Mystery & Suspense - Gilbert K. Chesterton (1874-1936),"The Innocence of Father Brown" (1911), "The Incredulity of Father Brown" (1926), "The Scandal of Father Brown" (1935) - Edgar Wallace (1875-1932), "The Three Just Men" (1926), "The Gaunt Stranger" (1925)   - E.C. Bentley (1875-1956), "Trent's Last Case" (1913, L'Affaire Manderson), "Trent's Own Case" (1936) - .....

Last update :  02/02/2018


On a souvent dit qu'Edgar Allan Poe avait inventé le roman policier (1841), que Sir Arthur Conan Doyle l'avait popularisé (1887) et que Chesterton (1911) l'avait défini. Et si en effet les premières histoires policières ont été écrites par un Américain, ce sont les Britanniques qui ont posé la plupart des premières fondations du genre. Puis le roman d'énigme s'impose dans les années 1920 aux Etats-Unis (S.S.Van Dine, Ellery Queen),  apparaissent ensuite, toujours dans la même décennie, les "pulps" de Black Mask dans lesquelles vont être publiées les premières histoires de Dashiell Hammett (1926). Dans la société américaine de 1920-1930 qui voit surgir la thématique du pouvoir politique corrompu et de la Haute société de l'argent et du capital, s'impose le "hardboiled dick", le détective dur à cuir qui agit comme un véritable révélateur de toutes les contradictions sociales. Epoque du roman noir. Les années 1940 voient surgir et s'imposer, pour la première et dernière fois, sans doute, des écrivains à part entière, à l'écriture dure et corriace comme leurs personnages principaux, qui sortent le genre policier qui menait alors une existence britsh dès plus aristocratique, pour gagner les bas-quartiers et le ruisseau. Dashiell Hammett, Raymond T. Chandler, James M. Cain, Horace McCoy, James Hadley Chase, David Goodis, William Riley Burnett, William Irish, Chester Himes, Ed McBain, puis deux Anglais "américanisés", Henry Graham Greene et Peter Cheney, enfin des écrivains étonnament prolifiques, Agatha Cristie, Patricia Highsmith, Ross MacDonald...

 

A partir d'un événement qui s'inscrit déjà dans le passé - le crime -, le roman policier tente de reconstituer l'origine des êtres et des choses,  le moment où les destinées qui s'étaient liées pour  constituer la masse critique de l'événement dramatique étaient distinctes les unes des autres. Que peuvent donc partager la déduction implacable de Sherlock Holmes, la lucidité cynique de Philip Marlowe, la fausse torpeur de Maigret? L'investigation, un même exploit intellectuel ou performance physique unit ainsi les détectives dans une même quête de la transparence. Une vérité enfouie vient au jour, le privé, l'investigateur démontre que le monde a un sens, et ce ne sont pas tant les faits eux-mêmes qui s'imposent que la psychologie  qui les dévoile et révèle le criminel  aux frontières du droit et des drames humains. C'est à partir des années 1930 que le roman policier américain se transforme considérablement, l'intrigue se complexifie, un réalisme noir, des péripéties plus violentes, une agressivité plus affirmée tant des criminels que des policiers, mais surtout, pour reprendre Raymond Chandler (The Simple Art of Murder, 1950), la volonté  non pas tant d'élucider un crime que de peindre une atmosphère, un milieu, combinatoire parfois savante de brutalité, de pittoresque, voire d'exotisme ou d'érotisme. Les romans seront d'abord des nouvelles qui empruntent la voie des magazines populaires tels que Black Mask, des années 1920 aux années 1940, Dashiell Hammett y est publié en 1922, et Raymond Chandler en 1933, et le tirage lui-même du magazine passe de 66,000 en 1926 à 130,000 copies en 1930 : en trente années de production, la revue aura publié plus de 2,500 hard-boiled fictions, écrites par quelques 640 hard-boiled writers ...


Gilbert K. Chesterton (1874-1936)
Avec William Irish (1903-1968) et Stanley Ellin (1916-1986), Chesterton fut un maître de la nouvelle policière, mais il est aussi sans doute l'un des premiers auteurs à traiter le roman policier comme s'il s'agissait d'une forme de littérature sérieuse, sans oublier de lui insuffler cette fantaisie poétique qui a marqué la majeure partie de ses œuvres. Natif de Londres,  Gilbert Keith Chesterton, journaliste et apologiste du christianisme, fréquentant aussi bien George Bernard Shaw, Wells que Bertrand Russell, excentrique connu pour ses détournements singuliers de lieux communs, publie une série de nouvelles policières dont le personnage principal est un père catholique et détective, le père Brown, ou l'abbé Brown, un personnage maladroit doué de facultés d'observation et de déduction saisissante, conciliant Dieu et la Raison, et qui devient extrêmement populaire : The Innocence of Father Brown (1911), The Wisdom of Father Brown (1914), The Incredulity of Father Brown (1926), The Secret of Father Brown (1927), The Scandal of Father Brown (1935). Les premières enquêtes du père Brown seront d'abord publiées dans les magazines mensuels The Story-Teller et The Cassell's Magazine, en Angleterre, et dans le journal The Saturday Evening Post, aux États-Unis, entre septembre 1910 et juillet 1911...

Vers 1893, il aurait traversé une crise de scepticisme et de dépression et, fasciné par le satanisme, aurait expérimenté la fameuse planche Ouija (Ouija board), censée permettre la communication avec les esprits. Par la suite, Chesterton réintègre sa foi chrétienne et épouse en 1901 Frances Blogg. Ses premiers écrits seront des poésies et des biographies littéraires. C'est en 1904 qu'il se hasarde sur le terrain du "policier", publiant une série d'articles de magazine avec un nouveau type de détective, un juge à la retraite nommé Basil Grant, dont l'apparent mysticisme est contrebalancé par la présence de son frère, Rupert, un détective privé plus conventionnel. Avec "The Man Who Was Thursday : A Nightmare" (1908), Chesterton produit un thriller psychologique, souvent qualifié de métaphysique, centré sur sept anarchistes du Londres du tournant du siècle qui se font appeler par les noms des jours de la semaine. En 1922, Chesterton s'est converti de l'anglicanisme au catholicisme romain et écrit plusieurs ouvrages à orientation théologique, dont les vies de François d'Assise et de Thomas d'Aquin. Le personnage du père Brown, homme simple qui possède cependant une connaissance approfondie de la nature humaine et du mal, lui aurait été inspiré par l'abbé qui fut en partie responsable de sa conversion, un homme d'église qui l'étonna par sa connaissance intime de la corruption humaine. Complétant ces cinq recueils consacrées au Father Brown, près de cinquante histoires qui s'échelonnent entre 1911 et 1935, il écrira des véritables petits chef d'oeuvres policiers, "The Club of Queer Trades" (1905, série d'histoires publiées dans le magazine britannique The Idler en 1904), "The Poet and the Lunatics" (1929), "Four Faultless Felons" (1930) ,"The Paradoxes of Mr. Pond" (1937) et "The Man Who Knew Too Much" (1922)....


