La Nouvelle Vague - Jean-Luc Godard (1930) - François Truffaut (1932-1984) - Alain Resnais (1922-2014) - Claude Chabrol (1930-2010) - Jacques Rivette (1928-2016) - Eric Rohmer (1920-2010) - Jean Eustache (1938-1981) - Anna Karina (1940) - Anouk Aimée (1932) - Jean-Pierre Léaud (1944) - Delphine Seyrig (1932-1990) - Marie-France Pisier (1944) - Bernadette Lafont (1938-2013) - Sabine Azéma (1949) - ...

Last upate: 10/29/2017

 

La Nouvelle Vague, c'est "le Beau Serge", de Claude Cha­brol, "Les Quatre cent coups" et "Baisers volés", de François Truf­faut, "Hi­ro­shi­ma mon amour", de Alain Re­snais, "A Bout de souffle" et "Le Mépris", de Jean-Luc Godard, c'est la bande des Cahiers du cinéma, sur la rive droite de Paris, qui entendent "faire des films où le metteur en scène s'exprimerait plus directement et où les films au fond ressembleraient un peu à des premiers romans", et se dotent de nouveaux moyens cinématographique, une équipe réduite, caméra à l'épaule, improvisation et narration sans chronologie, citations de films ou de livres,  filmant dans les chambres ou dans les rues, capturant la France et le Paris des années 1960... Ce style de cinéma va gagner d'autres pays, au Royaume-Uni, en Tchécoslovaquie, et inspirer le cinéma indépendant des Etats-Unis. Le cinéma italien créera sa propre nouvelle vague avec Frederico Fellini (La Dolce Vita, 1960), Luchino Visconti, Pier Paolo Pasolini, Michelangelo Antonioni (L'Avventura, 1959), Bernardo Bertolucci. Dans la seule années 1960, 18 réalisateurs français tournent leur premier long métrage. Mais vers 1969, l'ambiance change, Mai 68, à Cannes, Louis Malle, François Truffaut et Jean-Luc Godard, en tête de la contestation cinématographique,  parviennent à faire annuler le festival soit annulé en signe de solidarité. Après 68, les fondateurs de la Nouvelle Vague se retrouvent aux commandes du cinéma français, tout ce qui faisait leur singularité a tellement été plagié que chacun suit désormais un chemin distinct : Truffaut devient plus académique, Godard se radicalise, Chabrol persiste dans la description des intrigues sordides des notables de province, et Rohmer poursuit son étude des moeurs de la jeunesse....

The Nouvelle Vague is "le Beau Serge" by Claude Cha­brol,"Les Quatre cent coups" and "Baisers volés" by François Truf­faut,"Hi­ro­shi­ma mon amour" by Alain Re­snais,"A Bout de souffle" and "Le Mépris" by Jean-Luc Godard, it's the Cahiers du cinéma, sur la rive droite de Paris, who intend to "make films in which the director would express himself more directly and where the films in the background would look a little like early novels", and acquire new cinematographic means, a reduced crew, camera on the shoulder, improvisation and narration without chronology, quotes from films or books, filming in the rooms or in the streets, capturing France and Paris of the 1960s... This style of cinema will spread to other countries in the United Kingdom, Czechoslovakia and inspire independent cinema in the United States. Italian cinema will create its own new wave with Frederico Fellini (La Dolce Vita, 1960), Luchino Visconti, Pier Paolo Pasolini, Michelangelo Antonioni (L' Avventura, 1959), Bernardo Bertolucci. In the 1960s alone, 18 French directors made their first feature film. But around 1969, however, the atmosphere changed, on May 68, in Cannes, Louis Malle, François Truffaut and Jean-Luc Godard, at the head of the film contest, managed to have the festival cancelled as a sign of solidarity. After 68, the founders of the Nouvelle Vague found themselves at the helm of French cinema, everything that made their singularity so unique has been plagiarized that everyone now follows a distinct path: Truffaut becomes more academic, Godard becomes radicalized, Chabrol persists in describing the sordid intrigues of the "notables de provinces", and Rohmer continues his study of the "moeurs de la jeunesse"...

La Nouvelle Vague es "le Beau Serge" de Claude Cha­brol,"Les Quatre cent coups" y "Baisers volés" de François Truf­faut,"Hi­ro­shi­ma mon amour" de Alain Re­snais,"A Bout de souffle" y "Le Mépris" de Jean-Luc Godard, es el Cahier du cinéma, sur la rive droite de Paris, que pretenden hacer películas en las que el director se exprese más directamente y en las que las películas de fondo se parezcan un poco a las primeras novelas, y adquirir nuevos medios cinematográficos, un equipo reducido, una cámara en el hombro, improvisación y narración sin cronología, citas de películas o libros, filmaciones en las habitaciones o en las calles, la captura de Francia y París de los años sesenta... Estilo de cine se extenderá a otros países del Reino Unido, Checoslovaquia e inspirará el cine independiente en Estados Unidos. El cine italiano creará su propia nueva ola con Frederico Fellini (La Dolce Vita, 1960), Luchino Visconti, Pier Paolo Pasolini, Michelangelo Antonioni (L' Avventura, 1959), Bernardo Bertolucci. Sólo en la década de 1960,18 directores franceses realizaron su primer largometraje. Pero alrededor de 1969, sin embargo, la atmósfera cambió, con Cannes, Louis Malle, François Truffaut y Jean-Luc Godard, a la cabeza del concurso cinematográfico, logran cancelar el festival en Cannes el 68 de mayo, como muestra de solidaridad. Después de 68, los fundadores de la Nouvelle Vague se encontraron al frente del cine francés, todo lo que hizo su singularidad tan singular ha sido plagiado que ahora todo el mundo sigue un camino distinto: Truffaut se vuelve más académico, Godard se radicaliza, Chabrol persiste en describir las sórdidas intrigas de los notables de las provincias, y Rohmer continúa su estudio de las costumbres de la juventud...

Une caméra légère à la main, pour suivre Belmondo et Seberg descendant l'avenue des Champs-Elysées le plus naturellement du monde, au milieu de la foule, anonyme...

L'ex­plo­sion de la Nou­velle Vague française a peut-être son explication, un monde littéraire et philosophique en renouvellement complet qui pousse vers un cinéma d'auteur à part entière, une nou­velle généra­tions de réalisateurs, nés dans les années 1930, et d'ac­teurs, nés dans les années 1940,  plus "libres"et plus "intellectuels", une cen­sure et des moeurs qui se re­lâchent dans une IVème Ré­pu­blique qui se meurt, à l'image d'un cinéma français particulièrement cadenacé sur lui-même et qui s'essouffle (Autant-Lara, Delannoy, Duvivier, Carné, Clouzot, Clair, Clément, Allégret, Christian-Jaque, Decoin), un contexte intellectuel, social et politique où fermente déjà mai 68. La Nou­velle Vague est une ex­pres­sion lan­cée par l'heb­do­ma­daire L'Ex­press par un ar­ticle signé Fran­çoise Gi­roud qui traite de la nou­velle gé­né­ra­tion. Le terme est sou­vent re­pris et va bien­tôt exprimer un nou­veau style ci­né­ma­to­gra­phique avec, en 1959,  deux films de Claude Cha­brol, "le Beau Serge" et "Les Cou­sins", puis "Les Quatre cent coups" de Truf­faut et "Hi­ro­shi­ma mon amour" de Alain Re­snais, en 1960, "A bout de souffle" de Go­dard. Fin 1962, les Cahiers du Cinéma publient un numéro spécial Nouvelle Vague, avec, au sommaire, trois entretiens en forme de manifeste de Godard, Chabrol, Truffaut, avant ceux de Rohmer, puis Rivette...

Les cinéastes de la Nouvelle Vague traversent leur époque au rythme décontracté de comédiens qui inventent, eux aussi, un nouveau comportement devant la caméra, celui de la démarche imprévisible de héros gouailleurs qui hantent des rues, des chambres et des surprises-parties qui n'ont plus rien à voir avec le décor et les manières compassées des tragi-comédies bourgeoises d'un cinéma dit de qualité. La Nouvelle Vague au cinéma est contemporaine d'un roman que l'on dit aussi "nouveau", parce qu'il ne croit plus possible de jeter sur le réel un regard omniscient, non plus que de pénétrer la conscience de personnages qui n'ont plus l'étoffe de héros. Aussi le cinéma Nouvelle Vague n'est-il plus un cinéma préfabriqué, qui traduit dans un studio-usine le texte précis et nuancé de scénaristes et de dialoguistes, qui met en valeur les tics de vedettes populaires. La Nouvelle Vague fait la part belle au hasard, à l'imprévu du tournage, aux réactions spontanées d'acteurs inconnus. Les cinéastes de la Nouvelle Vague ne forment pas une école, mais ils se rassemblent parce qu'ils se ressemblent par un rythme narratif qui se fonde sur une nouvelle sensibilité, une nouvelle ouverture au monde, qui répond à des réactions quasi physiologiques. La Nouvelle Vague n'a donc pas eu à proprement parler de théorie, ni de mots d'ordre : elle a eu des goûts et des passions, des attirances et des refus. Art éphémère d'une époque éphémère, elle a saisi l'air du temps. Mais si elle s'est attaquée à bien des tabous, défiant les censures politiques et morales, s'est libérée du culte des vedettes et a rejeté l'idée d'une certaine qualité technique, elle s'est affrontée aux pouvoirs et aux routines de la finance et des syndicats, a fait de la désinvolture et de l'impertinence un des beaux-arts, chaque réalisateur faisant passer dans cette nouvelle pratique son tempérament spécifique...


Jean-Luc Godard (1930)

Jean-Luc Godard a condensé dans "A bout de souffle" (1959) toute une époque : cette histoire d'un jeune homme sans but et sans repères, qui vole une voiture, tue par hasard, connaît un bref amour et meurt par accident, révèle le portrait fasciné de toute jeunesse éclairée par le thriller américain. Mais Godard ne se contentera pas de regarde vivre l'écume des jours de la société, il affirmera des options politiques et sociales qui le pousseront vers un cinéma militantC'est par le langage cinématographique que Godard, qui a étudié l'ethnologie à la Sorbonne en 1949 et écrit dès 1951 dans les Cahiers du cinéma fondé par André Bazin, en compagnie de Rivette et Rohmer, entend se libérer, et libérer le prolétariat de la culture bourgeoise dominante, cinéma idéaliste qui fait des moyens de production et diffusion cinématographiques des outils de libération politique. Mais au-delà, c'est une toute nouvelle façon de "faire" et de "regarder" le cinéma, - chaque film de Godard est l'occasion de se poser de nouveaux problèmes (Gilles Deleuze) -, invitant le spectateur à prendre ses distances, dès les premières images, vis-à-vis du film qu'il a convenu de voir,  "2 ou 3 choses que je sais d'elle" s’ouvre sur une présentation, non du personnage, mais de l’actrice, dans "La Chinoise", il filme le clap indiquant que ça tourne, dans "Une femme est une femme", Godard renvoie à ses propres films et Belmondo parle de "À bout de souffle", et les personnages de "Vivre sa vie" ou de "Masculin/féminin" vont eux-même au cinéma. Il faut attendre 1959, pour le voir enfin réaliser son premier long métrage, "À bout de souffle", un gros succès critique et public, qui sera le film-phare de la Nouvelle Vague. C'est alors le début d'une série de films où Godard va repenser le cinéma en réinventant sa forme narrative, mais la réinventer en tenant de compte de l'époque qui est la sienne, la volonté est aussi de témoigner de son temps, des attitudes et des comportements les plus représentatifs de l'état d'esprit ambiant, celui des années 1960 : "si je m'analyse aujourd'hui, dit-il en 1962, je vois que j'ai toujours voulu au fond, faire un film de recherche sous forme de spectacle. Le côté documentaire c'est : un homme dans telle situation. Le côté spectacle vient lorsqu'on fait de cet homme un gangster ou un agent secret". 

On a pu découper l'oeuvre de Godard en 4 période de 10 ans. La première dure de 1959 à 1969, de "A bout de souffle" à "One plus One", avec "Une femme est une femme" (1961), "Vivre sa vie" (1962), "Le Petit Soldat" (1963), "Les Carabiniers" (1963), "Le Mépris" (1963), "Bande à part" (1964), "Une femme mariée" (1964), "Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution" (1965), "Pierrot le fou" (1965), "Masculin, Féminin" (1966), "Made in U.S.A." (1966), "2 ou 3 choses que je sais d'elle" (1967), "La Chinoise" (1967), "Week-end" (1967), "Un film comme les autres" (1968).  Ici c'est l'évocation de la dérive de l'existence et l'aliénation individuelle ou collective qui l'emporte, la narration est souvent suspendue par une accumulation d'annotations et Godard plonge dans le militantisme : en 1967, il jouit d'une notoriété considérable, plus dur sera la chute. 

La seconde période couvre les années militantes de 1969 à 1979 de "British sound" à "France/Tour/détour/Deux enfants", avec  "Le Gai Savoir" (1969), "Le Vent d'est" (1969), "Pravda" (1969), "Vladimir et Rosa" (1970), "Tout va bien" (1972), "Ici et ailleurs" (1974)", Comment ça va?" (1978). Mai 1968 est passé par là, comment tenir une ligne révolutionnaire dans un contexte social et politique qui s'est si rapidement normalisé...

Une troisième période, néoclassique, commence en 1980 avec "Sauve qui peut (la vie)" , succès critique et public, "Passion" (1982), "Prénom Carmen" (1983), "Je vous salue Marie" (1985), "Détective" (1985), "Soigne ta droite" (1987), "Nouvelle vague" (1990), et s'achève en 1991 sur "Hélas pour moi". La mort de François Truffaut en 1984 crée une rupture.

Enfin la dernière période débute, dit-on, en 1993-95 sous le double signe des "Histoire (s) du cinéma", collage composite de citations de fictions, de bandes d’actualité, de reportages, de photographies d’archives, de tableaux de maîtres, de citations de philosophes, de bandes son de films, de commentaires personnels...  

"À bout de souffle" (1960, Godard)

Avec Jean-Paul Belmondo (Michel Poiccard/Laszlo Kovacs), Jean Seberg (Patricia Franchini)

"Ce que je voulais, c’était partir d’une histoire conventionnelle et refaire, mais différemment, tout le cinéma qui avait déjà été fait. Je voulais rendre aussi l’impression qu’on vient de trouver ou de ressentir les procédés du cinéma pour la première fois." L’objectif de Godard est donc de réaliser un nouveau départ dans l’histoire du cinéma, et surtout de se montrer beaucoup plus ambitieux dans la forme que ses deux comparses Claude Chabrol et François Truffaut, qui viennent d'apparaître au devant de la scène. Dans le cadre de ce bouleversement formel, Godard prône la rapidité de la réalisation, pas de de travellings sur rail, pas d’éclairages additionnels, mais un film tourné comme un documentaire, - le Paris de l’été 1959 -, des acteurs au milieu de la foule, des décors naturels tant à l'extérieur qu'à l'intérieur (des chambres de bonnes qui ne laissent aux cadreurs que peu de recul et obligent à réaliser des gros plans, faute de recul), des ambiances et dialogues enregistrés qui vont nécessiter un travail considérable de post-synchronisation, de montage et de mixage, et obligent le plus souvent de rompre la continuité narrative, des allusions constantes au film noir (Plus dure sera la chute avec Bogart, Fallen Angel, de Preminger ou Du plomb pour l'inspecteur, de Richard Quine), au cinéma (Poiccard refuse d'acheter Les cahiers du cinéma)... Michel Poiccard, qui peut être considéré comme un nouveau personnage de film, est jeune homme manifestant son existence par son attitude, sa gestuelle, libre apparemment de toute contrainte scénique, pétri de contradictions, un délinquant qui vole une voiture à Marseille pour se rendre à Paris, tue un policier qui le poursuit sur la N7, y retrouve une jeune étudiante américaine Patricia, qui vend le journal Herald Tribune sur les Champs-Élysées et avec laquelle il a eu une liaison et tente à nouveau de la persuader de coucher avec lui. Mais la police l'a identifié et le recherche, sa photo figure dans tous les journaux, Patricia refuse de le suivre en Italie, le dénonce et Michel est abattu, refusant de fuir encore, à bout de souffle..

