Thérapie rationnelle émotive - Albert Ellis (1913-2007), "A Guide to Rational Living" (with Robert A. Harper, 1961), "How to Live with a Neurotic" (1957), "How to Stubbornly Refuse to Make Yourself Miserable About Anything – Yes, Anything !" (1988), "How to Keep People from Pushing Your Buttons"(1994), "How to control your anger before it controls you" (1997) - Aaron Beck (1921-201), "The diagnosis and management of depression" (1967), "Cognitive therapy and the emotional disorders" (1975) - David D. Burns, "Feeling Good: The New Mood Therapy" (1980) - ...

Last update : 11/11/2022


Ce sont les pensées qui créent des sentiments, et non l'inverse ... - Au début des années 1960, la psychothérapie cognitivo-comportementale fait son apparition, c'est une de ses premières formes avec "A Guide to Rational Living" (Albert Ellis, Robert A. Harper, 1961). Aaron Beck pensait déjà que la dépression résultait de regards négatifs irréalistes sur le monde, et David D. Burns, en 1980, élaborera des stratégies d'adaptation portant sur les distorsions cognitives si changeantes que sont les pensées, les croyances et les attitudes, et leurs comportements connexes, afin d’améliorer la régulation émotionnelle...

En 1961, Albert Ellis est de ceux qui, après avoir pratiqué la psychanalyse, sous l'influence de personnalités comme Alfred Adler, Karen Horney, ou Erich Fromm, finissent par la rejeter pour une raison commune à cette génération de thérapistes des années 1950 : sonder les expériences traumatiques de l'enfance ne débouche sur rien d'immédiat et de tangible, autant oublier ce "passé traumatisant" et se concentrer sur les problèmes existentiels les plus concrets à résoudre.

Ellis va donc porter toute son attention sur la façon dont les individus peuvent s'embourber dans leurs problèmes par leurs propres pensées et représentations d'eux-mêmes, par exemple en se focalisant de façon irrationnelle sur des obligations qui n'en sont pas. Il théorise ainsi une nouvelle approche, la "psychothérapie rationnelle émotive", qui a pour finalité d'aider les individus à surmonter des attentes qui s'avèrent irréalistes et des croyances irrationnelles. Notre souffrance, notre un mal-être émotionnel ne sont pas provoquées par une situation ou par un destin contraire, mais s'ancrent dans nos croyances et nos pensées.

Avec Robert A. Harper, Albert Ellis écrit "A Guide to Rational Living", l’un des livres les plus durables de la littérature de psychologie populaire et qui se vend à plus d’un million d’exemplaires. Depuis sa publication il y a plus de 40 ans, des milliers de titres de la même veine ont été publiés, et, nous dit-on, ces livres continuent de changer la vie des gens. Tout un public s'est porté vers cette nouvelle forme de psychologie, la « thérapie émotionnelle rationnelle » (RET), qui allait à l’encontre de décennies d’orthodoxies. Que nous dit-on, encore et toujours, que les émotions ne naissent pas de désirs et de besoins refoulés, comme Freud l’a écrit, mais directement de nos pensées, de nos idées, de nos attitudes et de nos croyances. Ce n’est pas l’inconscient mystérieux qui compte le plus pour notre santé psychologique, mais les déclarations humoristiques que nous nous disons tous les jours et qui nous permet de tisser notre philosophie de vie : sans doute, avons-nous renoncer à tenter de raisonner pour fuir bien des enchevêtrements émotionnels. Dans un chapitre intitulé  "The art of never being desperately unhappy" (L’art de ne jamais être désespérément malheureux), Ellis et Harper soutiennent que la misère et la dépression ne sont que des états d’esprit, puisqu’ils se perpétuent sans cesse. Lorsque nous sommes découragés après la perte d’une relation ou d’un emploi, par exemple, c’est tout à fait compréhensible. Cependant, si nous laissons le sentiment s’attarder, il acquiert force et puissance, et tout s'enchaîne pour que nous devenions effectivement le plus malheureux des êtres humains : au lieu d’essayer de voir la situation de façon rationnelle. Il est en effet  «pratiquement impossible de soutenir une explosion émotionnelle sans la renforcer par des idées répétées ».  Et quelque chose ne restera « mauvais » dans notre esprit que si nous continuons à l'entretenir : aussi, la clé d’une bonne vie est d’appliquer la rationalité à la sphère la plus irrationnelle de la vie, les émotions...