THE MAN IN THE PASSAGE (G. K. Chesterton)

G. K. Chesterton était un critique et un dramaturge reconnu avant de se lancer dans l'écriture de romans policiers en 1905. Les affaires de son détective le plus célèbre, un prêtre catholique discret appelé Père Brown, impliquent généralement un mystère métaphysique apparent, pour lequel son limier ϧndit une solution bien trop mondaine. Chesterton se plaît à présenter des paradoxes de la psychologie humaine dans ses fictions. Il n'a jamais écrit de roman mettant en scène le Père Brown, mais le personnage apparaît dans six recueils de nouvelles.

 

Two men appeared simultaneously at the two ends of a sort of passage running along the side of the Apollo Theatre in the Adelphi. The evening daylight in the streets was large and luminous, opalescent and empty. The passage was comparatively long and dark, so each man could see the other as a mere black silhouette at the other end. Nevertheless, each man knew the other, even in that inky outline, for they were both men of striking appearance, and they hated each other.

The covered passage opened at one end on one of the steep streets of the Adelphi, and at the other on a terrace overlooking the sunset-coloured river. One side of the passage was a blank wall, for the building it supported was an old, unsuccessful theatre restaurant, now shut up. The other side of the passage contained two doors, one at each end. Neither was what was commonly called the stage door; they were a sort of special and private stage doors, used by very special performers, and in this case by the star actor and actress in the Shakespearean performance of the day. Persons of that eminence often like to have such private exits and entrances, for meeting friends or avoiding them.

 

Deux hommes apparurent simultanément aux deux extrémités d'une sorte de passage longeant le théâtre Apollo de l'Adelphi. La lumière du soir dans les rues était grande et lumineuse, opalescente et vide. Le passage était relativement long et sombre, de sorte que chaque homme pouvait voir l'autre comme une simple silhouette noire à l'autre bout. Néanmoins, chaque homme connaissait l'autre, même dans cette silhouette d'encre, car ils étaient tous deux des hommes à l'apparence frappante, et ils se détestaient l'un l'autre.

Le passage couvert s'ouvrait d'un côté sur l'une des rues escarpées de l'Adelphi, et de l'autre sur une terrasse surplombant le fleuve couleur de soleil couchant. L'un des côtés du passage était un mur vide, car le bâtiment qu'il soutenait était un ancien restaurant de théâtre sans succès, aujourd'hui fermé. De l'autre côté du passage, il y avait deux portes, une à chaque extrémité. Aucune n'était ce que l'on appelle communément une porte de scène ; il s'agissait d'une sorte de porte de scène spéciale et privée, utilisée par des artistes très spéciaux, et en l'occurrence par l'acteur et l'actrice vedettes de la représentation shakespearienne de l'époque. Les personnes de cette éminence aiment souvent avoir de telles sorties et entrées privées, pour rencontrer des amis ou les éviter.

 

The two men in question were certainly two such friends, men who evidently knew the doors and counted on their opening, for  each approached the door at the upper end with equal coolness and confidence. Not, however, with equal speed; but the man who walked fast was the man from the other end of the tunnel, so they both arrived before the secret stage door almost at the same instant.They saluted each other with civility, and waited a moment before one of them, the sharper walker, who seemed to have the shorter patience, knocked at the door.

 In this and everything else each man was opposite and neither could be called inferior. As private persons, both were handsome, capable, and popular. As public persons, both were in the first public rank. But everything about them, from their glory to their good looks, was of a diverse and incomparable kind. Sir Wilson Seymour was the kind of man whose importance is known to everybody who knows. The more you mixed with the innermost ring in every polity or profession, the more often you met Sir Wilson Seymour. He was the one intelligent man on twenty unintelligent committees—on every sort of subject, from the reform of the Royal Academy to the project of bimetallism for Greater Britain. In the arts especially he was omnipotent. He was so unique that nobody could quite decide whether he was a great aristocrat who had taken up art, or a great artist whom the aristocrats had taken up. But you could not meet him for ϧve minutes without realizing that you had really been ruled by him all your life.

 

Les deux hommes en question étaient certainement deux de ces amis, des hommes qui, de toute évidence, connaissaient les portes et comptaient sur leur ouverture, car chacun s'approcha de la porte située à l'extrémité supérieure avec le même sang-froid et la même confiance. Ils se saluèrent avec civilité et attendirent un moment avant que l'un d'eux, celui qui marchait le plus vite et qui semblait avoir le moins de patience, ne frappe à la porte. Sur ce point comme sur tout le reste, chaque homme était opposé et aucun ne pouvait être qualifié d'inférieur. En tant que personnes privées, tous deux étaient beaux, compétents et populaires. En tant qu'hommes publics, ils occupaient tous deux le premier rang dans la vie publique. Mais tout en eux, de leur gloire à leur beauté, était d'un genre différent et incomparable. Sir Wilson Seymour était le genre d'homme dont l'importance est connue de tous ceux qui savent. Plus on côtoyait le cercle le plus fermé de chaque politique ou profession, plus on rencontrait Sir Wilson Seymour. Il était le seul homme intelligent au sein de vingt comités inintelligents - sur toutes sortes de sujets, de la réforme de l'Académie royale au projet de bimétallisme pour la Grande Bretagne. Dans le domaine des arts en particulier, il était omnipotent. Il était si unique que personne ne pouvait dire s'il était un grand aristocrate qui s'était mis à l'art ou un grand artiste que les aristocrates s'étaient mis à l'art. Mais on ne pouvait pas le rencontrer pendant cinq minutes sans se rendre compte qu'on avait été gouverné par lui toute sa vie.

 

 His appearance was “distinguished” in exactly the same sense; it was at once conventional and unique. Fashion could have found no fault with his high silk hat; yet it was unlike anyone else’s hat — a little higher, perhaps, and adding something to his natural height. His tall, slender figure had a slight stoop, yet it looked the reverse of feeble. His hair was silver-gray, but he did not look old; it was worn longer than the common, yet he did not look effeminate; it was curly, but it did not look curled. His carefully pointed beard made him look more manly and militant rather than otherwise, as it does in those old admirals of Velasquez with whose dark portraits his house was hung. His gray gloves were a shade bluer, his silverknobbed cane a shade longer than scores of such gloves and canes flapped and flourished about the theatres and the restaurants.

