Vance Packard (1914-1996), "The Hidden Persuaders" (1957), "The Status Seekers (1959), "The Waste Makers (1960), "The Naked Society" (1964) - .....

Last update : 12/11/2016


"Something new, in fact, appears to be entering the pattern of American life with the growing power of our persuaders" - Vance Packard, journaliste devenu critique social, est  auteur de livres à succès - "The Hidden Persuaders", "The Status Seekers" et "The Waste Makers" - mettant en garde les Américains à la fin des années 1950 contre les excès de la publicité, l'ascension sociale et l'obsolescence planifiée.  Vulgarisateur particulièrement efficace pour traiter des conséquences culturelles soulevées par la prospérité de l'Amérique d'après-guerre et l'explosion du consumérisme, il a su tout autant inventer des titres pour ses livres qui sont restés dans le vocabulaire national et sa vision d'une Amérique assaillie par des forces manipulatrices et dominée par de vastes organisations bureaucratiques a touché une corde sensible chez le public ..

L'histoire de l'Amérique depuis la guerre civile peut être considérée, en grande partie comme "a history of conquest by commercial advertising", une histoire de conquête par la publicité commerciale. Au fil des décennies, celle-ci s'est installée en nous quasi naturellement, toujours avec plus de subtilité et d'efficacité, à tel point qu'aujourd'hui, en ce début du XXIe, elle est devenue une constante de notre vie tant privée que publique et que nul ne pense un instant à contester son principe. Mais qui dit publicité dit entreprise et produits & services associés. L'histoire moderne de l'Amérique est, en grande partie, l'histoire d'un immense et continu "flood of corporate propaganda",  et de nos tentatives d'opposition à ce flot pour la contester ou la juguler. En 1921, J. Walter Thompson, le grand pionnier américain de la publicité, engageait le psychologue John Watson, l'un des fondateurs du behaviorisme, afin d'exploiter son expertise, tout en lui prêtant une tribune pour sa propre campagne visant à présenter le behaviorisme comme un nouvel outil formidable pour le commerce d'entreprise : Watson découvrit, nous dit-il, un autre monde, le voici dans l'obligation de se détourner de sa formation psychologique universitaire (I saw I would have to more or less junk my psychological training), pour s'approprier cette logique de la consommation qui ne dépendait pas de l'érudition ou de l'acuité théorique, mais d'un certain sens viscéral de ce qui pourrait fonctionner pour vendre aux masses cette montre-bracelet, ce café ou tout autre produit que l'annonceur voulait écouler. Et, à l'opposé, dès 1927, Stuart Chase & Frederick J. Schlink, avec "Your Money's Worth : A Study in the Waste of the Consumer' Dollars", furent à l'origine de la fondation en 1929 de Consumer Research, Inc.. On a pu ainsi dénoncer le caractère inesthétique de la publicité, depuis "esthétisé", son caractère intrusif, ses fausses affirmations, ses offres trompeuses, ses effets toxiques, ses fantasmes sexistes, son racisme désinvolte, son credo de l'égoïsme généralisé, son impact catastrophique sur l'écologie de la planète, etc., tenter de l'inverser, puis vivre avec, et finalement l'accepter implicitiment, car de nos jours, en ce début du XXIe, nous acceptons en effet un grand nombre de choses tant nos soifs de consommation et de divertissement sont devenues prépondérantes, et pour tout dire essentielle à notre existence, le reste relégué à quelque indifférence ...

 

Vance Packard (1914-1996)
Vance Packard est né à Granville Summit en Pennsylvanie, fut journaliste (Record, Associated Press, American Magazine, Collier's Magazine) avant d'enseigner dans les universités de Columbia et de New York: il s'inscrit dans ce courant de la sociologie américaine qui a marqué les années 1950 et 1960 et qui met au centre de son discours la dénonciation de la société de consommation et ses aliénations. Certes, il écrit en tant que journaliste et cherche alors désespérément vie un best-seller à subvenir aux besoins de sa famille. Certes Packard opte pour un style vif et ouvert qui était peut-être plus approprié à ses besoins commerciaux qu'à ses thèses critiques, le livre est en effet en grande partie anecdotique, déroulant une longue série d'exemples frappants ou inquiétants, sans que Packard ne fasse de distinction entre eux, et en regroupant parfois des méthodes ou des techniques disparates sous la rubrique distendue de "M.R." Certains de ces exemples, en outre, pourraient bien avoir été exagérés, voire discutables, nous sommes loin des exigences d'un livre universitaire. Et pourtant. Avec le souci du détail "qui parle ", Packard dénonce la manipulation de la société contemporaine par la publicité (The Hidden Persuaders, 1957) et par les médias (The Status Seekers: An Exploration of Class Behavior in America and the Hidden Barriers That Affect You, Your Community, Your Future, 1959 ; The Sexual Wilderness: The Contemporary Upheaval in Male-Female Relationships, 1968 ; The People Shapers, 1977). Les individus sont l'objet d'une dictature insidieuse qui convertit leur désir en fureur d'avoir, qui les dépossède de leur autonomie par la manipulation de leur esprit ou par le fichage systématique de la population (The Naked Society , 1965). Sa dénonciation des méthodes de manipulation mentale introduites par la télévision comme le message subliminal participe à la dénonciation des excès de la société de consommation des années 1960s ....

 


"The Hidden Persuaders" (La Persuasion clandestine, 1957)

The Depth Approach - PERSUADING US AS CONSUMERS - The Trouble With People - So Ad Men become Depth Men - ...And The Hooks Are Lowered - Self-Images for Everybody - RX for Our Secret Distresses - Marketing Eight Hidden Needs - The Built-in Sexual Overtone - Back to the Breast, and Beyond - Babes In Consumerland - Class and Caste in the Salesroom - Selling Symbols to Upward Strivers - Cures for Our Hidden Aversions - Coping with Our Pesky Inner Ear - The Psycho-Seduction of Children - New Frontiers for Recruiting Customers. - PERSUADING US AS CITIZENS - Politics and the Image Builders - Molding “Team Players” for Free Enterprise - The Engineered Yes - Care And Feeding Of Positive Thinkers - The Packaged Soul? - IN RETROSPECT - The Question of Validity - The Question of Morality. 

 

Beaucoup d'entre nous sont influencés et manipulés, bien plus que nous ne le pensons, dans les schémas de notre vie quotidienne, écrit Vance Packard qui découvre au public l'influence croissante de l'industrie nationale de la publicité dans les années 1950. Les "Persuadeurs cachés" firent fureur ; de nombreux lecteurs affirmèrent qu'ils étaient soumis à une publicité subliminale chaque fois qu'ils remarquaient un problème dans la réception de leur télévision. Et le secteur de la publicité riposta, ses représentants prirent parole dans des forums publics partout dans le monde pour déclarer que la recherche sur la motivation aidait les annonceurs à mieux servir le peuple américain. 

Avant que Vance Packard ne vienne dénoncer avec une redoutable efficacité le concept de "persuasion commerciale" dans l'esprit du public (En 1975, trois millions d'exemplaires du livre avaient été imprimés), des années 1920 jusqu'au milieu des années 1950, et surtout depuis la Grande Dépression, "Madison Avenue" s'était emparé de ces processus de pensée, formidablement inconscient, qui présidaient à ce nombre infini et continu de décisions d'achats qui participaient  à l'édification publique et privée d'une nouvelle existence, on jouait ici avec une simplicité désarmante sur les relations sociales, le pouvoir de la séduction, du mensonge et de la répétition. Earnest Elmo Calkins, un brillant rédacteur publicitaire et l'un des plus grands défenseurs de la publicité, invente en 1930 la "consumption engineering" (ingénierie de la consommation), et écrit dans Printer's Ink: "Goods fall into two classes, those we use, such as motor cars or safety razors, and those we use up, such as toothpaste or soda biscuit. Consumption engineering must see to it that we use up the kind of goods we now merely use" (Les biens se divisent en deux catégories, ceux que nous utilisons, comme les voitures ou les rasoirs de sécurité, et ceux que nous consommons, comme le dentifrice ou les biscuits au soda. L'ingénierie de la consommation doit veiller à ce que nous utilisions le type de biens que nous ne faisons aujourd'hui qu'utiliser), puis poursuit "Would any change in the goods or the habits of people speed up their consumption ? Can they be displaced by newer models? Can artificial obsolescence be created? Consumption engineering does not end until we can consume all we can make." (Tout changement dans les biens ou les habitudes des gens accélérerait-il leur consommation? Peuvent-ils être remplacés par des modèles plus récents ? Peut-on créer une obsolescence artificielle ? L'ingénierie de la consommation ne s'arrêtera pas tant que nous n'aurons pas consommé tout ce que nous pouvons fabriquer), singulière anticipation des craintes exprimées par Packard. Le contexte n'est pas encore celui des redoutables  défenseurs de la recherche sur les motivations, qui se sont imposés après la Seconde Guerre mondiale, ni celui d'analystes sophistiqués, et s'il existe alors une "science" de la publicité",  sa "formule est très simple : déterminer ce qu'ils veulent, leur promettre tout ce qu'ils veulent et souffler fort" (James Rorty , Our Master's Voice : Advertising). Le fait que cette psychologie soit primitive n'enlève rien à son importance historique ..

