Fauvisme - Henri Matisse (1869-1954) - Henri Manguin (1875-1949) - Georgette Agutte (1867-1922) - Francisco Iturrino González (1864-1924) - Henri Evenepoel (1872-1899) - Juan de Echevarría (1875-1931)  - ..

Last update : 12/11/2016


Henri Matisse (1869-1954)

La longévité de son activité n'a pour équivalent que celle de Picasso, son contemporain, mais à la différence de ce dernier, Matisse a constitué une œuvre qui n'obéit qu'à une seule idée, la recherche d'un équilibre des couleurs et des formes, qu'il parvient à la fin de sa vie à imprimer à la matière, mais comme il y insiste lui-même, non sans effort. Du premier tableau qui le fait remarquer en 1904, "Luxe, calme et Volupté", à la chapelle de Vence, la simplicité, l'éclat évident et immédiatement perceptible qui caractérisent son œuvre n'ont pas vu le jour sans une longue réflexion. Son art rompt avec la tension picturale du début du XXe siècle, et offre beauté, apaisement, joie de vivre. Il crée ainsi de nouveaux accords de couleurs pures, un trait dynamique et des formes lovées en ellipse qui ouvrent la voie à l'expressionnisme abstrait.... 

Pour Matisse, l’émotion esthétique qu'un objet peut lui inspirer n’est jamais pleinement exprimée qu'à partir du moment où il a pu le reconcevoir en termes de couleurs. Le dessin est souvent simplifié et la couleur différente de celle pouvant exprimer la réalité de l'objet dessiné. Et c'est peut-être chez lui que la reproduction photographique fait tant perdre à ses tableaux leur substance, tant sont variés et recherchés les tons, les formes et les relations résultant de leurs interactions. Le nombre de pigments réels dans la palette de Matisse est exceptionnellement très important, ainsi peut-on observer par exemple deux tons de violet et trois de vert....

Matisse, 1905 ...

En 1905, Matisse se rend à Collioure et y travaille en même temps que Derain ; à son retour à Paris, il expose au Salon d’Automne, en compagnie de Marquet, Manguin, Vlaminck, Rouault et Derain, un certain nombre de tableaux qui valent aux peintres le fameux sobriquet des «Fauves», et provoqua dans les milieux académiques des critiques hostiles. Ils sont été accusés d’excentricité volontaire, de mépris insensé de la nature et d’intention délibérée de scandaliser le public. En 1906 a eu lieu une exposition de cinquante-cinq de ses peintures à la Galerie Druet, et il connaît alors ses premiers mécènes importants, les Steins, Gertrude, Leo et Michael, et les Miss Cone de Baltimore. En 1907, il ouvrira sa propre école et la continua par intermittence pendant deux hivers ; bien qu’elle attirât de 60 à 100 élèves, il trouva la distraction de son propre travail pénible et y mit fin en 1909. En 1908, c'est aux Stieglitz Galleries qu'il réalise sa première exposition américaine, et en 1910, à Paris, à la Galerie Bemheim Jeune, se déroule une exposition rétrospective de ses œuvres de 1895 à 1910. Toujours en 1910, il peint les célèbres décorations Stschoukin et fait une visite à Moscou. En 1911, 1912 et 1913, il a passé l'hiver au Maroc, et ajoute de nouveaux motifs orientaux à sa peinture...

"La joie de vivre" (1905-1906), paysage fantastique peuplé de nus alanguis et voluptueux, s'inspire, dit-on, des "Trois Baigneuses" de Cézanne : les personnages sont séparés en deux groupes, des nymphes dansent en arrière plan alors que des femmes cueillent des fleurs aux abords d'une forêt et qu'un couple s'enlace, l'éclairage et d'un jaune d'or lumineux et les couleurs sont vives...

Matisse, 1920 ...

Matisse, après ses voyages en Algérie (1906) puis au Maroc (1912, 1913), peint à Nice une série de tableaux, de scène exotiques, dans lesquelles il combine et juxtapose panneaux de tissu, paravents, matelas et tapis issus de sa vaste collection en les intervertissant dans un jeu de variations infinies, dans sa quête inlassable de la représentation du rapport entre le volume du corps, sa nudité plus ou moins dévoilée, et les surfaces plates du décor. Dans ces peintures qui se veulent  intimistes, seules les couleurs génèrent de la lumière. L’organisation de l’espace est étagé en registres horizontaux, compliquée le plus souvent par l’opposition entre les rayures du mur et l’alanguissement de la figure. Mais la peau claire du modèle, Henriette Darricarrère, avec laquelle Matisse travaille entre 1921 et 1927, dit combien ses odalisques incarnent un Orient fabriqué. Ses toiles marocaines des années 1910 marquées par une abstraction radicale et l’importance qu’eut l’art islamique dans sa conception décorative de l’espace rappellent néanmoins qu’il fut sans doute le dernier grand artiste en Europe à penser l’Orient comme réservoir de formes et opérateur de réflexion artistique...