"Une femme est une femme" (1961, Godard)

Avec Jean-Claude Brialy (Émile Récamier), Anna Karina (Angela), Jean-Paul Belmondo (Alfred Lubitsch), Marie Dubois (l'amie), Karyn Balm, Henri Attal, Dorothée Blank, Catherine Demongeot, Ernest Menzer, Jeanne Moreau - musique originale de Michel Legrand.

Au détour du portrait insolite d'un quartier populaire de Paris, Godard aborde à sa manière la question de la condition féminine des années 1960, la liberté d'aimer, de disposer de son corps :  Angela, strip-teaseuse du faubourg Saint-Denis, est belle, veut un enfant de son ami, vendeur dans une librairie et passionné de bicyclette, et celui-ci semble ignorer qu'elle est si belle. Devant son refus obstiné, Angela est malheureuse, elle le menace de passer à l'acte avec leur ami commun Alfred, un contractuel décontracté qui rêve d'une aventure avec elle.  Emile n'a plus qu'une solution, passer à l'acte, mais a le sentiment d'avoir été piégé: "Angela tu es infâme", lui dit-il, "Je ne suis pas infâme, je suis une femme", lui répond-elle. Au-delà de cette histoire d'amour anecdotique, Godard découvre la couleur et le Scope, parodie les comédies boulevardière et  américaine (Lubitsch, nom du personnage de Belmondo) tout en multipliant les inventions formelle propre à la Nouvelle Vague bande son brutalement coupée, dialogues parfois à peine audibles, utilisation marquée du rouge, du blanc et du bleu clair).

"Vivre sa vie" (1962, Godard)

Avec Anna Karina (Nana Kleinfrankenheim), Sady Rebbot, André S. Labarthe, Guylaine Schlumberger, Gérard Hoffman 

Sous l'intrigue d'une vendeuse désargentée se livrant à la prostitution, Godard inaugure un cinéma qui se veut délibérément documentaire, ici documentaire social, truffé de textes, de citations et d'interviews. Nana est vendeuse dans un magasin de disques à Paris, fréquente Paul, un journaliste raté, avec qui elle a eu un enfant que, d'un commun accord, ils ont placé en nourrice, mais Nana s'ennuie, certes éprouve toujours de la tendresse pour Paul, rencontre un homme au fil de ses errances et, le manque d'argent aidant, va rencontrer Raoul, un souteneur, et vivre sa première journée de prostituée...

"Le Petit Soldat" (réalisé en 1960, Godard, 1963)

Avec Michel Subor (Bruno Forestier), Anna Karina (Veronica Dreyer), Henri-Jacques Huet (Jacques).

Réalisé en 1960, retenu par la censure jusqu'en 1963, Godard présente ici en pleine guerre d'Algérie un héros déserteur, mais sans réelle certitude militante. Le fond du film semble tourner autour des propos du protagoniste principal, "pour moi, le temps de l'action a passé. J'ai vieilli. Le temps de la réflexion commence". Prouver sa liberté en refusant l'immédiateté de l'action est le leitmotiv de Bruno Forestier, jeune journaliste, qui a fui en Suisse pour échapper à la guerre d'Algérie et rencontrer à Genève Veronika Dreyer, une cover-girl danoise.  Deux militants d'extrême-droite lui confient la mission d'abattre un journaliste de la radio suisse romande, Arthur Palidova, mais le soupçonnant de double-jeu, t ente de lui forcer la main en organisant un banal accident de voiture, avec délit de fuite, pour faire intervenir la police suisse.L'attentat échoue car Bruno se montre trop hésitant. Capturé par les agents du Front de Libération Nationale algérien, il est torturé. Sa résistance à la souffrance est pour lui une occasion de prouver sa liberté. Il parvient à s'échapper et il rejoint Véronica. Mais celle-ci travaille pour le FLN, est enlevée par les membres du réseau anti-FLN pour exercer une pression sur Bruno: après avoir cédé et tué Palidova, il apprend la mort de la jeune fille. Cette fin tragique n'a rien d'une tragédie, c'est en effet pour Bruno le temps d'apprendre à surmonter toute amertume. Godard ajoutera que le sujet du film est "la nostalgie de la guerre d'Espagne", à Bruno, confronté à une guerre d'Algérie qui surgit dans une époque sans idéal, il oppose "L'Espoir" de Malraux, le temps de l'engagement physique des intellectuels. Et la technique cinématographique revue par les moyens de la Nouvelle Vague semble mettre en évidence que, "à part nous-mêmes, notre visage et notre voix, nous n'avons rien. Mais peut-être que c'est ce qui est important : arriver à reconnaître le son de sa propre voix et la forme de son visage. De l'intérieur il est comme ça (concave) et quand on le regarde, il est comme ça (convexe)"...

 

 "Le Mépris" (1963)

Avec Brigitte Bardot (Camille Javal), Michel Piccoli (Paul Javal), Jack Palance (Prokosh, le producteur), Fritz Lang (lui-même, réalisateur), Giorgia Moll , Jean-Luc Godard (l'assistant réalisateur), Linda Veras. La musique que Georges Delerue a composée pour "Le mépris" est devenue l'une des plus célèbres musiques de film. 

Paul Javal se rend à Rome avec sa femme Camille pour travailler comme scénariste sur une version de l'Odyssée qui doit être dirigée par le grand réalisateur Fritz Lang. Alors que le scénariste et sa jeune femme semblent unis, un incident avec un producteur, qui aurait pu sembler anodin, conduit la femme à mépriser profondément son mari. Une scène du film montrant une Brigitte Bardot nue sur un lit au côté de Piccoli : rajoutée en fin de tournage par Godard juste avant la sortie du film, à la demande de la production, la scène est devenue  l'une des plus célèbres du cinéma français. 


"Bande à part" (1964, Godard)

Avec Anna Karina (Odile), Sami Frey (Franz), Claude Brasseur (Arthur), musique de Michel Legrand et Jean Ferrat

"Bande à part"  est un film qui marquera Quentin Tarantino, on en retrouvera traces dans "Reservoir Dogs" et "Pulp Fiction". Petits délinquants à l'occasion, Arthur, Franz et Odile qui se sont rencontrés lors de cours d'anglais dans un institut privé parisien, vont vivre devant nous chassé-croisés amoureux et méfaits de toute nature, jusqu'au meurtre, mais Godard s'intéresse plus à de nombreuses digressions qui n'ont aucun rapport avec l'intrigue...


"Une femme mariée" (1964, Godard)

Avec Macha Méril (Charlotte), Bernard Noël (l'amant), Philippe Leroy (le mari) Roger Leenhardt (l'ami philosophe), Rita Maiden (la bonne)

La censure de l'époque demande un changement de titre et un certain nombre de coupure : le film, il est vrai, parle du corps et du toucher avec beaucoup de liberté, une suite de plans représentant le corps de Charlotte en fragments juxtaposés débute le film, une Charlotte partagée entre Pierre, son mari, pilote de ligne, Robert, son amant, Robert, acteur qui lui demande de quitter son mari. Et si elle retrouve les mêmes attitudes avec l'un ou l'autre, il s'avère qu'elle est enceinte mais ne sait à qui attribuer la paternité. L'indécision de Charlotte est aussi au centre de l'intrigue et de ses digressions. Entre-temps, elle se plonge dans  la lecture de Bérénice, accueille Pierre qui lui présente un Roger Leenhardt, qui revient d'une séance du procès d'Auschwitz, et tous trois entament une discussion, chacun selon leurs préoccupations singulières, Charlotte rejoint Robert au cinéma où l'on joue "Nuit et brouillard"...


"Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution" (1965, Godard)

Avec Eddie Constantine, Anna Karina, Akim Tamiroff, Howard Vernon, Laszlo Szabo

Godard prend le prétexte de la science-fiction pour engager un face à face singulier entre liberté de pensée et effets de la technique  sur notre monde, et en profite pour utiliser un Eddie Constantine à contre-emploi : Lemmy Caution évoque Pascal ("le silence de ces espaces infinis m'effraie"), Nietzsche "Quel est le privilège des morts ? Ne plus mourir ") ou Bergson ("je crois aux données immédiates de la conscience"). Un contexte de science-fiction qui n'est pas celui que l'on peut connaître habituellement, Godard filme Paris en jouant sur les cadrages et les luimères, quant à la bande son, elle contribue, par son décalage permanent, à l'atmosphère globale du film. Et lorsque Lemmy Caution dit "Je suis un homme libre", le scientifique répond que cette réponse ne veut rien dire, "enregistrer, calculer, tirer des conséquences, c'est cela Alpha 60"...  

 

"Pierrot le fou" (1965)

Avec Jean-Paul Belmondo (Ferdinand-Pierrot), Anna Karina (Marianne), Graziella Galvani (Maria, la femme de Ferdinand), Dirk Sanders (Fred), Jimmy Karoubi (le chef des gangsters), Samuel Fuller...

Sur le thème de l'amour et de la mort, Godard signe un film éclatant, coloré et poétique qui, à travers une cavale de Paris vers la Méditerranée, exprime le rejet de la société de consommation, le droit au bonheur et au rêve, mais aussi l'incompréhension entre les sexes, en l'occurrence entre Ferdinand Griffon, ex professeur d'Espagnol, ex stagiaire à la télévision, marié à une richissime italienne, qui lit à sa petite fille des pages d'Elie Faure consacrées à Velazquez, et la jeune femme qui vient garder les enfants, ancien liaison de Ferdinand, qui préfère les disques et danser à la lecture. Pourtant Ferdinand fuit une réception bourgeoise chez des amis, où chacun débite des slogans publicitaires, jette un gâteau au visage des invités et part à l'aventure avec Marianne : une Marianne dont le frère, Fred, est un truand, les voici fuyant tous la police, mais Ferdinand s'apercevra qu'il a été joué de bout en bout , abattant tout ce beau monde et, le visage peint en bleu, se fait exploser... Le tout est filmé et reconstruit autour des attitudes de  Belmondo et d'Anna Karina et de leurs péripéties ...

 

"Masculin, Féminin : 15 faits précis" (1966, Godard)

Avec Jean-Pierre Léaud (Paul), Chantal Goya (Madeleine), Marlène Jobert (Élisabeth)

La jeunesse des années 1960, "les enfants de Marx et du coca cola", sont ici confrontés à des questions qui restent sans réponse, la mort, la violence quotidienne, la guerre du Vietnam, la révolution sexuelle, le racisme, la confusion des valeurs. Chaque personnage est reconstruit ici comme un sociotype. Paul, 21 ans, timide, maladroit, mais soucieux de s'intégrer, vient de terminer son service militaire et cherche un emploi. Dans un café, il retrouve son ami Robert, un militant de gauche sûr de ses convictions. A côté d'eux, à une autre table, se trouvent Madeleine, Elisabeth et Catherine, elles sont à leur manière représentatives du féminin qui émerge dans ces années 1960, années qui laissent présager un début de rupture entre garçons et filles. Madeleine, qui suit aveuglément toutes les modes de la société de consommation, veut devenir chanteuse et s'apprête à enregistrer un disque. Elisabeth, plus effacée, la jalouse secrètement. Catherine est la plus sérieuse des trois, Robert aura un faible pour elle, mais c'est Paul qui l'attirera. Madeleine fait entrer Paul au journal "Salut les copains". Paul s'éprend de Madeleine, qui ne songe qu'au début de succès que lui vaut son disque, tandis qu'Elisabeth se consume d'un amour muet pour lui. Paul se laisse emporter par l'action politique, mais sa mort, accident ou suicide, laisse ses camarades en plein désarroi quant à leur avenir, un désarroi plus intellectualisé qu'affectif. Madeleine, enceinte de Paul, répond au policier qui lui demande si elle gardera son enfant : "J'hésite... j'hésite " ..


"Made In USA" (1966, Godard)

Avec Anna Karina (Paula Nelson), Jean-Pierre Léaud ( Donald Siegel), László Szabó (Richard Widmark), Marianne Faithfull (elle-même), Ernest Menzer (Edgar Typhus), Kyôko Kosaka (Doris Mizoguchi), adapté du roman “The Jugger” de Donald E. Westlake.

En pleine Révolution Culturelle maoïste, Godard énonçait : "la seule façon d'être un intellectuel révolutionnaire était de cesser d'être un intellectuel". Le film ainsi conçu se veut policier et politique, provoquant et truffé de certitudes non toujours maîtrisées, avec des ruptures formelles qui rendent au global le suivi de l'intrigue particulièrement difficile. La journaliste Paula Nelson cherche à savoir qui a tué son amant Richard Politzer qui lui avait écrit de venir le rejoindre. Son enquête l'entraîne dans le monde des flics et truands mais place sur son chemin des personnages étranges et autant de cadavres. Au péage d'une autoroute, Paula aperçoit le journaliste Philippe Labro, dans une voiture d'Europe N° 1, avec lequel s'engage une discussion politique qui débouche sur une question sans réponse : "La Droite et la Gauche, on ne les changera pas. La Droite, parce qu'elle est idiote à force de méchanceté. Et la Gauche parce qu'elle est sentimentale. D'ailleurs, la Droite et la Gauche, c'est une équation complètement périmée. C'est plus du tout comme ça qu'il faut la poser." Anna Karina lui rétorque, "Alors comment ?", Labro ne répond rien.. Quelques mois plus tard, ce seront les événements de mai 1968 ...

 

"2 ou 3 choses que je sais d'elle" (1967, Godard)

Avec Marina Vlady (Juliette Jeanson), Joseph Gehrard (Monsieur Gérard), Anny Duperey (Marianne), Roger Montsoret (Robert Jeanson), Raoul Lévy (John Bogus), Jean Narboni (Roger), sur un scénario écrit d'après une enquête de Catherine Vimenet publiée par le Nouvel Observateur le 23 mars 1966 (les "étoiles filantes ") sur la prostitution occasionnelle née avec le développement des grands ensembles dans la région parisienne.

Godard demande à ses acteurs de rentrer  dans son jeu, un jeu qui ne consiste à suivre la trame d'un récit, mais à incarner une problématique plus globale, celui, ici, d'un monde en pleine mutation, celui de la "civilisation parisienne" des années 1960. De Marina Vlady, il veut au bout du compte qu'elle ne fasse qu'un avec le monde qui l'entoure : "Tout ce que je voulais, c'est qu'elle pense à ce qu'elle disait. Mais penser ne veut pas forcement dire réfléchir. Je voulais qu'elle pense à ce qu'elle disait, tout bêtement. Si elle devait poser une tasse sur une table, qu'elle ait dans sa tête l'image d'une tasse et d'une table en bois... et ce simple exercice de venir chaque jour à pied au tournage l'aurait fait agir et parler d'une certaine façon qui pour moi était la bonne. Ce que je lui demandais était beaucoup plus important qu'elle ne le croyait car pour arriver à penser, il faut faire des choses très simples qui vous mettent en bonne condition." Elle, dans le titre, c'est à la fois Juliette Janson, l'héroïne, une femme ménagère devenue prostituée, mais aussi et surtout la banlieue, avec ses immeubles de béton, ses quartiers en éternelles constructions, ses terrains vagues, ses ruines, sa désolation. Juliette vit dans l'un de ces grands ensembles, elle est mariée à Robert, ils ont un enfant qui s'appelle Christophe, un ami commun, Roger, une autre amie, Marianne, proche de Juliette, qui travaille dans un salon de coiffure. Avec la complicité de Marianne, Juliette va se prostituer occasionnellement dans les hôtels, petits et grands, du quartier de l'Étoile, dans les appartements d'H.L.M.,  l'après-midi, pendant que Roger est à son travail et que Christophe est à l'école... 