 

L'influence du livre de Packard se fit ainsi sentir dans toute la culture. Au cinéma, les publicitaires apparaitront parfois comme des protagonistes ambigus d'un nouveau genre, non pas des idéalistes tourmentés, comme Vic Norman dans "The Hucksters", le roman à succès de Frederic Wakeman de 1946, - "One, a good simple idea. Two, repetition. And by repetition, by God, I mean until the public is so irritated with it, they'll buy your brand because they bloody well can’t forget it. All you professional advertising men are scared the death of raping the public; I say the public likes it, if you got the know-how to make ’em relax and enjoy it." -  mais des manipulateurs terriblement calculateurs, cyniques et séducteurs, -"You're very clever with words", dit Eve Kendall (Eve Marie Saint) à Roger Thornhill (Cary Grant) dans "North by Northwest" (1959) d'Hitchcock, "You can probably make them do anything for you: Sell people things they don’t need; make women who don't know you fall in love with you"  (“I’m beginning to think ’m underpaid", répliquera Thornhill). Et nous verrons "The Hidden Persuaders" donnait involontairement naissance à un mythe persistant sur la prévalence des appels "subliminaux", des mots ou des images qui nous donnent faim, soif, peur ou (surtout) envie, même si l'œil nu ne peut pas les détecter. L'ouvrage de Vance Packard, en raison de son titre particulièrement suggestif, sera souvent considéré à tort comme le premier livre à dénoncer l'utilisation d'"implants" publicitaires - une thèse qui a ensuite été poursuivie sans relâche par Wilson Brian Key, dont "Subliminal Seduction" (1973). Là n'est pas tant l'action singulière de la publicité que tou simplement si  les annonceurs ne cesseront de s'intéresser à la publicité, ils sont aussi de plus en plus nombreux à être des consommateurs, c'est bien notre réceptivité croissante à toute cette "motivation" subtile de la part de l'entreprise qui emporte notre soif de persuasion...

 

"The Hidden Persuaders" fut précédé en 1956 de "The FBI. Story", du G-Man Don Whitehead, et suivi en 1958 de "Masters of Deceit", de J. Edgar Hoover : alors que celui-ci écrit que "la stratégie communiste de base veut que les mains non communistes, sciemment ou non, sous la direction des communistes, favorisent l'influence du monde communiste", Packard affirme implicitement que Nous, le peuple, sommes régulièrement et avec succès manipulés non pas par des agents du Kremlin, mais par "des fabricants, des collecteurs de fonds et des politiciens" ici même aux États-Unis...

Si le public américain se réveille enfin au cours du second mandat d'Eisenhower, les années 1950s ne sont pas pour autant totalement en résonance avec les critiques de Vance Packard (dans le gigantesque "The Fifties" de David Halberstam (1993), le nom de Packard n'apparaît qu'une seule fois, et non pas pour un de ses écrits, mais pour un discours qu'il a prononcé en 1959), il faut attendre les années 1960s, la décennie de "Silent Spring" (Rachel Carson, 1962), "The Other America" (Michael Harrington, 1962), "Unsafe at Any Speed" (Ralph Nader,1965), pour qu'enfin ses écrits puissent figurer aux côtés de C. Wright Mills et de David Riesman, ainsi que des best-sellers tels que "Organization Man" de William O. Whyte (1956) et "The Man in the Gray Flannel Suit" de Sloan Wilson (1955). 

Bien entendu, la réaction des publicitaires et autres professionnels du marketing fut extrêmement vive. Dans "The Huckster's Revenge : The Truth About Life on Madison Avenue" (1959), Fred Manchee de B.B.D.O. - l'agence qui a vendu "Ike" Eisenhower - ridiculisera l'idée d'un "sombre et profond complot". et se moque de Packard dès qu'il en a l'occasion. Maître incontesté de la vente forcée et célèbre pour ses slogans lapidaires, Rosser Reeves  écrit dans "Reality in Advertising" (1962) qu'il n'y a pas de "persuadeurs cachés" ("Le canular freudien"). David Ogilvy, connu pour ses campagnes particulièrement subtiles et ironiques portant sur des produits de luxe,  réfutera de même dans "Confessions of an Advertising Man" (1963), l'idée "sinistre" des "persuadeurs cachés" en offrant, comme le fait Reeves, un grand nombre de leçons basées entièrement sur une longue expérience pratique et sur le "bon sens". "The Trouble with Advertising : A View from the Inside" (1985), de John O" Toole, de Foote, Cone & Belding, qui sera plus tard président et directeur général de l'Association américaine des agences de publicité, écrira:  "On a beaucoup écrit sur les pouvoirs insidieux de la publicité. Il n'y en a pas.." Et pourtant, Vance Packard ne cessera de révéler à quel point une insidieuse appropriation des tactiques publicitaires s'est progressivement installée dans le langage commun dès qu'il s'agit de s'approprier quelque pouvoir ou d'emporter quelque décision ...

Aujourd'hui, en ce XXIe siècle qui débute à peine, mais nous en sommes déjà à la seconde décennie, lire du Vance Packard semble sans grand intérêt, est-ce parce que le monde à changer, non pas, rien de nouveau sous le soleil de la propagande et de la consommation, mais n'ayant plus de véritables impératifs de vie en ce monde, si ce n'est consommer et nous divertir à l'ombre des pacifications institutionnelles et de nos délégations démocratiques indifférentes, notre degré d'acceptation des dominations est sans  limites ...

 

1. The Depth Approach 

This book is an attempt to explore a strange and rather exotic new area of American life. It is about the large-scale efforts being made, often with impressive success, to channel our unthinking habits, our purchasing decisions, and our thought processes by the use of insights gleaned from psychiatry and the social sciences. Typically these efforts take place beneath our level of awareness; so that the appeals which move us are often, in a sense, “hidden.” The result is that many of us are being influenced and manipulated, far more than we realize, in the patterns of our everyday lives. 

Some of the manipulating being attempted is simply amusing. Some of it is disquieting, particularly when viewed as a portent of what may be ahead on a more intensive and effective scale for us all. Cooperative scientists have come along providentially to furnish some awesome tools. ‘The use of mass psychoanalysis to guide campaigns of persuasion has become the basis of a multimillion-dollar industry. Professional persuaders have seized upon it in their groping for more effective ways to sell us their wares - whether products, ideas, attitudes, candidates, goals, or states of mind. 

 

Ce livre est une tentative d’explorer un nouveau domaine étrange et plutôt exotique de la vie américaine. Il s’agit des efforts à grande échelle qui sont faits, souvent avec un succès impressionnant, pour canaliser nos habitudes irréfléchies, nos décisions d’achat et nos processus de pensée par l’utilisation des idées glanées de la psychiatrie et des sciences sociales. Habituellement, ces efforts se déroulent sous notre niveau de conscience, de sorte que les appels qui nous touchent sont souvent, en un sens, « cachés ». Le résultat est que beaucoup d’entre nous sont influencés et manipulés, beaucoup plus que nous réalisons, dans les modèles de notre vie quotidienne. 

