- Wilhelm Raabe (1831-1910) - Franz von Lenbach (1836-1904) - Fritz von Uhde (1848-1911) - Gerhart Hauptmann (1862-1946), "Die Weber" (1892) - Hermann Sudermann (1857-1928) - George Hendrik Breitner (1857-1923) - .....

Last update: 12/31/2016

 

La littérature allemande connaît une nouvelle période d'éclat à partir de 1890, alors que l'Allemagne s'engage dans une nouvelle période politique sous l'impulsion du "jeune empereur" Guillaume II.  Plus urbanisée, plus industrialisée, mais plus prolétarisée, l'Allemagne entend prendre sa place dans le monde. Tard venu en Allemagne, le naturalisme atteint le public en 1889 avec "Avant le lever du soleil", de G. Hauptmann : si ce courant n'a qu'une existence éphémère, c'est par rapport à lui que le monde littéraire va se construire.... Les masses, quant à elles, deviennent progressivement un objet littéraire, mais non encore sujet...

 

Quant à Gerhart Hauptmann, l'auteur du premier «drame de masse» de la littérature allemande, c'est un tracé particulièrement sinueux qu'observeront tant sa vie que son oeuvre, entre réalité du monde quotidien et conception d'un monde rêvé, seul moyen de supporter le tragique de la vie. C'est ainsi que sa célèbre révolte des tisserands n'est pour lui, le dit-il,  qu'une forme d'évasion, aspiration et nostalgie (Sehnsucht). A son naturalisme succèdera la quête d'un autre monde, ce sera Pippa et idéal de la beauté méditerranéenne, mais un rêve qui lui aussi finira par disparaître. Il est vrai que la Première Guerre mondiale porte avec elle tout un effondrement de la conscience morale et religieuse, c'est dans la conséquence de ce pessimisme profond que le naturalisme cède au symbolisme. On se souvient comment Thomas Mann a caricaturé cette incapacité à maîtriser une pensée claire, logique et rectiligne dans son roman "La Montagne Magique" (Der Zauberberg) sous les traits de Mynheer Peeperkorn ..

 

La dernière décennie du XIXe siècle sera marquée l'arrivée progressive d'une génération d'écrivains d'importance qui vont permettre à la littérature de langue allemande d'acquérir une notoriété mondiale. Dès le début, le naturalisme scientifique et l'influence de Zola seront contrebalancés par des influences nordiques (Ibsen) ou russes (Tolstoï, Dostoïevski). Le symbolisme sera représenté par S. George et son cercle; le néoromantisme avec E. Stucken, E. Hardt ou K. G. Vollmoeller, mais aussi E. von Keyserling, R. Huch, I. Kurz ou Lou Andreas-Salomé; impressionnisme avec les premières oeuvres de H. Hesse, J. Wassermann, H. von Hofmannsthal.Thomas Mann traite des thèmes néoromantiques dans une forme réaliste inspirée de Fontane. Son frère Heinrich, grand admirateur de Zola, se fait le peintre de la société wilhelminienne ...  


Wilhelm Raabe (1831-1910)
En 1857, la littérature allemande, sous Bismarck, semble se replier sur elle-même, loin des Flaubert, Balzac, Zola.. La solitude de Wilhelm Raabe, - autodidacte né à Eschershausen (petite ville du duché de Brunswick), passant sa jeunesse à Wolfenbüttel, devenant apprenti libraire et s'adonnant sans frein à la lecture, -  semble extrême. Loin de tous les centres culturels de l'époque, il écrit pourtant un premier roman en 1857, "Die Chronik der Sperlinggasse"  (Chronique de la rue aux moineaux). Suivent "Der Junker von Denow" (Le Hobereau de Denow, 1858), "Ein Geheimnis" (Un secret, 1860), "Die Leute aus dem Walde" (Les Gens de la forêt, 1863), "Der Hungerpastor" (Le Pasteur famélique, 1864), "Abu Telfan" (1867), "Deutscher Mondschein" (Clair de lune allemand, 1873). Il s'installe à Braunschweig en 1870, toujours plongé dans la même solitude. Les quelques écrivains comme Fontane, évoquant "Pfistersmühle" (1884) semblent partager un même constat : "c'est tout à fait Raabe ; brillant et dépourvu de goût, profond et vide.." Il lui faut attendre les années 1890, avec son roman "Stopfkuchen", pour acquérir un peu de notoriété...