"La Chinoise" (1967, Godard)

Avec Anne Wiazemsky (Véronique), Jean-Pierre Léaud (Guillaume), Michel Semeniako (Henri), Lex De Bruijn (Kirilov), Juliet Berto (Yvonne), Omar Diop (Omar), Francis Jeanson.

Cinq jeunes gens, représentant chacun des strates de la société, passent leurs vacances d'été dans un appartement qu'on leur a prêté :  Véronique est étudiante en philosophie à l'université de Nanterre, son compagnon, Guillaume, est acteur, Kirilov est peintre et vient d'URSS, Yvonne est paysanne, Henri est scientifique et proche du Parti communiste français, et deux personnages jouent leur propre rôle, Omar Blondin Diop et Francis Jeanson. Ils essaient de penser ensemble et de vivre en appliquant les principes de Mao Zedong et toutes leurs journées sont rythmées par des cours et des débats sur le marxisme-léninisme et la Révolution culturelle, donnant l'impression d'un film en train de se faire, une vérité qui se construit subjectivement via une médiation cinématographique qui n'hésite pas à intégrer dans son propos les images, les objets, les textes les plus singuliers. Véronique (Anne Wiazemsky, toute jeune bachelière que Godard vient de rencontrer et sa nouvelle muse) conclut : "c’est de la fiction, mais ça m’a rapproché du réel "...  Au fond, une logique sectaire, minoritaire, isolée de la réalité,  qui va chercher ses idéaux à des milliers de kilomètres, ce communisme chinois qui est ici montré, ainsi qu'on le relèvera,comme "un socialisme hors-sol, ayant peu de chance de s’enraciner en France et en Occident".... 


"Week-end" (1967, Godard)

Avec Mireille Darc (Corinne), Jean Yanne (Roland), Jean-Pierre Kalfon (Le chef du FLSO), Jean-Pierre Léaud (Saint-Just), Valérie Lagrange, Yves Beneyton (membres du FLSO), Paul Gégauff (le pianiste).

Un couple parisien, Corinne et Roland, qui se détestent et se trompent mutuellement, partent en week-end. La vie de Roland, égoïste invétéré, tourne autour des choses qu'il dit posséder, son confort, sa voiture, sa femme, et imagine d'assassiner sa belle-mère afin de la dépouiller de sa fortune. Corinne est toute aussi égoïste, futile, coquette et semblant soumise à son mari. Sur la route, il ne vont rencontrer qu'embouteillages, accidents, cadavres, dans un climat d'indifférence totale, et vont faire d'étranges rencontres. Eux-mêmes accidentés, volent une voiture, rencontre un clochard, Emily Brontë, qui viole Corinne devant son mari indifférent, des éboueurs, des Noirs, des Arabes, Saint-Just, le révolutionnaire, sont capturés par le Front de Libération de Seine et Oise,  Roland est tué et Corinne partage les restes de son mari avec les membres de cette guérilla qui capture et mange du Parisien. Jean-Luc Godard dira de son film, "c'est très méchant, grossier, caricatural" et pour filmer ces milliers de couples qui, assumant une pseudo-liberté de vie, chaque semaine, s'élancent sur la route du week-end au volant de leur voiture et se perdent dans d'immenses embouteillages, utilise un célèbre travelling de trois cent mètres au bord d'une petite route départementale...


"Sauve qui peut (la vie)" (1980, Godard)

Avec Isabelle Huppert (Isabelle Rivière), Jacques Dutronc (Paul Godard), Nathalie Baye (Denise Rimbaud), Roland Amstutz, Fred Personne (clients), Cécile Tanner (Cecile), Anna Baldaccini (la soeur d'Isabelle).

Ce film, dit-on, décrit les angoisses et aspirations d'hommes et de femmes face à une société qui les broie, et tout au long du film les rapports entre les solitudes s'entrechoquent,  aucun sentiment n'affleure, les êtres, pour se parler ou se toucher, doivent se jeter les uns contre les autres, avec brutalité, voire avec sadisme, tout s'exprime dans le mouvement et le moment présent. Producteur de télévision, Paul Godard est séparé de sa femme qui a la garde de leur fille, Cécile et va les voir tous les mois. Sa maîtresse, Denise Rimbaud, rompt avec lui et va s'installer dans une ferme au bord d'un lac dans la montagne ("l'imaginaire"). Tous deux se frappent l'un l'autre, Paul dira, "on ne peut se toucher qu'en se tapant dessus". Un appartement se libère donc, et Isabelle Rivière, une fille de la campagne devenue prostituée, prête à tout, souhaite le louer ("le commerce"). Dans le petit monde de la prostitution, les êtres ne se rencontrent qu'au gré de la circulation de l'argent, personne n'est réellement libre, au fond, et lsabelle se fait déculotter et fesser par des souteneurs, pour avoir tenté de déjouer leur racket. Paul, quant à lui, est habité par la peur, peur de la solitude, peur de quitter la grande ville, peur d'être abandonné par Denise dont il n'arrive pas à suivre les décisions ("la peur"), peur qui se traduit en violence. Il se fait finalement renverser par une voiture alors qu'il traversait la rue, pensant avoir aperçu sa femme et sa fille, il meurt et Denise ne s'aperçoit de rien ("La musique"), lui non plus : "Je ne suis pas en train de mourir puisque je ne vois pas ma vie défiler devant mes yeux "...

 

" Hélas pour moi" (1993, Godard)

Avec Gérard Depardieu (Simon Donnadieu), Laurence Masliah (Rachel Donnadieu), Bernard Verley (Abraham Klimt), Roland Blanche (Jacques Vacher, libraire et professeur de dessin), Marc Betton (le docteur Vallès), François Germond (le pasteur), Jean-Louis Loca (Max Mercure), Aude Amiot (Aude Amiel), Anny Roman (Mme Monot, la femme du pasteur).

"Je ne sais pas si on peut appeler ça une histoire" -  Godard reprend ici la légende d’Amphitryon qui inspira Plaute, Molière, Kleist et Giraudoux (Amphitryon 38). Simon Donnadieu vit avec sa femme Rachel dans un petit village suisse au bord du lac, où tout le monde se connaît, et part un jour en voyage d'affaires en Italie. Pourtant Rachel le voit revenir un soir et se donne à lui, et comprend le lendemain qu'elle s'est en fait abandonnée dans les bras d'un "dieu" venu connaître l'amour humain. Débarque dans le village Abraham Klimt qui va tenter de reconstituer les fils épars de ce "miracle"...

 


François Truffaut (1932-1984)

On connaît la question que Jean-Pierre Léaud pose dans "La Nuit américaine" (1973), "les films sont-ils plus importants que la vie?", et pour François Truffaut le cinéma constitue la passion de toute une vie. Délaissé par ses parents, il fait l’école buis­son­nière pour se rendre au cinéma, commence à écrire des critiques pour Les Cahiers du cinéma, aux côtés de Godard, Demy et Rohmer, et en 1954, son article “Une certaine tendance du cinéma français” devient l’un des mani­festes de la Nouvelle Vague. Cinq ans plus tard, il tourne "Les Quatre cents coups" et découvre Jean-Pierre Léaud, un jeune acteur à la verve singulière: Truffaut y traite le thème autobiographique du difficile passage de l'enfance à l'adolescence et de l'impossible initiation à l'âge adulte dans un monde fait pour ceux qui ont perdu leurs illusions. Ses films constituent autant d'hommage au Cinéma: "Tirez sur le pianiste" (1960) s'inspire des films noirs américains, "Jules et Jim" (1961) a été rapproché de Chaplin et de Jean Renoir, "La Mariée était en noir" (1967) est proche d'un Alfred Hitchcock, qu'il admire par ailleurs sans réserve. L'innocence et la fraîcheur caractérise son fameux cycle de cinq films relatif à Antoine Doinel dans le rôle d'un alter ego qu'il va suivre de l'enfance à l'âge adulte, retrouvant sa propre enfance secrète et solitaire : "Les 400 coups" (1959), "Antoine et Colette" (L’amour à vingt ans, 1961), puis la découverte de l'amour dans dans "Baisers Volés" (1968), du mariage et de la paternité dans "Domi­cile conju­gal" (1970), le divorce et l'écriture dans "L’Amour en fuite" (1978). Il aborde par la suite d'autres sujets et d'autres genres avec un goût constant pour l'étude psychologique et le sentiment du caractère éphémère du bonheur :  un futur cauchemardesque avec "Fahrenheit 451" (1966), adapté d'un roman de Ray Bradbury, la passion de la seconde fille de Victor Hugo dans "L'Histoire d'Adèle H" (1975), les épreuves d'un directeur de théâtre juif sous l'Occupation dans "Le Dernier Métro" (1980).  Dans sa vie privée, François Truffaut fut un grand amou­reux des femmes (Made­leine Morgens­tern, Claude Jade, Cathe­rine Deneuve, Fanny Ardant) et il offrira à ses actrices favorites de magnifiques portraits de femme aussi variés que "Une belle fille comme moi" (1972) avec Bernadette Lafont, "La Peau douce" (1963), avec Françoise Dorléac, "L'Histoire d'Adèle H." (1975) avec Isabelle Adjani ou "La Femme d'à côté" (1981) avec Fanny Ardant. L'enfance et l'adolescence seront aussi des thèmes de prédilection avec "L'Enfant sauvage" (1969), l'histoire de la difficile éducation d'un enfant qui a grandi loin des hommes, et "L'Argent de poche" (1975) peinture affectueuse de l'enfance. 

"Les Quatre cents coups" (1958, Truffaut)

Avec Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel), Claire Maurier (Mère d’Antoine), Albert Rémy (Père adoptif d’Antoine), Guy Decomble (Le professeur), Georges Flamant (Monsieur Bigey), Patrick Auffray (René).

Premier long métrage de Truffaut et autoportrait qui obtint un succès immédiat, le film est le récit,  simple et dépouillé, d'un petit parisien de douze ans, Antoine Doinel, incarné avec une justesse inoubliable par Jean-Pierre Léaud, un gamin négligé par sa mère et son beau-père, et qui ne rencontre qu'indifférence et incompréhension dans le monde des adultes qui l'entoure. Les faits s'enchaînent inexorablement, sans bruit, sans tragédie, l'école buissonnière pour une punition écopée injustement , le mensonge, bientôt découvert, le renvoi pour huit jours, la fugue, le vol, le commissariat et le centre d'observation des mineurs délinquants. Entre temps, l'enfant a découvert que sa mère avait une liaison, une mère qui n'est pas méchante, mais quelque peu légère, un père qui n'est pas un mauvais homme, mais maladroit et borné, le maître n'est pas non plus sans coeur, et l'enfant n'a guère à se révolter, le destin s'impose sans bruit, il aurait sans doute fallu peu de choses pour que le cours des événements soit différent. L'interprétation de Jean-Pierre Léaud a imposé le film ...


"Tirez sur le pianiste" (1959, Truffaut)

D’après le roman de David Goodis. Avec : Charles Aznavour (Charlie Kohler/Edouard Saroyan), Marie Dubois (Lena), Nicole Berger (Theresa), Michèle Mercier (Clarisse), Jean-Jacques Aslanian (Richard Saroyan), Daniel Boulanger (Ernest), Albert Rémy (Chico Saroyan), Serge Davri (Plyne, le patron du cabaret).

Pianiste d'orchestre de jazz dans un modeste café parisien appartenant à un certain Plyne, Charlie Kohler, triste et secret, attire la sympathie des serveuses, de la patronne, de la chanteuse Léna, de Clarisse, une jolie prostituée  sa voisine de palier, et vit dans un petit appartement avec son jeune frère de douze ans, Fido. Il n'a pu oublier la tragédie de sa vie, le suicide de sa femme qui, en devenant la maîtresse de son imprésario, lui a ouvert jadis une brillante carrière de pianiste de concert.  Mais son second frère, Chico, poursuivi par les gangsters Ernest et Momo, vient trouver refuge auprès de lui, et la mort va de nouveau frapper la femme qui s'attache à Charlie, Léna s'effondrera dans la neige...


"Jules et Jim" (1961, Truffaut)

Avec : Jeanne Moreau (Catherine), Oskar Werner (Jules), Henri Serre (Jim), Vanna Urbino (Gilberte), Marie Dubois (Therèse).

Adapté d'une oeuvre de l'écrivain Henri-Pierre Roché, "Jules et Jim" relate l'histoire d'une femme qui aime deux hommes, Jules, étudiant autrichien et Jim, étudiant français, liés par une amitié profonde, dans une même recherche d'absolu, et Jeanne Moreau y est inoubliable. Catherine, devient leur compagne de promenades puis épouse l'un d'eux, Jules, sans jamais se détacher de l'autre, Jim, venant de l'un à l'autre au gré de son caractère fantasque et passionné. Mais la guerre éclate, puis la paix, Jim rejoint Jules et Catherine et constate que l'amour a déserté le foyer :  Catherine devient la maîtresse de Jim et Jules se résigne à cette situation,  les années s'écoulent...


"La Peau douce" (1963, Truffaut)

Avec : Jean Desailly (Pierre Lachenay), Françoise Dorléac (Nicole), Nelly Benedetti (Franca), Daniel Ceccaldi (Clement), Laurence Badie (Ingrid), Sabine Haudepin (Sabine), Paule Emanuele (Odile), Jean Lanier (Michel).

Truffaut dit à propos de de ce film qu'il avait voulu faire "La peau douce" pour montrer que l'amour est quelque chose de beaucoup moins exaltant que ce que l'on peut en penser. Ecrivain en vogue, Pierre Lachenay, 44 ans, est appelé à faire à Lisbonne une conférence sur un de ses livres et connaît une liaison avec Nicole, hôtesse de son avion. Franca, la femme de Pierre, se montre possessive et va contribuer par son attitude au renforcement de cette relation. Pour épouser Nicole, Pierre abandonne le domicile conjugal et essaie de provoquer un divorce. Franca s'y résout par orgueil, mais, lorsqu'elle découvre des preuves de sa trahison, elle le tue en plein restaurant, au moment où Nicole vient de l'abandonner...


"Fahrenheit 451"  (1966, Truffaut)

Avec : Oskar Werner (Montag), Julie Christie (Linda/Clarisse), Cyril Cusack (The Captain), Anton Diffring (Fabian).

451 degrés Fahrenheit, c'est la température à laquelle brûle le papier. C'est aussi le sigle qui désigne les pompiers d'une époque future chargés de détruire par le feu toutes les œuvres littéraires qui pourraient être découvertes, la lecture étant interdite par le gouvernement. Mais l'un des pompiers, Montag, marié à Linda, ne se pose pas de question jusqu'au jour où il rencontre Clarisse, sosie de Linda, qui l'incite à dérober des ouvrages lors d'un autodafé : il se met ainsi à lire en cachette et s'enfuit  dans les bois rejoindre des "hommes-livres" qui, chacun d'eux, a appris à connaître par cœur un ouvrage littéraire...

