The World Of Science Fiction - Wolf Rilla, "Village of the Damned" (1960) - Philip K.Dick (1928-1982), "The Man in the High Castle" (1962) -Frank Herbert (1920-1986), "Dune" (1965) - "Star Trek", 1966-1969 - Larry Cohen, "The Invaders",  (1967) - Ursula K.Le Guin (1929-2018), "The Left Hand of Darkness" (1969) - Stanley Kubrik, "2001 : A Space Odyssey" (1968) - .....

Last update: 12/12/2020 


Rand McNally official map of the Moon. Copyright 1969 by Rand McNally & Company - Lunar landing sites. Modern map of Outer space..


En 1961, le retour triomphal de Youri Gagarine, le premier homme à voyager dans l'espace, après avoir effectué en moins de 2 heures une orbite terrestre à bord de la capsule Vostok 1, à une moyenne de 250 kilomètres d'altitude. En réaction, John F.Kennedy annonce le 25 mai 1961 la naissance du programme Apollo, qui doit emmener un américain sur la Lune avant la fin de la décennie (the U.S. "should commit itself to achieving the goal, before this decade is out, of landing a man on the moon and returning him safely to the Earth"). En 1966, l'Union soviétique réussissait le premier atterrissage sur la Lune avec la sonde Luna 9. L'imaginaire de bien des réalisateurs de cinéma commence alors à produire une Science-Fiction qui va devenir un genre à part entière. Mais on constate que ces réalisateurs vont répugner à s'inspirer d'oeuvres d'écrivains vivants (à l'exception de Ray Bradbury ou de John Wyndham). Enfin, contrairement aux décennies précédentes, la science-fiction traditionnelle de la fin des années 60 et du début des années 70 a atteint une popularité sans précédent à la télévision et au cinéma, avec en pointe l'année 1968 qui voit sortir sur les écrans "Planet of the Apes" (1968), avec Charlon Heston, "2001, L'Odyssée de l'espace", de Stanley Kubrick, "Night of the Living Dead", de George A.Romero...

 

"Le Village des damnés" (Village of the Damned),

un film d'épouvante et de science-fiction britannique réalisé par Wolf Rilla en 1960, adapté du roman "The Midwich Cuckoos" (1957) de John Wyndham, qui voit la paisible bourgade anglaise de Midwich soudainement isolée du monde et plongée dans l'inconscient une nuit entière, et retrouver sa quiétude le lendemain comme si rien ne s'était passé : mais bientôt, toutes les femmes, même les jeunes filles, découvrirent qu'elles sont enceintes, et neuf mois plus tard, donnent naissance à trente-et-un garçons et trente filles, tous blonds , au regard étrange et d'une intelligence peu commune, mais  dotés de pouvoirs télépathiques et étrangement insensibles...   

Michael Moorcock, "The Weird of the White Wolf" (1961)

Rédacteur en chef en 1964 du magazine New Worlds qui élargira les frontières de la science-fiction en intégrant des auteurs comme James G. Ballard (The Drowned World, 1962, The Crystal World, 1966, Empire of the Sun, 1984), Thomas M. Disch (Camp Concentration, 1968), Brian Aldiss (Hothouse, The Long Afternoon of Earth, 1962, Barefoot in the Head Faber, 1969), Michael Moorcock (1939) publie en 1967 une singulière nouvelle,"Behold the Man", dans laquelle un voyageur du temps du XXe siècle prend la place dans l'histoire d'un Jésus handicapé intellectuel. La science-fiction de Moorcock se déroule dans le "Multiverse", une infinité d'univers parallèles dans lesquels l'Eternel Champion, un héros solitaire qui prend de nombreuses formes, se bat contre des forces qui souhaitent rompre l'équilibre entre la Loi et le Chaos, sur des milliers et des milliers de pages : les histoires d'Elric de Melniboné, série d'heroic fantasy, débutent avec "The Dreaming City" (1961) et se terminent avec "The White Wolf’s Son" (2005), les romans de Jerry Cornelius, débutent quant à eux, avec The Final Programme (1968) et se terminent avec The Condition of Muzak (1977), le personnage principal erre à travers le XXe siècle sous des apparences allant de l'agent secret au messie et se révèle être un adolescent londonien. En 1972, Michael Moorcock  publie "Une Chaleur venue d'ailleurs (An Alien Heat), premier roman du cycle des Danseurs de la fin des temps, qui joue à la fois avec l'uchronie et la science-fiction, en invitant dans un futur très éloigné où règnent des personnages tout-puissants qui vivent leur immortalité d'une façon oisive et puérile, une femme de l'ère victorienne. En 1978, il publie son succès le plus important dans le genre uchronique avec "Gloriana ou la reine inassouvie" (Gloriana or the Unfulfill'd Queen)...