Certaines des manipulations qui sont tentées sont simplement amusantes. Certains éléments sont inquiétants, surtout lorsqu’ils sont perçus comme un signe de ce qui pourrait nous attendre à une échelle plus intensive et plus efficace. Les scientifiques coopératifs sont venus providentiellement pour fournir quelques outils impressionnants. L’utilisation de la psychanalyse de masse pour guider les campagnes de persuasion est devenue la base d’une industrie de plusieurs millions de dollars. Les persuadeurs professionnels en ont profité en tâtonnant pour trouver des moyens plus efficaces de nous vendre leurs produits - produits, idées, attitudes, candidats, objectifs ou états d’esprit. 


"This depth approach to influencing our behavior" pour influencer notre comportement est utilisée dans de nombreux domaines et emploie une variété de techniques ingénieuses. Il est utilisé le plus largement pour affecter nos actes quotidiens de consommation (to affect our daily acts of consumption). La vente de produits américains d’une valeur de plusieurs milliards de dollars est considérablement concernée, voire totalement modifiée, par cette approche qui n’en est encore qu’à ses débuts. Les deux tiers des cent plus grands annonceurs américains ont axé leurs campagnes sur cette approche approfondie en utilisant des stratégies inspirées de ce que les spécialistes du marketing appellent l’«analyse de motivation» (motivation analysis). 

Pendant ce temps, bon nombre des principaux spécialistes des relations publiques du pays se familiarisent avec les traditions de la psychiatrie et des sciences sociales afin d’accroître leurs compétences en «ingénierie» (engineering) de notre consentement à leurs propositions. Les collecteurs de fonds se tournent vers cette "approche approfondie" pour nous soutirer plus d’argent. Un nombre considérable et croissant de nos préoccupations industrielles (y compris certaines des plus importantes) cherchent à sélectionner et à modeler le comportement de leur personnel - en particulier de leurs propres cadres - en utilisant des techniques psychiatriques et psychologiques. Enfin, cette "approche approfondie" apparaît à l’échelle nationale dans l’utilisation intensive par les politiciens professionnels de la manipulation des symboles et de la réitération sur l’électeur, qui est de plus en plus traité comme le chien conditionné de Pavlov. 

 

The efforts of the persuaders to probe our everyday habits for hidden meanings are often interesting purely for the flashes of revelation they offer us of ourselves. We are frequently revealed, in their findings, as comical actors in a genial if twitchy Thurberian world. 

The findings of the depth probers provide starling explanations for many of our daily habits and perversities. It seems that our subconscious can be pretty wild and unruly. 

What the probers are looking for, of course, are the whys of our behavior, so that they can more effectively manipulate our habits and choices in their favor. This has led them to probe why we are afraid of banks; why we love those big fat cars; why we really buy homes; why men smoke cigars; why the kind of car we drive reveals the brand of gasoline we will buy; why housewives typically fall into a hypnoidal trance when they get into a supermarket; why men are drawn into auto showrooms by convertibles but end up buying sedans; why junior loves cereal that pops, snaps, and crackles. 

We move from the genial world of James Thurber into the chilling world of George Orwell and his Big Brother, however, as we explore some of the extreme attempts at probing and manipulating now going on. 

Certain of the probers, for example, are systematically feeling out our hidden weaknesses and frailties in the hope that they can more efficiently influence our behavior. At one of the largest advertising agencies in America psychologists on the staff are probing sample humans in an attempt to find how to identify, and beam messages to, people of high anxiety, body consciousness, hostility, passiveness, and so on. A Chicago advertising agency has been studying the housewife’s menstrual cycle and its psychological concomitants in order to find the appeals that will be more effective in selling her certain food products. 

 

Les efforts des "persuadeurs" pour sonder nos habitudes quotidiennes en quête de significations cachées (to probe our everyday habits for hidden meanings) nous révèlent bien des traits singuliers sur nos personnalités, mais ce qu'ils recherchent  ce sont les raisons de notre comportement, afin qu’ils puissent manipuler plus efficacement nos habitudes et nos choix en leur faveur. Cela les a amenés à se demander pourquoi nous avons peur des banques; pourquoi nous aimons ces grosses voitures; pourquoi nous achetons vraiment des maisons; pourquoi les hommes fument des cigares; pourquoi le type de voiture que nous conduisons révèle la marque d’essence que nous achèterons; pourquoi les femmes au foyer tombent généralement dans une transe hypnoïdale lorsqu’elles entrent dans un supermarché; pourquoi les hommes sont attirés dans les salles d’exposition d’automobiles par des décapotables, mais finissent par acheter des berlines; pourquoi junior aime les céréales qui sautent, claquent et craquements. Nous passons du monde génial de James Thurber au monde glacial de George Orwell et de son grand frère, suivant les choix effectués en terme de manipulation. Certains de ces sondeurs, par exemple, savent mettre en évidence systématiquement nos faiblesses les plus cachées avec l’espoir de pouvoir influencer plus efficacement nos comportements. Dans l’une des plus grandes agences de publicité en Amérique, les psychologues du personnel sondent des échantillons d’êtres humains dans le but de trouver comment identifier, et transmettre des messages aux personnes dont la caractéristique est d'être particulièrement sujette à l'anxiété ou à des sentiments anxiogènes, hostilité, passivité, et ainsi de suite....

(...)

 

Ce que les persuadeurs essaient de faire dans bien des cas a été bien résumé par l’un de leurs dirigeants, le président de la Public Relations Society of America, lorsqu’il a dit dans un discours aux membres : «The stuff with which we work is the fabric of men’s minds» (Ce avec quoi nous travaillons est le tissu de l’esprit des hommes). Dans bon nombre de leurs tentatives de travailler sur le tissu de notre esprit, les persuadeurs professionnels reçoivent une aide directe et des conseils de spécialistes des sciences sociales respectés. Plusieurs professeurs de sciences sociales de l’université de Columbia, par exemple, ont participé à un séminaire à l’université auquel ont participé des dizaines d’experts en relations publiques de New York. Au cours du séminaire, un professeur, dans une sorte d’exposé à la craie, a montré à ces manipulateurs précisément les types de manipulation mentale qu’ils pouvaient tenter avec le plus de chances de succès. 

Toute cette exploration et cette manipulation ont leurs aspects constructifs et amusants, mais aussi, je pense qu’il est juste de le dire, leurs implications antihumanistes. Une grande partie de celui-ci semble représenter le recul plutôt que le progrès pour l’homme dans sa longue lutte pour devenir un être rationnel et auto-guide. Quelque chose de nouveau, en fait, semble entrer dans le modèle de la vie américaine avec la puissance croissante de nos persuadeurs. 

(In the imagery of print, film, and airwave the typical American citizen is commonly depicted as an uncommonly shrewd person) Dans l’imagerie, le citoyen américain typique est généralement dépeint comme une personne exceptionnellement habile. Il ou elle est dramatisé comme un électeur réfléchi, individualiste robuste, et, surtout, comme un consommateur prudent et têtu des produits merveilleux de l’entreprise américaine. Il est, en somme, l’épanouissement du progrès et de l’illumination du XXe siècle (, the flowering of twentieth-century progress and enlightenment). 

 

"Most of us like to fit ourselves into this picture, and some of us surely are justified in doing so. The men and women who hold up these glowing images, particularly the professional persuaders, typically do so, however, with tongue in cheek. ‘The way these persuaders—who often refer to themselves good-naturedly as “symbol manipulators”—-see us in the quiet of their interoffice memos, trade journals, and shop talk is frequently far less flattering, if more interesting. Typically they see us as bundles of daydreams, misty hidden yearnings, guilt complexes, irrational emotional blockages. We are image lovers given to impulsive and compulsive acts. We annoy them with our seemingly senseless quirks, but we please them with our growing docility in responding to their manipulation of symbols that stir us to action. They have found the supporting evidence for this view persuasive enough to encourage them to turn to depth channels on a large scale in their efforts to influence our behavior. ..."


"The Hidden Persuaders" inaugura une trilogie au succès inégalé pour un auteurs américain de non-fiction, "The Status Seekers" (1959), qui démolit avec éclat le grand mythe de la "société sans classe" américaine, puis "The Waste Makers" (1960), étude détaillée de la vaste menace que représente la production excédentaire, "the pressures to make us more wasteful, imprudent, and carefree in our consuming habits" (les pressions visant à nous rendre plus gaspilleurs, imprudents et insouciants dans nos habitudes de consommation). 


