Notre refuge à penser s'ancre à Ferrère, dans la vallée de la Barousse, petite vallée pyrénéenne du Sud-Ouest de la France, à 100 km de Toulouse, 200 km de Lleida, 370 km de Barcelone, 925 km de Paris, qui s'ouvre à proximité de la cathédrale de Saint Bertrand de Comminges, à Sarp et se clôture par le Port de Balès (1750m), le Mont Né (le mont noir, 2147m). Elle côtoie à quelque 30km le magnifique Val d'Aran, sur la berge espagnole des Hautes Pyrénées, via la petite vallée de Siradan...

La Barousse est uniquement constituée par le bassin de l'Ourse, affluent de la Garonne, une rivière qui, contrairement à ce fleuve, ne prend pas naissance au sein des glaciers de la haute chaîne mais dans un modeste écrin de verdure. Cette vallée est le plus souvent divisée en trois parties nettement séparées, que la rivière Ourse traverse d'une extrémité à l'autre, la Barousse garonnaise, entre Loures-Barousse et Sarp, la Barousse moyenne, de Sarp à Bramevaque, enfin la haute Barousse, de Bramevaque à Crouhens, via Mauléon et Ferrère. Le modeste Mont Las (1729 m) est le point de référence essentiel de la Haute vallée de la Barousse, et c'est la crête de Pouey Usclat (1753 m) qui sépare l'Ourse et irrigue la région en deux bras, l'Ourse de Ferrère, à l'ouest, et l'Ourse de Sost, à l'est, moins développée. Enfin, ce qui fait le charme de cette vallée, toujours verte, l'abondance des bois et forêts : et avec l'abandon progressif de la vie rurale dans ses parties les plus difficiles d'accès, les lisières s'avancent inexorablement en grignotant peu à peu les prairies...

 

LA BAROUSSE ?

Aux portes du Comminges, un pays qui fut habité dès l'aube de la Préhistoire et conquis par les armées romaines dès l'an 106 av. JC, prend naissance une vallée qui s'enfonce dans la chaîne pyrénéenne, parallèlement à celle de Luchon, la Barousse...

La Barousse (bat Ourse, vallée de l'Ourse) est principalement constituée par une vallée orientée du sud au nord, laquelle est bornée au midi par la vallée d'Oueil, à l'est et au nord par les vallées de la Pique et de la Garonne, à l'ouest par le pays de Nistos et la vallée d'Aure. A la fin du Xe siècle, lorsque Comminges et Val d'Aran se séparèrent, apparût un temps la notion de Quatre-Vallées, réunissant les vallées d'Aure, de Neste, de Magnoac et de la Barousse....

Celle-ci se divise en quatre parties assez distinctes :

1) La plaine, une vaste plaine de Labroquère à Barbazan, d'Izaourt à  l'entrée de la vallée de l'Ourse, Sarp, que dominent deux joyaux, la cathédrale de Saint-Bertrand et l'église Saint-Just de Valcabrère, nous sommes en Comminges.

2) La vallée basse, qui va de Sarp à Troubat.

3) La vallée haute, qui est subdivisée en trois branches, formant un Y : a) de Troubat à Mauléon, b) de Mauléon à Ferrère, c) de Mauléon à Sost.

La superficie de la Barousse est actuellement de 17.626 hectares, où sont disséminées vingt-cinq communautés, savoir : Anla, Antichan, Aveux, Bertren, Bramevaque, Cazarilh, Créchets, Esbareich, Ferrère, Gaudent, Gembrie, Ilheu, Izaourt, Loures, Mauléon, Ourde, Sacoué, Sainte-Marie, Saléchan, Samuran, Sarp, Siradan, Sost, Thèbe et Troubat. Les quatre autres communautés ci-après ont disparu depuis le Moyen Age : Adignac, Balestat, Betpouy et Peyremilla. Une cinquième, qui est Ilheu déjà nommée, s'est transportée d'un versant à l'autre de la vallée. D'autres, qui ont fait anciennement partie de la Barousse, lui ont été enlevées. Ce sont en premier lieu Générest, Jaunac, Lombrès, Seich et Tibiran, que la Révolution a transférées au canton de Saint-Laurent; ce sont ensuite Saint-Bertrand et Valcabrère, qui, depuis le Moyen Age jusqu'à la Révolution, avaient un pied en Barousse et l'autre en pays de Rivière, celui-ci passera successivement des comtes de Comminges aux comtes de Lomagne, puis aux comtes de Périgord qui le vendirent à Philippe le Bel; c'est enfin Luscan, qui se partageait entre la Barousse et les Frontignes....