 

Philip K.Dick, "The Man in the High Castle" (1962)

Philip K.Dick (1928-1982) est mort, largement ignoré du cercle restreint des grands de la science-fiction après des années de souffrances mentales et d'abus d'amphétamines et d'alcool. Depuis, il est devenu un maître un maître de la fiction imaginative et paranoïaque, dans la veine de Franz Kafka et de Thomas Pynchon. Et si ses récits relèvent de ce genre, c'est qu'il ne s'est pas enfermé dans les pièges de la technologie futuriste, mais recherchant quels en étaient les effets les plus dérangeants tant pour l'environnement que pour les personnages qui le peuple. La publication de sa première histoire, "Beyond Lies the Wub" (1952), puis de son premier roman, "Solar Lottery" (1955), dans lequel les hommes vivent dans un univers régi par un système aléatoire, a lancé sa carrière d'écrivain à plein temps, une carrière marquée par une productivité extraordinaire. 

Mais ce n'est que très progressivement qu'allait émerger sa préoccupation centrale, celle d'une réalité en contradiction avec ce qu'elle semblait ou devait être, celle d'environnements illusoires dans lesquels  tentent de de se débattre des personnages piégés : "Time out of Joint" (1959, Le Temps désarticulé), dans lequel un margina, Ragle Gumm, s'interroge sur la réalité du monde où il vit. "The Man in the High Castle" (1962), dans lequel il renverse le cours de l'histoire et observe les conséquences d'une Allemagne nazie et d'un Empire du Japon ayant remporté la Seconde Guerre mondiale. "The Simulacra" (1964), campe une société futuriste et totalitaire dominée par une matriarche. "The Three Stigmata of Palmer Eldritch" (1965, Le Dieu venu du Centaure), où, dans des colonies du système solaire, l'homme trompe son ennui en s'abandonnant à des hallicinations collectives, alimenté par une drogue appelée D-Liss et se "translatant" dans des poupées Perky Pat. "Do Androids Dream of Electric Sheep?" (1968, adapté au cinéma par Ridley Scott sous le titre "Blade Runner" en 1982), dans lequel Rick Deckard, chasseur d'androïdes à San Francisco, persiste à vivre sur une Terre dévastée par une guerre nucléaire...

Parmi ses nombreux recueils d'histoires, citons "A Handful of Darkness" (1955), "The Variable Man and Other Stories" (1957), "The Preserving Machine" (1969), "I Hope I Shall Arrive Soon" (1985). Plusieurs de ses nouvelles et romans ont été adaptés au cinéma : "We Can Remember It for You Wholesale" (Total Recall, 1990), "Second Variety" (Screamers, 1995), "The Minority Report" (Minority Report, 2002)....

 

James Blish, "A Life for the Stars" (1962)

James Blish (1921-1975), après avoir publié sa première nouvelle, "Emergency Refueling", dans Super Science Stories en 1940, produit une science-fiction jugée la plus sophistiquée des années 1950 avec le premier roman de la série "Cities in Flight", "Earthman, Come Home" (1955), dont l'action se déroule au cours du 4e millénaire de notre ère. Explicitement basé sur les théories historiques du philosophe allemand Oswald Spengler sur le cycle de vie d'une culture, la série couvre 2 000 ans d'histoire. "Earthman, Come Home" (La Terre est une idée) se déroule à New York City, une cité qui voyage parmi les étoiles en utilisant un moteur anti-gravité, le "spindizzy", ou le "gyrovortex" (autre nom), un système de propulsion basée sur l’antigravité, qui permet de faire décoller des villes entières pour échapper ainsi aux conflits terriens. "They Shall Have Stars" (1956, Aux hommes les étoiles), traite de l'invention du "spindizzy" dans le contexte du déclin de la civilisation occidentale au début du 21e siècle. Une nouvelle civilisation interstellaire émerge dans "A Life for the Stars" (1962, Villes nomades) lorsque les villes de la Terre utilisent les "spindizzies" pour s'échapper de leur planète. La série culmine avec "The Triumph of Time" (1958, Le triomphe du temps) qui voit la fin de l'univers et la naissance de nouveaux univers en 4004...