"The Status Seekers (1959)

Dans "The Status Seekers", Vance Packard se livre à un nouveau réquisitoire et affirme que, "under its gloss of prosperity", la nation devient de plus en plus divisée socialement, les Américains essayant désespérément de "to find new ways to draw lines that will separate the elect from the non-elect" (trouver de nouvelles façons de tracer des lignes qui sépareront les élus des non-élus). Selon Daniel Horowitz ("Vance Packard and American Social Criticism", 1994), Packard reproche à cette nouvelle culture de la consommation développée par les capitalistes d'intensifier la recherche d'un statut social, contestant ainsi l'idée que la prospérité contribuerait à la réalisation du rêve d'une société égalitaire et sans classe....

 

A classless society?

WHAT HAPPENS TO CLASS DISTINCTIONS AMONG PEOPLE WHEN most of them are enjoying a long period of material abundance?

Une société sans classes ?

QU'EN EST-IL DES DISTINCTIONS DE CLASSE ENTRE LES PERSONNES LORSQUE la plupart d'entre elles jouissent d'une longue période d'abondance matérielle ?

 

Suppose for example, that most of the people are able to travel about in their own gleaming, sculptured coaches longer than the average living room and powered by the equivalent of several hundred horses. Suppose that they are able to wear a variety of gay-colored apparel made of miraculous fibers. Suppose they can dine on mass-merchandised vichyssoise and watch the wonders of the world through electronic eyes in their own air-conditioned living rooms. In such a climate, do the barriers and humiliating distinctions of social class evaporate? Do anxieties about status— and strivings for evidences of superior status—ease up notably? And do opportunities for leadership roles become more available to all who have natural talent?

Supposons, par exemple, que la plupart des gens puissent se déplacer dans leurs propres carrosses rutilants et sculptés, plus longs que le salon moyen et propulsés par l'équivalent de plusieurs centaines de chevaux. Supposons qu'ils puissent porter une variété de vêtements aux couleurs gaies, fabriqués à partir de fibres miraculeuses. Supposons qu'ils puissent manger de la vichyssoise commercialisée en masse et regarder les merveilles du monde à travers des yeux électroniques dans leur propre salon climatisé.

Dans un tel climat, les barrières et les distinctions humiliantes de la classe sociale s'évaporent-elles ? Les angoisses liées au statut - et la recherche de preuves de supériorité - s'apaisent-elles sensiblement ? Et les possibilités de jouer un rôle de leader deviennent-elles plus accessibles à tous ceux qui ont un talent naturel ?

 

L'expérience récente de la population des États-Unis est instructive. Au début des années 40, une ère d'abondance s'est ouverte qui, en 1959, avait atteint des proportions fantastiques par rapport à toutes les normes du passé. Près d'un demi-milliard de dollars de biens et de services - y compris la télévision, les fibres miracles et la vichyssoise - étaient produits.

(Before this era of fabled plenty began, it was widely assumed that prosperity would eliminate, or greatly reduce, class differences. If everybody could enjoy the good things of life - as defined by mass merchandisers - the meanness of class distinctions would disappear.) Avant le début de cette ère d'abondance légendaire, on pensait généralement que la prospérité éliminerait, ou réduirait considérablement, les différences entre les classes. Si tout le monde pouvait profiter des bonnes choses de la vie - telles que définies par les marchands de masse - la mesquinerie des distinctions de classe disparaîtrait. 

 

Un tel point de vue semblait raisonnable à la plupart d'entre nous à l'époque des années trente, avant l'abondance, car les différences de statut étaient alors bien trop visibles. On pouvait savoir qui était qui - à l'exception de quelques pauvres distingués - par la façon dont les gens s'habillaient, mangeaient, voyageaient et - s'ils avaient de la chance - par la façon dont ils travaillaient. L'expression "les pauvres" avait alors une signification extrêmement vivante. Un banquier ne pouvait jamais être confondu avec l'un de ses employés, même à une distance de cent mètres. (What, actually, has happened to social class in the United States during the recent era of abundance?) En fait, qu'est-il arrivé aux classes sociales aux États-Unis au cours de la récente période d'abondance ?

 

Un certain nombre de voix influentes nous ont dit que les classes sociales que nous avons jamais eues sont aujourd'hui en train de disparaître. On nous dit que les habitants de notre pays sont parvenus à une égalité sans précédent. Écoutez quelques-unes de ces voix.

Il y a quelques mois, un périodique national proclamait que les États-Unis avaient récemment atteint "achieved the "most truly classless society in history" (la société la plus véritablement sans classe de l'histoire). Quelques semaines plus tard, un éditeur saluait la disparition du système de classes en Amérique comme "la plus grande nouvelle de notre époque". Plus tard encore, le directeur d'un organisme d'étude de marché annonçait sa découverte selon laquelle l'Amérique était en train de devenir "une vaste classe moyenne". Pendant ce temps, une société nous assurait dans des publicités payantes que "ce pays offre plus d'opportunités que jamais". Quoi qu'il en soit, nous sommes certainement le peuple égalitaire le plus autoproclamé au monde (the world’s most self-proclaimed equalitarian people). Les citoyens ordinaires de la nation ont généralement accepté cette vision du progrès vers l'égalité parce qu'elle correspond à ce que nous aimerions croire à propos de nous-mêmes. Elle coïncide avec le credo et le rêve américains et est profondément ancrée dans notre folklore.

Une telle notion repose malheureusement sur un manque notable de perception de la situation réelle qui est en train de se développer. Dans plusieurs domaines de notre vie nationale, les clivages de classe semblent se durcir. Les tensions entre les statuts se sont intensifiées.

Ce manque de perception de la situation en cours pourrait justifier à lui seul un livre qui tenterait de remettre les choses en ordre. (I did not, however, undertake this exploration of the present-day American class system - and its status seekers - merely for the delight of poking into an aspect of life we like to pretend does not exist. My purpose was not to hoot at our self-deception - which is too easy to document to be challenging - but rather to try to offer a fresh perspective on our society and on certain disquieting changes which, it seems to me, are taking place within it). Cependant, je n'ai pas entrepris cette exploration du système de classes américain actuel - et de ses chercheurs de statut - simplement pour le plaisir d'explorer un aspect de la vie dont nous aimons prétendre qu'il n'existe pas. Mon but n'était pas de me moquer de notre auto-illusion - qui est trop facile à documenter pour être stimulante - mais plutôt d'essayer d'offrir une perspective nouvelle sur notre société et sur certains changements inquiétants qui, me semble-t-il, sont en train de s'opérer en son sein.

(The approach of class analysis - looking at Americans through their class behavior, their status striving, their barriers - offers tire possibility of seeing our unique and fast-changing society in a new light. Even our institutions, such as schools, clubs, churches, political parties, and, yes, matrimony, take on new meaning).

L'approche de l'analyse de classe - qui consiste à observer les Américains à travers leur comportement de classe, leurs aspirations de statut, leurs barrières - offre la possibilité de voir notre société unique et en pleine mutation sous un jour nouveau. Même nos institutions, telles que les écoles, les clubs, les églises, les partis politiques et, oui, le mariage, prennent une nouvelle signification.

(We shall see that the people of the United States have, and are refining, a national class structure with a fascinating variety of status systems within it. These status systems affect a number of intimate areas of our daily lives and have some surprising and preposterous ramifications). Nous verrons que le peuple des États-Unis possède, et affine, une structure de classe nationale avec une variété fascinante de systèmes de statut en son sein. Ces systèmes de statut affectent un certain nombre de domaines intimes de notre vie quotidienne et ont des ramifications surprenantes et grotesques. À certains moments, nous verrons comment notre structure de classes diffère désormais de celle d'autres pays. Enfin, nous examinerons plusieurs zones de clivage croissantes dans la structure des classes américaines qui semblent exiger une reconnaissance. En particulier, je pense que nous devrions être troublés par les tendances à la stratification qui apparaissent dans les lieux où des millions d'entre nous travaillent, vivent, se détendent, votent et pratiquent leur culte.