Matisse, 1930 ...

Où rencontrer Henri Matisse? 

- "Luxe, calme et volupté" , 1904, Musée d'Orsay, Paris

- "La Joie de vivre", 1905-1906, Fondation Barnes, Merion

- "Portrait de Mme Matisse (La Raie verte), 1905, Statens Museum for Kunst, Copenhague

- "La Desserte, Harmonie rouge", 1908, Musée de l'Hermitage, Saint-Pétersbourg 

- "La Femme au chapeau", 1905, San Francisco, Museum of Modern Art

- "Vue de Collioure", 1906, Saint-Pétersbourg, Musée de l'Ermitage

- "Porte-fenêtre à Collioure", 1914, Paris, Musée national d'art moderne

- "L'Odalisque au coffret rouge", 1926, Nice, Musée Matisse

- "Grand nu couché", 1935, Baltimore, Museum of art

- "La Danse et La Musique", 1909-1910, Saint-Pétersbourg, Musée de l'Ermitage

- "Portrait de Mme Matisse", 1912-1913, Musée de l'Hermitage, Saint-Pétersbourg)

- "Odalisque à la culotte rouge", 1921, Centre Georges Pompidou, Paris

- "Nu bleu IV" , 1962, papier et gouache, Musée Matisse, Nice-Cimiez

"On m'avait dit, il y a longtemps, que Matisse faisait de la métaphysique. Et, quelques années, je l'ai cru. Un jour, je me suis aperçu, devant un tableau de Matisse, que ce tableau était vivant. Je l'ai aimé. J'ai cherché à comprendre pourquoi je l'aimais et pourquoi j'en aimais moins certains autres que le même peintre avait peints. J'ai su, en suivant ce chemin, que la métaphysique de Matisse, qui était parti, aux temps de sa jeunesse, de sensations très vives et très fortement exprimées, avait traversé un moment les déserts de l'abstraction pure, une sorte de tension et de raidissement douloureux, un besoin de crier, contre tous : « voici ce que mes sensations m'apprennent. » Puis, que grâce précisément à cette énergie trop tendue d'investigation et d'expression, il était parvenu à retrouver, dans ses sensations même, ces lignes de forces qu'il en avait d'abord extraites avec tant d'intransigeance et qui constituaient simplement l'armature spirituelle qui lui est propre et n'appartient absolument qu'à lui. 

Vous me direz que c'est là, au fond, l'histoire de tous les grands peintres, sans doute l'histoire de tous les grands hommes et peut-être, jusqu'à un certain point, l'histoire de tous les hommes : une période d'instinct pur, une période de recherches douloureuses pour accorder avec les besoins de cet instinct, les découvertes tyranniques de l'esprit, une période d'équilibre où l'esprit, après avoir tenté de dompter ou de briser l'instinct, se résigne à un échange continu, entre l'instinct et lui- même, de renseignements, de concessions, d'encouragements réciproques où l'être trouve enfin sa liberté, en la créant. Je le veux bien. Mais j'avoue connaître peu d'œuvres où l'instinct criât d'abord plus fort, où la lutte entre l'intelligence et lui prit un caractère plus aigu de souffrance intellectuelle et d'excès dans l'expression de la souffrance intellectuelle, où l'équilibre peu à peu conquis donnât une impression plus émouvante de victoire. Que l'œuvre d'un artiste puisse servir à définir l'évolution d'à peu près tous les vrais artistes, c'est un phénomène assez rare pour qu'on accorde une attention respectueuse et spéciale à l'artiste dont il s'agit.