Toujours aussi créatif et ambitieux, James Blish étudie le lien entre religion et science - au détour d'un poème de T.S. Eliot, "Gerontion" (1920), "After such knowledge, what forgiveness?" -, dans la série After Such Knowledge, "In A Case of Conscience" (1958), dans lequel un prêtre jésuite et biologiste, étudiant la planète idyllique de Lithia, sur laquelle  vivent dans une parfaite harmonie de grands sauriens doués d'intelligence, ignorant le mal mais aussi Dieu, en vient à se demander si en fin de compte cette planète n'est pas une création du Diable....

 

Ursula K.Le Guin, "The Left Hand of Darkness" (1969) 

Dans les années 1960, la science-fiction compte très peu de femmes, Ursula K.Le Guin (1929-2018) est l'un d'entre elles avec deux oeuvres qui font date, "La main gauche de la nuit" et en 1974, "Les Dépossédés". "The Left Hand of Darkness" (La Main gauche de la nuit, 1969) met en scène une société humaine sur une planète lointaine où les humains n'ont pas d'identité sexuelle mais acquiert cette sexualité pendant une brève période une fois par mois, la "période du kemma", période pendant laquelle chacun peut devenir soit un homme soit une femme. Le Guin, sous les traits de l'Envoyé venu de la Terre, décrit les conséquences de ce type d'évolution avec  une minutie anthropologique des plus convaincantes, alors qu'il tente d'attirer les Géthéniens dans le giron de l'Ekumen, sorte d'organisme de coordination interplanétaire dont la neutralité est loin d'être acquise : et ce d'autant plus que la physiologie sexuelle des Géthéniens est un phénomène unique parmi les êtres humains...

Ses trois premiers romans, Rocannon's World (1966), Planet of Exile (1966) et City of Illusions (1967), présentent des êtres de la planète Hain, qui ont établi la vie humaine sur des planètes habitables, dont la Terre. Dans "The Dispossessed" (1974), elle examine deux mondes voisins qui abritent des sociétés antithétiques, l'une capitaliste, l'autre anarchique, qui toutes deux étouffent à leur manière la liberté. La destruction des peuples indigènes sur une planète colonisée par la Terre est au centre de "The Word for World Is Forest" (1972). "Always Coming Home" (1985) s'attache aux Kesh, survivants de la guerre nucléaire en Californie, et reconstruit leur culture, poésie, prose et légendes....

".... Tandis que je suivais le sentier, je m'aperçus que tout un village, ou une ville, se disséminait dans la pénombre, sur la pente de la forêt, dans le même désordre qu'à Rer, mais avec quelque chose de mystérieux dans ce paisible cadre champêtre. Sur tous les toits et sur le sentier se courbaient les branches de hemmen, l'arbre le plus répandu sur Nivôse, un robuste conifère à grosses aiguilles rouge pâle. Les pommes de hemmen jonchaient les sentiers qui se ramifiaient, l'air était parfumé du pollen de cet arbre, et toutes les maisons étaient bâties de son bois foncé. Je m'étais arrêté enfin, et je me demandais à quelle porte j'allais frapper, lorsqu'un homme sorti de la forêt s`avança vers moi d'un pas tranquille et me salua courtoisement.

- Vous cherchez peut-être un logement? demanda-t-il.

- Je viens poser une question aux Devins.