(Since class boundaries are contrary to the American Dream, Americans generally are uncomfortable when the subject of their existence arises) Les frontières entre les classes sociales étant contraires au rêve américain, les Américains sont généralement mal à l'aise lorsque leur existence est évoquée. Le sociologue August B. Hollingshead, de l'université de Yale, a constaté que les psychiartistes - des individus censés être désinhibés et ouverts d'esprit - "ont tendance à réagir avec embarras lorsque la question de la classe sociale est soulevée". L'un d'eux a répondu à une question directe sur les classes sociales dans sa ville de New Haven, Connecticut, en disant : "Je n'aime pas trop y penser".

Jusqu'à ces dernières années, même les sociologues s'étaient abstenus d'explorer franchement les classes sociales en Amérique. Ils se sont rendu compte que les classes sociales n'étaient pas censées exister. En outre, Karl Marx avait fait de la classe sociale un gros mot. Par conséquent, jusqu'à il y a quelques années, les sociologues en savaient plus sur les classes sociales de Nouvelle-Guinée que sur celles des États-Unis d'Amérique.

Webster définit le statut comme la "position, le rang, le standing" d'une personne. (Bien que les Américains d'aujourd'hui, à l'ère de l'abondance matérielle, ne soient pas censés apposer des étiquettes différentielles de statut social sur leurs concitoyens, des millions d'entre eux le font tous les jours. Et leur recherche de preuves appropriées de leur statut semble s'intensifier d'année en année. Il semble que les épouses, d'une manière générale, aient tendance à être plus soucieuses de leur statut que leurs maris.

 

La majorité des Américains évaluent leurs connaissances et sont eux-mêmes évalués en retour. Ils pensent que certaines personnes les dépassent, que d'autres leur sont inférieures et que d'autres encore semblent suffisamment proches de leur propre niveau pour leur permettre d'explorer la possibilité d'apprendre à les connaître socialement sans craindre d'être rabroués ou de paraître se dévaloriser.

Lorsque l'un d'entre nous s'installe dans un nouveau quartier - et 33 000 000 d'Américains le font chaque année - il est rapidement évalué de manière critique par ses nouveaux voisins et ses relations professionnelles avant d'être accepté ou rejeté par leur groupe. Nous les évaluons à notre tour et, dans de nombreux cas, nous essayons de ne pas commettre ce que certains considèrent comme l'horrible erreur de se mêler à la mauvaise foule.

En outre, la plupart d'entre nous s'entourent, volontairement ou non, de symboles de statut dont nous espérons qu'ils influenceront les personnes qui nous évaluent et qu'ils contribueront à établir une certaine distance sociale entre nous et ceux que nous considérons comme inférieurs à nous. La commercialisation vigoureuse de biens en tant que symboles de statut par les publicitaires joue un rôle majeur dans l'intensification de la conscience du statut. Les personnes souffrant d'insécurité émotionnelle sont les plus vulnérables.

D'autres d'entre nous, moins experts dans les nuances des symboles de statut ou plus indifférents à leur égard, persistent dans des modes de comportement et dans des manifestations de goût qui servent eux-mêmes de barrières pour nous séparer du groupe auquel nous aspirons peut-être secrètement. Ils peuvent nous maintenir à notre place. Si nous aspirons à nous élever dans le monde mais que nous ne parvenons pas à adopter la couleur du groupe auquel nous aspirons - en ne nous débarrassant pas de nos anciens symboles de statut, de nos amis, de nos appartenances à des clubs, de nos valeurs, de nos modèles de comportement et en en acquérant de nouveaux qui sont estimés par le groupe supérieur - nos chances de réussite sont réduites. Les sociologues ont découvert que nos adresses personnelles, nos amis, nos clubs, nos valeurs et même notre appartenance à une église peuvent s'avérer être des "barrières" si nous ne parvenons pas à les changer à chaque fois que nous tentons de gravir les échelons. C'est une situation des plus décourageantes dans la nation qui se présente comme le modèle du monde démocratique.

De nombreuses personnes sont très perturbées et effrayées par les angoisses, les sentiments d'infériorité et les tensions générées par ce processus incessant d'évaluation et de recherche de statut. Les chercheurs de statut, comme je l'appelle, sont des personnes qui s'efforcent continuellement de s'entourer de preuves visibles du rang supérieur qu'elles revendiquent. La préoccupation de millions d'Américains pour le statut social intensifie la stratification sociale aux États-Unis. Ceux qui doivent le moins s'inquiéter de la façon dont ils seront classés sont ceux qui, comme le dit Louis Kronenberger, sont "protestants, bien fixés, élevés à l'université". 

 

Même nos enfants prennent rapidement conscience des étiquettes de classe qui sont apposées sur leurs familles et des limites qui circonscrivent leurs propres mouvements quotidiens. Si même les enfants connaissent les faits relatifs aux classes sociales, vous pouvez vous demander pourquoi tant de faiseurs d'opinion ont annoncé leur conclusion selon laquelle les classes sociales sont en train de disparaître ?

(...)

En vérité, l'Amérique, sous son apparence de prospérité, subit un durcissement significatif des artères de son système social à certains points critiques. Selon moi, deux grands groupes de classes sociales très nettement divisés sont en train d'émerger, l'ancienne classe moyenne étant divisée en deux classes distinctes dans le processus. Sur les lieux de travail de la plupart des Américains, comme j'essaierai de le montrer, nous assistons à une nouvelle accentuation des lignes de classe et à un rétrécissement des possibilités de faire plus qu'une avancée mineure. Dans les grandes entreprises modernes, il est de plus en plus difficile de commencer au bas de l'échelle et d'atteindre le sommet. Toute aspiration à l'ascension qu'une personne n'ayant pas fait d'études supérieures peut avoir après avoir commencé sa carrière dans une grande entreprise à un poste modeste devient de moins en moins réaliste.

En outre, la stratification (inégalité de rang formalisée) est de plus en plus intégrée à mesure que notre société, de plus en plus bureaucratisée, s'oriente vers la grandeur : Big Business, Big Government, Big Labor, Big Education. La grandeur est l'un des principaux facteurs qui modifient notre système de classes. Comme me l'a expliqué un dirigeant d'une entreprise de 250 millions de dollars, cette grandeur est rendue nécessaire à notre époque technologique par le coût élevé du lancement de nouveaux produits (recherche, développement, publicité). Il m'a dit : "Il faut être grand aujourd'hui, ou alors être capable de courir très vite". Il se plaignait que même son entreprise de 250 000 000 $ n'était pas assez grande.

Dans la hiérarchie des grandes entreprises, la stratification est poussée à l'extrême. On attend généralement des employés qu'ils se comportent conformément à leur rang, ce qu'ils font généralement. Les industriels notent que l'expérience militaire de millions de jeunes générations leur a permis de mieux accepter les grades. (Avec toute cette croissance de la taille et du rang, les meilleures opportunités pour le non-collégien entreprenant se trouvent aujourd'hui non pas dans les grandes entreprises de production, mais plutôt dans Main Street, où il est encore souvent possible de commencer petit et de se développer, ou dans une petite entreprise de production ou une entreprise pionnière).

Les employés des grands bureaux et des grandes usines voient leur travail fragmenté et impersonnalisé. Il y a eu, peut-être involontairement, une fermeture des contacts entre les grandes et les petites personnes sur le lieu de travail. Le nombre de personnes qui s'ennuient dans leur travail et qui ne sont pas fières de leur initiative ou de leur créativité a augmenté de façon surprenante. Ils doivent trouver leurs satisfactions en dehors de leur travail. Beaucoup le font en utilisant leur salaire pour consommer de manière flamboyante, tout comme les masses romaines agitées trouvaient un dérivatif dans les cirques soigneusement fournis par les empereurs.

Bien que nous ayons encore tendance à penser que l'égalité est un concept typiquement américain et que les barrières entre les classes sont typiquement étrangères, les faits montrent que plusieurs pays européens (comme la Hollande, l'Angleterre et le Danemark) sont allés plus loin que l'Amérique dans le développement d'un système de classes ouvertes, où les jeunes pauvres mais talentueux peuvent s'élever grâce à leurs mérites. Et ils y sont parvenus tout en préservant certaines formes extérieures de classe, telles que les familles titrées.