 

 Son apparence était "distinguée" dans le même sens ; elle était à la fois conventionnelle et unique. La mode n'aurait pu trouver à redire à son chapeau de soie haut de forme ; pourtant, il ne ressemblait à aucun autre chapeau - un peu plus haut, peut-être, et ajoutant quelque chose à sa taille naturelle. Sa silhouette, grande et mince, était légèrement voûtée, mais elle était à l'opposé de la faiblesse. Ses cheveux étaient gris argenté, mais il n'avait pas l'air vieux ; ils étaient portés plus longs que la normale, mais il n'avait pas l'air efféminé ; ils étaient bouclés, mais ils n'avaient pas l'air bouclés. Sa barbe soigneusement taillée lui donnait un air plus viril et militant qu'autre chose, comme chez ces vieux amiraux de Velasquez dont la maison était ornée de portraits sombres. Ses gants gris étaient un peu plus bleus, sa canne à pommeau d'argent un peu plus longue que les dizaines de gants et de cannes de ce genre qui s'agitent et fleurissent dans les théâtres et les restaurants.

 

 The other man was not so tall, yet would have struck nobody as short, but merely as strong and handsome. His hair also was curly, but fair and cropped close to a strong, massive head—the sort of head you break a door with, as Chaucer said of the Miller’s. His military moustache and the carriage of his shoulders showed him a soldier, but he had a pair of those peculiar, frank, and piercing blue eyes which are more common in sailors. His face was somewhat square, his jaw was square; his shoulders were square, even his jacket was square. Indeed, in the wild school of caricature then current, Mr. Max Beerbohm had represented him as a proposition in the fourth book of Euclid.

 

L'autre homme n'était pas aussi grand, mais il n'aurait semblé à personne qu'il était petit, mais simplement fort et beau. Ses cheveux étaient également bouclés, mais clairs et coupés près d'une tête forte et massive - le genre de tête avec laquelle on brise une porte, comme Chaucer l'a dit de celle du meunier. Sa moustache militaire et le port de ses épaules le désignaient comme un soldat, mais il avait une paire de ces yeux bleus particuliers, francs et perçants, que l'on trouve plus souvent chez les marins. Son visage était un peu carré, sa mâchoire était carrée, ses épaules étaient carrées, même sa veste était carrée. En effet, dans la folle école de caricature alors en vigueur, M. Max Beerbohm l'avait représenté comme une proposition du quatrième livre d'Euclide.

 

For he also was a public man, though with quite another sort of success. You did not have to be in the best society to have heard of Captain Cutler, of the siege of Hong Kong and the great march across China. You could not get away from hearing of him wherever you were; his portrait was on every other postcard; his maps and battles in every other illustrated paper; songs in his honour in every other music-hall turn or on every other barrel organ. His fame, though probably more temporary, was ten times more wide, popular, and spontaneous than the other man’s. In thousands of English homes he appeared enormous above England, like Nelson. Yet he had infinitely less power in England than Sir Wilson Seymour.

 

Car il était aussi un homme public, bien qu'avec un succès tout à fait différent. Il n'était pas nécessaire de faire partie de la meilleure société pour avoir entendu parler du capitaine Cutler, du siège de Hong Kong et de la grande marche à travers la Chine. Son portrait figurait sur toutes les cartes postales, ses cartes et ses batailles dans tous les journaux illustrés, des chansons en son honneur dans tous les music-halls ou sur tous les orgues de barbarie. Sa renommée, bien que probablement plus temporaire, était dix fois plus large, plus populaire et plus spontanée que celle de l'autre homme. Dans des milliers de foyers anglais, il apparaissait énorme au-dessus de l'Angleterre, comme Nelson. Pourtant, il avait infiniment moins de pouvoir en Angleterre que Sir Wilson Seymour.

 

The door was opened to them by an aged servant or “dresser,” whose broken-down face and figure and black, shabby coat and

trousers contrasted queerly with the glittering interior of the great actress’s dressing room. It was fitted and filled with looking glasses at every angle of refraction, so that they looked like the hundred facets of one huge diamond—if one could get inside a diamond. The other features of luxury—a few flowers, a few coloured cushions, a few scraps of stage costume—were multiplied by all the mirrors into the madness of the Arabian Nights, and danced and changed places perpetually as the shuffling attendant shifted a mirror outwards or shot one back against the wall.

 

La porte leur fut ouverte par un serviteur âgé ou "habilleur", dont le visage et la silhouette délabrés ainsi que le manteau et le pantalon noirs et miteux contrastaient étrangement avec l'intérieur étincelant de la loge de la grande actrice. Elle était équipée et remplie de miroirs à tous les angles de réfraction possible, de sorte qu'elles ressemblaient aux cent facettes d'un énorme diamant - si l'on pouvait pénétrer à l'intérieur d'un diamant. Les autres éléments de luxe - quelques fleurs, quelques coussins colorés, quelques débris de costumes de scène - étaient multipliés par tous ces miroirs jusqu'à la folie des Mille et une nuits, et dansaient et changeaient perpétuellement de place lorsque le préposé remuant déplaçait un miroir vers l'extérieur ou en renvoyait un contre le mur.

 

They both spoke to the dingy dresser by name, calling him Parkinson, and asking for the lady as Miss Aurora Rome. Parkinson said she was in the other room, but he would go and tell her. A shade crossed the brow of both visitors; for the other room was the private room of the great actor with whom Miss Aurora was performing, and she was of the kind that does not inflame admiration without inflaming jealousy. In about half a minute, however, the inner door opened, and she entered as she always did, even in private life, so that the very silence seemed to be a roar of applause, and one well deserved. She was clad in a somewhat strange garb of peacock green and peacock blue satins, that gleamed like blue and green metals, such as delight children and esthetes, and her heavy, hot brown hair framed one of those magic faces which are dangerous to all men, but especially to boys and to men growing gray. In company with her male colleague, the great American actor, Isidore Bruno, she was producing a particularly poetical and fantastic interpretation of Midsummer Night’s Dream, in which the artistic prominence was given to Oberon and Titania, or in other words to Bruno and herself.