 

"La Mariée était en noir" (1967, Truffaut)

D'après The bride wore black de William Irish. Avec : Jeanne Moreau (Julie Kohler), Claude Rich (Bliss), Jean-Claude Brialy (Corey), Michel Bouquet (Coral), Michael Lonsdale (Moranne), Charles Denner (Fergus), Daniel Boulanger (Delvaux), Serge Rousseau (David).

Film d'une vengeance implacablement menée par Jeanne Moreau, froide et mécanique dont le thème musical installe immédiatement un rapprochement avec Hitchcock : le jour de son mariage, à la sortie de l'église, Julie Kohier a vu son mari, David, se faire tuer sous ses yeux et entreprend du tuer chacun des cinq complices de ce meurtre. 


"Baisers volés" (1968, Truffaut)

Avec : Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel), Claude Jade (Christine Darbon), Delphine Seyrig (Fabienne Tabard), Michael Lonsdale (Monsieur Tabard) Daniel Ceccaldi (Monsieur Darbon), Harry Max (Monsieur Henry), André Falcon (Monsieur Blady), Marie-France Pisier (Colette Tazzy), Serge Rousseau (l'inconnu).

Son service militaire achevé, un service militaire peu reluisant, Antoine Doinel intègre sa petite mansarde à Montmartre et s'empresse d'aller revoir Christine Darbon, dont il est éperdument amoureux, trouve un premier travail comme veilleur de nuit dans un hôtel mais se fait renvoyer très rapidement pour n'avoir su empêcher un détective privé de faire un constat d'adultère. Ce dernier lui propose un emploi dans son agence, et Antoine Doinel devient ainsi détective privé. L'apprentissage de la vie d'Antoine Doinel va se poursuivre : le voici cédant à la femme d'un riche marchand de chaussures, Monsieur Tabard, qui a demandé à l'agence de faire une enquête afin de savoir pourquoi sa femme et ses employés le détestent. Devenu réparateur de télévision, il rencontre à nouveau Christine qui enfin se donne à lui... 


"La Sirène du Mississipi" (1968, Truffaut)

D’après le roman “Waltz into Darkness” de William Irish. Musique : Antoine Duhamel. Avec : Jean-Paul Belmondo (Louis Mahe), Catherine Deneuve (Julie Roussel/Marion), Nelly Borgeaud (Berthe), Roland Thénot (Richard), Marcel Berbert (Jardine).

Oeuvre dédiée à Renoir qui entend réconcilier l'homme et la femme au-delà de leurs rapports conflictuels et s'abandonner à la grande illusion de l'amour adulte qui seul semble en capacité de résorber la solitude de chaque être humain. Louis Mahé, riche fabricant de cigarettes à La Réunion, s'est fiancé par correspondance à une certaine Julie Roussel, mais la jeune femme blonde qui débarque du Mississipi ne ressemble pas à la photo de la jeune femme attendue : elle lui explique qu'elle n'avait pas osé envoyer la sienne, mais celle d'une camarade. En fait, Louis n'est pas déçu, la jeune fille est beaucoup plus belle que celle de la photo, le mariage a lieu, quelques jours de bonheur, mais Louis est gagné par des soupçons sur l'identité de Julie : celle-ci n'attend pas la confrontation et disparaît après avoir vidé son compte bancaire. Louis engage alors un détective privé et sombre dans la dépression, il finit par la retrouver en France, où elle est devenue Marion, une artiste de cabaret : mais sa passion pour la jeune femme est telle qu'il s'engage à nouveau à ses côtés et tombe alors dans un engrenage infernal mais qui les lient désormais l'un à l'autre...

 

"Domicile conjugal" (1970)

Avec : Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel), Claude Jade (Christine Doinel), Daniel Ceccaldi (Monsieur Darbon). 

Nous retrouvons Antoine Doinel qui a épousé la jeune fille qu'il courtisait dans "Baisers volés". Truffaut poursuit ici sa thématique du couple, avec au centre la question de l'adultère, symptôme de la difficulté de construire durablement une relation homme-femme : le mariage fausse au bout du compte le rapport entre les êtres, le rituel altère le langage du désir. Le tout est conduit par Truffaut non sous forme d'une histoire ou d'un intrigue, mais comme une narration à petites touches et mouvements continus. Le jeune couple vit dans un petit immeuble au centre duquel la petite cour est le lieu d'une sympathique animation. Alors que Christine donne des leçons particulières de violon, Antoine exerce un métier quelque peu insolite, il modifie, à l'aide de colorants chimiques, la couleur des fleurs pour les rendre plus attrayantes. Antoine, déçu par un nouveau mélange de sa fabrication, change de métier, et intègre, par erreur, une grande firme américaine dans laquelle il doit manoeuvrer des maquettes de pétroliers dans une reproduction miniature du Canal de Suez. Peu de temps après, Christine met au monde un petit garçon et Antoine, rempli de fierté, s'écrie en le portant dans ses bras : "Ce sera un écrivain. Il sera Victor Hugo ou rien." Mais les faits s'enchaînent irrémédiablement : Antoine tombe amoureux d'une jeune Japonaise venue avec ses parents visiter l'entreprise où il "travaille", Christine découvre qu'elle est trompée et rompt avec son mari. Celui-ci se lasse rapidement de sa relation et parvient à reprendre la vie commune avec Christine...


"Les Deux Anglaises et le continent" (1971) 

D’après le roman d’Henri Pierre Roché. Avec Jean-Pierre Léaud (Claude Roc), Kika Markham (Anne Brown), Stacey Tendeter (Muriel Brown), Sylvia Marriott (Mrs. Brown), Marie Mansart (Madame Roc), Philippe Léotard (Diurka), Irène Tunc (Ruta).

A Paris, à la fin du XIXe siècle. Claude Roc, jeune bourgeois couvé par sa mère, aime l'art et la littérature, le lien mère-fils est dès le début suggéré comme un élément déterminant pour toute la suite du récit. Seconde intention du film mentionnée par Truffaut, la volonté de détruire le romantisme dans les relations hommes-femmes, quitte à insister sur les détails physiques les plus triviaux. Claude fait donc la connaissance d'Anne Brown, une étudiante britannique qui devient rapidement son amie. La jeune fille l'invite à passer quelques jours au Pays de Galles, chez ses parents. Elle se réjouit de lui présenter Muriel, sa soeur bien-aimée. Entre les deux jeunes femmes, Claude goûte les charmes d'un séjour idyllique. Séduit par l'humeur sombre de la mystique Muriel, il lui propose le mariage. Mais sa mère exige un an de séparation afin d'éprouver les sentiments des jeunes gens, le personnage de la Mère apparaît encore ici centrale quant au cours du destin. Rentré à Paris, Claude oublie son amour auprès de nombreuses conquêtes et finit par rompre son engagement. Entre temps, Muriel, d'abord indifférente, s'est éprise graduellement du "continent", surnom que les deux soeurs ont donné à Claude. Celui-ci rompt son engagement, et Muriel tombe gravement malade. Les mois passent. Anne revient à Paris, revoit Claude et entame avec lui une liaison de plusieurs années. Un jour, Muriel resurgit dans la vie de Claude et lui offre de recommencer leur amour par le début. Mais Anne avoue à sa soeur que Claude a été son amant. Muriel brise alors toute relation avec Claude et les deux soeurs retournent en Angleterre, Anne se laissera mourir de désespoir, Muriel reverra une dernière fois Claude pour se donner à lui puis le quitter définitivement avec ces mots : "Tu n'as jamais été et tu ne seras jamais un époux"... Des années plus tard, devenu écrivain, Claude passe devant un miroir et s'aperçoit qu'il est déjà vieux...


"La Nuit américaine" (1972) 

Avec : Jean-Pierre Léaud (Alphonse), Jacqueline Bisset (Julie), Jean-Pierre Aumont (Alexandre), Dani (Liliane).

"La Nuit américaine" est un film sur le tournage d'un film, Truffaut incarnant le réalisateur qui observe comment la vie privée des comédiens vient nourrir la fiction cinématographique : "La nuit américaine prend pour sujet le tournage d'un film... et comporte deux histoires. a/ L'histoire personnelle qui relate les aventures de l'équipe d'un film: cinq acteurs et actrices et quelques techniciens; leurs disputes, leurs réconciliations, leurs problèmes intimes, tout cela mêlé à un travail commun limité dans le temps et dans l'espace, le tournage d'un film intitulé: "Je vous présente Paméla". b/ L'histoire du film de fiction: le sujet du "film dans le film" (Je vous présente Paméla) est emprunté à un fait-divers anglais: un jeune homme récemment marié à une jeune Anglaise vient sur la Côte d'Azur présenter son épouse à ses parents. Le père du jeune homme tombe amoureux de sa belle-fille et s'enfuit avec elle...."


"Une belle fille comme moi" (1972, Truffaut) 

Avec : Bernadette Lafont (Camille Bliss), André Dussollier (Stanislas Previne), Philippe Léotard (Clovis Bliss), Claude Brasseur (Monsieur Murene), Charles Denner (Arthur), Guy Marchand (Sam Golden)

Truffaut poursuit sa destruction du romantisme, abordée avec "Les deux Anglaises", mais ici c'est la dérision qui devient l'arme du crime. Stanislas Prévine, sympathique étudiant légèrement pédant, écrivit une thèse sur les femmes criminelles et reçoit l'autorisation d'interviewer en prison Camille Bliss, une belle fille au parler et l'attitude des plus natures, sans le moindre complexe. Accusée de divers crimes et tentatives de meurtres, Camille décrit à Stanislas son existence particulièrement mouvementée mais guidée par un seul objectif, devenir une chanteuse à succès et se débarrasser de tous les "obstacles" pouvant entraver celui-ci. "Mettez-vous à ma place, j'avais quatre mecs sur les bras, j'aurais pas couché avec eux sans raison, j'suis pas comme ça, moi!", lui dira-telle. Et Stanislas Prévine se laisse convaincre par la belle, parvient à la faire innocenter de son dernier crime, - le dératiseur catholique, Arthur, s'est en fait suicidé : mais une fois libre, Camille, en proie à un irrésistible désir de survie, fait accuser le pauvre Stanislas d'un de ses meurtres et condamner à sa place...


"L'Histoire d'Adèle H." (1975)

D’après “Le Journal d’Adèle Hugo” de Frances V. Guille. Avec : Isabelle Adjani (Adèle Hugo), Bruce Robinson (Lieutenant Pinson), Sylvia Marriott (Mrs Saunders), Reubin Dorey (Mr Sanders), Joseph Blatchley (le libraire Whistler).

Nous sommes en1863, sous un faux nom, Adèle, fille cadette de Victor Hugo, poursuit jusqu'à Halifax le lieutenant Albert Pinson qui a rejoint au Canada son régiment de hussards. Par l'entremise du mari de sa logeuse, Adèle tente d'entrer en contact avec le jeune homme, mais celui-ci est resté figé sur le refus passé des Hugo de le voir entrer dans leur famille. Sous l'emprise d'une passion impossible à contenir, Adèle implore son père de consentir à cette union et tente par tous les moyens de gagner le coeur d'Albert. La passion se transforme en idée fixe et la mure progressivement dans une solitude absolue...


"L'Homme qui aimait les femmes" (1976, Truffaut)

Avec : Charles Denner (Bertrand Morane), Brigitte Fossey (Geneviève Bigey), Nelly Borgeaud (Delphine Grezel), Leslie Caron (Véra), Geneviève Fontanel (Hélène), Nathalie Baye (Martine Desdoits), Sabine Glaser (Bernadette), Jean Dasté (Médecin). 

Au lendemain de Noël 1976, on assiste, au cimetière de Montpellier, à l'enterrement de Bertrand Morane, un ingénieur d'une quarantaine d'années qui n'avait qu'une passion exclusive, les femmes, toutes les femmes, rousses ou blondes, jeunes ou mûres, veuves ou mariées, de toutes conditions, Bernadette était employée dans la location de voitures, Nicole, ouvreuse de cinéma, de toute nature amoureuse, l'amour-folie avec Delphine, l'amour-amitié avec Liliane, l'amour-mystère avec Aurore... Bertrand décide d'écrire un livre-témoignage sur toutes les femmes qui ont ainsi  traversé sa vie et sur l'émotion véritable qu'il aura éprouvée à chaque fois, et, en poursuivant une femme, entrevue dans la rue, il sera renversé par une voiture... 


"La Chambre verte" (1977)

Avec : François Truffaut (Julien Davenne), Nathalie Baye (Cecilia Mandel), Jean Dasté (Bernard Humbert), Jean-Pierre Moulin (Gérard Mazet), Patrick Maléon (Georges), Jane Lobre (Mme Rambaud).

Trois histoires de Henry James (L'autel des morts, la bête dans la jungle, les amis des amis) inspire le récit de Truffaut, un récit centré sur notre rapport avec les morts, dans lequel il tient le rôle principal, et qui sera par ailleurs incompris du public. Dans une ville de l'Est de la France, quelques années après la Grande guerre, un modeste journaliste, Julien Davenne, spécialiste des notices nécrologiques, vit dans le souvenir de sa femme Julie, décédée peu après leur mariage. Une pièce de la maison, qu'il habite avec une vieille gouvernante et un jeune handicapé, est réservée au culte de la disparue, persuadé que les morts restent vivants tant que leur souvenir demeure vivace : et Julien s'y enferme ainsi souvent. Un soir d'orage la chambre prend feu après avoir été frappée par la foudre. C'est pour Julien un signe du destin, et le voici contactant les autorités religieuses pour obtenir l'autorisation d'aménager une chapelle qui serait consacrée à tous les morts connus et inconnus, il s'y laissera mourir...

 

"L'Amour en fuite" (1978, Truffaut) 

Avec Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel), Marie-France Pisier (Colette Tazzi), Claude Jade (Christine Doinel), Dani (Liliane), Dorothée (Sabine Barnerias), Daniel Mesguich (Xavier Barnerias)

C'est le dernier film de Truffaut avec Jean-Pierre Léaud, un récit en forme de puzzle construit à partir d'une soixantaine de flashes-back pris dans diverses scènes de la vie d'Antoine Doinel. Antoine, 33 ans, vit avec Sabine, 25 ans, vendeuse dans un magasin de disques. Chacun a gardé son appartement. Mais à peine rentré chez lui, Christine lui rappelle qu'ils doivent divorcer le matin même. En effet, après plusieurs années de séparation, Antoine et Christine Doinel divorcent et, dans le taxi qui les mène au Palais de Justice ou sur les marches du Palis, chacun revoit quelques scènes de leur proche passé : Antoine, quant à lui, reste silencieux. A quelques mètres de là, une avocate, Colette, reconnaît en Antoine celui qui la courtisait jadis : la voici achetant son livre, "Les salades de l'amour", se plongeant dans sa lecture dans le train de nuit qui la mène vers Draguignan, bientôt rejointe par Antoine qui, ce soir-là, accompagnait son fils Alphonse à la gare. Mais Antoine ne sait que parler de lui, et de son prochain roman, la rencontre tourne court. "Doinel n'est à l'aise que dans les situations extrêmes, écrira Truffaut. Il est le contraire d'un personnage exceptionnel. Mais ce qui le distingue des personnes moyennes c'est qu'il ne s'installe jamais dans les états moyens. Il est, ou bien profondément déçu, ou dans un état d'excitation. C'est ce qui le rend peu prévisible." De retour à Paris, Antoine retrouve Sabine, son amie du moment, qui après lui avoir reproché son égoïsme et ses incertitudes finit par le mettre à la porte. Antoine revoit monsieur Lucien, l'ancien amant de sa mère, qui a perdu sa fougue pour devenir un vieux monsieur respectable, Colette accepte de prendre la défense d'un meurtrier d'enfant à Draguignan, la photo déchirée de Sabine, perdue dans le train de Draguignan lors de la rencontre d'Antoine et de Colette, passe de mains en mains, de Colette à Christine, de Christine à Antoine, d'Antoine à Sabine, indice d'une nouvelle vie...