 

En bref, le rêve américain est en train de perdre de son éclat pour bon nombre de citoyens qui aimeraient y croire. Si, et quand, la patine de prospérité qui recouvre notre pays sera effacée par une récession prolongée, pour utiliser un terme poli, les nouvelles stratifications deviendront inconfortablement apparentes et embarrassantes, à moins que des mesures ne soient prises pour élargir les voies de la mobilité ascendante.

Enfin, la société Social Research Inc. de Chicago a réalisé un certain nombre d'études révélatrices sur le comportement des classes sociales. Dans une étude récente réalisée pour Macfadden Publications, elle a analysé le contraste entre la composition émotionnelle des femmes des classes ouvrières et des femmes des classes de cols blancs. L'étude indique que, bien que ces femmes puissent vivre dans le même quartier, il existe un "mur invisible" entre elles dans leur façon de penser, de vivre et même de faire l'amour. Social Research conclut que les distinctions sociales sont aujourd'hui "d'autant plus marquées qu'elles sont subtiles".

L'ensemble de ces études - qui ont nécessité plusieurs centaines de milliers d'heures de recherche - représente un gisement d'informations fascinantes et précieuses sur le comportement réel des Américains. Ces enquêteurs sont souvent en désaccord entre eux sur la nature précise de la structure des classes américaines, et je suppose que nombre d'entre eux ne seront pas d'accord avec certains détails de la conception à laquelle je suis parvenu. Cependant, ils sont pratiquement tous d'accord pour dire que l'Amérique du milieu du siècle possède bel et bien un système de stratification sociale.

(..)

 

Les chapitres qui suivent prendront en grande partie la forme d'une exploration du paysage social de l'Amérique. Cette exploration peut permettre à certains lecteurs de mieux comprendre leur propre comportement et celui de leurs voisins. Elle peut également leur permettre de mieux comprendre les personnes de leur localité qui leur paraissent inconfortablement différentes d'eux-mêmes. Pour les lecteurs qui, dans l'exercice de leurs fonctions (en tant qu'éducateurs, chefs d'entreprise, fonctionnaires, etc.), doivent régulièrement traiter avec des personnes de différentes classes sociales, cette exploration peut également apporter des éclaircissements utiles pour faire face à leurs problèmes avec réalisme et sympathie. Enfin, j'espère que pour tous les lecteurs, cette exploration rendra plus évidents certains points dignes d'intérêt concernant la dérive actuelle de notre société".

(...)


"The Waste Makers'' (1960)

Dans son troisième best-seller, "The Waste Makers", Vance Packard affirme que les entreprises américaines sont tant déterminées à vendre à plein régime qu'elles encourageaient les consommateurs à utiliser ou à jeter prématurément tout ce qu'ils achètent. Le voici décrivant en détail les moyens utilisés par les fabricants et les publicitaires pour persuader les consommateurs d'acheter des produits coûteux dont ils n'ont pas vraiment besoin. Le livre déclenchera une tempête de critiques, n'est-ce pas grâce à son système économique, et malgré tous ses défauts, que les États-Unis sont en capacité de donner à n'importe quel individu le niveau de vie le plus élevé du monde? 

 

"What will the world of tomorrow be like? In the course of this book we shall examine a number of probabilities based on projections of current trends. Spokesmen for industry like to speculate about tomorrow even more than the rest of us. They invite us to peer out onto the horizon and see the wondrous products their marketing experts are conceiving for us. We are encouraged to share their dreams and to tingle at the possibility of using voice writers, wall-sized television screens, and motorcars that glide along highways under remote control.

Most of these marketing experts, despite their air of chronic excited optimism, are grappling with a problem that would frighten the wits out of less resolute people. That problem is the specter of glut for the products they are already endeavoring to sell. If we could probe the real dreams of these marketing people as they slumber restlessly at night, we would find—when a smile finally settles on their faces—that they are not dreaming merely of more bewitching products to sell to us. More likely, they are dreaming that they are in their private world of the future, where selling has again become easy because the haunting problem of saturation has been vanquished. This Utopia might be called Cornucopia City, and its setting is out on the misty horizon of time.

In Cornucopia City, as I understand it, all the buildings will be made of a special papier-mâché. These houses can be torn down and rebuilt every spring and fall at housecleaning time. The motorcars of Cornucopia will be made of a lightweight plastic that develops fatigue and begins to melt if driven more than four thousand miles. Owners who turn in their old motorcars at the regular turn-in dates—New Year’s, Easter, Independence Day, and Labor Day—will be rewarded with a one-hundred-dollar United States Prosperity-Through-Growth Bond for each motorcar turned in. And a special additional bond will be awarded to those families able to turn in four or more motorcars at each disposal date.

One fourth of the factories of Cornucopia City will be located on the edge of a cliff, and the ends of their assembly lines can be swung to the front or rear doors depending upon the public demand for the product being produced. When demand is slack, the end of the assembly line will be swung to the rear door and the output of refrigerators or other products will drop out of sight and go directly to their graveyard without first overwhelming the consumer market.

Every Monday, the people of Cornucopia City will stage a gala launching of a rocket into outer space at the local Air Force base. This is another of their contributions to national prosperity. Components for the rockets will have been made by eighteen subcontractors and prime contractors in the area. One officially stated objective of the space probing will be to report to the earth people what the back side of Neptune’s moon looks like.

Wednesday will be Navy Day. The Navy will send a surplus warship to the city dock. It will be filled with surplus play-suits, cake mix, vacuum cleaners, and trampolines that have been stockpiled at the local United States Department of Commerce complex of warehouses for surplus products. The ship will go thirty miles out to sea, where the crew will sink it from a safe distance.

As we peek in on this Cornucopia City of the future, we learn that the big, heartening news of the week is that the Guild of Appliance Repair Artists has passed a resolution declaring it unpatriotic for any member even to look inside an ailing appliance that is more than two years old.

The heart of Cornucopia City will be occupied by a titanic pushbutton super mart built to simulate a fairyland. This is where all the people spend many happy hours a week strolling and buying to their heart’s content. In this paradise of high-velocity selling, there are no jangling cash registers to disrupt the holiday mood. Instead, the shopping couples—with their five children trailing behind, each pushing his own shopping cart—gaily wave their lifetime electronic credit cards in front of a recording eye. Each child has his own card, which was issued to him at birth.

Conveniently located throughout the mart are receptacles where the people can dispose of the old-fashioned products they bought on a previous shopping trip. In the jewelry section, for example, a playfully designed sign by a receptacle reads: “Throw your old watches here!” Cornucopia City’s marvelous mart is open around the clock, Sundays included. For the Sunday shoppers who had developed a churchgoing habit in earlier years, there is a little chapel available for meditation in one of the side alcoves....

 

« À quoi ressemblera le monde de demain ? Tout au long de ce livre, nous explorerons diverses projections fondées sur les tendances actuelles. Les porte-paroles de l'industrie adorent spéculer sur l'avenir encore plus que le reste d'entre nous. Ils nous invitent à scruter l'horizon pour entrevoir les prodigieuses inventions que leurs experts marketing concoctent pour nous. On nous encourage à partager leurs rêves et à frémir à l'idée d'utiliser des scripteurs vocaux, des écrans télévisés grandeur mur ou des voitures filant sur l'autoroute sous pilotage automatique.

Pourtant, derrière leur optimisme perpétuellement enthousiaste, ces experts marketing luttent contre un problème qui terrasserait les moins courageux : le spectre de la saturation pour les produits qu'ils s'épuisent déjà à vendre. Si l'on pouvait sonder leurs véritables rêves durant leurs nuits agitées, on découvrirait — quand un sourire éclaire enfin leur visage — qu'ils ne fantasment pas simplement sur de nouveaux gadgets envoûtants à nous fourguer. Non, ils rêvent plutôt de se retrouver dans leur monde futuriste privé, où vendre redevient un jeu d'enfant car le cauchemar de la saturation a été vaincu. Cette utopie pourrait s'appeler Cornucopia City, et elle se niche là-bas, dans la brume lointaine du temps.

Dans Cornucopia City, tel que je l'imagine :

Les maisons seront en papier mâché spécial, à démolir et reconstruire chaque printemps et automne lors du grand ménage saisonnier.