(La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948)


Quel en fut le chef-lieu à travers les âges de la Barousse?

On a parfois attribué ce titre à Ferrère,. tout au moins pour l'âge de fer. Nous pensons quant à nous que ce rôle a dû appartenir à Lugdunum (Saint - Bertrand) dans l'antiquité, et jusqu'à la destruction de cette ville en 585. Puis c'est une nuit de trois siècles. Une fois le comté héréditaire de Comminges constitué au IXe siècle, il est probable que la Barousse fut intégrée à l'une des subdivisions les plus proches, peut-être à la future châtellenie de Fronsac. Au XIe siècle, nouveau changement par suite du passage de notre pays à la vicomté de Labarthe. le pouvoir féodal résidant désormais à Valcabrère, et l'appareil administratif et judiciaire fonctionnant à Bramevaque, où était aussi l'archiprêtré, Troubat étant toutefois le siège de la cour mixte, commune aux deux barons de Bramevaque et de Mauléon. Après l'extinction de la maison de Labarthe au XIVe siècle, Bramevaque perdit peu à peu son importance de jadis : la justice s'exerça à Valcabrère, puis à Gembrie, cependant que l'archiprêtré se transportait à Troubat; les assemblées, d'abord tenues au siège de la judicature, prirent l'habitude de se tenir à Mauléon. En fait, cette dernière ville était devenue le chef-lieu bien avant que la Révolution lui en attribuât officiellement le titre. Le choix était justifié, Mauléon occupant une position centrale, sur un nœud de routes. Toutefois, les circonstances tendent à transférer à Loures le pôle d'attraction. Bien que Loures soit une des plus récentes localités baroussaises, un développement rapide lui est assuré par la proximité des eaux thermales de Barbazan, par sa gare de chemin de fer, la route à grande circulation qui la traverse, l'industrie de la chaux, etc. C'est aujourd'hui une ville coquette et pourvue de tout ce que requiert un séjour confortable et gai....

(La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948)

 

La vallée "basse", la Barousse garonnaise?

La partie proprement garonnaise de l'Ourse, entre Loures-Barousse et Sarp, est incluse dans la vaste plaine alluviale cultivée qui s'étend vers l'ouest jusqu'à Saint-Bertrand-de-Comminges, à laquelle il faut ajouter la partie gauche de la vallée de la Garonne, limite orientale de la Barousse entre Bertren et Saléchan. Nous en reparlerons plus loin...

La vallée "basse", la Barousse moyenne?

En empruntant la D 925 en direction du sud, à partir de Sarp, s'ouvre donc la vallée de la Barousse. Elle forme un quadrilatère jalonné au nord par le Mau Bourg (743 m) qui marque la limite avec la Garonne, puis vers l'ouest par le Pic de Cau (1070 m) et le Mont Caup (1246 m). Sa partie occidentale est dominée par le Mont Sacon qui culmine au Tourroc (1541 m). Au sud-est, la montagne de Gert n'atteint que 1050 m au sommet de l'Herbe Rouge au-dessus des falaises de Troubat. Le rebord oriental, qui constitue un des flancs de la vallée de la Garonne, est constitué d'une série de reliefs qui prolongent le Mau Bourg à une altitude inférieure à 1000 m. 

Entre ces reliefs, la rive droite de l'Ourse constitue une zone en creux dont le fond se situe entre 500 et 550 m d'altitude. Elle est couverte de prairies et l'on y trouve plusieurs villages comme Anla, Ilheu, Antichan, Gembrie, Samuran et Troubat. La rive gauche de l'Ourse est assez différente car les prairies, plus pentues, s'arc-boutent à des reliefs vigoureux comme le Pic de Cau ou le Mont Sacon. Malgré l'exiguïté de l'espace cultivable on y trouve également des villages Aveux, Créchets, Gaudent, Sacoué, et Bramevaque. Au sud, la forteresse de Bramevaque, dissimulée dans la verdure, assure marque l'entrée dans la partie haute de la Barousse...