Le choix, chez lui, est parti de l'émotion pure, cette émotion puissante à qui l'on doit ces peintures troubles des débuts, d'une matière si splendide qu'elle semble soulever les fonds pour les entraîner avec elle, s'en saturer, en épuiser les ressources et les renvoyer à leur place, enrichis des chatoiements sourds et des sonorités profondes qu'elle leur a communiqués. Mais c'était déjà un choix, très sûr, très décisif, dont il a vite senti le besoin de dégager, si je puis dire, les arêtes spirituelles, pour en créer une charpente qui pût supporter et conditionner toute l'architecture de son œuvre dans l'avenir. C'est là de la peinture pure, d'où non seulement toute anecdote, mais toute fioriture, toute incidente, tout accessoire sont bannis. Depuis Cézanne, je ne sais de plus bel exemple de volonté constante et soutenue de supprimer de l'émotion plastique tout ce qui la détourne et ne l'augmente pas. On peut faire de la métaphysique, peut-être en doit-on faire, à propos de la peinture de Matisse. De la littérature, point. Pour s'expliquer à lui-même le choix sensuel que révélaient les premières peintures qui exprimaient ses premières émotions d'homme, Matisse a recherché, en exagérant leurs angles et leurs courbes, un jeu de lignes si hardi qu'il sortait parfois de son propre équilibre et tombait dans une sorte d'expressionnisme caricatural, et un jeu de tons si pur qu'il touchait souvent à une sorte de vision hallucinatoire, où les procédés des potiers et des tapissiers orientaux apparaissaient, forcés encore peut-être, et sans qu'il y eût là autre chose qu'une rencontre de hasard. Je l'ai dit. Ce jeu dangereux, mais nécessaire, était un passage fécond. Il a extrait d'un double amas de sensations ardentes des matériaux de choix qu'il a éprouvés et durcis et autour desquels il organise une création nouvelle, débarrassée des scories, des boues, des cendres, des ténèbres de son chaos primitif." (Elie Faure)


Henri Manguin (1875-1949)

- 1905, "La sieste (le rocking-chair, Jeanne)

Proche de Matisse, dont il est, avec Marquet, l'un des plus anciens compagnons, Manguin, à Saint-Tropez, se rapprochera aussi des divisionnistes, Cross et Signac. Il interprète très librement sa théorie de la couleur et privilégie les gammes chromatiques d'orange et de jaune lumineux, et les jeux de complémentaires de mauve et de vert pour distiller, à travers des figures dans des paysages, une paisible joie de vivre ...

Manguin peignit surtout des nus, au lever ou à la toilette, des baigneuses, des paysages et des fleurs en exhalant une certaine joie de vivre. A ses débuts, il travailla sous l'influence des Impressionnistes, des Nabis et de Cézanne avant de produire des toiles dans une veine fauve qui devinrent les plus recherchées de sa production après sa mort en 1949. Coloriste aux tons acides, il prend rarement, à l'égard de la réalité sensible, les mêmes libertés que ses amis. Henri Manguin entre à l'École des beaux-arts en 1894 où il fréquente l'atelier de Gustave Moreau et se lie d'amitié avec Matisse, Puy, Rouault et surtout Marquet. Il débute au Salon de la Société nationale des beaux-arts en 1900, expose à partir de 1902 au Salon des indépendants, puis est admis au Salon d'automne, où il figure, en 1905, dans la fameuse " cage aux fauves ". On lui doit aussi quelques portraits : Maurice Ravel (1902, Paris, M. N. A. M.), Jean Puy (1905, New York, M. O. M. A.). En 1909, il fait la connaissance de Vallotton et de Charles Montag, qui l'introduisent auprès de grands amateurs suisses, notamment les Hahnloser. Il est représenté au musée des Beaux-Arts de Neuchâtel (la Coiffure, 1904), à l'Ermitage (Saint-Tropez 1905 ; l'Allée à Saint-Tropez), au Petit Palais de Genève, fondation Ghez (Nature morte aux huîtres, 1908), à la fondation Pierre Gianadda de Martigny (la Femme à la grappe, villa Demière, 1905) et à Saint-Tropez (musée de l'Annonciade)...

 


Georgette Agutte (1867-1922)

Fille de peintre, Georgette Agutte s'initie à l'art chez un sculpteur. Elle commence de bonne heure sa carrière artistique et participe régulièrement au Salon des Indépendants et au Salon d'automne. De 1908 à 1919 elle expose à plusieurs reprises dans les galeries les plus prisées du moment, celles de Georges Petit, Druet et Bernheim-Jeune. Coloriste avant tout, elle peint des paysages , des portraits et des nus d'où se dégagent les influences des artistes qu'elle admire, en particulier les impressionnistes, les néo-impressionnistes, et les fauves. En 1897 elle épouse Marcel Sembat, député de Montmartre, futur ministre, amateur d’art et humaniste. Toute sa vie, elle restera très complice avec Matisse, comme en témoigne sa correspondance, ainsi qu’avec Monet qu’elle considère comme son maître. En septembre 1922, douze heures après le décès inattendu de Marcel Sembat, Georgette décide de ne pas lui survivre et se suicide...