 

Ils s'adressèrent tous deux à l'habilleur miteux par son nom, l'appelant Parkinson, et demandèrent à parler à la dame, Mlle Aurora Rome. Parkinson répondit qu'elle était dans l'autre pièce, mais qu'il irait le lui dire. Une ombre passa sur le front des deux visiteurs, car l'autre pièce était le salon privé du grand acteur avec lequel Miss Aurora se produisait, et elle était du genre à ne pas susciter l'admiration sans enflammer la jalousie. Au bout d'une demi-minute, cependant, la porte intérieure s'ouvrit, et elle entra comme elle le faisait toujours, même dans la vie privée, si bien que le silence même sembla être un rugissement d'applaudissements, et un applaudissement bien mérité. Elle était vêtue d'un étrange habit de satin vert paon et bleu paon, qui brillait comme des métaux bleus et verts, comme ceux qui font les délices des enfants et des esthètes, et ses cheveux bruns, lourds et chauds, encadraient un de ces visages magiques qui sont dangereux pour tous les hommes, mais surtout pour les garçons et pour les hommes qui deviennent grisonnants. En compagnie de son collègue masculin, le grand acteur américain Isidore Bruno, elle réalisait une interprétation particulièrement poétique et fantastique du Songe d'une nuit d'été, dans laquelle la prééminence artistique était donnée à Obéron et Titania, c'est-à-dire à Bruno et à elle-même.

 

Set in dreamy and exquisite scenery, and moving in mystical dances, the green costume, like burnished beetle wings, expressed all the elusive individuality of an elfin queen. But when personally confronted in what was still broad daylight, a man looked only at her face.

 

Dans un décor de rêve et d'exquise beauté, dans des danses mystiques, le costume vert, comme des ailes de coléoptère brunies, exprimait toute l'insaisissable individualité d'une reine des elfes. Mais face à elle, en plein jour, un homme ne regarde que son visage...."

 

Lire l'œuvre de Gilbert Keith Chesterton, c'est faire l'expérience exaltante et parfois déconcertante d'assister au travail d'un esprit sérieux. Cela est vrai quel que soit le volet de sa volumineuse production que l'on explore : roman policier ou vie de saint, rumination théologique ou débat politique, critique littéraire ou fiction spéculative. Aucun des qualificatifs qui lui ont été attribués - théologien, apologiste chrétien, philosophe, auteur de romans policiers - ne rend justice à l'étendue et à la richesse de ses écrits. Chesterton a écrit quatre-vingts livres et des milliers d'essais, de chroniques dans les journaux et de conférences à la radio ; presque chaque page qu'il a écrite porte les marques de son style - un mélange vivifiant de conviction, d'invention et, surtout, de paradoxe plein d'entrain. Ses histoires classiques du Père Brown sont de charmants mots croisés intellectuels se présentant comme des mystères. L'influence de Chesterton a été extraordinaire et durable, tant sur des prélats et des personnalités politiques que sur des héritiers littéraires reconnus tels que Jorge Luis Borges et Neil Gaiman.


"The Father  Brown's Stories"

Sous ce titre de "HISTOIRES DU PERE BROWN" sont réunies quatre séries de nouvelles de de Gilbert Keith Chesterton qui ont pour héros un prêtre qui fait métier de détective et qui s`appelle le père Brown. La grande variété des milieux, des situations et des types que nous trouvons dans ces histoires est d'autant plus déconcertante que l'auteur se fait le champion de l`orthodoxie religieuse tout en s'opposant au scepticisme scientifique de son époque. Il donne libre cours à son goût pour le fantastique et le paradoxe, exprimant sous la forme simple de nouvelles policières sa fidélité à la doctrine traditionnelle qui, seule, peut sauver l'humanité du crime et du chaos....

La première série, "The Innocence of Father Brown", publiée en 1911, nous montre le jeune prêtre naïf arrivant à débrouiller les problèmes policiers les plus compliqués parce qu'il voit le côté simple et innocent des choses, tandis que la solution échappe à ceux qui poussent leur enquête avec expérience et malice. Dans "The Queer Feet", par exemple, le voleur réussit à s'introduire dans un milieu très fermé pour y commettre un vol important, tout simplement parce que la tenue de soirée d`un homme du monde est semblable à celle d'un maître d'hôtel. Dans "The Flying Stars", un aventurier qui veut s'emparer de diamants très fameux se déguise en Arlequin et opère tout en prenant part à une pantomime, dissimulant son trésor sous les paillettes dont son costume s`agrémente. "The Invisible Man" n`échappe à tous les regards qu`en raison de sa propre insignifiance. 

La seconde série, "La Sagesse du père Brown" (The Wisdom of Father Brown), publiée en 1914, comprend des nouvelles qui ne traitent pas tant de crimes que de pratiques bizarres, lesquelles peuvent paraître coupables aux yeux d'un observateur superficiel. Ainsi, dans "The Absence of Mr. Glass", la victime supposée est un prestidigitateur qui, enfermé dans sa chambre, s`exerce à quelques trucs de son métier et se parle à lui-même à haute voix. "The Paradise of Thieves" nous présente un riche banquier, coupable de graves malversations qui, pour détourner les soupçons, fait simuler une attaque de brigands dans les Apennins. Dans cette comédie, il joue le rôle d'un homme auquel on a confié de l`argent et qui est victime d'un vol. "The Head of Caesar" est le drame de l'avarice qui pousse un collectionneur à exercer un chantage vis-à-vis des membres de sa famille. en cachant son identité. 

Dans les nouvelles de la troisième série, "The Incredulity of Father Brown", publiée en 1926, le héros résout les problèmes les plus difficiles, grâce à son scepticisme envers des superstitions si enracinées dans le cœur des hommes qu`elles peuvent conduire au crime. "[The Arrow of Heaven" qui frappe les propriétaires successifs d`un objet précieux, ne vient pas du ciel, mais simplement de la malignité humaine. "The Oracle of the Dog", loin d'être le fait d`une infaillible intuition animale. s`explique d`une manière beaucoup plus simple. "The Curse of the Golden Cross", qui frappe tous ceux qui la touchent, n`est autre chose que la ruse d'un maniaque poussé au crime par sa passion de collectionneur. Dans "The Dagger with Wings", un malfaiteur perpètre ses crimes en se servant de l'atmosphère surnaturelle qu`il crée autour de lui. 