 

"Stopfkuchen, Eine See- und Mordgeschichte" (Gros Gourmand, 1891)
"Es liegt mir daran, gleich in den ersten Zeilen dieser Niederschrift zu beweisen oder darzutun, daß ich noch zu den Gebildeten mich zählen darf. Nämlich ich habe es in Südafrika zu einem Vermögen gebracht, und das bringen Leute ohne tote Sprachen, Literatur, Kunstgeschichte und Philosophie eigentlich am leichtesten und besten zustande..."
C'est l'histoire d'une vie, celle de Heinrich Schaumann, dit Stopfkucken, un enfant goinfre, obèse, considéré comme un idiot, une jeunesse malheureuse vécue dans la solitude, en marge de toute société possible, famille, école : il va relever le défi de ce destin de réprouvé, sur fonds de larmes, de souffrances, mais avec un humour très particulier : pour survivre, il lui faut en effet quelques principes, s'en tenir par exemple à son appétit, dévorer ses tartines avec "un quart de mélancolie et trois quart de jouissance", la nonchalance du goinfre va se métamorphoser en une patience quasi inébranlable : il rencontre ainsi une autre âme retranchée dans la solitude, Tinchen...


Fritz von Uhde (1848-1911)
Né à Wolkenburg (Saxe), Fritz von Uhde, après une carrière militaire, travaille à Paris chez le peintre hongrois Munkácsy (1879-1880) puis se fixe à Munich pour peindre tableaux de genre, transcriptions bibliques et représentation du monde paysan sur un mode réaliste, voire sentimentaliste. On sait que sa technique picturale, claire et légère, se tourna avec facilité vers l'impressionnisme en toute fin de sa carrière.
(1883) - Arrival of the Organ Grinder -Hamburger Kunsthalle - (1885) - Man Dressing - Niedersächsisches Landesmuseum - Hanover - (circa 1887-1888) -  Christ with the Peasants - Musée d'Orsay, Paris - (1890) - Schwerer Gang (Gang nach Bethlehem) - Neue Pinakothek, München...


Hermann Sudermann (1857-1928)

Sudermann est un des principaux représentants avec Hauptmann du naturalisme allemand et l'un des auteurs dramatiques les plus représentatifs du règne de Guillaume II. Né dans le territoire de Memel, Hermann Sudermann abandonne un apprentissage en pharmacie pour faire des études d'histoire et de philosophie à Königsberg. Après un échec comme acteur, il gagne sa vie dans l'enseignement privé et rédige des articles de journaux, et connaît subitement, à quarante-deux ans, la célébrité : sa pièce, "L'Honneur" (Die Ehre, 1890) est jouée dans le monde entier, et au cours de la décennie suivante, il comptera parmi les auteurs les plus représentés. Un succès d'autant plus surprenant qu'un mois auparavant, le drame de Hauptmann "Avant que le soleil se lève" (Vor Sonnenaufgang) avait provoqué un scandale. Mais la pièce de Sudermann répond en tous points aux goûts du public, on y trouve plus de pathétique que de critique sociale : une jeune ouvrière entretient une liaison avec le fils d'un conseiller commercial. Cette disparité sociale va de pair avec une séparation des lieux : la famille Heinecke habite sur cour tandis que le jeune Mühlingk reçoit ses amis (représentants types de la bonne société : le sportif ridicule, l'officier de réserve, le jeune fainéant) dans l'appartement qui donne sur la rue. Le problème central, l'honneur, est appréhendé sous plusieurs aspects : le vieux conseiller tente de racheter celui de la jeune ouvrière grâce à une forte somme d'argent ; un ancien officier a été contraint de quitter l'armée pour dettes ; le frère de l'héroïne, enfin, incarne le principe de l'honneur dans toute sa rigidité. 

