Thomas Hardy (1840-1928), "Loin de la foule déchaînée" (Far from the Madding Crowd, 1874), "Jude l'Obscur" (Jude the Obscure, 1896) - ...
Last update: 18/12/2016
"En ce moment, pour elle le soleil du soir était plein de laideur, pareil à une grande blessure enflammée dans le ciel" / "The evening sun was now ugly to her, like a great inflamed wound in the sky" (Tess d'Urberville, 1891). Avec Thomas Hardy, la "personnification de la nature", l'attribution d'attitudes ou d'émotions humaines aux évènements et paysages naturels, entre en littérature : le soleil évoque le bonheur, la pluie, les difficultés de la vie, la forêt peut illustrer la quiétude ou l'inquiétude suivant les moments de la journée, la brume une tension à venir. "L'atmosphère pâlit; les oiseaux se secouèrent dans les baies, s'élevèrent et se mirent à gazouiller; le sentier montra sa physionomie blême et Tess, la sienne encore plus blême" (Tess d'Urberville). Ce qui est ainsi recherché n'est pas tant une communion harmonieuse de l'être humain et de la nature, ni une figure de style : mais la possibilité de parler le plus charnellement possible de soi et des autres, avec simplicité et authenticité sans craindre d'affronter les convenances sociales de l'époque. Emily Brontë, dès 1847, dans "Les Hauts de Hurlevent" a pu donner à voir les émotions extrêmes de ses protagonistes en les projetant dans les terribles et soudaines agitations de ses landes et de ses paysages.
Thomas Hardy (1840-1928)
A contre-pied de la société victorienne, ayant perdu la foi suite aux théories de Darwin (c'est en 1859 que Charles Darwin publie "The Origin of Species"),
Thomas Hardy exprime un pessimisme radical : ses personnages, en rejetant tout conformisme, se retrouvent confrontés à leurs passions, mais aussi à un vide intérieur que l'amour, seule
possibilité de passer outre, ne parvient pas à combler. Et à vouloir changer le cours des choses, l'individu risque de déséquilibrer l'ordonnancement d'un monde qui se referme
irrémédiablement sur lui-même.
Thomas Hardy naquit à Higher Bockhampton, près de Dorchester, fils d'un artisan maçon, violoniste à ses heures, et d'une mère qui sut lui transmettre le goût de la littérature, il entra dans un
cabinet d'architecte, spécialisé dans la restauration des églises de campagne. Si sa vie fut longue et sans histoire, et contraste avec celle de ses personnages, elle est cependant marquée d'un
certain nombre de revirements. Nourri des œuvres de Herbert Spencer, Thomas Henry Huxley, John Stuart Mill, John Ruskin et Charles Darwin, Hardy se détache progressivement de l'anglicanisme et se
tourne vers les poètes victoriens contemporains tels que Robert Browning ou Algernon Charles Swinburne. C'est en 1865 qu'il commence à écrire, une poésie qui dépeint la misère humaine,
l'insensibilité du monde, la solitude, le hasard. Suivent des premiers romans qui l'engagent sur le chemin de l'écriture : "Desperate Remedies" (1871), "Under the Greenwood Tree" (1872), et
le plus autobiographique, "A Pair of Blue Eyes" (1873).
Mais c'est en 1874 qu'il entre véritablement en littérature : le succès de "Far from the Madding Crowd" le décide à quitter définitivement l'architecture pour écrire. C'est dans cette même année
qu'il épouse Emma Lavinia Gifford et s'installe à Londres. Quatorze romans vont être publiés en quelques vingt années et sa notoriété littéraire s'étend progressivement. Tous ses ses romans sont
situés dans le comté fictif de Wessex quelque part au sud-ouest de l'Angleterre : "The Return of the Native" (1878), "The Mayor of Casterbridge" (1886).
En 1891, la publication de "Tess d'Uberville" marque non seulement un tournant dans son inspiration, mais le personnage de la "femme déchue", qu'il défend avec une liberté de ton peu
commune pour l'époque, lui attire les critiques du prude public victorien. La rupture est consommée avec "Jude the Obscure" en 1895.
Aussi, devant cette irrémédiable incompréhension, Hardy renonce à écrire des romans et se tourne vers un autre genre littéraire, la poésie lyrique. En 1898,
il publie son premier recueil, "Wessex Poems", qui évoquent les déceptions de l'amour et de la vie et la possibilité d'une rédemption. Suivent "Poèmes passés et présents" (1901), le drame
épique "les Dynastes" (1904-1908), Jouets du temps (1907), Moments de vision (1917), les "Poésies lyriques" et la "Fameuse Tragédie de la reine de Cornouailles" (1923). Il jouit alors d'une
extraordinaire renommée littéraire. En 1912, la mort de sa femme le marquera d'autant plus profondément qu'il découvrit alors son journal intime : Emma Gifford s'était alors progressivement
éloignée de lui, désapprouvant certains de ses romans, mais ses attachements plus ou moins romantiques à de jeunes artistes telles que Florence Henniker, Rosamund Tomson, Agnes Grove. En 1914,
Hardy épouse une de ses admiratrice, Florence Dugdale, mais ce mariage ne se révèlera pas plus heureux que le premier : "Hardy was fond of spending much of each day closeted in his study.."
