"Political Notes"

Nous habitons une planète structurée en espaces politiquement administrés et dans lesquels nous tentons de mener une très brève existence ...

Dès 1547, à dix-huit ans à peine, Etienne de la Boétie s'interroge sur la question de la légitimité de toute autorité  politique  : comment "tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent ?", questionne le "Discours de la servitude volontaire".

D'une part, la "jouissance du pouvoir", un pouvoir qui, malgré tous les bonnes raisons que l'on veut se donner, comme de vouloir servir le peuple et l'intérêt général, un pouvoir qui fascine toujours les appétits de conquête de certains profils psychologiques, souvent égocentriques et caractériels, peut-être est-ce inéluctable. Et de l'autre, un peuple qui ne se définit plus que par ses conditions matérielles d'existence, des conditions désormais vécues et revendiquées à un niveau de concrétude sans doute inégalé dans notre histoire humaine. Un peuple qui confirme, dans ses choix comme dans ses actes, que les idéologies sont bel et bien mortes, nous le savions confusément, la chose est désormais du domaine du vécu. On ne se bat plus pour des idées, est-ce un bien est-ce un mal, peu importe, c'est ainsi, l'idée n'est plus un motif que l'on privilégie et que l'on travaille par confrontation des raisonnements, de plus en plus dans nos démocraties maintenant séculaires ce sont bien nos conditions de vie et d'existence qui mobilisent nos ressources dites intellectuelles…

On the one hand, the "enjoyment of power", a power which, despite all the good reasons we want to give ourselves, such as wanting to serve the people and the general interest, a power which always fascinates the appetites of conquering certain psychological profiles, often egocentric and temperamental, perhaps it is inevitable. And on the other hand, a people who no longer define themselves except by their material conditions of existence, conditions that are now lived and claimed at a level of concreteness that is undoubtedly unequalled in our human history. A people who confirm, in their choices and in their actions, that ideologies are indeed dead, as we knew confusingly, the thing is now a matter of experience. We are no longer fighting for ideas, is it a good thing or a bad thing, it doesn't matter, it's like that, the idea is no longer a reason that we favour and that we work by comparing reasoning, more and more in our now secular democracies it is our living and living conditions that mobilize our so-called intellectual resources...

Por un lado, el "disfrute del poder", un poder que, a pesar de todas las buenas razones que queremos darnos, como el querer servir a la gente y al interés general, un poder que siempre fascina los apetitos de conquistar ciertos perfiles psicológicos, a menudo egocéntricos y temperamentales, quizás sea inevitable. Y por otro lado, un pueblo que ya no se define a sí mismo sino por sus condiciones materiales de existencia, condiciones que ahora se viven y reivindican a un nivel de concreción que sin duda es inigualable en nuestra historia humana. Un pueblo que confirma, en sus elecciones y en sus acciones, que las ideologías están realmente muertas, como sabíamos confusamente, la cosa es ahora una cuestión de experiencia. Ya no estamos luchando por ideas, es algo bueno o malo, no importa, es así, la idea ya no es una razón que favorecemos y que trabajamos comparando razonamiento, cada vez más en nuestras democracias ahora seculares son nuestras condiciones de vida y de vida las que movilizan nuestros llamados recursos intelectuales....


Jouissance du pouvoir

Nos idées politiques ne se sont pas renouvelées depuis près d'un siècle, la crainte du totalitarisme ou de l'anarchie a imposé la démocratie comme seul recours, seul modèle garantissant liberté et pacification des relations humaines. Mais, bâtie désormais comme un rempart plus que comme force vive de construction sociale, la démocratie, pour parler vite,  a asséché toute pensée politique. Révolte et révolution ne sont plus que des vocables étranges, historisés, et pourtant tout homme et toute femme rêvent encore d'émotions collectives et de desseins émancipateurs, de cette passion qui habite et parcourt tout l'être de notre humanité et de son histoire.

Reste que désormais hommes et femmes, englués dans l'existence de leur quotidien, semblent orphelins de cet imaginaire politique construit autour de l'homme providentiel, charismatique, séducteur, porteur éventuellement de quelques idées simples mais emblématiques. Nos systèmes politiques semblent aujourd'hui organisés pour permettre, en toute légitimité,  l'accession et la jouissance du pouvoir à ces quelques hommes dont la seule ambition sera, par la suite, d'assurer la redistribution de quelques parcelles de puissance et de se maintenir en place le plus longtemps possible.