Après la "Fin de Sodome" (Sodoms Ende, 1891), description souvent outrancière de travers mondains dans le quartier chic de Berlin, "Patrie" (Heimat, 1893) connaît un immense succès. Plus encore que dans son premier succès, Sudermann est parvenu à réunir en un seul drame la gamme complète des clichés de cette époque : la fille d'un officier, cantatrice mondialement célèbre, rentre chez son père après douze ans d'absence. Celui-ci est prêt à lui pardonner sa vie libertine. Mais l'héroïne, dont on nous a exposé l'opiniâtre stupidité pendant deux actes et demi, se met à défendre sa licence passée, la nécessité du péché et le droit à la maternité en dehors des liens conjugaux. Désespéré, son père veut la tuer. Au moment de lever son revolver, cependant, il succombe à une crise cardiaque. 

C'est alors, que sous les feux des diatribes d'Alfred Kerr, célèbre critique de son temps particulièrement percutant, Sudermann décide d'abandonner le théâtre pour la nouvelle : "Récits Lituaniens" (Litauische Geschichten, 1917), "le Voyage à Tilsit" (Die Reise nach Tilsit), où un pêcheur, séduit par sa servante, emmène sa jeune femme à la ville avec l'intention de la noyer au retour, puis change d'avis, se confesse, et sauve sa femme lorsque la barque chavire par accident. 

 

"Récits lituaniens" (Litauische Geschichten, 1917)

Recueil de nouvelles, considérée comme la meilleure œuvre, dans le genre épique, de Sudermann, un des principaux représentants avec Hauptmann du naturalisme allemand. Déçu par les critiques qui avaient suivi ses bruyants succès, en particulier celui de "La Maison paternelle", l`écrivain s'était retiré dans sa terre natale, près de Memel, et y avait retrouvé la vigueur narrative de sa jeunesse. La nouvelle "Jons et Erdme ", la troisième du recueil, est écrite sous l'influence de Knut Hamsun et développe le thème de la lutte de l'homme contre les forces adverses de la nature, pendant l'assèchement d'un marais. Jons et sa compagne doivent construire leur cabane sur un sol boueux, en recourant à tous les moyens, même le vol, car tout est à faire ; chaque résultat obtenu, même le plus minime, est pour eux une conquête mémorable. Deux filles naissent bientôt, qui "devront aller de par le monde vêtues de soie et de velours". Les colons s'aident l'un l'autre et l'assèchement se poursuit ; mais la crainte de l'inondation, menace suspendue sur leur tête comme la mort, pèse sur chacun. Un criminel qui vient de sortir de prison voudrait se joindre à eux et retrouver ainsi sa place parmi les hommes, mais tous le fuient. Lorsque survient l'inondation, la cabane de l'ancien prisonnier, que celui-ci avait fabriquée en prévision du désastre, flotte comme un radeau, et il y recueille autant de personnes qu'elle peut en contenir. Le vieux forçat exulte, car il a retrouvé l'estime des hommes. Le désastre est surmonté. Le destin frappera Jons plus tard, avec la trahison de ses filles et de sa femme, qui, par amour maternel, l'abandonne pour les suivre. A la violence des éléments répond la violence des passions humaines. De la lutte, de la douleur et de la destruction naît un pathétique impitoyable, "réaliste", qui semble nous reporter aux origines de la vie humaine sur la terre et se confondre avec ses causes premières et profondes. Dans une autre nouvelle, le héros, un criminel, se rachète à travers ses souffrances et son amour pour la fille de sa victime. Plus loin, c'est le drame de la solitude, représenté par une femme séduisante, aimée mais toujours solitaire, intérieurement lointaine, même dans l'intimité conjugale; elle ne se sentira moins seule qu'à la mort de son mari, devant sa tombe.  