"Le Dernier métro" (1980, Truffaut) 

Avec : Catherine Deneuve (Marion Steiner), Gérard Depardieu (Bernard Granger), Jean Poiret (Jean-Louis Cottins), Heinz Bennet (Lucas Steiner), Jean Poiret (Jean-Loup), Andréa Ferréol (Arlette), Sabine Haudepin (Nadine), Jean-Louis Richard (Daxiat), Richard Bohringer.

On a vu dans "Le dernier métro" un éloge du théâtre qui s'affirme malgré la guerre, une vie du théâtre qui ne peut jamais s'interrompre et qui concerne tant les textes et les rôles qu'ils portent, que les coulisses et les spectateurs qui le nourrissent. Alors que les Allemands occupent la moitié de la France, Marion Steiner n'a des cesse que de mener les répétitions de la pièce qu'elle doit monter au théâtre Montmartre dont elle assure la direction depuis que son mari, Lucas, juif allemand, s'est enfui de Paris. En fait, Lucas s'est réfugié dans les sous-sols du bâtiment, et chaque soir, Marion et lui commentent le travail des comédiens. Mais théâtre et réalité, vérité et apparence s'entremêlent ici, Marion Steiner dissimule la présence de son mari à la troupe et tombe amoureuse de l'acteur Bernard Granger, jeune premier et membre d'un réseau de résistance, l'actrice Nadine Marsac fréquente des Allemands dans l'espoir d'entreprendre une carrière de cinéma, Martine, l'amie du machiniste Raymond Boursier, fait du marché noir et vole les affaires de la troupe de théâtre,le critique pro-nazi Daxiat surveille sans relâche les répétitions...

 

"La Femme d'à côté" (1981, Truffaut)

Avec Gérard Depardieu (Bernard Coudray), Fanny Ardant (Mathilde Bauchard), Henri Garcin (Philippe Bauchard), Michèle Baumgartner (Arlette Coudray), Véronique Silver (Odile Jouve), Roger Van Hool (Roland Duguet).

"La femme d'à côté" est l'histoire d'une passion amoureuse qui sombre dans une fusion mortelle qui emportera Mathilde et Bernard. Un Bernard qui partageait avec sa femme, Arlette Coudray, une tranquille existence, un enfant de six ans et un second à naître, dans leur petite maison de la banlieue grenobloise, jusqu'à l'arrivée de nouveaux voisins dans le pavillon d'à-côté, Philippe et Mathilde Bauchard : Mathilde et Bernard se sont follement aimés il y a sept ans, avec une violence quasi animale, vont tenter de maîtriser les orages cette animalité qui les ont tant marqués, mais le passé réapparaissant aux yeux de tous rompt le frêle équilibre de leurs relations et les ré-entraîne dans la tragédie, Bernard et Mathilde se donnent un soir l'un à l'autre, puis Mathilde saisit un pistolet et abat Bernard d'une balle dans la tête avant de retourner l'arme contre elle...

 

"Vivement dimanche !" (1982, Truffaut)

D’après "The Long Saturday Night" de Charles Williams. Avec : Fanny Ardant (Barbara Becker), Jean-Louis Trintignant (Julien Vercel), Jean-Pierre Kalfon (L'abbé Claude Massoulier), Philippe Laudenbach (Maître Clement), Philippe Morier-Genoud (le commissaire Santelli), Catherine Sihol (Marie-Christine Vercel), Xavier Saint-Macary (Bertrand Fabre), Roland Thénot (Jambreau). 

Fanny Ardant se rend à son travail, la caméra découvre un marais brumeux au petit matin, un chasseur à l'affût se retourne, un coup de carabine éclate, le chasseur s'effondre, le visage ensanglanté, un certain Massoulier vient d'être est tué d'une balle dans la tête. Julien Vercel, directeur d'une agence immobilière immobilière dans une petite ville du Var, est accusé d'homicide car il chassait ce jour-là dans le même coin. De plus, fait aggravant, on découvre que la femme de Vercel, Marie-Christine, était la maîtresse du défunt, et celle-ci  se fait assassiner peu de temps après, à son domicile. Soupçonné d'un double meurtre, Julien se cache dans l'arrière-boutique de l'agence, tandis que sa secrétaire, Barbara Becker, va s'efforcer de découvrir la vérité.Le parcours s'avère difficile, les personnages rencontrés particulièrement singuliers et les cadavres nombreux. Barbara est enfin prise en considération par Julien, - "Vous ne m'avez jamais regardée comme une femme. Avec vous, si on n'est pas une fausse blonde platinée avec des faux cils et des faux ongles jusque là, faut pas espérer un regard" -, et le véritable meurtrier confondu...

 


Eric Rohmer (1920-2010)

"Je me sens moins concerné par ce que les gens font que par ce qui leur traverse l'esprit à ce moment-là", écrit Eric Rohmer (Jean-Marie Maurice Scherer) qui dans toutes ses comédies met en scènes des personnages, des situations et des lieux qui ne vivent et ne s'expliquent que par un narrateur, des conversations, des extraits de journaux intimes. Rohmer saisit ainsi en quelques plans tous les petits mystères du quotidien. Par contre, le discours, lui, se heurte à la réalité, une réalité que filme objectivement la caméra, une caméra témoin. De formation littéraire, il ne s'oriente vers le langage cinématographique que tardivement, en 1959, lorsqu'il entre dans le laboratoire des Cahiers du Cinéma et qu'il réalise, entre "Les quatre cents coups", de Truffaut et "A bout de souffle", de Godard, son premier long métrage, "Le signe du Lion", qui ne sortira que trois ans plus tard. Suivront 25 longs-métrages dont les plus célèbres sont "Ma nuit chez Maud" (1969), "Les Nuits de la pleine lune" (1984), "Le Rayon vert" (1986), "La Collectionneuse" (1967), "Le Genou de Claire" (1970) et "Conte d'Hiver" (1991). L'un des thèmes privilégiés par Rohmer est celui de la résistance de l'homme à la tentation de la femme. Dans"La Collectionneuse" (1966), un intellectuel repousse les avances d'une provocante nymphette. Dans "Ma Nuit chez Maud" (1969), Jean-Louis Trintignant passe une chaste nuit aux côtés de Françoise Fabian. Dans "Le Genou de Claire" (1970), Jean-Claude Brialy est pris par le besoin irrépressible de toucher le genou d'une adolescente. Dans chacun de ses Six Contes moraux, d'inspiration littéraire et qui peignent de banales aventures d'amour, qui au fond ne se révèlent pas des aventures, l'homme persévère à renoncer sexuellement à la femme, pour des raisons éthiques, que favorise une introspection systématique à laquelle se livrent les personnages. Puis Rohmer réalise un cycle de six films, "Comédies et Proverbes", d'inspiration théâtrale, dans lequel les personnages tentent plus de se confronter aux autres que de développer une destinée personnelle; et cela ne vas pas ainsi sans nous exprimer un certain bonheur de vivre.

 

"Le signe du Lion" (1959, Rohmer)

Avec : Jess Hahn (Pierre Wesserlin), Michèle Girardon (Dominique Laurent), Van Doude (Jean-François Santeuil). 

Pierre Wesserlin, un artiste américain bohème, vit à Paris et passe le plus clair de son temps dans les bars de Saint-Germain-des-Prés. Il apprend que sa tante, une femme fortunée, vient de mourir et Pierre, convaincu d'hériter très bientôt, emprunte une forte somme d'argent  son ami Jean-François, journaliste à Paris-Match, et organise une fête pour tous ses amis. Mais peu après, il découvre qu'il ne figure pas sur le testament de la défunte et que c'est son cousin Christian qui hérite. Dès lors tout s'enchaîne,il perd son logement, tente de voler pour survivre, se cache pour ne pas être reconnu, et c'est alors qu'au plus profond de sa déchéance, il apprend la mort de son cousin, la chance a tourné...


"La boulangère de Monceau" (1959, Rohmer)

Avec Barbet Schroeder (le jeune homme), Bertrand Tavernier (le narrateur), Claudine Soubrier (la boulangère, Jacqueline), Fred Junk (Schmidt), Michèle Girardon (Sylvie).

Le narrateur, étudiant en droit qui prépare ses examens, croise fréquemment une jeune fille blonde et élégante, Sylvie. Pour la retrouver, il décide de sillonner le quartier, en particulier le marché de la rue de Lévis et prend l'habitude de se fournir en sablés dans une boulangerie de la rue Lebouteux : il ne tarde pas à se lier avec la petite boulangère et celle-ci accepte de le revoir. Mais en se rendant au rendez-vous, le narrateur rencontre Sylvie : renonçant au rendez-vous avec la boulangère, il emmène Sylvie au restaurant et l'épouse quelques mois plus tard...


"La carrière de Suzanne" (1962, Rohmer)

Avec Catherine Sée (Suzanne), Philippe Beuzen (Bertrand), Christian Charrière (Guillaume), Diane Wilkinson (Sophie), Jean-Claude Biette (Jean-Louis).

Le narrateur, Bertrand, étudiant à Paris, timide et réservé, admire secrètement son ami Guillaume, étudiant de Sciences-Po, beaucoup plus assuré et entreprenant que lui. Un jour, dans un café du Quartier Latin, ce dernier courtise et séduit Suzanne, une jeune fille candide et naïve qui suit des cours d'interprétariat tout en travaillant pour payer ses études. Mais il la laisse rapidement tomber. Désemparée, Suzanne tente de se rabattre sur Bertrand qui, croyant aimer une autre jeune femme, Sophie, la repousse. Par ses maladresses, le narrateur perdra non seulement Sophie, mais aussi Suzanne...


"La collectionneuse" (1967, Rohmer)

Avec Patrick Bauchau (Adrien), Haydée Politoff (Haydée), Daniel Pommereulle (Daniel), Alain Jouffroy (l’écrivain), Mijanou Bardot (Carole).

Quatrième Conte moral, Adrien s'apprête à passer une partie de l'été dans la villa provençale de Rodolphe afin d'assister, dit-il, à une vente et traquer un commanditaire pour sa future galerie de peinture. En réalité, Adrien va surtout tenter, avec Daniel, un peintre reconverti dans la fabrication d'objets, une quête du néant par le biais d'une profonde inactivité. Ils sont cependant détournés de leur approche du néant par une charmante jeune femme, Haydée (le rôle est totalement écrit pour Haydée Politoff), dont le principal souci semble être de collectionner les amants. A moins qu'elle aussi ne cherche une forme de perfection. Perplexes et préoccupés, Adrien et Daniel finissent par ne plus penser qu'à leur perturbatrice, et, un matin, Adrien s'aperçoit que Daniel et Haydée ont couché ensemble. Les relations avec Daniel se détériorent....


"Ma nuit chez Maud" (1969, Rohmer)

Avec Jean-Louis Trintignant (Jean-Louis), Françoise Fabian (Maud), Marie-Christine Barrault (Françoise), Antoine Vitez (Vidal).

Jean-Louis, un ingénieur d'une trentaine d'années, fervent catholique, s'installe à Clermont-Ferrand après un long séjour à l'étranger. Un jour, dans l'église où il assiste à la messe, il remarque Françoise, une jeune fille blonde, et décide dès lors qu'elle sera sa femme et qu'il lui sera toujours fidèle. Peu après, il rencontre un ami d'enfance, Vidal, communiste convaincu, qui l'invite à passer le dîner de Noël chez sa maîtresse, Maud, une jeune femme médecin, athée, divorcée et mère d'une petite fille. Jean-Louis se sent irrésistiblement attiré par cette femme si différente de lui. Après une longue conversation qui aborde de nombreux sujets, Jean-Louis découvre qu'il n'y a pas de chambre d'ami. Maud avoue se sentir un peu seule et reproche à Jean-Louis d'être un chrétien honteux, doublé d'un don Juan honteux. Et de fait, Jean-Louis prétend d'abord dormir dans un fauteuil, puis tout habillé dans le lit de Maud. Au matin, ils échangent un baiser, il s'éloigne brusquement, elle s'enfuit, il tente de la rattraper mais c'est elle qui se refuse. Ils se quittent amicalement...


"Le genou de Claire" (1970, Rohmer)

Avec Jean-Claude Brialy (Jérôme), Aurora Cornu (Aurora), Béatrice Romand (Laura), Laurence de Monaghan (Claire). 

Jérôme, 35 ans, attaché d'ambassade à Stockholm, est sur le point de se marier. Auparavant, il passe seul quelques jours de vacances en France, dans la région d'Annecy. Là, il retrouve une amie, Aurora, une romancière roumaine qu'il a rencontrée à Bucarest. Celle-ci le présente à madame Walter et à sa fille Laura, une adolescente de 16 ans, qui tombe amoureuse de lui. Jérôme s'efforce de la ramener à la raison. Laura s'en va bouder, Jérôme la rejoint pour la consoler et découvre alors sa demi-soeur, Claire, dont le charme le trouble. Aurora, connaissant la passion de Jérôme pour les très jeunes filles, lui conseille de toucher son genou, en guise d'exorcisme...


 "L'amour l'après-midi" (1972, Rohmer)

Avec : Bernard Verley (Frédéric), Zouzou (Chloé), Françoise Verley (Hélène), Daniel Ceccaldi (Gérard), Malvina Penne (Fabienne). 

Frédéric, la trentaine séduisante, est un jeune cadre dynamique qui vit auprès de sa femme Hélène un bonheur tranquille. Un jour, Chloé, une amie de longue date, le cheveu sale, le maquillage approximatif, fait irruption dans son bureau et lui demande de l'aider. Il l'accueille froidement, mais la jeune fille, prétextant une recherche de travail, le relance à plusieurs reprises. Peu à peu, Frédéric s'attache à elle et supporte mal son absence. Revenant d'un voyage, Chloé retrouve un Frédéric qui est maintenant prêt à abandonner son rôle de père et de mari modèles pour devenir son amant : mais, au moment de rejoindre Chloé, nue dans son lit, Frédéric ôte son pull à col roulé, mais voit son reflet dans la glace et semble réaliser le ridicule de la situation. Il court alors rejoindre Hélène et les deux époux font, pour la première fois, l'amour l'après-midi, comme un couple adultère.


"La marquise d'O" (1976, Rohmer)

D'après la pièce d'Heinrich von Kleist. Avec Edith Clever (Julietta, Marquise d'O), Bruno Ganz (Le comte), Peter Lühr (le Colonel Lorenzo, père de la Marquise), Edda Seippel (la mère de la Marquise), Bernard Freyd (Leopardo), Otto Sander (le frère).

En 1799, les troupes russes s'emparent d'une place forte lombarde commandée par le père d'une jeune veuve, la marquise d'O. Celle-ci est prise à partie par les soldats, et ne doit son salut qu'à l'intervention du comte F., lieutenant-colonel de l'armée russe. Profitant de son sommeil artificiel, le gentilhomme abuse pourtant d'elle. Quelque temps plus tard, la marquise ressent d'étranges symptômes. Indubitablement, elle est enceinte. Le comte réapparaît alors. Il offre à la femme outragée de l'épouser en guise de réparation...