Works:

- Les femmes à la coupe d'oranges, Grenoble. Musée des Beaux Arts.

- Nature morte aux pastèques, vase et tapis, Grenoble.

- Nature morte au Bouddha et au raisins, Grenoble.


Francisco Iturrino González (1864-1924)

Natif de Santander, Francisco Iturrino González est, avec Juan de Echevarria, le principal animateur du fauvisme en Espagne. C'est en 1883, alors qu'il est à Liège, qu'il décide de se consacrer à la peinture et, en 1890, il gagne Bruxelles et rencontre le peintre fauviste Henri Evenepoel et celle qui devient sa femme, Marie Joséphine Delwit Schwartz. En 1895, il est à Paris, entre dans l'atelier de Gustave Moreau et y rencontre Matisse qu'il accompagnera au Maroc pendant l'hiver 1911-1912. A partir de 1898, il va se partager entre Paris, Salamanque, Séville, Cordoue, Motrico, Malaga et Madrid, mais l'amputation de sa jambe en 1921 va l'affecter considérablement, Henri Matisse, Pierre Bonnard et Pablo Picasso l'aideront à se fixer à Cagnes-sur-Mer. Il est s'est imposé jusque-là pour ses nus féminins aux couleurs particulièrement vives....

Obras : "El baño (Sevilla)" (1908,  Málaga, Museo Carmen Thyssen) - "Mujer desnuda en el campo" (1899-1901, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid) - "Desnudos en un paisaje" (1906-1918) - "Mujer mora" (1912, Museo Nacional de Bellas Artes, Buenos Aires) - Desnudos, mujeres jugando al corro" - "Desnudos" (1910, 1916-1918) - "Las dos amigas" - "Mujeres con manton" - "El paseo por la plaza de Cataluna" - "Mujeres" - "Retrato de Mujer" - "Bodegon" (1910-1911)...


Henri Evenepoel (1872-1899)

Peintre fauviste belge qui entre en 1892, à Paris, dans l'atelier de Gustave Moreau, où il rencontre Matisse et Rouault, Henri Evenepoel est fasciné tant par la capitale française que par le style et la thématique de Manet. Il sera principalement portraitiste, ne serait-ce que pour peindre l'amour de sa vie, sa cousine et modèle Louise De Mey, qu'il tente de fuir à Blida et à Tipasa en 1897-1898...

Oeuvres : "The Artist's Room" (1891-1892, Private collection) - "At the Moulin Rouge" (1897) - "Man in Red" (1894, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Brussels) - "View of My Bed or My Bedroom" (1896) - "Henriette au grand chapeau" (1899, Bruxelles) - " Louise in mourning" (1894, Royal Museum of Fine Arts Antwerp) - "L'Espagnol à Paris (1899, musée de Gand) - "Le Caveau du Soleil d'or" (1896) - "Le Café d'Harcourt (1897, Francfort, Städel. Inst.) - "La Dame au chapeau blanc" (1897) - "Le Noyé du pont des Arts" (1895, musée d'Ixelles), "La Kouba de Sidi Jacoub à Blida (1898), "La Promenade du dimanche" (1899, musée de Liège) ...


Juan de Echevarría (1875-1931)

Natif de Bilbao, fils de grand industriel à la formation cosmopolite (Angleterre, Allemagne), Echevarria s'engage dans la peinture tardivement, à 31 ans - la mort de sa mère en serait le déclencheur -, et sa mort prématurée n'arrangera rien à ce qui aurait pu être un parcours exemplaire que peuplent, inachevés, des paysages basques ou castillans, des natures mortes, des portraits gitans, un nu, "Mestza desnuda" inspiré de Gauguin. Dans les années 1903, il accompagne Francisco Iturrino à Paris et y rencontre la communauté artistique ibérique, tels que Crevigon, Canals, Manolo, Arteta, Vázquez Díaz, Picasso, Barrueta, Durrio et Zuloagan, s'est lié à Degas, Vuillard, Apollinaire, fréquenté l'inévitable Académie Julian...

 

Obras : "Florero con plátanos, limones y libros (1917, Museo de Bellas Artes de Bilbao) - "Mestiza desnuda" (1923, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía) - "Retrato de Iturrino" (1919, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid) - "Isabel Oyarzabal" (1927) - "Azorin" (Museo del Prado, Madrid)....