 

La haute Barousse est isolée par une ligne de crêtes qui s'inscrit globalement dans un pentagone dont le Mont Sacon constitue la partie septentrionale. À l'ouest, elle est ponctuée par quelques sommets comme le Mont Aspet (1848m), le cap Nestès (1887 m), - c'est du sommet du Cap Nestès que l'on a une des plus belles vues sur la haute Barousse -, la montagne d'Arreng (2079 m), le sommet de Cornudère (2121 m) et le Mont Né (2147 m) point culminant de la région. À l'opposé, les crêtes sont moins élevées et ne dépassent pas les 2000 m d'altitude comme le Cap du Pouy de Hourmigué (1685 m), la montagne de Lège (1738 m) et le sommet d'Antenac (1990 m)....

La Barousse, la Vallée haute, de Bramevaque à Crouhens...

Les masses rocheuses qu'on pourrait considérer comme les portes de la haute Barousse ne doivent pas induire à penser que cette partie du pays offre un aspect tourmenté ou stérile. Bien au contraire, sa physionomie gagne souvent en pittoresque sans perdre jamais en fraîcheur. Au reste, le Montsacon, plus aride il est vrai à partir de Bramevaque, s'arrête court au delà de Mauléon, tandis que Gert, dont le Mail Blanc constitue le flanc occidental, fait de même avant Thèbe. La nature omit de lécher cette partie de son œuvre, ou bien elle l'employa sciemment à son art des contrastes.

Le pont de Bramevaque franchi, on rencontre à gauche deux chemins formant un angle droit. L'un n'est autre que l'ancienne route de Barousse; le second conduit à Thèbe, qui, de même que Cazarilh, se trouve isolé de la vallée de l'Ourse par le coteau de Gouardère.  

Mauléon? Franchissons d'un saut la côte de Hourmenta et les deux kilomètres qui nous séparent de Mauléon. Dès l'entrée au chef-lieu, portons-nous sur le coteau de la rive droite d'où le château "Jouet" domine à les humilier les antiques tours baronniales. Il y a là un excellent point de vue sur le centre de la ville, et ce fut la résidence d'une famille de bonne bourgeoisie baroussaise qui a donné le jour à d'illustres contemporains. Les Baroussais, peu versés, a-t-on dit, dans les choses de l'art se souviennent surtout de M. Baptiste Jouet, d'abord officier de la marine marchande, puis exploitant d'une vaste portion de l'ancienne forêt seigneuriale de la vallée. En achetant ce domaine, M. Jouet omit de considérer le caractère relativement public que les siècles lui avaient conféré, de s'enquérir du comportement habituel des habitants à son égard, des habitudes qu'ils y avaient prises de longue date et des droits qu'ils y avaient acquis.  Ayant de mourir en 1933, le brillant caricaturiste avait vu son fils, Emile Henriot, briller à son tour dans les Lettres comme poète, romancier et critique littéraire, et évoquer la Barousse dans plusieurs des ouvrages... (La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948). Le temps a passé...

Quoique d'architecture en partie romane et de destination originellement militaire, le château de Mauléon fait partie intégrante de l'agglomération, et c'est d'autant plus remarquable que, par une circonstance rare dans le pays, l'agglomération est bâtie à cheval sur l'Ourse et par conséquent au point le plus bas. Cela aurait rendu la défense fort malaisée dans les temps modernes, mais il en allait différemment au Moyen Age, grâce à la faiblesse des armes offensives et aux facilités offertes par la rivière. Celle-ci, unifiée un peu en amont par la jonction de ses deux bras, décrit avant de sortir de la ville un quart de cercle qui, à l'est et au nord, entourait les assises rocheuses de l'édifice d'un fossé infranchissable.

Du château primitif il reste une tour pentagonale et à terrasse qui commande l'entrée. Elle ne comporte qu'une salle située à mi-hauteur, la partie inférieure formant une sorte de basse-fosse sans autre accès qu'une trappe dans le plancher de la salle. Dans cette geôle où nulle clarté ne vient percer les ténèbres, on découvrit en 1854 des ossements et une cotte de maille. Les autres parties du vieux château furent transformées au XVIe siècle. On en a conservé une tour carrée et à toiture élevée, dont les fenêtres à meneaux indiquent l'origine et qu'une galerie couverte courant sur les façades sud et ouest rattache à l'architecture locale traditionnelle. Immédiatement au-dessous de la galerie sud, le mur présente un trou circulaire et béant, manifestement pratiqué par effraction et dont la légende s'est emparée. La branche aînée des de Mauléon s'est depuis longtemps éteinte; le château, maintenant inhabité, la suit lentement dans le néant...