J'avais décidé de me présenter comme Karhaïdien, tout au moins provisoirement. Comme les Investigateurs, je n'avais jamais eu de difficulté à me faire passer pour un indigène lorsque je le désirais; parmi tous les dialectes karhaïdiens mon accent passait inaperçu, et mes épais vêtements cachaient mes anomalies sexuelles. Il me manquait la belle toison fournie et les yeux bridés, étirés vers le bas, du Géthénien typique; de plus, j'étais plus noir et plus grand que la moyenne, mais sans sortir des limites normales. Je m'étais fait faire une épilation permanente de la barbe avant de quitter Olloul - nous ignorions alors l'existence des tribus "velues" du Perunter, dont les membres ont des poils non seulement sur le visage, mais sur tout le corps, comme les Terriens blancs. On me demandait parfois comment je m'étais cassé le nez. J'ai un nez plat, tandis que chez les Géthéniens cet appendice est étroit et saillant avec des canaux étranglés convenant à l'inspiration d'un air glacé. La personne qui m'avait abordé sur un sentier d`Otherhord regarda mon nez non sans une certaine curiosité, puis me répondit :

- Alors vous voudrez peut-être parler au Tisseur? Il est là-bas dans la clairière, à moins qu'il ne soit parti avec le traîneau. Ou bien préférez-vous parler d'abord à l'un des Sages?

- Je ne sais pas. Je suis extrêmement ignorant...

Le jeune homme rit et s'inclina. 

- Très honoré, dit-il. J'habite ici depuis trois ans, et pourtant je n`ai encore acquis que bien peu d'ignorance. Il ne cachait pas que ma remarque l'avait beaucoup amusé bien qu'il eût de bonnes manières, et je réussis à me rappeler quelques bribes de l'enseignement du Handdara, assez pour me rendre compte que je venais de me vanter, un peu comme si je l'avais abordé en disant : "Je suis d'une beauté sans pareille."

- Je voulais dire que j'ignore tout des Devins.

- C'est enviable, dit le jeune Handdarata. Voyez-vous, pour arriver quelque part il faut bien souiller d'empreintes la neige de la plaine. Puis-je vous montrer le chemin de la clairière? Je m'appelle Goss.

C'était un prénom, aussi lui donnai-je le mien.

- Genry, dis-je, remplaçant le "l" par un "r". Sous la conduite de Goss, nous nous enfonçâmes dans l'ombre glacée de la forêt. L'étroit sentier changeait souvent de direction, montant et descendant en lacets; çà et là, au bord du sentier ou à quelque distance parmi les troncs massifs des hemmens, se dressaient les petites maisons couleur de forêt. Tout était rouge et brun, humide et froid, silencieux, odorant, ténébreux. De l'une des maisons venait le faible son suave et sifflant d'une flûte karhaïdienne. Goss allait d'un pas léger et rapide, avec une grâce féminine, me précédant de quelques pas.

Tout à coup sa chemise blanche s'illumine, et à sa suite je passe de l'ombre au plein soleil sur un vaste pré vert. À six pas de nous se tient une figure droite et immobile se profilant sur le vert des hautes herbes où son hieb rouge et sa chemise blanche paraissent comme une incrustation d`émail étincelant. Cent mètres plus loin se dresse un autre personnage en bleu et blanc, qui, immobile comme une statue, ne tourne pas les yeux vers nous tout le temps que nous sommes en conversation avec le premier personnage. Il pratique cette discipline du Handdara qu'on appelle la Présence et qui est une sorte de transe - portés sur les expressions négatives, les Handdarata appellent cela une contre-transe - visant à la diminution du moi (ou à son accroissement ?) par une réceptivité et une acuité sensorielles poussées à l'extrême. Bien que cette technique soit exactement l'inverse de la plupart de celles qu'utilise le mysticisme, c'est probablement une discipline mystique orientée vers une expérience de l'Immanence; mais il m'est impossible de ranger avec certitude les pratiques des Handdarata dans telle ou telle catégorie. Goss adresse la parole à l'homme en rouge. Tandis qu'il met fin à son immobilité concentrée, nous regarde et avance lentement vers nous, je me sens rempli d'une crainte respectueuse. Dans ce soleil de midi, il rayonne d'une clarté qui émane de sa personne.  Il est aussi grand que moi, mince, avec un beau visage limpide et ouvert. Comme nos regards se rencontrent, une impulsion soudaine, irrésistible, me pousse à chercher le contact avec lui par communication télépathique, ce langage que je n'ai jamais employé depuis mon arrivée sur Nivôse et que je ne devrais pas encore employer. Je formule mon message. Aucune réaction. Le contact ne se fait pas. Il continue à me regarder droit dans les yeux.