Ce désir de pouvoir de l'homme sur l'homme est une constante de notre histoire politique, mais il se trouve que désormais elle semble inacceptable et se pose la question lancinante de nos "co-existences". Nous nous efforcerons de parcourir et de penser la légitimité de ce don de "jouissance'" de la puissance publique que nous acceptons de confier à ces quelques hommes, par suite si ordinaires mais rongés par l'opportunisme et la représentation de soi, et plus en avant comment poser les termes de notre coexistence et le vivre ensemble...

(picture Andrzej Wróblewski,1927-1957)

We live on a planet structured in politically administered spaces and in which we try to lead a very brief existence...

In 1547, barely eighteen years old, Etienne de la Boétie asked himself about the legitimacy of any political authority: how "so many men, so many towns, so many cities, so many nations sometimes endure a tyrant alone, who only has the power they give him?"questions the "Speech of Voluntary Servitude".

Our political ideas have not been renewed for nearly a century, the fear of totalitarianism or anarchy has imposed democracy as the only recourse, the only model guaranteeing freedom and pacification of human relations. But, built from now on as a bulwark rather than as a living force of social construction, democracy, to speak quickly, has dried up all political thought. 

However, men and women who have become bogged down in the existence of their daily lives, seem orphaned by this political imagination built around the providential, charismatic, seductive man, who may have a few simple but emblematic ideas. Our political systems now seem to be organised to legitimately allow these few men, whose only ambition will be to redistribute a few plots of power and keep them in place for as long as possible.

This desire for man's power over man is a constant in our political history, but it now appears to be unacceptable and raises the pervasive question of our "co-existences". We will endeavour to explore and think about the legitimacy of this gift of "enjoyment" of public authority that we agree to entrust to these few men, so ordinary but eaten away by opportunism and self-representation, and more and more how to lay down the terms of our coexistence and live it together...... 

Vivimos en un planeta estructurado en espacios políticamente administrados y en los que intentamos llevar una existencia muy breve...

En 1547, con apenas dieciocho años, Etienne de la Boétie se preguntaba sobre la legitimidad de cualquier autoridad política:"¿Cuántos hombres, cuántos pueblos, cuántas ciudades, cuántas ciudades, cuántos pueblos, cuántas naciones a veces soportan solos a un tirano, quién tiene el poder que le dan?"cuestiona el "Discurso de la servidumbre voluntaria".

Nuestras ideas políticas no se han renovado desde hace casi un siglo, el miedo al totalitarismo o a la anarquía ha impuesto la democracia como único recurso, el único modelo que garantiza la libertad y la pacificación de las relaciones humanas. Pero, construida a partir de ahora como baluarte y no como una fuerza viviente de construcción social, la democracia, para hablar con rapidez, ha secado todo el pensamiento político. 

Sin embargo, los hombres y mujeres que se han quedado atascados en la existencia de su vida cotidiana, parecen huérfanos por esta imaginación política construida en torno al hombre providencial, carismático y seductor, que puede tener algunas ideas simples pero emblemáticas. Nuestros sistemas políticos parecen estar ahora organizados para permitir legítimamente a estos pocos hombres, cuya única ambición será redistribuir unos cuantos complots de poder y mantenerlos en su lugar el mayor tiempo posible.

Este deseo de poder del hombre sobre el hombre es una constante en nuestra historia política, pero ahora parece inaceptable y plantea la pregunta generalizada de nuestras "coexistencias". Nos esforzaremos por explorar y reflexionar sobre la legitimidad de este don de "disfrute" de la autoridad pública que nos comprometemos a confiar a estos pocos hombres, tan ordinarios pero devorados por el oportunismo y la auto-representación, y cada vez más cómo establecer los términos de nuestra convivencia y vivirla juntos...... 



Paradoxalement, la disparition de la contestation au sens des idées politiques met en danger la stabilité de la démocratie, paradoxalement la démocratie a réduit notre appétence à reconstruire continuellement le monde, pour ne privilégier la fine couche de nos conditions matérielles d'existence, encouragés insidieusement par les fameuses technologies de la communication et de l'échange, non plus verbal, mais symbolique (est symbolique ce qui imite la réalité, mais n'est plus la réalité, l'image, l'image de soi, la vidéo, la vidéo de soi existant en ce monde)…

Paradoxalement, la disparition de la contestation au sens des idées politiques met en danger la stabilité de la démocratie…

Cornelius Castoriadis, La montée de l'insignifiance (Les carrefours du labyrinthe, 4, 1996)

"Parmi les créations de l'histoire humaine, une est singulièrement singulière : celle qui permet à la société considérée de se mettre elle-même en question. Création de l'idée d'autonomie, de retour réflexif sur soi, de critique et d'autocritique, d'interrogation qui ne connaît ni n'accepte aucune limite. Création donc en même temps de la démocratie et de la philosophie. Car, de même qu'un philosophe n'accepte aucune limite extérieure à sa pensée, de même la démocratie ne reconnaît pas des limites externes à son pouvoir instituant, ses seules limites résultent de son auto-limitation.