Nombre d'écrivains viennent lui rendre visite dans sa propriété de Max Gate, James Barrie, Robert Louis Stevenson, Rudyard Kipling, H. G. Wells, Robert Graves, Edmund Blunden, George Bernard
Shaw, Virginia Woolf. Il s'éteint en 1927.
"SOUS LA VERTE FEUILLÉE" (Under the Greenwood Tree, 1872)
C'est un des premiers romans de Thomas Hardy et le premier de la série dont la vie rurale forme le cadre, "Loin de la foule déchaînée" (Far from the Maddíng Crowd), "Le Retour au pays natal", "Les Forestiers". Tous se situent surtout dans le Dorsetshire et le Wiltshire, comtés qu`il réunit sous le nom ancien de Wessex. Le pessimisme de Hardy ne se fait pas encore sentir dans ce roman. Par ailleurs, on y trouve déjà ce brin d'ironie, exempt d`amertume, qui apparaîtra dans ses œuvres postérieures. Son vif amour de la nature lui donne la valeur d`une force consolatrice.
Le titre est tiré d'une chanson figurant dans la pièce de Shakespeare "Comme il vous plaira". L'action se passe dans le village de Mellstock. Dick Dewy, le fils du postier, aime Fancy Day, la jeune institutrice; les jeunes gens se fiancent. Fancy est également courtisée par le fils du vicaire et il s'en faut de peu qu'elle n'épouse ce dernier. S'étant reprise à temps, elle revient vers Dick qui ne saura jamais rien de cette courte infidélité. Certains épisodes ont beaucoup de pittoresque, par exemple celui de la révolte des musiciens du village lors de l'installation d`un orgue dans l'église.
Loin de la foule déchaînée (Far from the Madding Crowd, 1874)
"The sky was clear -- remarkably clear -- and the twinkling of all the stars seemed to be but throbs of one body, timed by a
common pulse" - C'est le premier roman important, et le premier grand succès, de Thomas Hardy, situé dans le comté imaginaire de Wessex, dans le
sud-ouest de l'Angleterre. Jeune femme d’une grande beauté et au caractère impétueux, Batsheba Everdene hérite à vingt ans d’un beau domaine, qu’elle dirige seule. Quand un incendie se déclare
dans sa propriété, un ancien soupirant ayant connu des revers de fortune, le jeune berger Gabriel Oak, apporte une aide précieuse pour sauver ses récoltes. Elle lui procure un emploi parmi ses
gens, mais devient l’élue de deux autres prétendants, bien décidés à obtenir sa main. Sans un regard pour Gabriel, la belle héritière est en effet convoitée par un exploitant, William Boldwood,
mais aussi par son rival, le fringant sergent Francis Troy, ignorant qu'une domestique est enceinte de ses oeuvres Quel espoir l'honnête Gabriel pourrait-il encore nourrir? Contrairement à
l'inexorable tragédie de "Tess of the D’Urbervilles" ou à l'horreur nihiliste de "Jude the Obscure", le récit se termine sur un heureux dénouement non sans avoir déroulé meurtre, folie, scènes
macabres, incendies, orages, passions charnelles propres à frapper la pudibonderie victorienne, et le livre met en scène une troublante Bathsheba avec une technique littéraire
qui ne se laisse pas aisément adapter cinématographiquement...
"... Les flèches de l'Amour venaient d'introduire un grain de folie dans l'esprit de la raisonnable et froide Bathsheba. Elle aimait Troy comme peuvent aimer seulement les femmes qui ont le caractère indépendant, c'est-à-dire que, lorsqu'une femme forte, jette avec insouciance sa force au loin, elle devient plus faible que celle qui a toujours été faible: la faiblesse est double quand elle est nouvelle. La jeune fille n'était pas coupable d'artifices en cette occurrence. Quoiqu'en un certain sens elle appartînt au monde, ce n'était après tout qu'à ce monde de coteries au grand jour où, sur un tapis d'herbe verte, le bétail représente la foule, et le bruit du vent remplace son bourdonnement, où une paisible famille de lièvres, de lapins, compose tout le voisinage; où le voisin est chacun et les calculs ont rapport aux jours de marché. Elle connaissait peu les goûts factices de la bonne société et rien de son indulgence pour le mal. Si les sentiments extrêmes de Bathsheba avaient été distinctement exprimés (ce qui n'arrivait jamais chez elle), ils auraient simplement révélé que son impulsion la guidait plus agréablement que sa raison. Son amour était aussi entier que celui d'un enfant et, quoique chaud comme l'été, il avait la fraîcheur du printemps. La culpabilité de la jeune fille consistait en ce qu'elle ne faisait aucun effort pour contrôler ses sentiments par un examen subtil et soigneux des conséquences. Elle savait montrer aux autres le chemin épineux et escarpé, mais elle ne suivait pas ses propres conseils. Les défauts de Troy étaient soigneusement dissimulés et, seul, le beau côté de son caractère paraissait à la surface, tout au contraire de l'honnête Gabriel Oak, dont les défauts sautaient aux yeux, et les vertus étaient enfouies comme le métal dans une mine. La différence entre l'amour et l'estime se montrait clairement dans la conduite de Bathsheba. Elle avait parlé librement à Lydia de l'intérêt qu'elle portait à Boldwood; mais son cœur était resté le seul confident de ses sentiments à l'égard du sergent Troy.