Au bout d'un moment il me sourit et dit d'une voix douce, assez aiguë :

- Vous êtes l'Envoyé, n'est-ce pas?

- Oui, dis-je en balbutiant...."

(traduction Robert Laffont)

 

Frank Herbert, "Dune" (1965)

Photographe, puis journaliste, Frank Herbert (1920-1986) publie en 1952 une nouvelle, "Looking for Something", dans le magazine Startling Stories, alors qu'il est devenu entretemps psychanalyste jungien, et analyste. Suivent plus d'une vingtaine de nouvelles et en 1956 un récit traitant de la psychologie des profondeurs (The Dragon in the Sea). C'est en 1959 que lui viennent les prémisses de son futur best-seller, "Dune", qui paraît en plusieurs livraisons dans la revue Analog, et est regroupé en un volume en 1965, après six ans d'écriture. La suite s'organisera en un véritable cycle de 5 titres successifs jusqu'en 1986, suivi d'autres livres, tels que "The Godmakers" (1972), le "Cycle ConSentiency" (1973-1977) ou encore le Cycle du Programme Conscience en coopération avec Bill Ransom...

Dune est une formidable méditation sur l'adaptation, l'évolution, l'écologie, et l'Histoire, une Histoire que l'on tente de contrôler, ou sa prescience, mais qui se dérobe toujours. La planète Dune est au centre d'un empire interstellaire dont la société a rejeté il y a des milliers d'années le culte des machines pensantes pour ne conserver que les armes atomiques qui assurent l'équilibre entre les grandes familles féodales. Par contre ont été développé pour pallier à ce déficit d'intelligence artificielle, diverses sociétés spécialisées, les mentats, qui sont des «ordinateurs humains», l'ordre du Bene Tleilax, qui maîtrise la génétique et crée des organismes biologiques à la demande, l'ordre féminin du Bene Gesserit dédié aux technologies de la reproduction, et des technologies de la manipulation psychologique qu'utilisent tous les héros de Dune.

Sur la planète désertique Arrakis, la planète des sable, que ses habitants, les Fremens, appellent "Dune", Paul Atreides, dont le père a reçu Dune en fief et qui vient d'être assassiné, doit assumer la charge de diriger un monde inhospitalier où la seule chose qui a de la valeur est le mélange "d'épices", une drogue capable de prolonger la vie et d'améliorer la conscience. Convoité dans tout l'univers connu, le mélange est un prix qui vaut la peine de tuer. La trahison de la maison Atreides aboutit à la destruction de la famille de Paul et met celui-ci sur la voie d'un destin plus important qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer. En devenant l'homme mystérieux connu sous le nom de Muad'dib, il réalisera le rêve le plus ancien et le plus inaccessible de l'humanité...

Paul Atréides a donc triomphé de ses ennemis, en douze ans de guerre sainte, ses Fremen ont conquis l'univers. Devenu l'empereur Muad'Dib, quasi Dieu qui voit l'avenir, qui connaît ses ennemis, qui sait quand et comment ils frapperont, mais qui sait plus encore que tous les futurs possibles mènent au désastre. Hanté par la vision de sa propre mort, n'a-t-il le choix qu'entre plusieurs suicides? Et s'il ruinait son oeuvre en triomphant de ses ennemis?...

(Le Cycle de Dune, Le Messie de Dune, "Il n'existe nulle séparation entre les dieux et les hommes -: les uns et les autres se mêlent parfois sans distinction possible...

Sans cesse, les pensées de Scytale, le Danseur-Visage tleilaxu, le ramenaient à la pitié, une pitié imprégnée de remords et qui s'opposait à la nature meurtrière du complot qu'il essayait de former.  