Il faut mentionner aussi les particularités de l'église, et en premier lieu son architecture. Sauf la moitié supérieure du clocher, la voûte de l'unique nef et de l'abside en cul-de-four, ainsi que le portail, l'édifice, comme le château son voisin, est du XIIe siècle. Sa façade et ses lourds contreforts sont du plus bel appareil. Les arcades qui soutenaient la voûte romane ne subsistent que du sol au faîte des murs latéraux : il y aurait donc eu effondrement de toute la partie supérieure. La pauvreté du sanctuaire constitue une autre particularité dont il ne faut pas douter qu'elle ne soit la conséquence de l'effondrement. Construite par le fondateur de la baronnie de Mauléon, objet de la sollicitude des barons successifs, probablement enrichie au XVIe siècle par l'évêque Jean de Mauléon, l'église devrait être la plus ornée et non la plus pauvre du pays. Comme il n'y reste aucune trace de la renaissance religieuse du XVIIe siècle, on peut être certain que le sinistre est relativement récent, probablement du XVIII" siècle. Notons enfin que, d'une manière générale, Mauléon a moins souffert que le reste du pays depuis un demi-siècle : le commerce y a pris un certain développement, tandis que l'exploitation des forêts y attirait des immigrants. N'oublions pourtant pas que vers 1855 il y avait à Mauléon un médecin, deux officiers de santé, deux notaires, deux huissiers, sept scieries, quatre moulins, etc. (La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948). Pour l'heure, la Maison des Sources y contient un petit musée qui sert aussi de centre documentaire, le village s'organise pour survivre...

 

De Mauléon à Ferrère & Ourde....

De la Place du Palouman, à Mauléon, part la route de Ferrère qui mesure trois kilomètres jusqu'au village et sept kilomètres jusqu'à Crouhens. La côte assez vive de Saoule commence dès le départ, puis s'élève au flanc de Montsacon. Quiconque la gravit doit se retourner de temps à autre vers Mauléon pour jouir des différents aspects qu'offre un joyau enchâssé dans un beau chaton. Cela est particulièrement recommandable par une belle matinée d'été, quand l'astre du jour surgit à la cime du pic de Gar et, traversant sans les absorber les légères vapeurs diffuses dans l'atmosphère, scintille sur les toits humides de rosée, colore les fumées matinales et cerne d'or les longues ombres des monuments et des coteaux. 

A mi-côte et en contre-bas de la route se trouve Saoule, la curiosité du val de Ferrère. Il s'agit d'un phénomène naturel groupant des éléments différents au fond du ravin où coule l'Ourse. D'amont en aval, il y a d'abord le puits, trou donné comme sans fond pour cette raison que des pêcheurs désireux d'assécher la rivière, y ont souvent dérivé les eaux longuement sans qu'il ait jamais regorgé. Plus loin l'onde s'engage en mugissant dans une étroite et profonde entaille qu'elle a pratiquée dans le roc, se dégage un peu plus bas au moyen d'une cascade fort bruyante quoique peu élevée, puis, tel un guerrier furieux à l'assaut d'une poterne, se jette impétueusement dans un tunnel au moyen duquel elle franchit la haute barrière rocheuse que la montagne lui avait opposée. A la vérité, cette voûte aurait plutôt les proportions d'un pont que d'un tunnel, mais c'en est assez pour qu'à son retour à la pleine lumière l'onde soit apaisée, et même qu'elle sommeille un instant à l'ombre des chênes rabougris qui la surplombent. Reprenant ensuite son chemin et sa chanson, elle fait au passage de la prairie maintes espiègleries en tirant à petits coups les herbes penchées sur la rive. Le promeneur, soit qu'il s'aventure sur le portique dominant la cascade, qu'il escalade les pentes abruptes ou se repose sur la verte prairie, goûte la grandeur sauvage ou la verte douceur de ce site romantique.

