The World Of Science Fiction - Ridley Scott, "Blade Runner" (1982) - Carl Sagan, "Contact" (1985) - Dan Simmons, "Hyperion" (1989) - William Gibson, "Neuromancer" (1984) - ....
Last update: 12/12/2020
1980-1990? La science fiction s'impose comme l'un des genres les plus importants d'Hollywood et il est symptomatique de voir, dans cette décennie, un auteur comme Philip K. Dick s'imposer dans nombre d'adaptations. S'enchaînent ainsi durant cette décennie, la série Terminator (1984, 1991, 2003, 2009, 2015), qui met en jeu voyage dans le temps et robots aux pouvoirs extraordinaires, la série Alien (1979, 1986, 1992, 1997), et sa terrible chasse aux prédateurs, devenus des sources de revenus importantes dans le monde entier : les recettes du box-office américain pour les films de science-fiction, de fantastique et d'horreur sont passées de 5 % en 1971 à près de 50 % en 1982. Le chef d'oeuvre de cette décennie est "Blade runner" (Ridley Scott, 1982), une société menacée par ses propres robots, les réplicants, mais le film ne reconnu comme tel que dans la décennie suivante...
Suivent "E.T. : The Extra-Terrestrial" (1982), qui voit un enfant aidé un extraterrestre ami à s'échapper de la Terre et à retourner dans son monde d'origine, "L'Empire contre-attaque" (1980) et "Le Retour du Jedi" (1983), "Tron" (1982), un pirate informatique emprisonné dans le monde numérique, John Carpenter, avec "Starman" (1984). Mais aussi, avec les ingrédients classiques de l'horreur et du frisson, John Carpenter, avec "The Thing" (1982), David Cronenberg, avec "La Mouche" (1986), "Scanners" (1981), et "Dead Zone" (1983), David Lynch, avec "Dune" (1984), James Cameron, avec "Abyss" (1984) et "Aliens, le retour" (1986), Terry Gillian, avec "Brazil" (1985), Michael Laughlin, avec "Strange Invaders" (1983), Luigi Cozzi, avec "Contamination" (1980), Frank Oz, avec "Little Shop of Horrors" (1986)...
Ridley Scott, "Blade Runner" (1982)
Le film Blade Runner (1982) de Ridley Scott est basé sur "Do Androids Dream of Electric Sheep ?" (les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques") de Philip K. Dick (1968), un roman noir de science fiction qui préfigure le phénomène des années 1980 connu sous le nom de "cyberpunk" : il combinait en effet fascination pour la cybernétique (la science de la communication et la théorie du contrôle, notamment en ce qui concerne le système nerveux et le cerveau humain) et conscience sociale dite "punk", aliénée, oppressée, décadente. En fond, un lugubre Los Angeles des années 2019, surpeuplé, cosmopolite, suintant de pluies acides, en protagoniste principal, le solitaire inspecteur Rick Deckard (Harrison Ford), recherchant des "réplicants", des androïdes qui se sont mutinés et se font passer pour des humains, et acceptant de retrouver quatre de ces individus qui viennent de regagner la Terre après avoir volé une navette spatiale : des réplicants Nexus 6, les derniers nés de la technologie développée par la Tyrell Corporation....
Chaque scène de Blade Runner est soignée visuellement et symboliquement, contribuant à son statut de chef-d’œuvre intemporel...
- L’ouverture sur Los Angeles en 2019
La vue panoramique de la ville dystopique, avec ses gratte-ciel immenses, ses flammes jaillissant des cheminées et une ambiance plongée dans une pluie perpétuelle, établit immédiatement l’univers sombre et cyberpunk du film.
La musique de Vangelis ("Blade Runner Blues") renforce l’atmosphère mélancolique.
- Le test d'empathie Voight-Kampff - Une première scène cruciale qui introduit la méthode de détection des réplicants et montre leur quête désespérée d’humanité. Holden, chargé de traquer et de "retirer" (tuer) les réplicants, va conduir ce premier test sur Leon (Brion James) pour détecter s’il est un réplicant. Il se fera tirer dessus par ce dernier (ce qui motivera la reprsie de l'enquête par Deckard - Harrison Ford) : sa mort prouvera la dangerosité des Nexus-6 (la nouvelle génération de réplicants)....
Holden: "You’re in a desert, walking along in the sand when all of a sudden—"
Leon: "Is this the test now?"