Les voitures, faites d'un plastique léger, commenceront à fondre après 4 000 miles. Ceux qui les échangeront aux dates officielles (Nouvel An, Pâques, 4 Juillet, Fête du Travail) recevront une obligation Prospérité-par-la-Croissance de 100 dollars par véhicule — avec un bonus pour les familles en rendant quatre ou plus.

Un quart des usines seront au bord d'une falaise : leurs chaînes de montage pivoteront vers l'avant ou l'arrière selon la demande. En cas de mévente, les réfrigérateurs glisseront directement par la porte arrière vers leur cimetière, sans encombrer le marché.

Les rituels hebdomadaires de Cornucopia City :

Lundi : Lancement d'une fusée depuis la base aérienne locale (pièces fabriquées par 18 sous-traitants), officiellement pour « étudier la face cachée de la lune de Neptune ».

Mercredi : Navy Day. Un navire militaire rempli de stocks excédentaires (jouets, mélanges à gâteau, aspirateurs) sera coulé au large.

Au cœur de la ville trônera un hypermarché féerique géant, où les familles (cinq enfants poussant chacun leur caddie) paieront d'un geste joyeux avec leur carte de crédit électronique à vie — délivrée dès la naissance. Des réceptacles décorés inviteront à jeter les objets démodés achetés la veille (« Jetez vos vieilles montres ici ! »). Ouvert 24/7, le temple de la consommation proposera même une chapelle latérale pour les nostalgiques du dimanche à l'église.

Note satirique finale :

 

La Guilde des Réparateurs d'Électroménager y aura décrété anti-patriotique de réparer un appareil de plus de deux ans.

(...)


INTRODUCTION (Vance Packard, Bill McKibben, 2011)

"There’s a long tradition in American letters of decrying the advance of advertising, the false desires it creates, and the trouble that causes for planet and society. Henry David Thoreau, for instance, took the back streets of Concord to avoid the small signs hanging at the blacksmith’s shop or the general store (placards that would now be preserved in museums as emblems of a gentler age). The signs, he wrote, were “hung out on all sides to allure him; some to catch him by the appetite, as the tavern and victualler’s cellar; some by the fancy, as the dry goods store and the jeweller’s; and others by the hair or the feet or the skirts, as the barber, the shoemaker, or the tailor.”A hundred years later, when Vance Packard took up the same theme in The Waste Makers, things had advanced—in fact, in 1960, when this book was originally published, we were right on the cusp of the great change, moving out of the old American mores and straight into the high-consumer world we now inhabit. It still seemed a little strange; we hadn’t entirely made the leap just yet. For instance: there were still repair shops for household appliances, but “the trend was to encourage customers to replace parts rather than bother repairing them.” (italics mine). “A television announcer extolling the wonders of the sponsor’s cigarette lighter stated that if the lighter became defective it could be fixed in a jiffy just by replacing the entire lighter mechanism.” The fact that cigarette lighters were not entirely disposable is what will shock the modern reader.

Likewise, credit cards had recently appeared on the scene—Diners Club is the only name given—it “regularly had men handing out application cards to passers-by on both floors of Grand Central Station.” Both floors!

But in fact, if Packard seems a little shrill to our jaded sensibilities, he was smart enough to recognize that something very new was going on in America—that we were making the transition into the world we now live in, which is chiefly about buying, not the making or growing which had marked the previous 100 years. He quotes a banking industry official urging his colleagues to change their attitudes towards credit: “The lending man should ‘get up from his desk, and smile and shake hands with the prospective borrower, no matter how poor a credit risk he appeared to be.’” From there it is only a matter of time to the great housing bust that marks our day.

And perhaps he sounds a little old-fashioned when he decries the fact that television viewers “have to sit and watch ladies shaving their legs to ‘protect their loveliness,’ watch pictures of toes throbbing for lack of Outgro for their ingrown toenails, and hear that the sponsor’s girdle is never ‘clammy or sticky.’” But given that the decline in standards has now reached the point where Congressmen don’t think twice about tweeting pictures of their sexual organs, you take his point.

 

Dans la tradition littéraire américaine, il est courant de dénoncer la progression de la publicité, les faux désirs qu’elle engendre et les conséquences néfastes pour la planète et la société. Henry David Thoreau, par exemple, empruntait les ruelles de Concord pour éviter les petites enseignes suspendues chez le forgeron ou l’épicerie (des panneaux qui seraient aujourd’hui exposés dans des musées comme symboles d’une époque plus innocente). Ces enseignes, écrivait-il, « étaient accrochées de tous côtés pour l’attirer ; certaines visaient son appétit, comme la taverne ou la cave du marchand de victuailles ; d’autres séduisaient ses caprices, comme le magasin de tissus ou le bijoutier ; d’autres encore le prenaient par les cheveux, les pieds ou les habits, comme le barbier, le cordonnier ou le tailleur. »

Un siècle plus tard, lorsque Vance Packard reprit ce thème dans The Waste Makers (1960), la situation avait évolué — à vrai dire, à l’époque de sa publication, nous étions à l’aube d’un basculement historique, quittant les valeurs traditionnelles américaines pour entrer de plain-pied dans l’ère de la surconsommation qui est désormais la nôtre. Cela semblait encore un peu étrange ; le saut n’était pas tout à fait accompli. Par exemple : il existait encore des ateliers de réparation d’appareils ménagers, mais « la tendance était d’inciter les clients à remplacer les pièces plutôt qu’à les réparer » (je souligne). « Un présentateur télé vantait les mérites d’un briquet en affirmant que, s’il tombait en panne, on pouvait le réparer en un clin d’œil en remplaçant tout son mécanisme. » Pour le lecteur moderne, le plus surprenant est que ces briquets n’étaient pas encore totalement jetables.

De même, les cartes de crédit faisaient alors leur apparition — Packard ne cite que la Diners Club — dont « les agents distribuaient des formulaires d’inscription aux passants sur les deux niveaux de Grand Central Station. » Les deux niveaux !

Si Packard peut paraître un peu alarmiste à nos sens blasés, il eut l’intelligence de percevoir qu’une mutation profonde était en cours : les États-Unis entraient dans l’ère de l’achat compulsif, abandonnant la culture du faire et du produire qui avait marqué le siècle précédent. Il cite un responsable bancaire exhortant ses collègues à adopter une nouvelle attitude face au crédit : « Le prêteur doit "se lever de son bureau, sourire et serrer la main de l’emprunteur potentiel, même si ce dernier semble un risque désastreux". » On devine la suite : il n’y avait plus qu’un pas jusqu’à la crise des subprimes.

Packard peut sembler démodé lorsqu’il s’indigne que les téléspectateurs « doivent regarder des femmes se raser les jambes pour "préserver leur beauté", des orteils palpitants faute de traitement pour leurs ongles incarnés, ou entendre que le girdle du sponsor n’est jamais "moite ou collant". » Mais quand on voit que la chute des standards a atteint un point où des membres du Congrès tweetent sans complexe des photos de leurs parties génitales, on comprend son argument.

 

In fact, though this book was marketed as being about “planned obsolescence,” the scheme by which manufacturers built shoddy wares so that their customers would soon have to replace them, he quickly discards this notion as relatively unimportant. Yes, there are some light bulb makers who have shortened the lives of their filaments, but he seems to have realized pretty quickly that this was small potatoes, for after a single chapter he drops the topic and continues on to the much more potent idea of “the planned obsolescence of desirability,” the continuous flow of fashion designed to get people to buy new things even when their old ones work just fine. These were the tail-fin days, and the hemline era—both come under discussion. But it was more than that—it was the sense of newness. Car buyers held their vehicles for an average of two and a quarter years, and “The Ford Motor Company in one of its advertisements said this showed how smart and shrewd the average motorcar owner was becoming. At that age, it pointed out, the car starts showing minor ailments and dents. Further, it stated, ‘The car is two years old in style. Its fine edge is gone.’” Substitute Apple for Ford and Ipod for motorcar, and it’s a sentence that could be written this afternoon—indeed, it could be written on a blog, where the sentiment would be obsolete by dinner.