Ourde? Encore quelques pas sur la route et l'on trouve à droite un chemin qui, développant ses lacets sur un millier de mètres, conduit à Ourde, qu'on appelait Orda en 1525. C'est un vieux village qui a gardé ses traits d'autrefois et qui est intéressant à d'autres titres. Bâti à mi-hauteur de la pente méridionale du Montsacon, il s'étend sur un plan modérément incliné dont le point culminant est occupé par l'église. Cet édifice présente certaines particularités. L'entrée est précédée d'un abri rustique à colonnes massives . Le tympan de la porte présente une sculpture qui a pour sujet saint Martin, patron de la paroisse, se dépouillant de son manteau au profit d'un mendiant; le même sujet est traité à l'intérieur dans un tableau placé au-dessus de l'autel. Les murs latéraux semblent relever de l'art roman, tandis que la voûte en pierre qu'ils supportent est construite en ogive surbaissée. Quant au clocher, il est moderne quoique lourd d'aspect. L'église primitive aurait donc subi des réfections partielles et successives. A la face extérieure sud est encastrée une pierre qui porte en bas relief une main dont les trois premiers doigts sont levés et les autres fermés. Le cimetière communal est attenant, Ourde ne s'étant pas encore déterminée à chasser ses morts de l'emplacement privilégié que la tradition leur avait partout assigné. Il y a bien longtemps que le modeste terrain de repos remplit son office, car un certain nombre d'e sarcophages y sont enfouis. Les morts ne pouvaient d'ailleurs trouver un lieu mieux choisi pour leur dernier sommeil, attendu qu'il forme une sorte de promontoire d'où l'on domine une grande étendue de pays, surtout vers l'orient. Les rues étroites et zigzagantes du village ne sont pas non plus sans intérêt. Au terme d'une visite plus caractéristique encore que celle faite à Gaudent, on sent la nécessité de réviser certaines des idées reçues concernant la marche de la civilisation. Voici en effet un village qui, étant le plus élevé en altitude et par conséquent le plus isolé et le moins prompt à se dégager des liens de la tradition, étant en outre des plus pauvres parce qu'il n'a point connu d'industrie autre que l'industrie pastorale, détient cependant les signes les meilleurs et peut être les plus abondants d'anciennes préoccupations artistiques. Il faut malheureusement ajouter qu'ici comme ailleurs les générations nouvelles loin d'avoir rien créé dans le domaine de l'art, n'ont même pas su défendre les créations ancestrales contre les ravages du temps... (La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948)

Ferrère? La vallée s'élargit maintenant et reprend de la douceur ; c'est une réapparition momentanée de la vallée basse, avec  ses champs, ses prairies, sa paisible rivière. Enfin on entre à Ferrère, vieux village qui doit son nom et peut-être sa naissance à des mines de fer qu'on y exploitait avant et depuis la domination romaine (le fer était exploité depuis très longtemps dans le vallon de Serviassa au sein du granité mais les filons étaient peu épais et peu étendus, et l'exploitation a été abandonnée malgré des recherches au début du XXe siècle). Rien cependant n'y rappellerait cet antique souvenir si n'était un autel votif décrit d'autre part et qui a disparu de l'ancien cimetière où il se trouvait. Au siècle dernier, alors que la route qu'on vient de parcourir depuis Mauléon était peu praticable aux voitures, Ferrère était une commune forte et prospère (511 habitants en 1881 contre 151 en 1948 et à peine 60 en 2020), mais on rencontrera bien d'autres preuves que ce n'est pas à l'absence de confort qu'il faut attribuer la dépopulation des campagnes....

Saint-Michel de Ferrère? Nicolaï Greschny (1912-1985) est un fresquiste et peintre d'icônes originaire de Tallin, en Estonie, qui s'est installé dans la région albigeoise et a peint plus d'une centaines de fresques dans des églises situées dans le Sud et le Sud-Ouest de la France, dont la petite église Saint-Michel de Ferrère en 1954 : le Christ pantocrator trône au centre de la fresque, derrière l'autel, avec à gauche une Vierge Marie représentée avec des ailes, et à droite l'archange saint Michel écrasant l'ange déchu Lucifer ; au niveau inférieur, sont représentés 7 anges sortant des nuages et jouant de la trompette...