Dans la dernière série de ses contes, "The Secret of Father Brown" (1927), le héros nous fait enfin connaître sa méthode. ll s'identifie avec le coupable : tout comme ce dernier, il  prépare la faute qu'il va commettre dans ses moindres détails, allant aussi loin que possible dans cette mise en scène, sans toutefois passer à l'action. Une méthode illustrée par plusieurs récits. "The Mirror of Magistrate" où un poète innocent est accusé d`une faute commise, au contraire, par le juge qui conduit le procès. "The Man with two Beards" où la qualité même du délit fait découvrir son auteur. Enfin "The Worst Crime in the World" nous montre la psychologie tortueuse d'un homme qui, après avoir tué son propre père, se fait passer pour celui-ci, en s`accusant avec une complaisance diabolique du plus terrible des forfaits...


"The Man Who Was Thursday : A Nightmare" (1908)

Le chef-d’œuvre surréaliste de G. K. Chesterton est un thriller psychologique qui se concentre sur sept anarchistes au tournant du siècle à Londres. L’histoire commence lorsque Gabriel Syme, poète et membre d’un groupe spécial de policiers philosophiques, assiste à une réunion secrète d’anarchistes, dont les dirigeants ont pris pour noms chacun des jours de la semaine, et qui ont juré de détruire le monde. Leur chef est Sunday, le mystérieux, un personnage sauvage qui peut être une vision chestertonienne de Dieu ou de la nature ou des deux. Lorsque Syme, en fait un détective infiltré, est élu de manière inattendue pour combler un poste vacant au Conseil central des anarchistes, l’intrigue prend une singulière tournure emplie de nombreux et surprenants rebondissements.

 

Le roman commence par une dispute entre Lucien Grégory, poète de l`anarchie, et Gabriel Syme, qui déclare avec une violence passionnée être catholique, poète de la loi et de l`ordre. Le sujet de la controverse est la nature de la poésie. Grégory arrive à entraîner à sa suite son contradicteur, en lui promettant de lui faire passer une soirée tout à fait étrange et en lui faisant jurer de garder à ce propos un secret absolu. lls se rendent donc ensemble à un cercle d'anarchistes, dont le conseil est formé par sept hommes qui se cachent sous les noms des jours de la semaine ; Dimanche en est le président. C`est à ce moment que Syme confie à Grégory, sous la foi du serment, qu'il appartient à la police, et plus spécialement à un service secret qui a pour mission de combattre l`anarchie ; ils reconnaissent qu'ils sont ennemis, mais liés par les promesses qu'ils ont échangées. Syme réussit même à se faire élire au poste laissé vacant par Jeudi. A la suite de divers incidents, ils arrivent enfin à savoir que tous les membres du conseil, excepté le mystérieux président, appartiennent à la police et ont été enrôlés comme Syme par un chef inconnu qui n'a été pour eux qu'une voix entendue dans une chambre noire. Les six policiers se retrouvent maintenant en France à la poursuite de l`unique anarchiste authentique ; la découverte qu`ils font est plutôt sensationnelle : l`anarchiste et l`homme de la chambre obscure ne font qu`un. Après d'autres aventures. l`anarchiste dit qu'il est la paix de Dieu, puis il disparaît. Comme deux compagnons qui ont parcouru ensemble une bonne partie de la route, les deux poètes se retrouvent désormais amis et remplis d`une joie profonde. 

La clé de ce roman. Montrer que des attitudes opposées trouvent leur conciliation dans un même sens de l'amour conçu comme une règle d'or, et qui nous est donnée par Chesterton lui-même dans son Autobiographie : "La cause essentielle, c`est que mes yeux étaient tournés vers le dedans plutôt que vers le dehors, ce qui donnait, je crois bien, à ma personnalité morale un strabisme des moins attrayants. J'étais encore comme oppressé par le cauchemar métaphysique des négations sur l`esprit et sur la matière, plein de l`imagerie morbide du mal...; mais dès cette époque, j'étais déjà en révolte contre l'un et l`autre ; déjà en train de m`efforcer d'établir une plus saine conception de la vie cosmique... J`allais jusqu`à m'appeler un optimiste ; mais c'est que j`étais si terriblement près d'être un pessimiste" (Chap. IV, L`Art d'être loufoque, Trad. Gallimard. 1926).

 


"The Secret Garden" est une nouvelle policière écrite par G. K. Chesterton qui parut en 1910 dans le magazine The Story-Teller avant d'être insérée, en juillet 1911, dans le recueil "The Innocence of Father Brown". L'histoire se déroule à Paris avec pour personnage principal, Aristide Valentin,  le chef de la police de la ville. Valentin a convié à dîner de nombreux membres de l'élite de la société, dont Julius K. Brayne, un riche américain, dans un singulier domaine dont on ne peut ni entrer ni sortir sans se faire remarquer. C'est alors que l'on découvre dans le jardin un homme décapité dont la tête est introuvable, du moins dans un premier temps. La suspicion s'abat immédiatement sur le commandant O'Brien, qui portait une longue épée, puis sur Brayne...

" - “You know how all the garden was sealed up like an air-tight chamber,” said the doctor quietly. “Well, how did the strange man get into the garden?”
Without turning around the little priest answered: “There never was any strange man in the garden.”
There was a silence, and then a sudden cackle of almost childish laughter relieved the strain. The absurdity of Brown’s remark moved Ivan to open taunts.
“Oh!” he cried; “then we didn’t lug a great fat corpse on to a sofa last night? He hadn’t got into the garden, I suppose?”
“Got into the garden?” repeated Brown reflectively. “No, not entirely.”
“Hang it all,” cried Simon, “a man gets into a garden, or he doesn’t.”
“Not necessarily,” said the priest with a faint smile. “What is the next question, Doctor?”
“I fancy you’re ill,” said Dr. Simon sharply; “but I’ll ask the next question if you like. How did Brayne get out of the garden?”
“He didn’t get out of the garden,” said the priest, still looking out of the window.
“Didn’t get out of the garden?” exploded Simon.
“Not completely,” said Father Brown.
Simon shook his fists in a frenzy of French logic. “A man gets out of a garden, or he doesn’t,” he cried.
“Not always,” said Father Brown.
Dr. Simon sprang to his feet impatiently. “I have no time to spare on such senseless talk,” he cried angrily. “If you can’t understand a man being on one side of a wall or the other, I won’t trouble you further.”
“Doctor,” said the cleric very gently, “we have always got on very pleasantly together. If only for the sake of old friendship, stop and tell me your fifth question.”
The impatient Simon sank into a chair by the door and said briefly: “The head and shoulders were cut about in a queer way. It seemed to be done after death.”
“Yes,” said the motionless priest, “it was done so as to make you assume exactly the one falsehood that you did assume. It was done to make you take for granted that the head belonged to the body.”..."