Packard also strikes on ideas that very few were thinking about in 1960, but which now loom very large in our debates. I was amazed by the prescience he showed in understanding that even though the U.S. was then the world’s biggest producer of oil, “the United States is clearly approaching depletion. The rate of discovery of new fields has been declining in recent years. Those discovered ten to be at the bottom of deeper and deeper holes.” In the future, he predicted, “the United States will be drawing more and more upon foreign oil fields, and this is putting the United States deep into the hands of Arabian and Latin American politicians.” Sometimes the predictions enter the range of the uncanny: “suppose that ten or twenty years from now an opposition leader on the order of Peron or Trujillo or Castro comes into power in Venezuela with a highly nationalistic and perhaps anti-United States orientation?” Hello, Mr. Chavez—currently the nation’s biggest supplier of petroleum. Though there was no way Packard could have known about climate change—the biggest threat produced by our way of life—he was nonetheless hinting ominously about the ‘strain on resources’ and the loss of topsoil. There is, he writes, an ‘impending water crisis,’ and ‘millions of acres of farmland’ are being ‘covered with homes, shopping centers, and factories.’ Nuclear power won’t save us because it’s too expensive, and “disposal of the mounting radioactive wastes will become a monstrous problem.” All of this before the publication of Silent Spring, usually regarded as the first real environmental book.

Still and all, it’s not primarily the details that Packard got right, but the broad strokes. He understood what kind of country we were building. He understood, fundamentally, that growth had become its own religion. Even ten years before economists had doubted that the size of the U.S. economy would grow much larger—FDR had said we had more factories than we’d ever need. But in the wake of World War II, the boom to end all booms (at least until China’s) was leaving us with a new theology: “Out of all the anxieties created by the desire to make the economy hum at ever higher levels has come a clamor for ‘growth.’ Economic thinkers of many strips have joined in the call. Certainly this is the first time in history that the felt need for growth has been so self-consciously vocalized.” A brief recession in the late 1950s had made it clear that we had a new master. “At a press conference, President Eisenhower was asked what the people should do to make the recession recede. Here is the dialogue that followed:

A-Buy

Q-Buy what?

A-Anything

There’s not much distance between that moment and President Bush informing all of us in the wake of 9/11 that our job was to go shopping. Packard quotes another leader—marketing consultant Victor Lebow, writing in the Journal of Retailing: “Our enormously productive economy…demands that we make consumption our way of life, that we convert the buying and use of goods into rituals, that we seek our spiritual satisfactions, our ego satisfactions, in consumption. We need things consumed, burned up, worn out, replaced and discarded at an ever increasing rate.”

If there’s a moral to this book, fifty years later, it’s that No One Can Saw We Weren’t Warned. If we didn’t get it from Thoreau, we should have gotten it from Packard. That we didn’t get it is indisputable, and now—as the Arctic melts and the oceans acidify—we’ll pay the price in ways even he couldn’t have imagined. But he did imagine pretty much all the rest.

 

En réalité, bien que ce livre ait été présenté comme une critique de « l’obsolescence programmée » – cette pratique où les fabricants produisent des biens de mauvaise qualité pour pousser les consommateurs à les remplacer rapidement –, Packard écarte rapidement cette idée comme secondaire. Certes, certains fabricants d’ampoules ont raccourci la durée de vie de leurs filaments, mais il comprend vite que ce n’est qu’un détail : après un seul chapitre, il abandonne le sujet pour se concentrer sur un concept bien plus puissant, « l’obsolescence programmée du désir ». Il s’agit de ce flux continu de modes et de nouveautés conçu pour inciter les gens à acheter, même quand leurs anciens objets fonctionnent parfaitement.

C’était l’ère des ailerons de voiture et des ourlets changeants – deux exemples qu’il analyse. Mais c’était surtout la culte de la nouveauté : les propriétaires de voitures les gardaient en moyenne deux ans et trois mois, et « Ford Motor Company expliquait dans une publicité que cela prouvait l’intelligence croissante des automobilistes. À cet âge, disait-elle, la voiture commence à montrer des défauts et des bosses. De plus, elle devient "démodée, son éclat s’est estompé". » Remplacez Ford par Apple et voiture par iPod, et cette phrase aurait pu être écrite aujourd’hui – ou même sur un blog, où le sentiment serait périmé avant le dîner.

Packard aborde aussi des idées quasi-inédites en 1960, mais centrales dans nos débats actuels. Sa prescience est frappante : alors que les États-Unis étaient le premier producteur mondial de pétrole, il écrit : « Les réserves s’épuisent. Le rythme de découverte de nouveaux gisements ralentit. Ceux qu’on trouve sont au fond de puits de plus en plus profonds. » Il prédit que « les États-Unis dépendront de plus en plus du pétrole étranger, tombant ainsi entre les mains de politiciens arabes et latino-américains. » Certaines prédictions sont troublantes : « Et si dans dix ou vingt ans, un leader populiste anti-américain du style Perón, Trujillo ou Castro arrivait au pouvoir au Venezuela ? » Bonjour, Hugo Chávez – aujourd’hui principal fournisseur de pétrole des États-Unis.

Bien qu’ignorant le changement climatique (la plus grave menace de notre mode de vie), Packard évoque déjà la « pression sur les ressources », la disparition des terres arables, une « crise de l’eau imminente », et des « millions d’hectares de terres agricoles recouverts de maisons, de centres commerciaux et d’usines ». L’énergie nucléaire ? Trop chère, et « le traitement des déchets radioactifs deviendra un problème monstrueux ». Tout cela avant Printemps silencieux de Rachel Carson, pourtant considéré comme le premier livre environnemental.

Mais au-delà des détails, Packard saisit l’essentiel : il comprend que nous construisons une société où la croissance est une religion. Dix ans plus tôt, des économistes doutaient que l’économie américaine puisse encore s’étendre – Roosevelt himself jugeait nos usines surabondantes. Pourtant, après la Seconde Guerre mondiale, le boom économique (le plus grand jusqu’à celui de la Chine) impose une nouvelle théologie : « L’angoisse de maintenir la croissance a engendré un appel fanatique à "grandir toujours plus". C’est la première fois dans l’histoire que ce besoin est si clairement proclamé. »

Une brève récession à la fin des années 1950 révèle ce nouveau dogme. Lors d’une conférence de presse, on demande à Eisenhower comment relancer l’économie. Le dialogue est éloquent :

« Q – Que doivent faire les citoyens ?

R – Acheter.

Q – Acheter quoi ?

R – N’importe quoi. »

Peu de distance entre ce moment et George Bush enjoignant aux Américains, après le 11 septembre, à « faire du shopping ». Packard cite aussi Victor Lebow, consultant en marketing : « Notre économie ultra-productrice exige que nous fassions de la consommation un mode de vie, que nous transformions l’achat en rituel, que nous cherchions dans la consommation nos satisfactions spirituelles et ego. Il faut que les objets soient consumés, brûlés, usés, remplacés, jetés à un rythme toujours plus effréné. »

Cinquante ans plus tard, la morale de ce livre est claire : On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Si Thoreau ne nous a pas avertis, Packard l’a fait. Notre échec est indéniable, et aujourd’hui – avec la fonte de l’Arctique et l’acidification des océans –, nous en payons le prix, bien au-delà de ce qu’il imaginait.

Pourtant, il avait presque tout prévu."


Vance Packard  porte son regard, dans ''The Pyramid Climbers'' (1962),  sur les entreprises et leurs dirigeants. Le succès dans la vie de l'entreprise est essentiellement le fait de ceux qui sont loyaux, adaptables, déférents et et ne s'opposent jamais. 

Ce livre a été suivi en 1964 par "The Naked Society" (La société nue), qui traite de la manière dont les nouvelles technologies et les nouvelles attitudes permettent une invasion croissante de la vie privée de l'Américain moyen.

Dans "The Sexual Wilderness" (1968), il décrit l'évolution des relations entre les hommes et les femmes, en particulier l'augmentation des relations sexuelles avant le mariage.

"A Nation of Strangers" (1972) affirme que les transferts d'entreprises ont créé une nation solitaire et sans racines. "Our Endangered Children" (1983) soutient qu'une préoccupation nationale pour l'argent, le statut, le sexe et le pouvoir renforce un préjugé inhérent à l'encontre des enfants. "Ultra Rich : How Much Is Too Much" (1989) explore la vie de 30 Américains dont la valeur nette moyenne est de 330 millions de dollars...