La traversée du village effectuée, la vallée se rétrécit définitivement sans changer de caractère. Trois kilomètres de solitude, de prés et de boqueteaux, sur une route parfaite et assez douce, puis le voyageur est surpris d'apercevoir tout à coup un "parc" que traverse l'Ourse et où de grands arbres ombragent divers bâtiments : c'est l'établissement thermal de Saint-Néré, qui eut son heure de "gloire" : la modestie de l'établissement contrastait avec ses eaux alcalines à 20 degrés. Ici, l'altitude est de 770 mètres, et les eaux passent pour faire merveille contre les rhumatismes.

Et voici Crouhens, terminus de la grand'route. A quelques pas en aval du pont qui marque ce lieu est une nouvelle fourche des eaux : l'Ourse dont le tracé reste orienté sud-nord puisqu'elle vient du Monné reçoit sur sa rive  gauche un affluent qui la dépasse en volume et qu'on appelle le Salabé; celui-ci prend sa source au Col de l'Aouet qui met en liaison les vallées de Barousse et d'Aure par des chemins muletiers. Le pont en question, établi sur l'Ourse, dessert sur la rive gauche une bonne voie forestière qui suit la rive droite du Salabé. En sorte qu'on longe dès l'entrée sur cette voie le ravin fort pittoresque quoique peu profond où ce ruisseau se fait joyeusement entendre. Là commence en effet la belle et vaste forêt que l'Etat a héritée du baron de Bramevaque.... (La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948). Là commence l'envolée lyrique vers le désormais célèbre port de Balès...


Le brame du cerf? Ferrère, un mois d'octobre, des biches dans votre jardin, comment peut-on être chasseur ... pourtant ces villages se repeuplent, certes, mais se repeuplent de nombre de chasseurs ou d'apprentis aventuriers, et on peut très longuement disserter sur les traditions et les bienfaits culturels ou écologiques de la chasse ou de la déforestation, reste malgré tout le fameux brame du cerf qui trouble de la mi-septembre au début du mois d'octobre une forêt de la Barousse qui tente de survivre comme elle peut...

Sait-on que c'est seulement un peu avant 1960 qu'une Fédération de Chasse introduisit des cerfs et quelques chevreuils  en Barousse, mais sans le moindre souci d'un quelconque équilibre naturel. Aucun document d'archives ne mentionne en effet leur présence, nous rappelle la Revue du Comminges dans l'un de ses numéros : par contre, on y rencontrait des sangliers et des izards dans les vacants, et bien entendu quelques ours. Dans les temps anciens, les loups hantaient les montagnes et Sost était réputé pour le dressage des chiens bergers des Pyrénées. En l'absence de prédateurs, les cerfs et les chevreuils se sont multipliés tandis qu'ont disparu les izards, les ours, les lynx. Et le chat sauvage qui abondait jadis  a déserté la Barousse. Chasse et braconnage se sont répandus. Mais les buses, les éperviers, les milans, les circaètes lâchés dans les Pyrénées ont migré en masse vers la Barousse....


Ne quittons pas Ferrère sans évoquer la mémoire de l'un de ses fils, Jean Soulé-Venture (Jean Soulé-Ventura, 1861-1941), hommage lui fut rendu le 12 août 1962 par le maire de Ferrère de l'époque, Alexandre Ousset...

Bien qu'il eût assez copieusement écrit en vers et que plusieurs de ses œuvres eussent été présentées au public par des publications régionales (Era Bouts dera Mountanho), Soulé ne songea point à s'évader de la condition paysanne de ses pères. Bien au contraire, il s'attacha à l'existence et à la langue traditionnelles, et ce sentiment fut porté assez loin pour que les mots francisés, désormais si fréquents dans le dialecte, ne trouvassent pas grâce devant lui (Eb bonjour adj'iuern, Le Bonjour à l'hiver; Et petit lourrey, Le rouge-gorge; Ets adieus det courtau de Cazaës, Les adieux au "Courtau", grange de bergers en montagne). Carillonneur de sa paroisse et infatigable faucheur, aimant avec passion sa Barousse et ses montagnes, c'était en effet dans la langue de son enfance que Soulé s'exprimait, au point que pour comprendre beaucoup de ses termes un glossaire serait nécessaire à bien des Baroussais. Souhaitons qu'indépendamment de toute considération littéraire cette dévotion du modeste poète de Ferrère soit pour sa mémoire un titre au respectueux souvenir de ses compatriotes..... (La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948)

