Bysshe Shelley (1792-1822). Dans la continuité de Coleridge (The Rime of the Ancient Mariner, 1798) sont publiés le "Manfred" (1816) de Byron, le "Prométhée délivré" (Prometheus Unbound, 1820) de Shelley. Les plus romantiques des poètes anglais de la première moitié du XIXe siècle rêvent de liberté une fois les tyrannies vaincues, "The Mask of Anarchy" (1819), est écrit en écho au massacre de Peterloo, par Shelley et "Queen Mab" (1813) idéalise l'avenir. La vogue extraordinaire des premières œuvres poétiques de lord Byron (1788-1824), en particulier "Le Pèlerinage de Childe Harold" (1812-1818),  dessine le type du poète romantique pour ses contemporains tant pour son oeuvre que pour sa personnalité, alors que, paradoxalement, son dernier grand ouvrage, Don Juan, se trouve aux antipodes du romantisme. Sa mort en 1824, à Missolonghi, lors du combat des Grecs pour leur indépendance (1821-1829) enflamme deux décennies du romantisme dans toute l'Europe, la liberté, l'émotion, le sentiment national, Delacroix peint "Scènes des massacres de Scio" (1824) et Victor Hugo célèbre l'ardeur des combats dans les "Orientales" (1829). John Keats compose, quant à lui, une série de grandes odes en 1818-1819 qu'aucune oeuvre n'égalera en Europe, en dehors de quelques odes de Shelley et de certains hymnes de Novalis et de Hölderlin (Ode to a Nightingale).  Enfin, alliant aux mythes de la poésie romantique certains effets de terreur propres au roman gothique en vogue deux décennies plus tôt ("Les Mystères d'Udolphe", d'Ann Radcliffe, 1794, "Le Moine", de Matthew Lewis, 1796), Mary Shelley (1797-1851) débute en 1816 l'écriture de "Frankenstein ou le Prométhée moderne" qui paraîtra deux ans plus tard, et constituera à lui seul un monument culte de la littérature mondiale. 

1820-1829 - En France, le mouvement romantique reste pour un temps fasciné par Charles X, qui fut le  centre de ralliement des éléments les plus agités et les plus contre-révolutionnaire lors de l'émigration, et qui, devenant roi à la mort de Louis XVIII (1824), connaît quelques mois d'une véritable popularité, au moins jusqu'en 1829. Si en 1820, les "Méditations poétiques" de Lamartine marque le début du romantisme dans la littérature française, une petite société se regroupe au sein de cénacles dont le plus célèbre est celui qui se réunit chez Charles Nodier (1781-1844) durant les dernières années de la Restauration et les premières années de la Monarchie de Juillet. S'y côtoient les quatre grands romantiques français, Alphonse de Lamartine (1790-1869), Alfred de Vigny (1797-1863), Alphonse de Musset (1810-1857), Victor Hugo (1802-1885), mais aussi Théophile Gautier (1811-1872), Alexandre Dumas (1802-1870), Honoré de Balzac (1799-1850), Gérard de Nerval (1808-1855), Eugène Delacroix (1798-1863), Franz Liszt (1811-1886)...

L'année 1827 marque un tournant, le romantisme français rejoint le camp de la liberté, dans le sillage de la "Préface de Cromwell" de Victor Hugo, puis trois ans plus tard, en 1830, la "bataille d'Hernani", Frédéric Chopin (1810-1849) compose ses premiers concertos . La génération de 1830 envisage le poète comme un prophète ou un visionnaire..

Mais il faudra attendre les écrits d'un Gérard de Nerval (1805-1855), les douze sonnets des Chimères (1844-1854) et son odyssée spirituelle, "Aurélia" (1853-1854) pour atteindre le sommet de l'expression romantique version française...

- La langue russe, et sa littérature trouvent leur forme définitive avec Vasily Zhukovsky (1783-1852) et Alexandre Serguevich Pouchkine (1799-1837). "Eugene Onegin" (1825-1832) est considéré comme le premier roman russe significatif...

- Naissance des littérature d'Europe de l'Est - Développement pendant la première moitié du XIXe siècle des littératures slovène (France Preseren), bulgare (novobulgarski), slovaque (Jan Holly, tchèque (Josef Sobrovsky) et polonais (Mickiewicz)...