Edgar Wallace (1875-1932)

Dans les années 1920-1930, Richard Horacio Edgar Freeman, natif de Greenwich, Londres, s'affirme comme l'écrivain le plus célèbre d'Angleterre. Il prend à sa manière la succession de Conan Doyle et compose un nombre impressionnant de romans d'aventures et de poursuites, mâtinés d'enquête et de déduction (170 romans), dont la série des « Quatre Justiciers » (The Four Just Men, 1905) est l'exemple type. Il fut journaliste en 1902 en Afrique du Sud (Sanders of the River, 1911) et couvrit la guerre russo-japonaise en 1904....

Smithy and Nobby Series - Travaillant comme soldat puis correspondant de guerre pendant la guerre des Boers, Wallace a créé le personnage de « Smithy », un soldat archétype de l’armée britannique. En 1905, il commence une série de romans épisodiques sur le personnage. Ceux-ci étaient patriotiques dans le ton, mais aussi surtout humoristiques dans leur traitement de leur protagoniste et de ses amis Spud Murphy et Nobby Clarke. Les romans comprennent du matériel publié pour la première fois dans le Daily Mail et finalement quatre volumes au total : "Smithy" (1905), "Smithy Abroad" (1909), "Smithy and the Hun" (1915) et se terminant par "Nobby ou l’ami de Smithy Nobby" (1916).

 

 African Novels - Wallace a été affecté avec l’infanterie britannique en Afrique du Sud pendant la guerre des Boers, mais s’est acheté en 1899 afin de devenir écrivain à temps plein, après avoir obtenu un poste de correspondant de guerre pour le Daily Mail. Plus tard en 1907, il retourne en Afrique pour rendre compte des atrocités commises par le roi belge Léopold II au Congo. Wallace a utilisé ses expériences en Afrique comme base pour sa série populaire de romans d’aventure, qui est apparu à plusieurs reprises au cours des années 1910 et 1920. Les récits reflètent la position hubriste et raciste de l’idéologie impérialiste victorienne, et enregistre une époque où les envahisseurs britanniques et européens gouvernaient les indigènes avec une force sans scrupules et souvent barbare. La représentation peu flatteuse des Africains autochtones (pour dire le moins) comme des « cannibales » bestiaux est malheureusement typique de cette époque. Cependant, les lecteurs peuvent toujours apprécier l’action rapide pour eux-mêmes, et les romans sont également intéressants en tant que documents culturels – des fenêtres sur la mentalité impériale du début du siècle. Wallace a écrit douze de ces titres, dont le premier est "Sanders of the River" (1911). Bien que modeste par rapport à sa renommée ultérieure, ce fut le premier grand succès de Wallace et cimenta sa position en tant que premier écrivain populaire de son époque. Le protagoniste Sanders est revenu dans presque tous les romans africains ultérieurs de Wallace.

 

"IT was a bad night in London, not wild or turbulent, but swathed to the eyes like an Eastern woman in a soft grey garment of fog. It engulfed the walled canyons of the city through which the traffic had roared all day, plugged up the maze of dark side streets, and blotted out the open squares. Close to the ground it was thick, viscous, impenetrable, so that one could not see a yard ahead, and walked ghostlike, adventuring into a strange world..." ( THE NINE BEARS (1910), N.H.C.)

 

 Detective Sgt. Elk Series - Cette série de romans policiers est liée au personnage du sergent détective (plus tard inspecteur) Elk, un détective de police endurci opérant dans le monde obscur de l’entre-deux-guerres à Londres. La série commence avec "The Nine Bears" (1910), qui sera rééditée plus tard sous le titre "The Other Man" et, à nouveau, sous le titre The "Cheaters". Wallace revisite le personnage d’Elk plus d’une décennie plus tard dans "The Fellowship of the Frog" (1925). Après cela, le personnage est apparu dans quatre autres volumes au cours des cinq années suivantes : "The Joker, or, the Colossus" (1926), "The Twister" (1928), "The India-Rubber Men" (1929), "White Face" (1930). 

Dans les années 1920, lorsque la majorité de la série a été publiée, Wallace était devenu le plus grand écrivain vendeur en Angleterre. Pour capitaliser sur ce nouveau succès, le titre édouardien original de la série a été retravaillé en 1930 sous le nom de Silinski – Master Criminal. Wallace utilise pleinement le cadre métropolitain de la série, le peuplant d’hommes d’affaires corrompus et de gangs criminels. Le quartier financier de la ville est également un cadre fréquent, avec des transactions frauduleuses à la bourse jouant un rôle central dans les deux premiers titres de la série et à nouveau dans "The Twister".

Conformément à la tradition «hardboiled» de Wallace, les romans dépeignent le travail policier comme une affaire sordide qui ne se différencie pas toujours complètement du milieu criminel qu’il combat – un thème qui s’inscrit dans la lignée de la justice d’autodéfense décrite dans la série plus célèbre de Wallace intitulée « Four just men ». De plus, les romans mettent souvent de côté Elk lui-même pour se concentrer sur les personnages plus prosaïques et moins héroïques liés aux enquêtes criminelles – comme les journalistes et les policiers réguliers.

 

 (THE GAUNT STRANGER (1925),  OR, POLICE WORK; REVISED AS ‘THE RINGER’,1926) - CHAPTER 2 - "IT seemed that the spring had come earlier to Lenley village than to grim old London, which seems to regret and resist the tenderness of the season, until, overwhelmed by the rush of crocuses and daffodils and yellow-hearted narcissi, it capitulates blandly in a blaze of yellow sunshine. As he walked into the village from the railway station, Alan saw over the hedge the famous Lenley Path of Daffodils, blazing with a golden glory. Beyond the tall poplars was the roof of grey old Lenley Court. News of his good fortune had come ahead of him. The bald-headed landlord of the Red Lion Inn came running out to intercept him, a grin of delight on his rubicund face. - “Glad to see you back, Alan,” he said. “We’ve heard of your promotion and we’re all very proud of you. You’ll be Chief of the Police one of these days.” Alan smiled at the spontaneous enthusiasm. He liked this old village; it was a home of dreams. Would the great, the supreme dream, which he had never dared bring to its logical conclusion, be fulfilled? ..."