La mort ou le malheur de Muad'Dib ne m'apportera que des regrets, songeait-il.

 “Bien sûr il se devait de dissimuler de telles pensées à ses conjurés. C'était là, cependant, une qualité caractéristique des Tleilaxu : ils s'identifiaient à la future victime. 

Dans un silence maussade, il se tenait à l'écart des autres. Depuis quelque temps, ils discutaient de l'emploi éventuels d'un poison psychique. Avec véhémence, avec chaleur, mais aussi avec cette politesse aveugle et soumise que les adeptes des Grandes Ecoles adoptaient pour tout ce qui touchait de près à leur dogme. 

« Alors que vous croyez l'avoir embroché, vous vous apercevez qu'il n'est pas même blessé !» C'était la vieille Révérende Mère Gaius Helen Mohiam du Bene Gesserit quí venait de parler ainsi. Elle était l'hôtesse des conjurés sur Wallach IX. Sa silhouette roide, drapée de noir, immobile dans le fauteuil à suspenseur, à gauche de Scytale, évoquait celle d'une sorcière. Elle avait rejeté son aba en arrière et sous une mèche de cheveux argent, son visage était un masque de cuir sombre où seuls vivaient les yeux, au fond des orbites profondes. 

Ils conversaient en mirabhasa, le langage des émotions subtiles, fait de consonnes élidées et de voyelles mêlées. Edric, le Navigateur de la Guilde, répondit à la sentence de la Révérende Mère par un sourire marqué de courtoisie et d'une délicieuse politesse dédaigneuse. Il flottait dans une cuve de gaz orange à quelques pas de Scytale, au centre du dôme transparent que le Bene Gesserit avait fait dresser spécialement pour cette entrevue. Le représentant de la Guilde Spatiale avait une apparence vaguement humanoïde.

Sa longue silhouette pouvait tout aussi bien être celle de quelque poisson. Chacun de ses lents mouvements faisait apparaître les nageoires de ses pieds, les membranes de ses mains, tandis qu'une pâle émanation orangée s'élevait des évents ménagés dans la cuve, faisant flotter dans le dôme le parfum du Mélange... Etrange poisson en un étrange océan. 

«Si nous continuons de la sorte, nous paierons notre stupidité de notre mort!»

Le quatrième conjuré venait d'intervenir. Epouse de l'ennemi commun, elle n'était en fait admise qu'à titre potentiel dans la conspiration. De plus, se dit Scytale, elle était l'épouse mais non la compagne de Muad'Dib. Elle se tenait non loin de la cuve où dérivait Edric. Elle était blonde, grande et belle, revêtue d'une robe de fourrure de baleine bleue.  De simples anneaux d'or brillaient à ses oreilles. Il émanait d'elle une certaine grandeur aristocratique mais Scytale pouvait lire dans la tranquillité étudiée de son visage les effets du contrôle Bene Gesserit.

Il détourna ses pensées des nuances du langage pour se préoccuper de celles de leur situation. Tout autour du dôme se déployaient des collines ocellées de neige qui reflétait la clarté bleutée du petit soleil à présent au méridien. 

Pourquoi ici précisément? se demanda Scytale. Il était rare que le Bene Gesserit fit quelque chose sans raison..." (traduction R.Laffont)

 

Harlan Ellison, "I Have No Mouth and I Must Scream" (1967)

La nouvelle d'Harlan Ellison "I Have No Mouth, and I Must Scream" a été publiée dans le numéro de mars 1967 d'IF : Worlds of Science Fiction, et constitue l'une des histoires les plus connues de l'auteur. L'ensemble des ordinateurs créés par les humains pour mener leurs guerres à leur place finissent un jour par s'unir entre eux pour constitué AM, le superordinateur qui prend le pouvoir: il tue tous les habitants de la Terre via un holocauste nucléaire, à l'exception de cinq survivants, dont Ted le narrateur, Ellen, une femme noire, qui fournit quelques services sexuels aux quatre autres hommes, Benny, jadis brillant professeur d'université, Nimdok, qui n'a pas d'histoire, et Gorrister, qui fuit toute responsabilités. Créé pour penser, AM ne pouvait rien faire d'autres et va développer une haine féroce à l'égard des Hommes. AM va dès lors jouer avec ces cinq personnages emprisonnés à l'intérieur de lui-même, les torturer sans répit sans toutefois les faire mourir. Jusqu'à ce que Ted comprenne que la seule issue est qu'ils s'entretuent. Seul survivant, Ted se rend compte que AM l'a piégé, il ne peut ni se suicider ni crier, il n'est plus humain...