Gabriel s était aperçu de la disposition d'esprit de la jeune fille; il en était troublé pendant ses longues journées de travail en plein air et pendant une grande partie de ses nuits. Il avait éprouvé un profond chagrin en apprenant qu'il n'était pas aimé; mais, en voyant Bathsheba se laisser prendre au piège comme un pauvre petit oiseau, il en ressentit une douleur plus vive encore, qui absorba pour ainsi dire la première: parallèle à l'observation souvent citée d'Hippocrate concernant la souffrance physique. C'est un noble amour, mais peut-être un amour stérile, celui que rien, pas même la crainte d'encourir l'aversion ne peut empêcher de combattre les erreurs de l'objet aimé ou les siennes propres. Oak résolut de parler à miss Everdene. Il prendrait pour prétexte ce qu'il considérait comme une conduite peu équitable envers le fermier Boldwood, alors absent.
L'occasion se présenta un soir que Bathsheba suivait un petit sentier traversant des champs de blé. Le crépuscule commençait à tomber, et Gabriel, qui n'avait pas travaillé très loin de la maison, prit le même chemin. Il rencontra la jeune fille au moment où celle-ci revenait de sa course; elle lui sembla pensive. Le froment, déjà haut, bordait l'étroit chemin que traçait son sillon et que deux personnes ne pouvaient suivre front sans risquer de coucher les blés. Gabriel se rangea pour laisser passer la maîtresse de la ferme.
- Oh! c'est Gabriel, dit celle-ci. Vous faites aussi votre promenade? Bonsoir.
- J'ai pensé que je ferais bien d'aller à votre rencontre, répondit-il en emboîtant le pas, lorsqu'elle eut rapidement passé devant lui.
- Merci bien; je n'ai pas peur.
- Oh! je le sais; mais on fait parfois de mauvaises rencontres.
- Cela ne m'arrive jamais.
Oak, avec une douce naïveté, allait présenter le galant soldat comme une mauvaise rencontre, mais il songea à temps que c'était s'y prendre avec maladresse et trop ouvertement. Il essaya une autre entrée en matière.
- Et comme celui qui viendrait naturellement à votre rencontre est absent, aussi... je veux parler du fermier Boldwood - eh bien! je me suis dit que j'irais.
- Bien, bien.
La jeune fille continua de marcher sans tourner la tête, et pendant un certain temps on n'entendit de son côté que le frôlement de sa robe contre les blés. À la fin, elle demanda, non sans aigreur:
- Je ne comprends pas bien ce que signifient vos paroles de tout à l'heure: que M. Boldwood viendrait naturellement à ma rencontre?
- Je faisais allusion à votre mariage avec lui, qui doit avoir lieu bientôt, à ce qu'on prétend. Pardonnez-moi de m'exprimer si franchement.
- Ce qu'on prétend n'est pas vrai; il n'est pas question de mariage.
Le moment était venu pour Gabriel d'exprimer son opinion.
- Eh bien, miss Everdene, répondit-il, mettons de côté les "on dit"; pour ma part, j'avoue que, s'il n'y a pas une cour en règle entre vous deux, je ne m'y connais plus.
Bathsheba aurait probablement brisé là en défendant à Gabriel de continuer sur ce sujet, si la conscience de sa fausse position ne l'avait engagée à biaiser et à tergiverser afin de l'améliorer si possible.
- Puisque vous m'en parlez, dit-elle avec emphase, je suis contente d'avoir l'occasion de rectifier une erreur générale et fort désagréable pour moi. Je n'ai pas promis formellement à M. Boldwood de l'épouser - je ne m'en suis jamais grandement souciée. Je respecte cet homme et il m'a demandée en mariage; mais je n'ai pas encore donné de réponse définitive. Je dois le faire à son retour et je lui dirai que je ne puis l'épouser.
- Les gens sont dans l'erreur, apparemment.
- C'est vrai.
- Ils disaient, l'autre jour, qu'il n'y avait aucun projet sérieux entre vous et M. Boldwood, et vous avez été bien près de leur prouver qu'ils se trompaient. Maintenant qu'ils semblent avoir adopté cette seconde manière de voir, vous vous hâtez de leur persuader...
- Qu'il n'y a rien entre nous, voulez-vous dire?
- Je crois pourtant qu'ils sont dans le vrai.
- Oui, mais seulement dans un certain sens. Je joue pas avec M. Boldwood, je n'ai rien à faire avec lui.
Malheureusement, Oak commit la maladresse de parler du rival de Boldwood en des termes qui devaient déplaire à la jeune fille.
- Je voudrais que vous n'ayez jamais rencontré ce sergent Troy, soupira-t-il.
La démarche de Bathsheba devint légèrement nerveuse.
- Pourquoi? demanda-t-elle.
- Il n est pas assez bon pour vous.
- Quelqu'un vous a-t-il chargé de me tenir ce langage?
-- Personne, mademoiselle.