- Giacomo Leopardi (1798-1837) , "Discorso sopra lo stato presente dei costumi degli Italiani" (Discours sur l'état actuel des coutumes des Italiens, 1824), et Alessandro Manzoni (1785-1873), "I promessi sposi" (Les fiancés), l'Europe du XIXe siècle est devenue un énorme carrefour pour les intellectuels, qui errent de nation en nation en quête de liberté, d'inspiration, d'expérience, on pense à Byron, Keats et Shelley se réfugiant en Italie...

1830 - Les révolutions européennes de 1830 vont modifier l'équilibre mis en place par le Congrès de Vienne mais sans permettre la moindre revendication des peuples : la France entre dans le camp des nations libérales, soutient contre le roi de Hollande l'indépendance belge et participe à deux crises orientales (la Grèce, 1821-1832, l'Egypte, 1832-1841) liées notamment au problème de l'accès russe à la Méditerranée. Nationaliste et libérale, répondant aux frustrations nées du traité de Paris et de la Restauration, la révolution de Juillet naît en France pour s'étendre à l'Europe : 27,28, 29 juillet, Journées des Trois Glorieuses et abdication de l'ultraroyaliste Charles X. L'avènement d'un roi bourgeois, Louis-Philippe (1830-1848), porté au pouvoir par l'émeute et la bourgeoisie libérale, fait alors naître de grands espoirs. La révolution belge suit immédiatement, et des agitations secouent les Etats allemands du Sud, l'Italie du Nord, la Pologne. Mais la France, transformée en monarchie parlementaire (la monarchie de juillet, 1830-1848), reste neutre et les années 1831-1832 voient écrasement de toutes les insurrections libérales. La révolte à Varsovie est écrasée par les troupes russes le 8 septembre 1831, et les mouvements italiens se heurtent aux Autrichiens qui occupent le nord des Etats pontificaux...L'Europe d'après 1830 sera dominée par deux grands antagonismes, Russie-Angleterre et Russie-France. 

- A distance des révolutions continentales, et alors que la reine Victoria accède au pouvoir (1837, la Grande-Bretagne se transforme politiquement, économiquement et socialement entre 1830 et 1848. Le Reform Act de 1832 modifie en profondeur la carte électorale et le nombre d'électeurs passe de 440.000 à 800.000, la suprématie des Communes et le système bipartite (whigs libéraux et tories conservateurs) sont confirmés, mais l'emprise de l'aristocratie foncière est toujours présente et les femmes comme plus de 80% de la population des hommes sont exclus de toute vie démocratique... 

1830-1848, VormärzLe classicisme apolitique de Weimar prend fin avec la mort de Goethe en 1832, tout comme le romantisme, quelques quarante années plus tard. Le Vormärz, époque de l'histoire allemande précédant la Révolution de mars (1848), et de la littérature qui peut lui être rattachée, encore distingue-t-on le groupe de la "Jeune Allemagne" (Junges Deutschland), qui a marqué la vie littéraire entre 1830 et 1834 et caractérisé par des idées libérales, et le "Vormärz" proprement dit, qui décrit surtout les années précédant la révolution de mars. C'est l'interdiction de publication faite par le Bundestag de Francfort en décembre 1835 qui va mettre en exergue le mouvement dit  de la "Jeune-Allemagne". Parmi les auteurs de cette époque, on cite généralement  Heinrich Heine (1797-1856), Friedrich Wilhelm Schulz (1797–1860), August Heinrich Hoffmann von Fallersleben (1798-1874), Ferdinand Freiligrath (1810-1876), Georg Büchner (1813–1837), qui peuvent être rattachés à la fois à la Jeune Allemagne et au Vormärz.

- Sous le long règne de Nicolas Ier (1825-1855) placé sous le signe de la réaction "autocratie, orthodoxie et génie national", première vague de la littérature russe du début du XIXe, nourrie de l'héritage classique européen, ouverte aux influences romantiques, Alexandre Pouchkine (1799-1837), avec "Eugène Onéguine" (1823-1830), Nikolaï Gogol (1809-1852), "Le Revizor" (1836), Ivan Tourgueniev (1818-1883), "Le Soir" (1838), une seconde vague surviendra dans les années 1860....

- Le processus de colonisation par les Etats européens de l'Afrique a débuté dans les années 1830 avec la colonisation de l'Algérie par la France : elle s'accélèrera fortement dans les années 1880 et à l'aube du XXe siècle, l'Europe s'était presque entièrement partagée le continent africain... 

- En 1840, le fait marquant est l'expansionnisme européen, la poursuite du jeu des rivalités commerciales et territoriales, complexifié par une montée des aspirations nationales qui prépare le printemps des peuples de 1848...