 

 Crime Novels - Dire que Wallace était un romancier prolifique, c’est encore et toujours le sous-estimer. Sa production s’étendit à plus d’une centaine de romans et fut vendue par millions d'exemplaires. Ce chiffre d’affaires extraordinaire était facilité par la méthode de travail efficace de Wallace : il s’enfermait seul avec un cylindre de cire et dictait le travail en une seule fois. Le roman était ensuite tapé par une équipe de secrétaires et envoyé aux éditeurs, ce qui signifie que Wallace pourra produire de nouveaux romans à une vitesse incroyable. La méthode de travail de Wallace a également influencé le style et la qualité de sa production. Il ne s’agit pas de chefs-d’œuvre littéraires, mais de récits inspirés par l’intrigue, « pacy », mélodramatiques et sinistres; pourtant, la dépendance de Wallace à la dictée compense le manque de finition stylistique par une énergie spontanée rafraîchissante qui pousse le lecteur à tourner les pages avec impatience.

Il y a aussi une diversité surprenante dans les intrigues, qui englobent tout, des mystères de la pièce verrouillée à la disparition des héritiers, bien que la prédilection de Wallace pour les agents de paris malhonnêtes et les cartels criminels de la pègre se profile également dans les romans comme le hardboiled « Jack o’ Judgment » (1920), avec des romans ultérieurs reflétant la corruption de l’Amérique à l’ère de la prohibition. Le type de menace mis en oeuvre dans ces thrillers varie également dans l’échelle des configurations classiques whodunit de "The Clue of the Twisted Candle" (1918) et "The Daffodil Mystery" (1920) à la menace de domination mondiale par un super méchant dans "The Green Rust" (1919). Cependant, « The Gaunt Stranger » (1925) a été le véritable catalyseur du succès incroyable de Wallace – en grande partie en raison de l’énorme popularité de « The Ringer » (1926), l’adaptation théâtrale du roman par Wallace. Le succès de cette pièce a conduit à un accord lucratif avec la société de cinéma britannique British Lion, qui a produit des dizaines de films basés sur les livres de Wallace, fournissant à l’auteur des dizaines de milliers de livres en redevances annuelles.

 

S'il n'innove guère, ses meilleurs romans sont menés tambour battant, offrant une succession presque ininterrompue d'actions et de revirements. Il est de ceux qui peuplèrent leurs intrigues d'organisations criminelles (the "Fellowship of the Frog", the "Red Hand",  the "Crimson Circle") et créèrent des personnages de méchants passés dans la postérité comme Oberzohn ou Fing-Su, diplômé d'Oxford et dirigeant de la redoutable Society of the Joyful Hand qui entend dominer le monde("Yellow Snake"). 

On compte donc à son actif près de 90 romans policiers et une cinquantaine de nouvelles : J.G.Reeder dans "Room 13" (1924) et "Terror Keep" (1925), Red Aces (1929, le Detective Sgt Elk dans "The Fellowship of the Frog" (1925), "The Twister" (1928), "The India-Rubber Men" (1929), mais aussi "The Man Who Bought London" (1915), "Captains of Souls" (1923), "The Sinister Man" (1924)...

Sait-on que Wallace écrivit pour RKO le premier projet pour King Kong de fin décembre 1931 à janvier 1932, le "gorilla picture" de Merian C. Cooper, et que plus de 50 films basés sur ses histoires furent tournés au Royaume-Uni entre 1925 et 1939 (The Dark Eyes of London, 1939, de Walter Summers, avec Bela Lugosi et Greta Gynt)...

 

"Four Just Men Series"

Cette série de six romans parut entre 1905 et 1929 et obtint bientôt le statut de culte. Le premier roman de la série, "The Four Just Men" (1905), fut un best-seller instantané. Les « quatre hommes justes » sont de jeunes intellectuels riches qui travaillent ensemble pour punir ce qu’ils considèrent comme le mal et les injustices hors de portée de la loi. En fait, il n’y a que trois membres principaux de l’équipe : George Manfred, Leon Gonsalez et Raymond Poiccart. Ils recrutent parfois un quatrième «just man» pour les aider, ou travaillent simplement seuls. Incapable de trouver un éditeur prêt à prendre le premier livre, Wallace a publié "Les quatre hommes justes" en 1905 sous son propre nom de société, Tallis Press. Viennent ensuite "The Council of Justice" (1908), "The Just Men of Cordova" (1917), "The Law of the Four Just Men" (Us Title: Again the Three Just Men) (1921), "The Three Just Men" (1926) and "Again the Three Just Men" (Us Title: The Law of the Three Just Men) (1929). Les romans ultérieurs développent les histoires de fond des personnages, révélant que le quatrième « juste homme » était mort avant les événements du premier roman. Les romans ultérieurs s’efforcent également d’atténuer certains des éléments les plus controversés du premier roman, où les quatre protagonistes sont essentiellement présentés comme des anti-héros terroristes – un aspect que les adaptations ultérieures du cinéma et de la télévision ont également atténué.

 

"The Three Just Men" (1926, Les Trois Justiciers)
Un des romans les plus célèbres d'Edgar Wallace, à une époque d'extrême agitation politique et sociale. Un mystérieux mamba noir, évadé du zoo, frappe aveuglément les passants dans les rues de Londres tandis que Mirabelle Leicester accepte, malgré la psychose populaire, la mirifique offre d’emploi de l’entreprise Oberzohn et Smith à Londres qui semble poursuivre de singuliers desseins. Quatre hommes (Manfred, Gonsalez, Poiccart et Thery),qui tiennent une agence de détectives Curzon Street à Londres, promettent de faire tout ce qu'il faut pour que la justice l'emportent vont pas hésiter à de puissants hommes et femmes coupables des crimes les plus vils : viols, détournements, extorsions, meurtres. Les voici menant l'affrontement avec Sir Philip Ramon, le ministre britannique des affaires étrangères qui menace d'expulser des hommes et des femmes qui ont choisi l'Angleterre pour fuir leurs terres natales corrompues, où la torture et la mort les attendent...