- Alors, il me semble que le sergent Troy ne nous concerne pas en ce moment, répliqua-t-elle avec humeur. Cependant, je dois dire que c'est un homme d'excellente éducation et digne de n'importe quelle femme. De plus, il est de haute naissance.
- Le fait qu'il est supérieur en naissance et en culture au reste de ses compagnons n'est nullement une preuve de sa valeur. Cela indiquerait plutôt une tendance à s'abaisser.
- Enfin, je ne vois pas le rapport entre tout ceci et notre conversation. M. Troy n'a nulle tendance à s'abaisser et sa supériorité est une preuve de son mérite.
- Je le crois totalement dépourvu de conscience, et je ne puis m'empêcher de vous supplier de n'avoir riende commun avec lui. Écoutez-moi, cette fois... seulement cette fois. Je ne dis pas qu'il soit aussi mauvais que je m'imagine - fasse le Ciel que je me sois trompé! - mais, puisque nous le connaissons si peu, pourquoi ne pas nous en méfier par simple prudence? Méfiez-vous de lui, mademoiselle, croyez-moi, je vous en prie.
- Et pourquoi cela, s'il vous plaît?
- J'aime généralement les soldats; mais celui-la me déplaît, continua Gabriel avec opiniâtreté. La nature de son métier peut l'avoir poussé dans un mauvais chemin, et ce qui est joie pour les voisins est ruine pour la femme. Quand il essaiera encore de causer avec vous, pourquoi ne pas lui tourner le dos avec un "bonjour" un peu sec, et, quand vous le verrez venir d'un côté, passer de l'autre? Quand il dira quelque chose de drôle, n'ayez pas l'air de vous en apercevoir et ne souriez pas: en un mot, ne l'offensez pas, mais soyez impolie d'une manière toute naturelle pour vous débarrasser de ses importunités.
Jamais rouge-gorge retenu dans une chambre ne frappa plus violemment les vitres de ses ailes et ne s'agita plus que Bathsheba en ce moment.
- Je dis... je répète... qu'il ne vous appartient pas d'en parler. Je ne conçois pas que vous mentionniez ce nom! s'exclama-t-elle désespérément. Je sais que-e-e-e. .. qu'il est foncièrement honnête et consciencieux, sincère parfois jusqu'à la grossièreté, mais ne craignant jamais de dire franchement ce qu'il pense.
- Oh!
- Il est aussi bon que n'importe qui dans la paroisse. Il va très régulièrement à l'église. Oui, c'est vrai.
- Je crains bien que personne ne l`y ait jamais vu; pour ma part, je suis certain de ne pas l'avoir aperçu.
- Cela tient, répliqua la jeune fille avec vivacité, cela tient à ce qu'il n'entre pas par l'entrée de tout le monde, mais par la petite porte de la tour, au moment où commence le service, et il reste tout au fond de la galerie. Il me l'a dit.
Cette persistance à découvrir des vertus au sergent frappa aussi désagréablement l'oreille de Gabriel que le treizième coup d'une pendule détraquée..."
"..One night, at the end of August, when Bathsheba’s experiences as a married woman were still new, and when the weather was yet dry and sultry, a man stood motionless in the stackyard of Weatherbury Upper Farm, looking at the moon and sky. The night had a sinister aspect. A heated breeze from the south slowly fanned the summits of lofty objects, and in the sky dashes of buoyant cloud were sailing in a course at right angles to that of another stratum, neither of them in the direction of the breeze below. The moon, as seen through these films, had a lurid metallic look. The fields were sallow with the impure light, and all were tinged in monochrome, as if beheld through stained glass. The same evening the sheep had trailed homeward head to tail, the behaviour of the rooks had heen confused, and the horses had moved with timidity and caution. Thunder was imminent, and, taking some secondary appearances into consideration, it was likely to be followed by one of the lengthened rains which mark the close of dry weather for the season. Before twelve hours had passed a harvest atmosphere would be a bygone thing.
Oak gazed with misgiving at eight naked and unprotected ricks, massive and heavy with the rich produce of one-half the farm for that year. He went on to the barn..."
"..Un soir du mois d'août, alors que l'expérience conjugale de Bathsheba était encore toute neuve, Gabriel, immobile dans l'enclos de la ferme, examinait avec perplexité l'état du ciel. Pendant la journée, le temps avait été lourd, l'air étouffant, et la nuit prenait un aspect sinistre. Un vent brûlant du sud agitait lentement le sommet des arbres et, au firmament, des nuages couraient en formant angle droit avec ceux d'une couche inférieure; ni les uns ni les autres ne suivaient pourtant la direction de la brise, qui soufflait doucement sur la terre. La lune, voilée, avait un aspect métallique; les champs étaient livides sous cette lumière terne, et le paysage entier semblait être vu au travers d'une vitre sale. Ce soir-là, les brebis étaient agitées tumultueusement, et les chevaux avaient marché avec défiance. Un orage était imminent, et, à en juger par quelques pronostics secondaires, il promettait d'être suivi d'une série de pluies qui mettraient fin aux beaux jours de la saison. Avant douze heures, les grandes chaleurs de l'été seraient passées.
Après avoir considéré avec anxiété huit tas de blé représentant la moitié des récoltes de cette année, et que rien n'abritait ni ne protégeait contre la pluie, Oak se rendit enfin à la grange..."