 


Gerhart Hauptmann (1862-1946)

Né à Ober Salzbrunn en Silésie, fils d'un aubergiste de Salzbrunn et descendant d'une famille de tisserands, Gerhart Hauptmann se consacre à la sculpture (1885), étudie les sciences naturelles, entreprend plusieurs voyages (Das Abenteuer meiner Jugend, 1937). Il se fixe à Berlin et entre dans sa période dite "naturaliste", la littérature allemande se détournant du réalisme du XIXe siècle : ses deux premiers drames, "Avant le lever du soleil" (Vor Sonnenaufgang, 1889) et "Les Tisserands" (Die Weber, 1893). "Avant le lever du soleil" est une tragédie au cours de laquelle Hélène, fille cadette d'une famille de paysans silésiens dégénérés mais enrichis et rendus oisifs par la découverte du charbon dans leur sous-sol, ne peut échapper à la malédiction familiale et se donne la mort.  "Les Tisserands" (Die Weber, 1893) mettent en scène la masse des travailleurs (premier drame de masse de la littérature allemande), opposés à l'entrepreneur Dreissiger, représentant de la classe de riches parvenus. La pièce est interdite un temps, mais ne prône en fait que la résignation. 

Et c'est dans cet esprit que Hauptman entre progressivement dans sa seconde période littéraire, qui correspond par ailleurs à son second mariage, en 1904 : à la réalité par trop sordide, il se tourne vers l'imaginaire, l'allégorie : (l'Assomption de Hannele Mattern, 1894 ; la Cloche engloutie, 1897 ; Et Pippa danse, 1906), le Garde-barrière Thiel (1892),   L'Hérétique de Soana (1918) prône le retour à une religion dionysiaque de la nature. Emmanuel Quint, le fou en Jésus-Christ (1910) est imprégné de souvenirs piétistes. 

Les œuvres de la vieillesse, romans (l'Île de la Grande Mère, 1924 ; Winckelmann, 1954) ou épopées en vers (Till Eulenspiegel, 1927 ; le Grand Rêve, 1942), inclineront à l'expression allégorique ...

 

"Die Weber" (1892, Les Tisserands)

Les deux premiers drames de Hauptmann, "Avant le lever du soleil" (Vor Sonnenaufgang, 1889) et "Les Tisserands" (Die Weber, 1893) mettent en scène la masse des travailleurs réduits à l'esclavage et à la famine, opposés à une classe de riches parvenus. "Les Tisserands" se situe dans les années 1844, années d'essor industriel et de grande misère ouvrière, allusion directe à la situation contemporaine : Hauptmann n'obtint pas immédiatement le droit de faire jouer sa pièce, qui obtint un grand succès par ailleurs. Si Hauptmann sut dépeindre l'impitoyable oppression des tisserands,  face à l'entrepreneur Dreissiger, il n'entend pas transmettre le moindre message révolutionnaire. Il n'est pas de héros, lorsque l'un des personnages se détache de la foule, il se contente de parler au nom de celle-ci et non pour lui-même. Fontane l'a déjà souligné : "la pièce est un double avertissement dirigé à la fois vers le haut et vers le bas, et qui s'adresse à la conscience des deux partis". La mort de Hilse, seul à ne pas participer à la révolte, donne au drame une dimension existentielle.

 


George Hendrik Breitner (1857-1923), 

"The Singelbrug near the Paleisstraat in Amsterdam" (1897, Rijksmuseum, Amsterdam)

George Hendrik Breitner, natif de Rotterdam, formé par l'un des plus importants représentants du mouvement naturaliste dit de l'école de La Haye, Willem Maris, un peintre "impressionniste naturaliste" néerlandais célèbre pour son étrange "Clair de lune" (1889, Musée d'Orsay, Paris), - révélation, dit-on,  pour Piet Mondrian parti à la découverte de l'abstraction -, et sa Série des filles en kimono ("Girl in a White Kimono", "Meisje in de witte kimono", 1893-1894, Rijksmuseum, Amsterdam) :  il pratique alors la photographie dans la composition de ses oeuvres (collection RKD, The Hague), tant pour ses scènes de rues que pour ses nus, se veut peintre du peuple et de son quotidien, de la grisaille et de l'instantané...

"Amsterdam in Winter", "Lunch Break at the Building Site in the Van Diemenstraat in Amsterdam", "The Rokin in Amsterdam" (1900-1901, Rijksmuseum, Amsterdam) - "The canal Rokin in Amterdam" - "The Dam in Amsterdam" (1898) - "An Evening on the Dam in Amsterdam" (1890, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Antwerp) - "Gust of Wind" (1886-1898, Kröller-Müller Museum, Otterlo) - ....