On sait que la première forme de cette création est celle qui surgit en Grèce ancienne, on sait ou on devrait savoir qu'elle est reprise, avec d'autres caractères, en Europe occidentale depuis déjà le XIe siècle avec la création des premières communes bourgeoises qui revendiquent leur auto-gouvernement, puis la Renaissance, la Réforme, les Lumières, les Révolutions des XVIIIe et XIXe siècles, le mouvement ouvrier, plus récemment avec d'autres mouvements émancipatoires. Dans tout cela Marx et le marxisme ne représentent qu'un moment, important à certains égards, catastrophiques à d'autres.

Et c'est grâce à cette suite de mouvements qu'il subsiste dans la société contemporaine un certain nombre de libertés partielles, essentiellement partielles et défensives, cristallisées dans quelques institutions : droits de l'homme, non-rétroactivité des lois, une certaine séparation des pouvoirs, etc. Ces libertés n'ont pas été octroyées par le capitalisme, elles ont été arrachées et imposées par ces luttes séculaires.

Ce sont elles aussi qui font du régime politique actuel non pas une démocratie (ce n'est pas le peuple qui détient et exerce le pouvoir), mais une oligarchie libérale. Régime bâtard, basé sur la coexistence entre le pouvoir des couches dominantes et une contestation sociale et politique presque ininterrompue. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est la disparition de cette contestation qui met en danger la stabilité du régime...."

(It is the disappearance of this contestation that jeopardizes the stability of the regime.... / Es la desaparición de esta impugnación lo que pone en peligro la estabilidad del régimen.....)


"Plus de démocratie et moins de démocratie" 

Plus de la moitié de la population mondiale vit maintenant dans une forme plus ou moins complète de démocratie, contre 36 % en 1975. Le paradoxe de ce début du XXIe siècle est de voir s'affirmer la démocratie comme le système politique incontournable dans lequel chacun d'entre nous, où qu'il vive en cette Terre, peut lover son existence en toute quiétude. Mais si le nombre de pays dotés d'un système démocratique n'a cessé d'augmenter, tout un chacun constate, dans le monde et en Europe, une dégradation progressive des conditions de son exercice, une érosion de plus en plus prononcée de la confiance dans le modèle démocratique. Certains auteurs contestent cette vision, l'état de la démocratie mondiale est resté stable au cours de la dernière décennie, et se serait même nettement amélioré par rapport aux années 1990. Certes, le modèle démocratique demeure robuste, incontournable, la démocratie conserve un attrait durable comme système générant un pouvoir et des dirigeants responsables et créant les conditions pour une vie meilleure. Mais il est notoire que le milieu des années 2000 semble marquer un point de rupture. Apparaissent en nombre des problématiques de coexistence, d'intégration, de contestation des élites et des pouvoirs. Un net reflux de participations électorales voit a contrario progresser la quête de nouveaux moyens d'expression et d'opposition, et désormais, montée des selfies et des médias sociaux de toute nature oblige, les revendications ne sont plus tant celles de la faim ou de l'oppression mais de la dignité, de la participation active et du mieux-être. Au fond, ne veut on pas tout simplement décider par soi-même de sa destinée? Aujourd'hui, non seulement la défense de la démocratie mobilise encore et toujours de part le monde, mais nous sommes sans doute entrés imperceptiblement dans une nouvelle ère politique : élargir la portée de la démocratie est devenue l'une des grandes causes de notre époque....

More and less democracy - More than half of the world's population now lives in a more or less complete form of democracy, up from 36% in 1975. The paradox at the beginning of the 21st century is to see democracy assert itself as the inescapable political system in which each of us, wherever we live in this Earth, can calmly rebuild our lives. But while the number of countries with a democratic system has continued to increase, everyone in the world and in Europe is seeing a gradual deterioration in the conditions under which it is exercised, an increasingly pronounced erosion of confidence in the democratic model. Some authors dispute this vision, the state of global democracy has remained stable over the past decade, and has even improved significantly since the 1990s. Admittedly, the democratic model remains robust and unavoidable, but it is well known that the mid-2000s seems to mark a turning point. There are many problems of coexistence, integration and contestation of elites and powers. On the other hand, a sharp decline in electoral participation is leading to an increase in the search for new means of expression and opposition, and now, due to the rise of selfies and social media of all kinds, the demands are no longer so much those of hunger or oppression as those of dignity, active participation and well-being. Basically, don't we just want to decide for ourselves about our destiny? Today, not only is the defence of democracy still mobilizing people all over the world, but we have probably imperceptibly entered a new political era: broadening the scope of democracy has become one of the great causes of our time....