 

De Mauléon à Sost, Esbareich

De Ferrère, un chemin de traverse qui contourne le Mont-las et passe par Esbareich permet d'aller à Sost, grand centre de production fromagère. Mais c'est de Mauléon que l'on gagne la vallée de l'Ourse de Sost. La partie de cette route située entre Mauléon et Sost a été construite sous le Second Empire. Le trafic s'effectuait antérieurement par la rive gauche et au moyen d'un chemin ardu traversant Esbareich, chemin qui existe encore et dont on à peine à croire qu'il ait donné passage aux blocs de marbre extraits des carrières de Sost. Car la Barousse exploitait autrefois des marbres parmi les plus beaux des Pyrénées, la « griotte » de Sost était la plus connue. Ces carrières sont maintenant abandonnées et envahies par un sous-bois difficilement accessible. La caractéristique dominante du parcours de quatre kilomètres qu'il y a de Mauléon à Sost, c'est l'absence totale de labours. Ce n'est pas que les terres labourables y fassent défaut, mais elles sont hors de la vue autour des villages. On ne voit donc que des prairies, le plus souvent clôturées de haies vives, et amplement rafraîchies par les ruisseaux, les sources et les infiltrations. A mi-chemin est un pont qui conduit à à Esbareich au moyen d'une côte assez vive et courte. Cet ouvrage important a été construit au début du XXe sur le ravin profond creusé par l'Ourse. Le nom d'Esbareich a varié dans les temps modernes, car on l'appelait Sbareys en 1525 et Esbaries en 1667. Ceci permettrait de conjecturer que le nom provient du parcage des moutons s'effectuant anciennement audit lieu, ces parcs s'appelant dans notre langue ets bargues. Quoi qu'il en soit, le village, bâti sur un plan incliné vers le levant et presque totalement dépourvu de terrains plats, possède sur les deux versants de la vallée de vastes et bonnes terres. Il jouit également d'une vue très étendue, surtout vers le nord, et ce n'est pas son unique privilège. Il semble en effet qu'Esbareichh ait été une sorte de chef-lieu pour la haute Barousse du Moyen Age. Ce rôle en tout cas ne pouvait appartenir qu'à lui, parce qu'il était le centre d'une circonférence d'environ deux kilomètres de rayon, sur laquelle on trouvait réparties toutes les autres agglomérations de cette époque : Mauléon, Ourde, Ferrère, Sost, Peyremilla et Betpouy. Esbareich l'emportait aussi pour le nombre de feux et il jouissait en outre de certaines prérogatives dont les documents et la tradition ont transmis le souvenir. En 1387, il était le siège de l'unique école de la vallée; il possédait dès le XIe siècle l'une des églises de Barousse dédiées à la Vierge; dans cette église, appelée Notre-Dame-d'En-Haut, se tenaient les assemblées réunissant aux Baroussais les gens d'Oueil et de Layrisse pour régler les difficultés relatives aux pâturages. . (La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948).

 

Une immense forêt? Si le hêtre, une essence d'ombre, a toujours dominé les forêts de la Barousse, entre son point le plus bas (441m) de la vallée  et son point le plus haut, le Mont Né (2147 m), règnent tous les étages de végétation de la montagne pyrénéenne, Chêne rouvre ou pubescent mélangé au pédonculé,  accompagné du Châtaignier, du  Noisetier ou du Frêne. C'est à partir de de 800m que le Hêtre, qui se mélange facilement aux Chênes dans les parties les plus basses, devient dominant. Puis, en s'élevant, le Hêtre se mélange au Sapin, enfin, à partir de 1600 mètres la forêt fait place aux pâturages d'altitudes ou estives, mais il s'agit plus d'une limite imposée par le berger que par la nature. Sait-on que les forêts couvraient toute la vallée sauf les fonds des bassins jusqu'au XVIe siècle, où les défrichements prirent une extension telle qu'en un siècle, seuls les massifs de haute montagne conservèrent quelques fûtaies...


L'incontournable Saint-Bertrand de Comminges,

la plaine, l'entrée de la vallée de la Barousse...