Cette quête d’une voie médiane entre les émotions extrêmes, est surgie de la vie même d'Ellis, enfant : une mère bipolaire en difficulté, et un père souvent en voyage d’affaires, la nécessité de prendre sur lui la responsabilité de ses jeunes frères et sœurs, le tout conté dans un style direct, on peut comprendre l'engouement d'un certain public ..



Albert Ellis (1913-2007) 

Né à Pittsburgh, en Pennsylvanie, Albert Ellis étudie à l'université Columbia, où obtient un doctorat en psychologie en 1947 et fait paraître en 1950 son premier ouvrage, "An Introduction to the Principles of Scientific Psychoanalysis".  En 1955, Ellis théorise donc la fameuse "Rational Emotive Behavior Therapy" (REBT), première élaboration de la "thérapie cognitive" (cognitive behavior therapy) qui apprend aux patients à évacuer les pensées qui s'avèrent autodestructrices et se concentrer sur celles qui s'avèrent les plus bénéfiques et permettent d'atteindre l'acceptation de soi ("an action-oriented psychotherapy that teaches individuals to identify, challenge, and replace their self-defeating beliefs with healthier ones that promote emotional well-being and goal achievement").

Cette approche s'applique notamment dans le traitement des individus souffrant d'angoisse et de dépression. Nombre d'ouvrages et d'interventions jalonnent son parcours : "How to Live with a Neurotic" (1957, Comprendre la névrose et aider les névrosés), "How to Stubbornly Refuse to Make Yourself Miserable About Anything – Yes, Anything !" (1988), "How to Keep People from Pushing Your Buttons"(1994), "How to control your anger before it controls you" (1997).

 

Ellis fonde en 1959 l' "Institute for Rational Living" mais c'est le psychiatre Aaron Temkin (1921) qui par la suite, dans les années 1960, fonde véritablement la "thérapie cognitive" ( cognitive behavioral therapies, CBT)et diffuse dans le monde entier ces fameux critères d'une approche qui vise à identifier et remettre en cause des pensées automatiqus mais dysfonctionnelles : se basant pour se faire sur un modèle cognitif à trois niveaux, "Automatic thought", "Intermediate belief", "Core belief or basic belief"...

 

Ellis travailla dès le début de son parcours sur la sexualité humaine, et quelque part, les thérapies cognitives s'appliqueront aux problèmes de couples. En lien avec le fameux zoologiste Alfred Kinsey (1894-1956), - spécialiste pour la postérité des habitudes sexuelles et auteurs des deux livres les plus polémiques dans l'histoire des Etats-Unis, "Sexual Behavior in the Human Male" (1948), "Sexual Behavior in the Human Female" (1953) - Ellis publiera deux ouvrages à succès, "The American Sexual Tragedy" (1954) et "Sex Without Guilt" (1958). Se basant sur des entretiens, Kinsey remet en cause le discours de la middle class sur la sexualité en banalisant un comportement sexuel qui met en jeu d'autres pratiques comme l'homosexualité et la masturbation. C'est une étape fondamentale dans la fameuse révolution dite sexuelle des années 1960. Si Ellis évolua fortement, et très tardivement, dans sa façon d'appréhender l'homosexualité ("Sex and the Liberated Man", 1976), il défendit fortement par ailleurs une attitude très libérale, trop, écriront certains, sur la sexualité.

C'est toujours dans cette même décennie, en 1957, que la psychologue Evelyn Gentry Hooker (1907-1996) présente au congrès de l'American Psychological Association ses travaux sur le fait que les hommes homosexuels ne peuvent être distingués des hommes hétérosexuels sur le critère dit de l'ajustement psychologique ("The Adjustment of the Male Overt Homosexual"). Mais l'homosexualité ne sera retiré de l' "American Psychiatric Association's Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders" que dans les années 1970...