Le Retour au pays natal (The Return of the Native, 1878)
Dans la lande d'Egdon, dont la description grandiose ouvre le roman, Eustacia Vye souffre de sa solitude et de sa misère et rêve de fuir vers la ville avec
un homme. À la catastrophe finale, dans la tempête d'une nuit d'automne, n'échappe que Clym Yeobright, revenu au pays depuis peu, qui deviendra prédicateur ambulant à travers la
lande.
Le Maire de Casterbridge (The Mayor of Casterbridge, 1886)
"Le Maire de Casterbridge" poursuit l'exploration de la force implacable du destin. Le roman s’ouvre sur une des scènes les plus connues de l’œuvre de
Thomas Hardy : au cours d’une beuverie, un jeune ouvrier agricole décide de vendre femme et enfant aux enchères à ses compagnons de hasard. Mais le repentir le détourne ensuite de l'alcool. Près
de vingt ans après, devenu maire, il voit revenir sa femme, mais il est éclipsé par son associé devenu son rival, perd la fille qu'il croit être de lui et quitte la ville.
Tess d'Urberville (Tess of the d'Urbervilles, 1891)
Tess d'Urberville paraît d'abord en feuilleton dans le Graphic, puis en un volume en 1891. Le roman relate le destin impitoyable d'une jeune fille abusée,
conduite au crime par le désespoir, puis condamnée à être exécutée. Tess Durbeyfield est une jeune femme simple, une villageoise. Sa vie, comme celle de la communauté, est placée sous l'autorité
de la riche famille des d'Urberville. Or Tess est séduite par le jeune Alec d'Urberville, dont elle attend un enfant. Effrayé par le scandale, Alec abandonne Tess, qui accouche d'un enfant
mort-né. Elle se marie alors avec le fils du pasteur, Angel Clare. Mais Tess est une âme pure et, au cours d'une nuit de noces dramatique, révèle à son époux toute sa vie passée. Horrifié, Angel
la quitte à son tour. Commence alors pour Tess une période particulièrement sombre. Elle se débat, seule, se méprisant elle-même. C'est dans cette faiblesse extrême qu'elle revoit Alec, renoue
avec lui, mais sans plus l'aimer. Le retour de son mari, Angel Clare, rend la situation dramatique : au moment où il est prêt à accorder son pardon à Tess, cette dernière s'est placée dans une
situation qui lui interdit de renouer le lien conjugal. Dans la violence de son désespoir, Tess s'en prend à l'auteur de tous ses maux, Alec d'Urberville, et le tue. Elle rejoint Clare, et,
pendant quelque temps, tous deux vivent en reclus. Mais les d'Urberville remuent ciel et terre pour retrouver le coupable du meurtre. Tess est arrêtée, condamnée à mort à l'issue de son procès et
exécutée.
"Clare, restless, went out into the dusk when evening drew on, she who had won him having retired to her chamber. The night was as sultry as the
day. There was no coolness after dark unless on the grass. Roads, garden-paths, the house-fronts, the barton-walls were warm as hearths, and reflected the noontime temperature into
the noctambulist's face.
He sat on the east gate of the dairy-yard, and knew not what to think of himself. Feeling had indeed smothered judgement that day. Since the
sudden embrace, three hours before, the twain had kept apart. She seemed stilled, almost alarmed, at what had occurred, while the novelty, unpremeditation, mastery of circumstance
disquieted him--palpitating, contemplative being that he was. He could hardly realize their true relations to each other as yet, and what their mutual bearing should be before third parties
thenceforward.
Angel had come as pupil to this dairy in the idea that his temporary existence here was to be the merest episode in his life, soon passed through and
early forgotten; he had come as to a place from which as from a screened alcove he could calmly view the absorbing world without, and, apostrophizing it with Walt Whitman
:
"Crowds of men and women attired in the usual costumes,
How curious you are to me!"
resolve upon a plan for plunging into that world anew. But behold,the absorbing scene had been imported hither. What had been the engrossing
world had dissolved into an uninteresting outer dumb-show; while here, in this apparently dim and unimpassioned place, novelty had volcanically started up, as it had never, for him, started up
elsewhere.
Every window of the house being open, Clare could hear across the yard each trivial sound of the retiring household. The dairy-house, so humble,
so insignificant, so purely to him a place of constrained sojourn that he had never hitherto deemed it of sufficient importance to be reconnoitred as an object of any quality whatever in the
landscape; what was it now? The aged and lichened brick gables breathed forth "Stay!" The windows smiled, the door coaxed and beckoned, the creeper blushed confederacy. A
personality within it was so far-reaching in her influence as to spread into and make the bricks, mortar, and whole overhanging sky throb with a burning sensibility. Whose was this mighty
personality? A milkmaid's.
It was amazing, indeed, to find how great a matter the life of the obscure dairy had become to him. And though new love was to be held partly
responsible for this, it was not solely so. Many besides Angel have learnt that the magnitude of lives is not as to their external displacements, but as to their subjective
experiences. The impressionable peasant leads a larger, fuller, more dramatic life than the pachydermatous king. Looking at it thus, he found that life was to be seen of the same
magnitude here as elsewhere."