"Perceval le Gallois" (1978)

Avec Fabrice Luchini (Perceval), André Dussollier (Gauvain), Pascale de Boysson (La veuve dame), Gérard Falconetti (Le Senechal Kay), Arielle Dombasle (Blanchefleur), Marie-Christine Barrault (La Reine Guenevievre), Michel Etcheverry (Le roi pêcheur), Guy Delorme (Clamadieu des Iles), Marie Rivière (pucelle, dame, Fille de Garin).

Rohmer porte à l'écran le roman inachevé de Chrétien de Troyes (1137-1190) en lui conservant ses tournures médiévales et sa structure poétique. Elevé loin du monde et des hommes par sa mère, le jeune Perceval, ébloui par les magnifiques chevaliers qu'un hasard lui a fait rencontrer, décide aussitôt de se rendre à la cour du roi Arthur, pour être adoubé lui aussi. En chemin, il séduit une pucelle et s'attire la colère de l'ami de celle-ci, l'Orgueilleux de la Lande. A la cour du roi Arthur, il défend vaillamment l'honneur de la reine, insultée par un cuistre qu'il tue sans autre forme de procès. Sa quête peut désormais commencer, semée d'embûches et de prodiges. Mais pour une sainte cause, Perceval est prêt à donner sa vie...


"La femme de l'aviateur" (1981)

Avec : Philippe Marlaud (François), Marie Rivière (Anne), Anne-Laure Meury (Lucie), Mathieu Carrière (Christian).

Premier film de la série des Comédies et proverbes, "La Femme de l'aviateur" nous entraîne sur les traces de François, vingt ans, travaillant la nuit dans un centre de tri à la poste de la gare de l'Est pour payer ses études, qui, avec l'aide de Lucie, une lycéenne de quinze ans, piste un aviateur, Christian, supposé l'amant de sa petite amie Anne : l'aviateur aurait annoncé à Anne qu'il la quittait définitivement pour retrouver sa femme...


"Le beau mariage" (1982)

Avec Béatrice Romand (Sabine), André Dussollier (Edmond), Féodor Atkine (Simon), Arielle Dombasle (Clarisse), Pascal Greggory (Nicolas), Vincent Gauthier (Claude).

Dans ce conte social qui n'est pas sans cruauté, le mariage est envisagé comme un désir d'élévation spirituel alors qu'il n'est, en fin de compte, qu'une solution pour s'élever socialement. Quand elle n'est pas vendeuse dans un magasin d'antiquités au Mans, Sabine étudie l'histoire de l'art à Paris. C'est d'ailleurs là qu'elle rompt avec son ami Simon, un peintre marié, à qui elle reproche son éternelle indécision. Sabine s'est mise en tête de faire «un beau mariage». Elle ignore avec qui, mais elle s'y prépare déjà. Lors d'une noce, son amie et confidente Clarisse la présente à un jeune et brillant avocat, Edmond. Sabine jette son dévolu sur ce séduisant "candidat" qui n'a pourtant manifesté aucun signe d'intérêt pour elle, l'invite à son anniversaire et le présente à sa mère....


"Pauline à la plage" (1983)

Avec Amanda Langlet (Pauline), Arielle Dombasle (Marion), Pascal Greggory (Pierre), Féodor Atkine (Henri), Simon de La Brosse (Sylvain), Rosette (Louisette).

Troisième film de la série Comédies et proverbes, toujours d'une aussi douce cruauté. En cette fin d'été, Pauline, une adolescente, est confiée à sa cousine Marion, qui vient de divorcer. Sur la plage de Granville, en Normandie, Marion retrouve par hasard Pierre, un flirt de jeunesse. Celui-ci lui présente Henri, un séduisant ethnologue qui, bien que marié et père de famille, va où il veut quand il veut. Au casino, Pierre fait une déclaration brûlante à Marion, qui le repousse pour se jeter dans les bras d'Henri. Pauline, pour sa part, ne goûte guère ces chassés-croisés. Elle rêve d'une relation plus sérieuse. Sur la plage, elle rencontre Sylvain, un jeune homme de son âge. Profitant d'une absence de Pauline et de Marion, Henri séduit Louisette, une jeune marchande de de la plage, et Pierre apercevant celle-ci  complètement nue dans la chambre d'Henry, ce dernier fait croire que c'est le jeune Sylvain qui a couché avec Louisette. Si Marion est convaincue par cette version de l'histoire, c'est pour Pauline une blessure certaine...


"Les nuits de la pleine lune" (1984)

Avec Pascale Ogier (Louise), Tchéky Karyo (Rémi), Fabrice Luchini (Octave), Virginie Thévenet (Camille), Christian Vadim (Bastien), Laszlo Szabo (le peintre au café), Lisa Garneri (Tina).

Quatrième film de la série Comédies et proverbes qui rencontra une certaine adhésion pour une supposée correspondance avec l'époque. Louise (imprévisible Pascale Ogier) et Octave (Fabrice Luchini) discutent interminablement des choses de l'amour, se croient sincères et mentent. Louise, stagiaire dans une agence de décoration, et Rémi, son ami architecte, s'aiment et vivent ensemble dans un appartement moderne de Marne-la-Vallée. Mais Louise tient aussi à son indépendance. Elle sort souvent et rentre très tard alors que Rémi, un sportif, se lève tôt. L'accord semble parfait. Pourtant, afin d'arranger sa vie comme elle l'entend, Louise a aménagé un studio à Paris. Elle y passe la nuit, de temps à autre, courtisée par Octave, un bavard impénitent qui l'amuse mais ne la séduit pas. Lors d'une soirée, Louise joue à pousser Rémi dans une aventure avec une amie à elle, Camille, et rencontre Bastien, avec qui elle se prend au jeu de la séduction...


"Le rayon vert" (1986)

Avec Marie Rivière (Delphine), Rosette, Béatrice Romand, Carita, Vincent Gauthier.

Cinquième film de la série Comédies et proverbes dans lequel Rohmer laisse libre cours à une part d'improvisation. C'est le 2 juillet, à deux semaines de ses vacances, Delphine ne sait où aller. Elle vient d'être quittée par Jean-Pierre, et son amie Charlotte, qui devait partir avec elle en Grèce, n'est plus libre. Delphine erre dans Paris, parle avec des copines. Elle accepte d'aller à Cherbourg avec Françoise, chez des amis de celle-ci. Elle se sent mal à l'aise, se tient à l'écart. En une succession de jours datés, Rohmer suit les hésitations d'une fille romantique au bord de la trentaine, mal dans sa peau et qui n'arrive pas à s'affirmer... 


"4 aventures de Reinette et Mirabelle" (1987)

Avec Joëlle Miquel (Reinette), Jessica Forde (Mirabelle), Philippe Laudenbach (Garçon de café), Marie Rivière (L'arnaqueuse), Fabrice Luchini (Le marchand de tableaux). 

Mirabelle est parisienne, Reinette habite à la campagne. Mirabelle séjourne dans la maison de vacances de ses parents. Un jour, en rentrant chez elle à bicyclette, un pneu crève devant chez Reinette. Cette dernière l'aide à réparer son vélo et l'invite à la maison. Reinette lui parle de l'heure bleue, cet instant de silence particulier où les animaux de nuit sont déjà couchés et ceux du jour pas encore levés. Elle lui révèle sa passion pour la peinture et son projet de venir à Paris pour préparer les Beaux-Arts. Mirabelle, étudiante en ethnologie, lui propose de partager son appartement parisien..."J'avais envie, dit Rohmer, de retrouver mes racines et le ton des premiers courts métrages que nous avons tournés, Rivette, Truffaut, Godard et moi-même. Je voulais aussi réagir contre le côté tape-à-l'oeil et mégalomane du cinéma et revenir à l'amateurisme. Tourner un film que n'importe qui, possédant une caméra vidéo ou super-8 peut parfaitement réaliser avec l'aide de quelques amis."


"L'ami de mon amie" (1987)

Avec : Emmanuelle Chaulet (Blanche), Sophie Renoir (Léa), Eric Viellard (Fabien), François-Eric Gendron (Alexandre), Anne-Laure Meury (Adrienne).

"Les amis de mes amis sont mes amis" constitue le sixième et dernier film de la série Comédies et proverbes. Le texte, comme souvent, est composé en fonction des acteurs. Installée depuis peu à Cergy-Pontoise, Blanche, une timide jeune femme, travaille au service culturel de la préfecture. Elle fait la connaissance de Léa, étudiante en informatique, qui vit chez ses parents et fréquente Fabien. Devenues amies, les jeunes femmes se retrouvent souvent à la piscine où elles rencontrent Alexandre, brillant cadre à l'EDF, ami de Fabien et Léa. Blanche est séduite par lui, mais ne parvient pas à lui déclarer sa flamme, d'autant qu'il fréquente déjà Adrienne, une jeune et jolie étudiante. Quant à Léa, elle décide de partir en vacances sans Fabien...


"Conte de printemps" (1990)

Avec Anne Teyssèdre (Jeanne), Hugues Quester (Igor), Florence Darel (Natacha), Eloïse Bennett (Eve), Sophie Robin (Gaelle). 

Premier film de la série "Contes des quatre saisons" qui met en scène trois femmes et un homme, ici Natacha veut pousser son amie dans les bras de son père. Jeune professeur de philosophie en banlieue, Jeanne vit tantôt chez elle, tantôt chez Mathieu, qu'elle doit bientôt épouser. En l'absence de son fiancé, Jeanne regagne son propre appartement, qu'elle trouve occupé par sa cousine. Désemparée, ne sachant pas trop où aller, elle se rend à une soirée. Sur place, elle se lie d'amitié avec une très jeune fille, Natacha, qui l'invite à passer quelques jours chez elle, pendant que son père, Igor, est en voyage. Jeanne accepte. Mais Igor revient, en compagnie de sa petite amie, Eve, que Natacha déteste violemment. Cette dernière fera tout pour jeter son père dans les bras de Jeanne... mais Jeanne regagnera le désordre de l'appartement de Mathieu.


"Conte d'hiver " (1992)

Avec Charlotte Véry (Félicie), Frédéric Van Den Driessche (Charles), Michel Voletti (Maxence), Hervé Furic (Loïc), Ava Loraschi (Elise). 

Deuxième film de la série "Contes des quatre saisons" qui met en scène une femme et trois hommes. Félicie est "un coeur en hiver", en jachère, en attente. Félicie est coiffeuse dans un salon de Belleville. Elle partage son coeur entre Maxence, coiffeur lui aussi, son patron, en train de quitter sa femme pour elle, et Loïc, un bibliothécaire charmant mais un peu trop cérébral à son goût. Mais Félicie s'est mis en tête de retrouver le beau Charles. Ils se sont aimés passionnément autrefois, un enfant est né, Elise, avant de se perdre de vue il y a 5 ans, à la suite d'un lapsus : lui donnant son adresse, elle a confondu Levallois avec Courbevoie... Tous ses proches déconseillent à Félicie de rêver à l'impossible coup de chance que constituerait le retour d'un Charles toujours amoureux. Pourtant, Félicie s'obstine. Elle ne peut pas renoncer à espérer qu'il lui reviendra...


"Conte d'été " (1996)

Avec Melvil Poupaud (Gaspard), Amanda Langlet (Margot), Aurélia Nolin (Léna), Gwénaëlle Simon (Solène).

Troisième film de la série "Contes des quatre saisons". L'été comme temps de la sensualité et de l'indédision. Gaspard, étudiant en mathématique et musicien, débarque à Dinar le 17 juillet et séjourne dans une maison qu'un ami lui a prêtée. Il y attend Léna, qui devrait rendre visite à ses cousins dans le voisinage, et compose pour elle une chanson. Dès son arrivée, Gaspard fait la connaissance de Margot, une étudiante en ethnologie qui travaille pour l'heure dans une crêperie. Comme Léna tarde à le rejoindre, Gaspard finit par proposer à Margot de l'accompagner sur l'île d'Ouessant. Lors d'une soirée dans une boîte de nuit, il se laisse séduire par Solène, dont le caractère entier et la liberté de ton lui plaisent tant qu'il lui offre la chanson composée pour Léna et lui demande, à elle aussi, de le suivre à Ouessant...


"Conte d'automne" (1998)

Avec Marie Rivière (Isabelle), Béatrice Romand (Magali), Alain Libolt (Gérald), Didier Sandre (Étienne), Alexia Portal (Rosine). 

Quatrième film de la série "Contes des quatre saisons". Deux de ses amies souhaitent que Magali, viticultrice, se remarie. La vallée du Rhône, en automne. Magali, veuve de 45 ans, vit seule dans sa campagne et son vignoble. Passionnée par son travail, elle n'en souffre pas moins de la solitude. Magali a deux amies : Rosine, que fréquente son fils, et Isabelle, camarade de toujours, libraire à Montélimar, qui va bientôt marier sa fille. Isabelle et Rosine souhaitent toutes les deux que Magali retrouve un compagnon et, à son insu, se lancent à la recherche du candidat idéal. Rosine voudrait lui faire épouser son ex-professeur de philo, qui fut aussi son amant, tandis qu'Isabelle a recours aux petites annonces. C'est ainsi qu'elle rencontre Gérald, dont elle «teste» le comportement pendant trois semaines... 


Jean Eustache (1938-1981)

« Vous bâtissez sur du pourri ! », c'est en effet l'anathème que lance, dans "La Maman et la putain", Alexandre à son vieil amour merdique, Gilberte, lorsqu'elle lui annonce qu'elle fait le choix d'un mariage de raison, mais c'est aussi ce que l'on a tenté de traduire de l'oeuvre, si courte, d'un Jean Eustache, porteur, ajoutera-t-on, d'un total désenchantement vis-à-vis de la société de l'après-mai 68. Jean Eustache a dirigé douze films en moins de vingt ans, fréquentant la bande des Cahiers du cinéma, les réalisateurs de la Nouvelle Vague, tous nés aux alentours de 1930, et les acteurs emblématiques de son époque (Lafont, Léaud, Lebrun, Lonsdale, Pialat). C'est en 1963 qu'il tourne un premier moyen métrage, "Les Mauvaises Fréquentations", puis en 1966, "Le Père Noël a les yeux bleus", produit par Jean-Luc Godard et interprété par Jean-Pierre Léaud. Dans ces années charnières que sont les années 1960, Jean Eustache, dans un langage totalement décomplexé, qui parle du corps et du sexe, autobiographique et à fleur de peau si l'on en croit ses personnages, produit un cinéma d'auteur en adéquation parfaite avec l'air du temps, le contexte social et affectif de l'après 68 qui voit s'enchaîner dans "La maman et la putain", - qui provoqua un scandale lors de sa présentation au festival de Cannes en 1973, tout en remportant le prix spécial du jury -, de longues scènes de discussions dans les chambres ou les cafés de Saint-Germain-des-Près, réinventer le couple et les rapports amoureux au détour de la fameuse "libération sexuelle". Et, à contrario, loin de la Capitale, dans sa petite ville natale, près de Bordeaux, Eustache filme l'organisation de l'élection de la rosière de Pessac, élection qui récompense traditionnellement une jeune fille vertueuse et méritante, et montre en l'état les délibérations du conseil municipal, le défilé, la messe, les discours, le début de la fête ("La rosière de Pessac", 1968), un monde qui, lui, semble immuable et hors d'atteinte de toute soit-disante libération. Jean Eustache mettra fin à sa vie le 5 novembre 1981...