"Le minuscule hôtel particulier du 233, Curzon Street, ne payait pas de mine. Pourtant, l'intérieur était un véritable bijou, remarquable d'élégance et de confort. Sur la porte, un petit triangle d'argent indiquait la profession de détective privé de son propriétaire, Georges Manfred. Cet homme, grand, bien de sa personne, avec une figure aristocratique sur un corps d'athlète, ne se montrait dans Curzon Street qu'habillé à la dernière mode. Bien peu de gens pouvaient se vanter de le connaître intimement. De temps à autre, le Docteur Elver, médecin légiste de Scotland Yard, venait chez lui pour exposer son point de vue au sujet du fameux serpent. Georges et ses deux compagnons l'écoutaient en silence. On connaissait davantage son domestique-chauffeur. Au garage, où il remisait la voiture de son patron, on admirait ce curieux individu, aux yeux d'aigle dans un visage pâle et allongé, pour sa témérité et l'aisance avec laquelle il prenait les virages sur les chapeaux de roues. Le maître d'hôtel, par contre, un homme brun, vigoureux et taciturne restait pratiquement inconnu des habitants du quartier. Le personnel se composait en outre d'une cuisinière de confiance et de deux soubrettes qui prenaient leur service à huit heures pour le terminer à dix-huit. Manfred ne faisait aucune publicité sous son nom et n'accordait jamais de consultations autrement que sur rendez-vous. Aussi, apprit-il avec surprise qu'un M. Sam Barberton demandait à le voir. Le maître d'hôtel reçut le visiteur, un homme gras et fort, le teint coloré, les cheveux grisonnants coupés d'une calvitie distinguée, chaussé de bizarres bottes de cuir, qui lui déclara d'une voix rauque en montrant une annonce dans un journal extirpé de son veston: - "Je veux voir le patron de ce triangle". Le maître d'hôtel prit le journal sans mot dire et constata qu'il s'agissait de la Gazette de Cape Town.  - "Je crains, dit-il après un silence, que vous ne puissiez pas voir M. Manfred sans un mot d'introduction ou un rendez-vous régulier.  - Vraiment! Eh bien, je déclare, moi, que je le verrai, dussé-je passer la nuit ici."  Pas un muscle de la figure du maître d'hôtel ne tressaillit. L'homme continua : "- J 'ai découpé cette annonce dans un journal trouvé au bord du Bengale qui a accosté à Tilbury cet après-midi et je suis venu ici tout droit. Je désire jouer franc jeu et cartes sur table. Regardez-moi ça!  Avant que le maître d'hôtel pût prévoir son geste, l'inconnu enlevait une de ses bottes. Il leva lentement sa jambe démunie de chaussettes. La plante du pied apparaissait boursouflée et crevassée de sillons rouges. L'autre comprit. - " Des Portugais - Pas des sauvages, non, des Portugais. Ils m'ont grillé les pieds pour m'obliger à parler. Sans l'arrivée d'un de ces trafiquants américains toujours prêts à faire le coup de feu, j'y passais. Il m'a ramené à la ville.  - Quelle ville? - Mossamédès. - Que voulaient-ils savoir?" Le visiteur, qui commençait à manifester quelque impatience, demanda. d'un ton soupçonneux : - "Etes-vous le patron? - Non, je ne suis que le maître d'hôtel. Qui dois-je annoncer?  - Samuel Barberton. Dites-lui que je désire me procurer l'adresse d'une demoiselle Mirabelle Leicester. Et puis, autre chose m'intéresse. Une nuit, les Portugais, complètement soûls, parlaient d'une maison qu'ils possèdent à Londres. Une véritable forteresse, à les entendre." Le maître d'hôtel s'assura, en se penchant près de lui pour ramasser une allumette imaginaire, que l'homme sentait fortement le tabac, mais pas l'alcool.  - "Veuillez attendre une minute." Il s'engagea dans l'escalier et ne tarda pas à revenir, invitant Barberton à le suivre. Il le conduisit dans une petite pièce tendue d'épais rideaux de velours gris et se retira. Manfred s'y tenait, debout, derrière son bureau.  - "Veuillez vous asseoir. Vous désirez me raconter une histoire intéressante, paraît-il.  - - Je ne vous raconterai pas grand-chose. Je ne vais pas confier à un étranger ce que je ne dirais même pas à Elijah Washington qui m'a sauvé la vie." Manfred ne parut pas surpris de cette attitude réticente, commune à beaucoup de ses clients, mais son intérêt s'éveillait...."

"The Squeaker" (1927, La Mouche)
Scotland Yard et la communauté criminelle de Londres tentent de découvrir l'identité du "Squealer", un mystérieux receleur qui oblige les criminels à lui vendre leurs marchandises pour une somme dérisoire, sous peine de les abandonner  au poison du Mamba noir....

"Une fichue nuit pour arpenter la grande avenue qui traverse les terrains vagues de Putney Commons : du vent, de la pluie, du grésil. Les gants les plus épais n'y résistaient pas. Une nuit si noire, que malgré les becs de gaz placés à intervalles réguliers, Larry Graeme était obligé de se servir de sa lampe de poche pour éviter de buter contre le trottoir aux croisements de chemin. Il était pourtant à l'abri sous son long imperméable, les pieds chaussés de bons caoutchoucs. Mais inutile d'ouvrir un parapluie : il essaya pourtant et Ie vent faillit le retourner. "On prétend que l'eau de pluie est excellente pour le teint", se consola-t-il avec un sourire. Il jeta un regard rapide sur le cadran lumineux de sa montre : la demie allait sonner. Plus longtemps à attendre; car l' «As» était toujours exact. «Ah! oui... aussi exact que retors... Larry avait déjà eu affaire à lui, et il s'était juré de ne plus recommencer... Pourtant, voilà qu'il s'adressait de nouveau à l' «As»... C'est que ce diable d'homme, s'il marchandait durement, payait comptant, et on courait peut-être moins de risques avec lui qu'avec d'autres... Ce soir, en tout cas, pas de marchandages... il faudra qu'il s'exécute sans aller chercher des «si» et des «mais»...i Il n'y a pas d'incertitude sur la valeur des diamants de Mme van Rissyk : tout le monde la connaît. Ainsi devisait Larry, sous la pluie qui le cinglait, pour se donner plus de confiance qu'il n'en avait au fond. C'est justement à cause du retentissement de ce cambriolage qu'il s'était adressé encore une fois à l' «As»...." 


"The Adventures of Maud West, Lady Detective: Secrets and Lies in the Golden Age of Crime" written by Susannah Stapleton, 2019

Maud West a dirigé son agence de détective à Londres pendant plus de trente ans, après avoir commencé à enquêter pour le compte des meilleurs de la société en 1905. Ses exploits ont fait les manchettes partout dans le monde, mais, sous le personnage public, elle a été forcée de cacher des aspects vitaux de sa propre identité afin de prospérer dans un monde obsédé par les classes et dominé par les hommes. Et, comme le révèle Susannah Stapleton, elle était un témoin très peu fiable de sa propre vie. Qui était Maud? Et quelle était la réalité d’être une détective privée à l’âge d’or du crime ? Mêlant des récits tirés du propre «casebook» de Maud West à l’histoire sociale et à de vastes recherches originales, Stapleton enquête et cherche quelque vérité sur ce destin hors du commun qui vécut dans les bas-fonds de la bonne société londonienne de cette première moitié du XXe siècle....