"Clare, tout agité, sortit le soir venu ; celle qui l’avait conquis s’était retirée dans sa chambre. La nuit était aussi étouffante que le jour ; nulle
fraîcheur excepté sur l’herbe. Les routes, les sentiers, les façades de la maison, les murs de l’enclos étaient comme des âtres brûlants et renvoyaient au visage la chaleur du plein
midi.
Il s’assit sur l’une des barrières de la cour ; il ne savait que penser de lui-même ; aujourd’hui, vraiment, le sentiment avait étouffé la
raison.
Depuis la soudaine étreinte, trois heures plus tôt, le couple était resté séparé. Elle, semblait réduite au silence, presque alarmée, par ce qui était
arrivé, tandis que la nouveauté, la soudaineté, la toute-puissance du fait accompli le bouleversaient, lui, l’homme rêveur et vibrant. À peine pouvait-il réaliser encore ce qu’ils étaient l’un
pour l’autre et ce que devait être dorénavant leur conduite mutuelle devant les étrangers.
Angel était venu comme élève à la laiterie, s’imaginant que ce serait un simple épisode de sa vie, bientôt passé et vite ou-blié ; il y était venu comme
dans une niche abritée des regards, d’où il contemplerait avec calme, au-dehors, ce monde si absorbant, avant de s’y replonger, et lui dirait avecWalt Whitman :
"Foules d’hommes et de femmes vêtus des habits coutumiers, Comme vous semblez
curieux ! "
Et voilà que le spectacle absorbant se trouvait transporté ici ! Ce monde, qui avait si longtemps accaparé son attention, se réduisait à une pantomime
extérieure et sans intérêt, et ici même, dans un lieu terne et engourdi en apparence, avait surgi, comme un volcan, la nouveauté d’une passion telle qu’il n’en avait jamais
connue.
Toutes les fenêtres de la maison étant ouvertes, Clare sai-sissait les moindres bruits des gens de ferme se retirant dans leurs chambres. Cette laiterie
où il était forcé de séjourner, jugée d’abord si humble et si insignifiante qu’il la comptait à peine comme un objet du paysage, que n’était-elle point pour lui maintenant ! Les vieux pignons de
briques couverts de lichen lui murmuraient : « Reste donc ! » ; les fenêtres souriaient ; la porte lui faisait des signes câlins ; la vigne vierge toute rougis-sante se mettait du complot. Du
fond de cette demeure, une âme étendait son influence, pénétrait les briques, le mortier, la voûte du ciel, et les faisait palpiter de brûlante sympathie. Et quelle était cette âme puissante et
formidable ? Celle d’une petite laitière ! En vérité, Clare restait stupéfait de l’importance qu’avait prise pour lui cette ferme obscure ! Et le nouvel amour seul ne suffisait pas à l’expliquer.
Comme d’autres, il avait appris enfin que la grandeur d’une vie ne provient pas des circonstances extérieures mais de l’expérience subjective, qu’un paysan de sensibilité aiguë mène une existence
plus vaste, plus pleine, plus dramatique qu’un roi à l’épiderme grossier.
Jude l'Obscur (Jude the Obscure, 1896)
"People go on marrying because they can't resist natural forces, although many of them may know perfectly well that they are possibly buying a month's pleasure with a life's discomfort." - "Jude l'Obscur " sera le dernier roman de Hardy, notamment à cause du scandale provoqué par «l'immoralité» de cette tragédie plus noire que jamais, qui s'attaque aux institutions les plus chères à la Grande-Bretagne, l'enseignement supérieur, la classe sociale et le mariage ... son chef d'oeuvre. Tout se passe comme si Jude Fawley, ayant voulu s’arracher à sa condition et à son existence, avait du même coup mis en branle des forces qui l’écraseront.
Jude Fawley, pauvre maçon mais ambitieux, rêve d’une vie meilleure et s’acharne à acquérir le savoir et la culture. Il est séduit par une idiote sensuelle, qui l'épouse mais l'abandonne bientôt. Colporteur, autodidacte et sculpteur, il reprend ses rêves d'avenir, s'allie à sa cousine Sue, une femme émancipée qui a quitté son mari, peut-être la première "féministe" personnage d'un roman britannique. Persécuté par le milieu dont il s'est lui-même exclu par anticonformisme, tourmenté par la proximité d'un bonheur toujours refusé, Jude renonce et s'enlise dans la simple survie. Le fils de sa première union tue ses deux autres enfants, et se tue lui-même. Sue rejoint son époux, pour tenter d'expier..
"Sue était assise, le regard fixé sur le plancher nu de la chambre (la maison n'était guère plus confortable qu'une chaumière). Puis elle leva les yeux et regarda le paysage à travers la fenêtre sans rideaux : à quelque distance, les murs extérieurs du Sarcophagus College, silencieux, noirs et sans fenêtres, emplissaient la petite chambre de l'ombre de leurs quatre siècles de tristesse, de bigoterie et de décadence, interceptant, la nuit, le clair de lune et, le jour, le soleil. Au-delà, on distinguait la silhouette de Rubric College et encore plus loin, la tour d'un troisième. Elle songeait à l'étrange passion de Jude qui l'avait poussé, lui, si aimant, si tendre pour elle et ses enfants, à les installer dans ce voisinage déprimant, parce que son rêve le hantait toujours. Même à présent, il n'entendait pas distinctement le refus glacial qu'opposaient à son désir ces murs savants. L'insuccès de leurs recherches, le manque de place, pour son père dans cette maison, avaient fait une impression profonde sur l'enfant; une sorte d'horreur indicible s'était emparée de lui. Il rompit le silence en disant :
- Mère, que ferons-nous demain ?