Más y menos democracia - Más de la mitad de la población mundial vive ahora en una forma más o menos completa de democracia, frente al 36% en 1975. La paradoja a principios del siglo XXI es ver la democracia afirmarse como el sistema político ineludible en el que cada uno de nosotros, dondequiera que vivamos en esta Tierra, podemos reconstruir tranquilamente nuestras vidas. Pero mientras que el número de países con un sistema democrático ha seguido aumentando, todos en el mundo y en Europa están viendo un deterioro gradual de las condiciones en las que se ejerce, una erosión cada vez más pronunciada de la confianza en el modelo democrático. Algunos autores cuestionan esta visión, el estado de la democracia global ha permanecido estable durante la última década, e incluso ha mejorado significativamente desde la década de 1990. Es cierto que el modelo democrático sigue siendo sólido e inevitable, pero es bien sabido que la mitad de la década de 2000 parece marcar un punto de inflexión. Hay muchos problemas de coexistencia, integración y contestación de las élites y los poderes. Por otra parte, una fuerte disminución de la participación electoral está llevando a un aumento de la búsqueda de nuevos medios de expresión y oposición, y ahora, debido al auge de los medios de comunicación social de todo tipo, las demandas ya no son tanto las del hambre o la opresión como las de la dignidad, la participación activa y el bienestar. Básicamente, no queremos decidir por nosotros mismos sobre nuestro destino? Hoy, no sólo la defensa de la democracia sigue movilizando a los pueblos de todo el mundo, sino que probablemente hemos entrado imperceptiblemente en una nueva era política: la ampliación del alcance de la democracia se ha convertido en una de las grandes causas de nuestro tiempo......


"It is possible to change the world" - A l'image du climat et des mouvements tectoniques de cette planète, les structures politiques de ce monde et les peuples qui les instituent semblent de plus en plus gagner par l'instabilité, ou du moins des mouvements convulsifs, parfois violents, qui laissent supposer une évolution de fond. La démocratie est au centre de cette progressive lame de fond qui nous entraîne vers un horizon encore bien difficile à définir. Diverses organisations internationales ont depuis tenté d'élaborer des indicateurs susceptibles de rendre compte de ces évolutions, avec le plus souvent ce souci pragmatique bien anglo-saxon de mesurer cette re-structuration politique pour nous permettre de définir le meilleur chemin, le plus positif : "To contribute to positive change, we need to know our world as well as possible. We cannot know our world from the daily news alone. Because the news focuses on current events it largely fails to report the long-lasting, forceful changes that reshape our world, as well as the large, long-standing problems that continue to confront us...". Les quatre plus importants "global democracy indices" reconnus sont à ce jour : "Freedom House", "Polity" (Political Instability Task Force, PITF), "the Economist Intelligence Unit" (The Economist Group), "Bertelsmann Stiftung’s Transformation Index (BTI)"...

L'International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA), organisation intergouvernementale créée en 1995, observateur permanent auprès des Nations Unies, et dont le siège social se situe à Stockholm, entend promouvoir la démocratie durable dans le monde. L'organisation défend une conception dynamique de la démocratie : il n'existe pas de modèle de démocratie unique et universellement applicable, il n'y a pas de point final dans le processus d'amélioration de la démocratie. Et si toute réforme démocratique passe par une volonté politique, qu'il faut créer et soutenir constamment, le processus d'amélioration lui-même de la démocratie est entièrement aux mains du citoyen. Pour tenter d'asseoir une démocratie de part le monde plus durable, plus efficace et plus légitime, pour tenter de fédérer les diverses expériences démocratiques, l'IDEA a construit une série d'indicateurs, The Global State of Democracy Indices....