Harlan Ellison (1934-2018) a écrit pour des séries TV telles que Au-delà du réel, Star Trek, La Cinquième Dimension, et écrit un grand nombre de nouvelles (Again, Dangerous Visions, 1972).

 

La série télévisée de science-fiction, Star Trek, débute sur NBC en 1966, trois saisons qui s'achèveront en 1969, une série parmi les plus populaires, créée par le scénariste et producteur américain Gene Roddenberry. "Space, the final frontier, These are the voyages of the Starship Enterprise, Its five year mission, To explore strange new worlds, To seek out new life, And new civilizations, To boldly go where no man has gone before..." - Star Trek raconte les exploits de l'équipage du vaisseau spatial USS Enterprise, dont la mission de cinq ans est d'explorer l'espace et "de rechercher une nouvelle vie et de nouvelles civilisations, d'aller hardiment là où aucun homme n'est allé auparavant". La série se déroule au 23e siècle, après qu'un peuple extraterrestre bienveillant et évolué, les Vulcains, ait introduit ses technologies sur Terre, permettant à l'humanité de se lancer dans des voyages intergalactiques à des vitesses supérieures à la lumière. Commandée par le capitaine James T. Kirk (William Shatner), l'Enterprise s'engage dans une mission de recherche destinée à documenter et à observer les confins de l'espace. Son équipage rencontre diverses formes de vie extraterrestres, notamment les Klingons, des adversaires belliqueux qui croisent fréquemment l'Enterprise. Le commandant Kirk est accompagné de M. Spock (Leonard Nimoy), mi-homme, mi-vulcan, et dont les actions sont régies par une logique qui contrôle toute émotion. L'équipage, est éminemment multiculturel, et comprend "Bones" McCoy (DeForest Kelley), le médecin irascible du vaisseau, le lieutenant Uhura (Nichelle Nichols), M. Sulu (George Takei), l'enseigne Chekov (Walter Koenig) et M. Scott (James Doohan), l'ingénieur qui contrôle le télétransporteur de l'Enterprise... 

 

"The Invaders", Larry Cohen (1967)

"The Invaders: alien beings from a dying planet. Their destination: the Earth. Their purpose: to make it their world. David Vincent has seen them. For him, it began one lost night on a lonely country road, looking for a shortcut that he never found. It began with a closed deserted diner, and a man too long without sleep to continue his journey. It began with the landing of a craft from another galaxy. Now, David Vincent knows that the Invaders are here, that they have taken human form. Somehow, he must convince a disbelieving world, that the nightmare has already begun..." -  Série télévisée de science-fiction américaine en 43 épisodes de 48 minutes, créée par Larry Cohen, produite par le célèbre Quinn Martin (le producteur des Incorruptibles et du Fugitif),  et diffusée entre 1967 et 1968 sur le réseau ABC, "Les Envahisseurs" relate l'histoire de l'architecte David Vincent (Roy Thinnes) qui, un soir, alors qu'il s'assoupit au volant de sa voiture, est témoin de l'atterrissage d'une soucoupe volante. Depuis cette nuit-là, il n'a de cesse de convaincre ses semblables de combattre ces extraterrestres qui, sous une apparence humaine, infiltrent insidieusement la Terre afin de la coloniser. Face à une société totalement incrédule dont les Envahisseurs se jouent, la série s'achèvera sans réelle fin, reste des morceaux de bravoure, la célèbre particularité physique de ces aliens humains reconnaissables au fait qu'ils ne peuvent replier leur auriculaire, et qui meurent en se consumant dans un halo rougeâtre....