- Je ne sais pas, dit Sue d'un ton découragé. Je crains que cela ne tourmente ton père.
- Je voudrais que père soit bien et qu'il y ait eu une chambre pour lui. Alors, le reste n'aurait pas tant d'importance. Pauvre père !
- En effet, cela irait mieux.
- Puis-je faire quelque chose ?
- Non, tout est tristesse, adversité et souffrance.
- Papa est parti pour nous laisser la place, à nous autres enfants, n'est-ce pas ?
- Oui, en partie.
- Il vaudrait mieux être hors de ce monde, n'est-ce pas ?
- Presque mieux, mon chéri.
- C'est aussi à cause de nous que vous ne pouvez trouver un bon logement, n'est-ce pas ?
- Ma foi, les gens n'aiment pas toujours prendre des enfants.
- Alors, si les enfants sont tellement gênants, pourquoi en a-t-on ?
- Oh ! parce que c'est une loi de la nature.
- Mais nous ne demandons pas à naître ?
_ Non, c'est vrai.
- Et ce qui est pire, c'est que vous n'êtes pas ma vraie mère et que vous ne seriez pas obligée de me garder si vous ne le vouliez pas. Je n'aurais pas dû venir - voilà la vérité. Je les gênais en Australie et je vous gêne ici. Je voudrais ne pas être né !
- Tu n'y peux rien, mon chéri.
- Je crois qu'on devrait tuer tout de suite les enfants qui naissent sans qu'on les ait voulus, avant qu'ils n'aient une âme. On ne devrait pas les laisser grandir ni marcher.
Sue ne répondit pas. Elle se demandait comment traiter cet enfant trop réfléchi. Elle conclut enfin qu'elle devait, autant que les circonstances le permettaient, être franche et sincère avec celui qui prenait part à ses difficultés comme un ami plus âgé.
- Il va y en avoir bientôt un de plus dans la famille, dit-elle en hésitant.
- Comment cela ?
- Il va y avoir un autre bébé.
- Quoi ? - L'enfant bondit d'un air farouche. - Oh ! Seigneur ! Mère, vous n'avez pas été en demander un autre quand vous avez tant de mal avec ceux qui sont là !
- Si, pourtant, je suis désolée de te le dire ! » murmura Sue, les yeux brillants de larmes retenues.
L'enfant éclata en sanglots.
- Oh ! vous ne faites attention à rien, à rien ! s'écria-t-il d'un ton d'amer reproche. Comment avez-vous pu, mère, être si méchante et cruelle ! Vous auriez pu attendre que nous soyons tirés d'affaire et que père soit guéri ! Nous faire encore du chagrin à tous ! Nous n'avons pas de chambre, papa est obligé de s'en aller, demain nous serons chassés : et vous allez en avoir encore un bientôt !... Vous l'avez fait exprès, pour sûr.
Il marchait de long en large, sanglotant toujours.
- Il faut me pardonner, petit Jude, supplia-t-elle, aussi émue et troublée que l'enfant. Je ne peux pas t'expliquer. Je le ferai quand tu seras plus grand. Il te semble que je l'ai fait exprès maintenant que nous avons tant d'ennuis. Je ne peux pas t'expliquer, chéri. Mais ce n'est pas tout à fait de ma faute !
- Si, c'est sûrement de votre faute ! Personne ne pouvait vous y obliger, si vous ne vouliez pas ! Je ne vous pardonnerai jamais, jamais ! Je ne crois pas que vous aimiez ni père, ni moi, ni aucun de nous !
Il se leva et alla dans le cabinet à côté de la chambre où on avait mis pour lui un matelas sur le plancher. Là, elle l'entendit dire :
- Si nous étions partis, tous les enfants, on n'aurait plus d'ennuis du tout !
- Ne pense pas cela, chéri, dit-elle d'un ton péremptoire. Essaye de dormir !
Le lendemain matin, elle s'éveilla un peu après six heures et décida de courir avant le déjeuner jusqu'à l'auberge où logeait Jude pour lui apprendre ce qui s'était passé avant qu'il ne sortît. Elle se leva doucement pour ne pas réveiller les enfants qui devaient être fatigués après la journée de la veille. Elle trouva Jude déjeunant dans la taverne obscure qu'il avait choisie à cause de son prix modique pour contrebalancer celui de leur chambre : elle lui expliqua qu'elle avait été renvoyée. Il s'était tourmenté pour elle toute la nuit, lui dit-il. Mais maintenant qu'il faisait jour, le fait d'avoir à quitter ce logement ne lui paraissait plus aussi déprimant que la nuit précédente et elle ne se sentait pas aussi impressionnée de ne rien avoir trouvé d'autre. Jude convint avec elle qu'il était inutile de faire valoir leur droit à rester une semaine et qu'il n'y avait qu'à partir immédiatement.