 

"La maman et la putain" (1973)

Avec Jean-Pierre Léaud (Alexandre), Françoise Lebrun (Veronika), Bernadette Lafont (Marie), Isabelle Weingarten (Gilberte).

"Les films, ça sert à apprendre à vivre, ça sert à faire un lit" - Alexandre est un jeune homme oisif, qui passe son temps à lire dans les cafés de Saint-Germain-des-Près, notamment «A la recherche du temps perdu», de Proust, qui, à sa façon, partage avec l'oeuvre de Jean Eustache un thème de facture identique, la souffrance amoureuse. Alexandre consacre en effet le reste de son temps à Marie, "une vieille de 30 ans", qui tient une boutique de mode à Montparnasse, et à Gilberte, dont il est très amoureux, mais semble inaccessible. Un jour, à la terrasse du café des Deux magots, il remarque une fille qui le dévisage, et décide de l'aborder. Elle s'appelle Veronika, et Alexandre va tenter et réussir à la faire accepter par Marie. Mais la présence de Veronika devient envahissante et bouscule leur existence commune, à tel point qu'Alexandre se doit de prendre une décision, et choisit de partir avec Veronika, nous sommes loin des mots d'ordre d'un mai 68 nous jetant dans l'euphorie de la jouissance sans frein. Et c'est Veronika qui dans un long et émouvant monologue va conclure le film, en plein désarroi...

"Mes petites amoureuses" (1974)

Avec Martin Loeb, Ingrid Caven, Jacqueline Dufranne, Dionys Mascolo, Henri Martinez, Maurice Pialat.  

Daniel, treize ans, écolier et chef d'une joyeuse petite bande, coule une heureuse existence à la campagne, dans le Midi de la France, auprès de sa tendre grand-mère. Un jour, à l'église, pendant sa communion, il ressent son premier trouble sexuel en marchant derrière une fillette en aube blanche. Sa mère, qui habite Narbonne, avec José, un ouvrier agricole espagnol, le fait venir auprès d'elle et le place en apprentissage dans l'atelier de réparation de cycles que tient Henri, un des frères de José. C'est pour Daniel une rupture dans sa vie, il va dès lors se réfugier dans les salles de cinéma, et rejoindre de jeunes désoeuvrés pour découvrir avec eux les plaisirs ambigus de l'amour...

"Une sale histoire"  (1977)

Partant d'une histoire de voyeuriste, un trou au bas de la porte des toilettes d'un café parisien de la Motte-Picquet Grenelle et des  observant les sexes féminins de passage, Eustache en fait une version documentaire, un homme raconte à trois femmes comment il devint voyeur dans un café qu'il fréquentait et pourquoi il y prit goût pendant un temps, et une version fictionnelle racontée par Michael Lonsdale devant des figurants. 


Claude Chabrol (1930-2010)

Claude Chabrol fait des études de lettres et de droit puis, sans conviction, des études de pharmacie, qu'il abandonne pour entrer en 1955 à la Fox comme attaché de presse et critique de cinéma aux côtés de François Truffaut et Jacques Rivette, pour les Cahiers du cinéma. En 1952, il a épousé Agnès Goute avec qui il crée la maison de production, AJYM (1956-1961), qui démarre sur un court métrage de Jacques Rivette "Le coup du berger, 1956). En 1957, il publie avec Éric Rohmer, un "Hitchcock", première étude véritablement sérieuse à la gloire du maître du suspense. Dès la fin de 1957, Chabrol tourne dans son village natal son premier long métrage, "Le Beau Serge", considéré comme le premier film représentatif de la Nouvelle Vague, avec Jean-Claude Brialy, Gérard Blain et Bernadette Lafont, dans les paysages de la Creuse, oppose deux milieux sociaux types, l'étudiant et le rural. Chabrol fait triompher la morale, le jeune ivrogne est racheté par le sacrifice de l'étudiant revenu de la ville. Après "les Cousins" et "A double tour", tous deux tournés la même année que le Beau Serge, Chabrol, avec un humour cruel, évoque dans "les Bonnes Femmes" (1960) l'histoire de quelques "âmes simples", quatre vendeuses à la vie morne et au sentimentalisme romantique. Il divorce en 1964 et épouse, le l'actrice Stéphane Audran, avec qui il poursuivra une fructueuse coopération cinématographique, au-delà même de leur séparation en 1980. Victime ou instigatrice, Stéphane Audran est au coeur des films d'un Claude Chabrol qui place le meurtre comme un acte inéluctable qui ronge l'apparent conformisme d'une bourgeoisie qui recèle tant de personnage à la morale hors norme. Au tournant des années 1970, s'éloignant des thématiques Nouvelle Vague, Chabrol continue à débusquer l'hypocrisie, la lâcheté, la bêtise avec des acteurs tels que Michel Bouquet et Jean Yanne : "Les biches" (1968), "La femme infidèle" (1969), "Que la bête meure" (1969), "La rupture" (1970), "Le boucher" (1970), "Juste avant la nuit" (1971), "La décade prodigieuse" (1971), "Les noces rouges" (1973)...

 

Le beau Serge (1958, Chabrol)

Avec Gérard Blain (Serge), Jean-Claude Brialy (François), Bernadette Lafont (Marie), Michèle Meritz (Yvonne), Claude Cerval (le curé), Philippe de Broca (Jacques Rivette de la Chasuble), et les habitants de Sardent, Creuse.

Après s'être fait soigner en Suisse pour une affection pulmonaire, François, étudiant à Paris, retourne à Sardent, son village natal, le temps d'une convalescence qu'il espère tranquille, mais  y retrouve "le Beau Serge", son ami d'enfance, qui est devenu une épave alcoolique, parce que sa femme, Yvonne, l'aînée du père Glomaud, avec lequel il s'enivre par ailleurs, a accouché d'un enfant trisomique. Et la brutalité de Serge envers sa femme s'accroît lorsqu'il apprend que s femme est à nouveau enceinte. François tente de dissuader son ami de se détruire, et détruire les êtres autour de lui, en vain, si ce n'est que la seconde fille Glomaud, Marie, se jette dans ses bras ; or, Marie avoue ne pas être en fait la fille du père Glomaud, et déchaîne alors les passions les plus sordides, elle fut la maîtresse de Serge, se fait violer par Glomaud, et François parvient à ramener Serge près de sa femme au moment où elle met au monde leur enfant, normal..."au-delà des apparences, une vérité, peu à peu, doit se dégager pour le spectateur, écrira Chabrol : l’instable, le complexé, le fou, ce n’est pas Serge, mais François. Serge se connaît : il sait le pourquoi de son comportement, il se suit. François, tout au contraire, ne se connaît qu’au niveau des apparences : sa nature intime est enfouie dans son subconscient et ne se révèle qu’en de brusques éclairs, il se fuit..." 

"Les cousins" (1958, Chabrol)

Avec Gérard Blain (Charles), Jean-Claude Brialy (Paul), Juliette Mayniel (Florence), Claude Cerval (Clovis), Geneviève Cluny (Geneviève), Michèle Méritz (Yvonne). 

Charles, un jeune provincial, qui monte à Paris pour y poursuivre ses études de droit, partage un appartement à Neuilly avec son cousin, Paul, qui étudie dans la même discipline que lui. Autant Charles est un être droit, voire naïf, autant Paul est cynique et flambeur. Aussi, lorsque Charles tombe amoureux de la charmante et quelque peu "facile" Florence, Paul en a déjà fait sa maîtresse et l'installe dans l'appartement des deux cousins. Désespéré, Charles se réfugie dans ses livres, mais en vain, il est recalé alors que Paul, le noceur dévergondé, est brillamment reçu. Charles, au bord de la rupture, veut encore provoquer un destin qui favorise tant, et si injustement, son cousin, saisit un revolver dans lequel il met une seule balle, pointe l'arme sur Paul et tire : le coup ne part pas, et Paul, qui ignore que le revolver est chargé, tire à son tour en direction de Charles, qui s'écroule...

Les bonnes femmes (1960, Chabrol)

Avec Bernadette Lafont (Jane), Stéphane Audran (Ginette), Lucile Saint-Simon (Rita), Clotilde Joano (Jacqueline), Pierre Bertin (Le patron du magasin), Mario David (André Lapierre).

Vendeuses de produits ménagers à Paris, près de la Bastille, Jane, Ginette, Jacqueline et Rita passent leurs journées à s'ennuyer entre deux rayons et leurs soirées à la recherche de l'amour, en vain... Jane, délaissant son fiancé qui effectue son service militaire, accumule les amants d'un soir. Ginette se transforme en chanteuse italienne et se donne en spectacle dans un music-hall de quartier. Rita, à la recherche d'un grand amour se laisse séduire par Henri, un fils d'épicier médiocre et issu d'une famille engoncée dans les convention sociales. Et, Jacqueline, la plus droite et sensible, rencontrera un mystérieux motocycliste qui finira par l'étrangler...

Les godelureaux  (1961, Chabrol)

D’après le roman de Eric Ollivier. Avec Jean-Claude Brialy (Ronald), Charles Belmont (Arthur), Bernadette Lafont (Ambroisine), Stéphane Audran (Xavière), Jean Tissier (le président).

Jeune, riche et oisif, Ronald passe son temps dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés. Vexé par une plaisanterie que lui a fait son ami Arthur en montant sa voiture sur le trottoir, devant le café de Flore, il décide de se venger et utilise Ambroisine, une jeune femme qui vient à passer devant le café, "pantalon collant, style blue-jeans, polo collant, petit baluchon noué dans un mouchoir d'Hermès, c'est Ambroisine en marche..". Ronald pousse Ambroisine dans les bras d'Arthur qui, éperdu d'amour, supporte tout de la jeune femme, alors que dans l'ombre c'est bien Ronald qui manipule le couple à son gré. Puis il révèle la supercherie à Arthur au moment où celui-ci se décide à épouser Ambroisine, facile dénouement qui ne le réjouit pas autant qu'il l'aurait souhaité. Un an plus tard, à Cannes, Arthur retrouve Ambroisine, une Ambroisine devenue respectable et distante, quant à Arthur, toute passion semble éteinte... 

Les biches (1968, Chabrol)

Avec Jean-Louis Trintignant (Paul Thomas), Jacqueline Sassard (Why), Stéphane Audran (Frédérique), Nane Germon (Violetta), Serge Bento (le libraire).

Sur le pont des Arts à Paris, Frédérique, bourgeoise oisive, "achète" une jeune bohème sans le sou, Why, et l'entraîne à Saint-Tropez dans des amours lesbiennes.  Mais lorsque Why tombe amoureuse de Paul, un architecte, Frédérique joue de sa séduction pour mettre fin à leur liaison. Why cherche alors à s'identifier névrotiquement à Frédérique pour rester dans l'intimité du couple... et la tue.

"La femme infidèle" (1969, Chabrol)

Avec Stéphane Audran (Hélène Desvallées), Michel Bouquet (Charles Desvallées), Maurice Ronet (Victor Pegala), Michel Duchaussoy et Guy Marly (officiers de police), Serge Bento (détective privé).

Un parfait exemple des drames bourgeois que Chabrol tourne dans les années 1960 : Charles Desvallées dirige à Paris, avec son associé Paul, un cabinet d'assurances. Il vit heureux, dans une riche villa du côté de Versailles, avec sa femme Hélène et son fils Michel : "le moindre changement dans mon mode de vie pourrait troubler cette harmonie". Mais, après onze années de mariage, Charles découvre par hasard que son épouse a un amant. Un détective lui permet de l'identifier : il s'agit de Victor Pegala, écrivain divorcé. Hélène le retrouve régulièrement dans un studio de Neuilly. Charles se rend chez Victor et se fait passer pour un mari moderne acceptant les aventures de sa femme. Mais brusquement, la jalousie l'emporte, la pulsion fissure l'épais vernis de la retenue policée du bourgeois. Il frappe Victor et le tue. Hélène devine le drame, mais ne dit rien alors que la police vient arrêter Charles, l'existence reprend son cours....


Jacques Rivette (1928-2016)

Des quatre réalisateurs qui lancent la Nouvelle Vague, Jean-Luc Godard, François Truffaut et Claude Chabrol, Jacques Rivette est de loin le moins connu, le plus provocateur, et le plus secret.Trente films au total, réalisés entre 1949 à 2009, comme autant de réflexions sans concession livrant des actrices telles que Bulle Ogier, Juliet Berto, Jane Birkin, Géraldine Chaplin, Sandrine Bonnaire, Emmanuelle Béart, Jeanne Balibar, à l'improvisation dans des films très longs, des oeuvres cycliques, un monde du complot et de la répétition théâtrale? C'est en 1956 qu'il tourne son premier court-métrage, "Le Coup du berger", tourné en 35 mm dans l’appartement de Claude Chabrol. En 1961, il publie dans Les Cahiers du cinéma, son texte le plus célèbre, "De l’abjection" dans lequel il défend la justesse du point du vue du réalisateur contre par exemple, le travelling opéré par Gillo Pontecorvo dans Kapo, au moment du suicide de la déportée qu’interprète Emmanuelle Riva : "L’homme qui décide à ce moment de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d’inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n’a droit qu’au plus profond mépris.". Son premier long-métrage, "Paris nous appartient" (1961), bouscule les spectateurs livrés à aux trajectoires éclatées de dizaine de personnages. Aux Cahiers du cinéma, il heurte ses amis en voulant ouvrir les pages tant aux nouveaux cinémas qu'à des personnalités extérieures à celui-ci. En 1965, il adapte "La Religieuse" de Diderot, avec Anna Karina, un film austère et qui heurte la censure : assorti en 1967 d’une interdiction aux moins de 18 ans, il devient instantanément le plus grand succès de son auteur. Et Rivette poursuit son chemin, expérimental, de 1968 aux années 1980, privilégiant de récits déstructurés, l'improvisation parfois totale, des acteurs devenus co-scénaristes et inventant leurs personnages, saisissant le spectateur pour l'embarquer dans une expérimentation cinématographique dont il ne pourrait sortir indemne : "L’Amour fou" (1968),  "Out 1, noli me tangere1" (1971), "Out 1 : spectre" (1974), souvent considéré comme son chef d'oeuvre, "Céline et Julie vont en bateau" (1974), "Duelle" (1976), "Noroît" (1976), "Merry go round" (1981). S'ouvre une nouvelle période, plus "classique", avec "Le pont du Nord" (1981), "L'amour par terre" (1984), "Hurlevent" (1986), "La bande des quatre" (1988), "La belle noiseuse" (1991), "Jeanne la pucelle - Les batailles" (1994)... 

 

"Le coup du berger" (1956, Rivette)

Avec Virginie Vitry (Claire), Jacques Doniol-Valcroze (Jean), Jean-Claude Brialy (Claude), Anne Doat (Solange), Claude Chabrol (Un invité), Jean-Luc Godard (Un invité), François Truffaut (Un invité). 

Entraînée par la musique de Lully, l'intrigue du premier court-métrage de Rivette déroule sa froide logique,"la morale de cette histoire, le meilleur jouer d'échec est celui qui prévoit un coup d'avance sur son adversaire. Nous prendrons l'exemple classique le coup dit du berger. Seule une débutante peut s'y laisser prendre. A elle de jouer... Voici donc la peau qui sera l'enjeu de la partie. Claire attaque. Leur plan est simple mettre la fourrure dans une valise, allez à n'importe quelle gare et imiter le voyageur… le lendemain matin, la partie continue. Claire avance son fou. C'est ici que tourne le vent et que l'échiquier se renverse. Voici le premier coup du mat. Et voilà le dernier coup, Claire comprend qui l'a jouée, trop tard."...Jean le mari qui paraît complètement absent, est en fait un plus fin stratège que sa femme, Claire, qui s'est fait offert à son amant, Claude, une fourrure, qu'il lui faut faire accepter par Jean... 