"How does a nightmare begin? For David Vincent, architect, returning home from a business trip, it began at a few minutes past four on a lost Tuesday morning, looking for a shortcut that he never found. It began with a welcoming sign that gave hope of black coffee. It began with a closed, deserted diner and a man too long without sleep to continue his journey. In the weeks to come, David Vincent would go back to how it began many times...."

 

"2001 : A Space Odyssey", Stanley Kubrik (1968) 

À partir de 1964, Arthur C. Clarke a travaillé avec le réalisateur Stanley Kubrick pour adapter l'une de ses nouvelle, "The Sentinel" (1951) dans un film qui va devenir le chef d'oeuvre de la décennie, et au-delà, avec des effets spéciaux qui vont provoquer un engouement considérable : "2001, l'Odyssée de l'espace". La nouvelle de Clarke a pour sujet un dispositif installé sur la Lune par une civilisation extraterrestre qui doit mesurer l'évolution de l'Humanité et envoyer un signal lorsque celle-ci a atteint une certaine maturité technologique : un contact avec la Terre est alors établi...

L'aube de l'humanité - Le film commence par la rencontre de singes préhumains avec un monolithe extraterrestre qui déclenche un saut technologique et intellectuel ; le monolithe noir apparaît à Moonwatcher, le poème symphonique de Richard Strauss "Ainsi parlait Zarathoustra" exprime les débuts de l'humanité, les premiers outils, la violence... L'os, lancé par Moonwatcher se transforme en plateforme orbitale, l'une des transitions les plus spectacluaires qui couvre des millénaires d'évolution... 

La destruction de Hal - L'action se poursuit jusqu'en 2001, lorsqu'un autre monolithe est creusé sur la Lune et envoie une transmission à Jupiter. Un vaisseau spatial, le Discovery, est envoyé vers Jupiter, mais les deux astronautes Frank Poole (Gary Lockwood) et Dave Bowman (Keir Dullea) sont pris dans une bataille pour leur vie contre l'ordinateur défectueux du Discovery, HAL 9000. Défectueux? ou plus exactement, et c'est là le génie de Clarke, l'idée d'un ordinateur tout-puissant qui contrôle le vaisseau spatial et va retourner les émotions de ses concepteurs contre eux pour se transformer en psychotique terrifiant, un Bowman qui détruit l'ordinateur rebelle dans une atmosphère moite et tendue, l'agonie de l'intelligence artificielle...

L'Enfant-étoile, au seuil de l'immortalité - Dans la dernière partie du film, "Jupiter et au-delà de l'infini", Bowman se rend dans une porte de l'espace ouverte par le monolithe en orbite autour de Jupiter et renaît comme la prochaine étape de l'évolution humaine, "l'enfant des étoiles", aux yeux grands ouverts, l'être qui fut Bowman autrefois, regarde la Terre. Mais la rencontre de l’astronaute David Bowman avec cette entité extraterrestre qui clôt le film ne nous a pas encore fourni toutes les clefs pour la comprendre et reste ainsi l'une des plus mystérieuses de l'histoire du cinéma...


Le 21 juillet 1969 UTC, durant la mission Apollo 11, l'astronaute américain Neil Alden Armstrong posait le pied sur la Lune, devant 600 millions de spectateurs. Tout un pan thématique de la science-fiction s'est ainsi soit réalisé, soit a perdu une part de son enchantement initial, mais l'imagination de nos auteurs perdure encore quelque temps. Avec les immenses progrès techniques et d'effets spéciaux que les décennies à venir vont exploiter, la science fiction va jouer sur la nature spectaculaire de ses thèmes, ou le côté sombre de l'humain puisé à d'autres genres littéraires et cinématographiques. Les robots humanoïdes, ou androïdes, vont encore dominer le cinéma dans un nombre croissant de productions, "Westworld" (1973), "The Stepford Wives" (1975), "Star Wars" (1977). Autres productions de cette décennie, Superman (Richard Donner, 1978), Zardoz (John Boorman, 1974), Soleil vert (Richard Fleischer, 1973), la série de "La planète des singes" (J. Lee Thompson, 1970-1973), Orange mécanique (Stanley Kubrick, 1971)...