- Vous viendrez tous ici pour un ou deux jours, dit-il. C'est un endroit assez déplaisant et les enfants n'y seront pas aussi bien, mais cela nous donnera le temps de chercher. Il y a beaucoup de logements à louer dans les faubourgs - dans mon vieux quartier de Barsabée. Déjeunez avec moi pendant que vous êtes ici, mon petit oiseau... Etes-vous bien, vraiment ? Vous aurez le temps, avant que les enfants se réveillent, de rentrer préparer leur repas. D'ailleurs, j'irai avec vous.
Elle déjeuna rapidement avec Jude et, au bout d'un quart d'heure, ils partirent ensemble, décidés à quitter immédiatement le logement trop respectable pour Sue. Lorsqu'elle rentra, tout était tranquille dans la chambre des enfants ; elle appela sa logeuse d'un ton craintif et la pria de bien vouloir apporter la bouilloire et quelque chose pour leur déjeuner. Ceci fait, prenant deux œufs qu'elle avait achetés, elle les mit dans l'eau bouillante et dit à Jude de les surveiller pendant qu'elle allait appeler les enfants, car il était maintenant huit heures et demie. Jude était penché sur la bouilloire, la montre à la main, le dos tourné à la petite chambre où avaient couché les enfants. Un cri de Sue le fit se retourner brusquement. Il vit que la porte du cabinet - qui avait paru tourner difficilement sur ses gonds quand Sue l'avait poussée - était ouverte et que Sue était tombée sur le parquet, au seuil de la chambre. Il se précipita pour la relever et jeta les yeux sur le petit lit : les enfants n'y étaient pas. Stupéfait, il regarda autour de lui : derrière la porte étaient fixés deux crochets pour mettre les vêtements, les corps des deux plus jeunes y étaient pendus par un bout de corde passé autour de leur cou et quelques mètres plus loin le corps du petit Jude était accroché de même manière à un clou. Une chaise était renversée à côté du gamin et ses yeux regardaient fixement la pièce; ceux de la petite fille et du bébé étaient fermés!..."
"... As soon as she could speak she informed him what she had said to the boy, and how she thought herself the cause of this. "No," said Jude. "It was in his nature to do it. The doctor says there are such boys springing up amongst us - boys of a sort unknown in the last generation - the outcome of new views of life. They seem to see all its terrors before they are old enough to have staying power to resist them. He says it is the beginning of the coming universal wish not to live. He's an advanced man, the doctor: but he can give no consolation to...." Jude had kept back his own grief on account of her; but he now broke down; and this stimulated Sue to efforts of sympathy which in some degree distracted her from her poignant self-reproach. When everybody was gone, she was allowed to see the children. The boy's face expressed the whole tale of their situation. On that little shape had converged all the inauspiciousness and shadow which had darkened the first union of Jude, and all the accidents, mistakes, fears, errors of the last. He was their nodal point, their focus, their expression in a single term. For the rashness of those parents he had groaned, for their ill assortment he had quaked, and for the misfortunes of these he had died. When the house was silent, and they could do nothing but await the coroner's inquest, a subdued, large, low voice spread into the air of the room from behind the heavy walls at the back. "What is it?" said Sue, her spasmodic breathing suspended. "The organ of the college chapel. The organist practising I suppose. It's the anthem from the seventy-third Psalm; 'Truly God is loving unto Israel.'..."
"...Dès qu'elle put parler, elle lui raconta ce qu'elle avait dit à l'enfant, s'accusant d'être la cause de tout. "Non, dit Jude, c'était dans sa nature d'agir ainsi. Le docteur prétend qu'on voit surgir au milieu de nous des garçons comme lui - d'une espèce inconnue des générations précédentes et qui sont le résultat des manières de voir nouvelles. Ils sentent toutes les terreurs de la vie avant d'être assez âgés pour avoir la force de leur résister. C'est peut-être le commencement du désir universel de ne pas vivre. Ce docteur est un homme aux idées avancées, mais il ne peut consoler..." Jude, qui avait refoulé sa propre douleur à cause de Sue, ne put la contenir davantage et Sue, obligée de prendre sur elle pour lui témoigner de l'affection, oublia quelque peu les poignants reproches qu'elle s'adressait. Quand tout le monde fut parti, on lui permit de voir les enfants. Le visage de l'aîné exprimait toute leur histoire. Sur ce petit cadavre étaient concentrés les mauvais auspices, les nuages qui avaient assombri le premier mariage de Jude, de même que les accidents, les malentendus, les craintes et les erreurs du second. Il était leur point noir central, leur foyer, leur expression en un terme unique. Il avait gémi par suite de l'imprudence du premier couple, souffert par leur mésintelligence, et il était mort des malheurs du second. Quand la maison redevint silencieuse et qu'ils n'eurent plus qu'à attendre l'enquête judiciaire, une grande voix basse, assourdie, s'épandit dans l'air de la chambre à travers les murs épais. "Qu'est-ce?" demanda Sue, en retenant sa respiration spasmodique. "L'orgue de la chapelle du collège. C'est le thème du soixante-treizième Psaume..."