L'Université d'Oxford (Max Roser) et le Global Change Data Lab ont élaboré depuis 2011 une méthodologie d'exploitation et de restitution des données sociales, économiques, environnementales, politiques, permettant de mettre en perspective l'histoire de ce monde et de ses principaux problèmes. "World in Data" publie ainsi des diagrammes particulièrement éloquents exposant l'évolution pendant ces deux derniers siècles, six facteurs dont l'extrême pauvreté, l'indice de démocratie, l'éducation, les inégalités économiques. L'indice de démocratie (V-Dem Liberal Democracy Index) note ainsi la force des institutions démocratiques en regroupant des variables dans plusieurs dimensions, droits de vote, élections propres, égalité devant la loi, contraintes imposées à l'exécutif,  liberté d'association et d'expression.

La publication de l'Indice de la démocratie 2018 (Democracy Index) révèle un désir de réaction-action des peuples dans un contexte où se développe une très forte et constante détérioration de la confiance dans la démocratie ("In this year’s Democracy Index, find out how democracy fared in 2018. The results highlight how, despite a growing disillusionment with formal political institutions, political participation is on the rise as people are spurred into political action"). L'indice, créé en 2006 par le groupe de presse britannique The Economist Group, permettrait selon ses critères d'évaluer le niveau de démocratie de 167 pays. Le calcul est fondé sur 60 critères regroupés en cinq catégories : le processus électoral et le pluralisme (electoral process and pluralism), les libertés civiles (civil liberties), le fonctionnement du gouvernement (the functioning of government), la participation politique (political participation) et la culture politique (political culture).

Freedom House est une organisation non-gouvernementale (ONG) fondée en 1941, financée par le gouvernement américain et basée à Washington. Son financement assuré essentiellement par le Gouvernement fédéral des États-Unis a pu provoquer quelques critiques. En 2018, Freedom in the World a mesuré une fois de plus la persistance d'une lente dégradation des démocraties par rapport aux gains de la fin du XXe siècle. Les gouvernements autoritaires semblent désormais abandonnés la mince façade des pratiques démocratiques qu'ils avaient établie au cours des décennies précédentes, lorsque les incitations internationales étaient plus fortes. Des pouvoirs se font plus autoritaires et interdisent les groupes d'opposition et médias indépendants. Des démocraties de longue date sont ébranlées par des forces politiques populistes qui rejettent des principes fondamentaux tels que la séparation des pouvoirs et ciblent des minorités. Entre 1988 et 2005, le pourcentage de pays classés comme non libres dans le monde a chuté de près de 14 points (de 37 à 23 %), tandis que la part des pays libres a augmenté (de 36 à 46 %). Cette vague de progrès a maintenant commencé à reculer, indique Freedom...

De nombreuses démocraties semblent avoir quelques difficultés à s'adapter aux oscillations politiques et aux débats controversés qui sont inhérents à ce système politique, et ce dans un contexte international qui voit évoluer les rapports de force aux détriments des démocraties les plus industrialisées. La Chine qui a vu son PIB par habitant être multiplié par 16 entre 1990 et 2017 est le grand contributeur de cette "anxiété" qui s'accroît  en Europe et aux États-Unis face aux inégalités économiques et à la perte du statut personnel. Les mouvements populistes antilibéraux ont aussi changé les termes du débat et remporté les élections en promouvant une identité nationale d'exclusion comme moyen pour les majorités frustrées de se prémunir contre un ordre mondial et national en mutation. Mais ces difficultés ou menaces à l'encontre de la démocratie sont encore loin d'être unilatérales et définitives. . Les acteurs autoritaires et antilibéraux voient s'intensifier  des mouvements sociaux du monde entier qui entendent élargir la portée du système démocratique, s'inscrivant dans une volonté de transformation de la manière dont les droits des femmes, des minorités et des migrants, sont reconnus et défendus dans la pratique, de la manière dont sont intégrées et traitées économiquement et socialement des classes moyennes qui toutes ont le sentiment d'une perte de dignité et d'horizon inéluctable...


Et l'Histoire politique de l'humanité, qui a connu et insufflé tant de bouleversements au cours des XVIIIe, XIXe et première moitié du XXe siècles, n'a pas modifié cette extraordinaire charte qu'est la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, texte fondamental proclamant à la Terre entière, à l'issu de la Révolution française, que des temps nouveaux sont arrivés. Effectivement, le texte inspire toute organisation qui se voudrait démocratique, liant, et devant lier a minima, le représentant du peuple et le peuple lui-même qui  confie à ce dernier, pour un temps donné, les rênes de son avenir, une charge qui devrait être exercée en toute transparence et en tenant compte du socle électif qui l'a porté au pouvoir…

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.
Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.
Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
Art. 5.  La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas
Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.
Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. 
Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. 
Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
Art. 12. La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
 Art. 13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.
Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.
Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.