"Paris nous appartient" (1961, Rivette)

Avec Betty Schneider (Anne Goupil), Giani Esposito (Gérard Lenz), Jean-Claude Brialy (Jean-Marc), Françoise Prévost (Terry), Daniel Croheim (Philip Kaufman), François Maistre (Pierre), Jean-Marie Robain (Dr. Degeorges), Malka Ribowska (La femme attachée), Brigitte Juslin (Birgitta), Paul Bisciglia (Paul).

"Ce qu'il faut quand même c'est essayer de le faire comprendre aux gens. C'est la mise en scène d'un monde chaotique mais pas absurde comme celui ou nous vivons qu'a l'air de fiche le camp de tous les cotés mais qui doit savoir ou il va seulement il nous le cache bien C'est une chose que je pense aussi que le monde est moins absurde qu'il en a l'air. Mais comment faire pour que cela soit évident?", dira Gérard Lenz à Anne pour lui exposer le sens de Périclès de Shakespeare, dont il tente d'organiser les répétitions. Avec en exergue un "Paris n'appartient à personne", de Charles Péguy, Rivette déroule, dans un cercle d'intellectuels parisiens, persuadés de l'existence d'une sorte de conspiration mondiale, l'échec inéluctable des deux personnages principaux, échecs dus à de mauvaises décisions ou à des appréhensions du monde erronées, Gérard, échoue dans sa tentative de monter Périclès dans un grand théâtre,  Anne, jeune fille parisienne destinée aux études de lettres, échoue dans sa reconversion vers le théâtre, aveuglée par son amour pour Gérard et son goût du sublime...


 Alain Resnais (1922-2014)

Dans "Hiroshima mon amour" (1959), une actrice française et un architecte japonais ont une liaison, et dans la ville stigmatisée par la bombe atomique Hiroshima, l'actrice revoit sa vie passée à Nevers, sous l'Occupation, puis à la Libération où elle a été tondue pour avoir été la maîtresse d'un soldat allemand. Une histoire d'amour se superpose ici à l'apocalypse nucléaire. Alain Resnais s'appuie ainsi s'appuie sur un texte de Marguerite Duras pour réaliser son premier long métrage qui lui vaut rapidement une renommée mondiale. Dans ses plus grands films, Resnais fait preuve d'un style original qui se fixe sur sur des lieux, des objets, des thèmes insolites, mélange mémoire et imagination, passé et présent, mais aussi désir et sentiment de plénitude, ainsi dans "L'Année dernière à Marienbad" (1961), dont il emprunte le sujet au romancier Alain Robbe-Grillet et qui bouleverse la narration classique. Resnais, est un cérébral, sa réalité cinématographique est celle de la pensée, une pensée qui s'expose dans l'immobilité du temps et l'angoisse de l'oubli. Alain Resnais a débuté sa carrière dans le cinéma documentaire, explorant l'univers intérieur des artistes avec des qualités esthétiques et une science du montage reconnues (Van Gogh, 1948, Paul Gauguin, 1949, Guernica, 1950, Les Statues meurent aussi, 1953), puis réalise en 1955 "Nuit et Brouillard", en collaboration avec l'écrivain Jean Cayrol, évocation bouleversante des camps de déportés. Dans la suite de son oeuvre, une vingtaine de films en cinquante années de réalisation, Alain Resnais poursuit une réflexion désenchantée sur les guerres perdues ("Muriel ou le Temps d'un retour", scénario de Jean Cayrol, 1962), quitte l'Histoire pour les expériences de type science-fiction ("Je t'aime, je t'aime", 1967), cède aux affabulations d'un escroc mondain ("Stavisky", 1974), à l'inconscient tragédifié d'un vieil écrivain mourrant,  avec "Providence" (1976), tente une incursion dans l'imagination enfantine constamment trahie par les adultes, dans "La Vie est un roman" (1982), aborde la biologie du comportement inspirée des propos du professeur Henri Laborit, dans "Mon oncle d'Amérique" (1979). Deux récits révèlent une audace formelle très singulière, "I Want to Go Home (1988)", "Smoking/No smoking "(1992), avec un trio d'acteurs virtuoses, André Dussollier, Pierre Arditi et sa muse Sabine Azéma, et se poursuit avec "On connaît la chanson" (1997), puis son dernier film, "Coeurs" (2006), histoire de chassé-croisé entre sept personnages malades de solitude...

 

"Hiroshima, mon amour" (1958, Resnais)  

Scénario : Marguerite Duras. Avec Emmanuelle Riva (Elle), Eiji Okada (Lui), Stella Dassas (Mère), Pierre Barbaud (Père), Bernard Fresson (Amant allemand).

Ce premier long-métrage d'Alain Resnais constitue, avec "Les quatre cents coups" et "A bout de souffle", la fameuse trilogie qui presque à elle seule fonde la Nouvelle vague française. Drame sentimental l'histoire d'amour entre une française venue tourner un film à Hiroshima et un japonais architecte, ils ne disposent que de deux jours pour s'aimer, tout savoir et tout garder l'un de l'autre, et si dans les dix premières minutes, c'est l'horreur d 'oublier Hiroshima qui domine, et c'est  ensuite une autre préoccupation qui vient s'imposer, après un long travelling, à quoi bon aimer si on finit par oublier? Et parce que le présent d'aujourd'hui sera le passé de demain, ils devront se séparer..."Dans quelques années, quand je t'aurai oublié et que d'autres histoires comme celle-là, par la force encore de l'habitude, arriveront encore, je me souviendrai de toi comme de l'oubli de l'amour même. Je penserai à cette histoire comme à l'horreur de l'oubli ; je le sais déjà..."

"L'Année dernière à Marienbad" (1960, Resnais) 

Scénario d'Alain Robbe-Grillet, avec Delphine Seyrig (A), Giorgio Albertazzi (X), Sascha Pitoëff (M), Françoise Bertin, Luce Garcia-Ville.

Rêve d'un homme qui aime une femme inaccessible, cauchemar d'un homme, qui vient la chercher, mais elle ne se souvient plus de lui. Et le film se déroule tantôt au présent, tantôt au passé, tantôt au futur, reprenant sans cesse le débat d'une femme qui lutte contre un souvenir dont elle n'est pas sûre, tantôt l'acceptant, tantôt le repoussant, tantôt le désirant, et alors qu'un autre homme, son mari ou son amant, essaie de la retenir un instant. Le tout dans un formalisme singulier, une musique lancinante, des dialogues leitmotiv, des images éclairs... Dans cette tentative d'adapter le Nouveau Roman, Alain Resnais se détache de la Nouvelle Vague, rejette la chronologie, la réalité objective, mélange mémoire et imagination, désir et plénitude, passé, présent et futur, et signe ainsi l'un des plus énigmatiques et envoûtants récits de l'histoire du cinéma. Dans un château somptueux entouré d'un parc, un inconnu à l'accent italien, X, (Giorgio Albertazzi) veut convaincre A, (Delphine Seyrig) qu'ils se sont déjà rencontrés et aimés, l'année dernière à Marienbad, et qu'elle doit abandonner M, (Sacha Pitoef), cet homme maigre qui pourrait être son mari, pour lui. Dès sa sortie, le film a fait connaître Alain Resnais au grand public. Le style et la structure du film décontenancent, mais les « flash-in ›› instantanés qui y remplacent les lents flash-back habituels sont aujourd'hui courants. L'Année dernière à Maríenbad est une variation sur le thème du triangle amoureux, avec sa traditionnelle phrase d'approche : "On ne s'est pas déjà rencontrés ?" Les robes stylisées, la musique d'orgue, les travellings à travers des corridors interminables, les époustouflants décors, et la mystérieuse Seyrig sont inoubliables.

Delphine Seyrig, dans le rôle de A, dans "L'Année dernière à Marienbad", une femme sans nom qui ne se rappelle plus si elle a eu une aventure ou non. Delphine Seyrig (1932-1990) trouva ses plus beaux rôles chez quelques réalisateurs de la Nouvelle Vague, avant de se tourner vers le militantisme féministe, dans la vie comme au cinéma (Maso et Miso vont en bateau, 1975, SCUM Manifesto, 1976,  Sois belle et tais-toi, 1981). On la retrouvera avec Resnais, dans "Muriel ou le temps d'un retour", en 1963, incarnant Fabienne Tabard et objet de désir et de fascination dans "Baisers Volés de François Truffaut" (1968), - on se souvient de la phrase d'Antoine Doinel/Jean-Pierre Léaud parlant d'elle, "Ce n'est pas une femme, c'est une apparition" -, extravagante fée pour Jacques Demy dans "Peau d'âne" (1970), envoûtante comtesse Bathory dans "Les lèvres rouges" (1971) d'Harry Kümel, prostituée puis grande bourgeoise pour Luis Buñuel dans "La Voie lactée" (1969) et "Le Charme discret de la bourgeoisie" (1972),  enfin dans les oeuvres de William Klein (Qui êtes-vous Polly Magoo?, 1966, Mr Freedom, 1969) et de Joseph Losey (Accident, 1966, Maison de poupée, 1973).  Enfin, elle collaborera avec Marguerite Duras sur quatre films, La Musica, 1967, India Song, 1975, Son nom de Venise dans Calcutta désert, 1976, et Baxter, Vera Baxter, 1977...


"Muriel ou le temps d'un retour" (1962, Resnais)

Avec Delphine Seyrig (Hélène), Jean-Pierre Kérien (Alphonse), Nita Klein (Françoise), Jean-Baptiste Thierrée (Bernard), Claude Sainval (De Smoke), Laurence Badie (Claudie), Jean Champion (Ernest), Jean Dasté (L’homme à la chèvre), Martine Vatel (Marie-Do), Philippe Laudenbach (Robert).

Le mois de novembre 1962, Hélène Aughain, veuve depuis quelques années mais encore jeune, vit à Boulogne-sur-mer avec Bernard, son beau-fils, qui revient de la guerre d'Algérie, tous deux antiquaires. Hélène invite Alphonse, son ancien amant, à venir passer quelques jours, le voici qui vient avec Françoise, jeune fille de vingt ans, qui est sa maîtresse et qu'il dit être sa nièce. Un jeu s'engage entre ces différents personnages, ils se rencontrent, s'évitent, se croisent, reconstruisent leurs souvenirs, le temps de leur séjour. Bernard est enfermé dans ses souvenirs, obsédé par le souvenir d'une jeune femme qu'il a vu mourir sous la torture en Algérie (Muriel), alors que surgit Ernest, beau-frère d'Alphonse et ancien soupirant d'Hélène. Puis les liens entre les êtres se dissolvent, Bernard tue le tortionnaire de Muriel et disparaît, Alphonse prend conscience du vide de sa vie et fuit vers la Belgique, Françoise retourne à Paris et Hélène erre dans la ville... 

"La Guerre est finie" (1965, Resnais)

Avec Yves Montand (Diego), Ingrid Thulin (Marianne), Geneviève Bujold (Nadine), Dominique Rozan (Jude), Françoise Bertin (Carmen), Michel Piccoli (inspecteur des douanes).

Secondé par le scénario d'un Jorge Semprún, exclu du Parti Communiste Espagnol en exil à Paris depuis l'accession du Général Franco au pouvoir, qui pense que désormais la lutte anti-franquiste doit prendre un nouveau visage et que l'Espagne est entrée dans dans l'ère d'une démocratie bourgeoise, Resnais suit Diégo franchissant la frontière franco-espagnole, un Diego cadre permanent du Parti que la dernière mission clandestine a laissé sceptique sur les perspectives de la lutte. Par son intermédiaire, Resnais reconstruit sous forme d'un puzzle  "la pensée en action", celle de la clandestinité et des exilés, et la prise de distance de cette pensée avec l'action qu'incarne Diego : "L'Espagne est devenue la bonne conscience lyrique de toute la gauche, explique Diégo, un mythe pour anciens combattants. En attendant, 14 millions de touristes vont passer leurs vacances en Espagne. L'Espagne n'est plus qu'un rêve de touriste ou la légende de la guerre civile. Tout ça mélangé au théâtre de Lorca. Et j'en ai assez du théâtre de Lorca. Les femmes stériles et les drames ruraux, ça suffit comme ça et la légende aussi ça suffit comme ça. Je n'ai pas été à Verdun moi, je n'ai pas non plus été à Teruel ni sur le pont de l'Ebre. Et ceux qui font des choses aujourd'hui en Espagne, des choses vraiment importantes, n'y ont pas été non plus. Ils ont vingt ans et ce n'est pas notre passé qui les fait bouger mais leur avenir. L'Espagne n'est plus le rêve de 36 mais la réalité de 65 même si elle semble déconcertante. 30 ans se sont passé et les anciens combattants m'emmerdent." Diego ne se retrouve plus dans les discours du Comité ou des jeunes exaltés français, et se retrouve tout autant partagé entre deux femmes, Marianne, sa maîtresse, et Nadine Sallanches, amours stylisés par deux scènes érotiques jouées par Geneviève Bujold et Ingrid Thulin, autre volonté de jouer la liberté. Mais il persévère dans l'action, malgré tous les dangers qui subsistent encore, rêvant d'une Espagne libre...

"Je t'aime, je t'aime" (1967, Resnais)

Avec Claude Rich (Claude Ridder), Olga Georges-Picot (Catrine), Anouk Ferjac (Wiana), Van Doude (Le patron du centre de recherche), Alain Mac Moy (Le savant qui recrute Ridder), Carla Marlier (Nicole), Bernard Fresson (L'ami).

"Malgré l'appareil de science-fiction, écrira Gilles Deleuze, "Je t'aime, je t'aime" est le film de Resnais où la figure du temps est la plus simple, parce que la mémoire y concerne un seul personnage. La machine mémoire ne consiste pas à se souvenir, mais à revivre un instant du passé. Seulement, ce qui est possible pour l'animal, pour la souris, ne l'est pas pour l'homme. L'instant passé pour l'homme est comme un point brillant qui appartient à une nappe, et ne peut en être détaché. Instant ambigu, il participe même de deux nappes, l'amour pour Catrine et le déclin de cet amour. Si bien que le héros ne pourra revivre qu'en parcourant à nouveau ces nappes, et en en parcourant dès lors beaucoup d'autres (avant qu'il connut Catrine, après la mort de Catrine…). Toutes sortes de régions sont ainsi brassées dans la mémoire d'un homme qui saute de l'une à l'autre, et semblent émerger tour à tour du marécage originel, universel clapotement incarné par la nature éternelle de Catrine". Claude Ridder sort de l'hôpital après un suicide manqué et se voit offrir de participer à une expérience unique dans l'histoire de l'humanité,un voyage dans le temps d'une durée de une minute. Il accepte, par lassitude, et se retrouve dans un centre ultra-moderne de recherches sur le Temps, camouflé en centre d'études agronomiques. Mais l'expérience dure plus d'une heure, et le voici revoyant toute sa vie par flashes significatifs et parfois répétitifs, et , au centre de cette vie, resurgit la figure de Catrine, une femme dont il est tombé fou amoureux, mais une femme dépressive, asociale, et surtout obsédée par la mort, et qui va l'entraîner dans un gouffre...