A l'entrée de la vallée de l'Ourse, Sarp, groupée au pied de son clocher, en garde l'accès. En deçà, sur les deux rives de l'Ourse, Izaourt est blottie dans la verdure comme un fruit de luxe dans la ouate. Luscan, dominée par son château, est tout étirée sur la rive droite de la Garonne. Plus loin, au nord-est, Barbazan s'étage sur un coteau dont le château occupe les parties élevées. Cet édifice serait le berceau de la famille de Barbazan, illustrée surtout par Arnaud-Guilhem de Barbazan qu'on nomma le chevalier sans reproche, et qui fut inhumé en 1431 à la basilique de Saint-Denis aux côtés des rois de France. Au nord-ouest est Labroquère, allongée sur la pente bordant la rive droite du fleuve. A l'ouest apparaissent successivement Valcabrère et Saint-Bertrand, deux noms auréolés par celui qui leur fut jadis commun : Lugdunum Convenarum. Leur sol est tout pétri des reliques d'un grand passé, leur histoire riche de toute sorte d'événements. L'histoire aura son tour qui ménagera aux principaux monuments la place qui leur est due. Deux de ces monuments font partie du paysage : la cathédrale de Saint-Bertrand, en partie romane (XIe) et en partie gothique (XIVe); l'église Saint-Just de Valcabrère, une des plus anciennes de France parce que reconstruite vers le IXe siècle.

Notre tour d'horizon ne serait pas complet si nous ne montions aux sommets du Castéra et du Montbourg. Celui du Castéra aurait anciennement servi de poste d'observation ou d'arrêt, du moins son nom semblerait l'indiquer. Il jouit en tout cas d'un double avantage : d'une part, il procure un très beau champ visuel sur la vallée de la Garonne supérieure, jusqu'à Marignac où s'élevait jadis une tour à signaux; d'autre part, il domine verticalement l'ancienne voie romaine vers l'Espagne, qui est à cet endroit resserrée entre la montagne et le fleuve. Aucune fouille spéciale n'a eu lieu sur ce mamelon, non plus d'ailleurs qu'au Montbourg; il est cependant à noter que les déblaiements auxquels donne lieu l'exploitation des carrières ont parfois livré des fragments de poterie semblables à ceux. si fréquents à Saint-Bertrand. Quoique le Montbourg soit un peu plus élevé que le Castéra, c'est un piton qui a la forme d'un cône légèrement tronqué, la vue n'a pas ici de limite vers le nord; de l'ouest au sud, c'est la vallée de la Barousse qui est d'un bout à l'autre explorée par le regard; à l'est enfin, c'est la vallée de la Garonne....

(La Barousse, le pays, son histoire et ses moeurs, J.-L.Pène, 1948)

 

La cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges, dont l’origine remonte au début du Moyen-Age,

se détache en fond des contreforts pyrénéens,...

Construite au carrefour de plusieurs routes commerciales importantes surplombant la vallée de la Garonne et l'entrée de la vallée de la Barousse, la cathédrale de Saint-Mary a été construite dans le style roman au 12ème siècle (l'entrée, les cloîtres), développée dans le style gothique au 15ème siècle, complétée par un chœur en bois, de style renaissance, ajouté au 16ème siècle, avec son buffet d'orgue...

... en contrebas,  non loin, des ruines romaines de Lugdunum Convenarum, fondée en 72 avant notre ère, 

la basilique Saint-Just-de-Valcabrère, datant du 12ème siècle, s’élève au milieu des prés...


Le port de Balès, à 15km de Ferrère...
Le Port de Balès assure la communication entre la Barousse et la vallée d'Oueil au sud. Col de montagne routier des Pyrénées françaises s'élevant à 1 755 mètres d'altitude, le port de Balès est devenu un incontournable du Tour de France depuis 2007 : on le rejoint au nord via la vallée de la Barousse (Mauléon-Barousse, Ferrère), par une petite route fermée l'hiver tant la neige peut y être abondante, et par le sud-est via Bagnères de Luchon et Bourg-d'Oueil. Nombre de randonneurs gagnent à partir du Port de Balès, le Lac de Bareilles, à 1760 mètres d’altitude, en vallée du Louron (au dessus de Bourg d’Oueil), le Port de Pinate (1992m), le Mont Né (2147m),  le sommet d’Antenac (1990m)...