Holden: "Just answer the questions, please. You’re in a desert, walking along in the sand when all of a sudden you look down—"
Leon: "What one?"
Holden: "What?"
Leon: "What desert?"
Holden: "It doesn’t make any difference what desert, it’s completely hypothetical."
Leon: "But how come I’d be there?"
Holden: "Maybe you’re fed up. Maybe you want to be by yourself. Who knows? You look down and see a tortoise, Leon. It’s crawling toward you—"
Leon: "Tortoise? What’s that?"
Holden: "You know what a turtle is?"
Leon: "Of course!"
Holden: "Same thing."
Leon: "I’ve never seen a turtle… But I understand what you mean."
Holden: "You reach down and you flip the tortoise over on its back, Leon."
Leon: "Do you make up these questions, Mr. Holden? Or do they write ’em down for you?"
Holden: "The tortoise lays on its back, its belly baking in the hot sun, beating its legs trying to turn itself over, but it can’t. Not without your help. But you’re not helping."
Leon: "What do you mean, I’m not helping?!"
Holden: "I mean: you’re not helping! Why is that, Leon?"
(Leon se lève, furieux, et tire sur Holden)
Leon échoue car il se focalise sur des détails logiques ("Quel désert ?") au lieu de réagir émotionnellement à la souffrance de la tortue. Plus tard, Deckard (Harrison Ford) fera passer le même test à Rachael (Sean Young) pour vérifier si elle est une réplicante – une scène tout aussi culte, mais avec un ton plus lent et psychologique.
- La rencontre avec Rachael (Sean Young)
Deckard teste Rachael, une réplicante qui ignore sa nature. La scène est empreinte de mystère, avec son look années 40, sa cigarette et le fameux "Tears in Rain" (plus tard associé à Roy Batty). Le piano de Vangelis accompagne cette scène clé.
- La poursuite dans les rues de LA
Deckard traque Zhora (Joanna Cassidy), une réplicante danseuse exotique.La scène se termine de manière brutale avec Zhora traversant une vitre en slow-motion, l’un des plans les plus stylisés du film.
- "Tous ces moments se perdront dans l’oubli, comme les larmes sous la pluie... Il est temps de mourir." - Le monologue de Roy Batty (Rutger Hauer) avant sa mort est l’un des plus poignants du cinéma. Il évoque la beauté éphémère de la vie, tenant une colombe blanche avant de s’éteindre. Improvisé en partie par Hauer, cette scène résume tout le film ...
"I've seen things you people wouldn't believe...
Attack ships on fire off the shoulder of Orion...
I watched C-beams glitter in the dark near the Tannhäuser Gate...
All those moments will be lost in time, like tears in rain...
Time to die."
- La scène finale : Deckard et Rachael s’enfuient
La fin ambiguë (dépendant de la version) montre Deckard ramassant un origami en forme de licorne, suggérant qu’il pourrait lui-même être un réplicant. La porte de l’ascenseur qui se referme sur eux, avec la musique de Vangelis, laisse planer le mystère ...
Carl Sagan, "Contact" (1985)
Célèbre astrophysicien et vulgarisateur scientifique renommé, Carl Sagan (1934-1996) a lié sa vie à la recherche d'intelligences extraterrestres (le fameux programme SETI) : c'est ainsi qu'il a conçu une plaque destinée à être fixée à l'extérieur des engins spatiaux de la NASA et qui arbore un message universel pouvant être compris par n'importe quelle forme d'intelligence. Dans son roman, "Contact", nous suivons Ellie Arroway, directrice du "Project Argus", un réseau de radiotélescopes au Nouveau-Mexique dédié à la recherche d'intelligence extraterrestre (SETI), qui détecte un signal provenant du système Vega à 26 années-lumières, une séquence répétitive des 261 premiers nombres premiers, puis les plans d'une machine dont il faut décoder la complexité et construire, générant des débats dans toute la communauté sciences, gouvernementales, mais aussi sociale et religieuse. Un film en sera adapté en 1997, réalisé par Robert Zemeckis, avec Jodie Foster, un premier contact, une première étape...
(Dune2, 2021) - Le désert d’Arrakis et les Tombeaux du Temps sont deux visages d’une même quête, celle du sens caché de l’univers - "Dune" (Frank Herbert, 1965) et "Hypérion" (Dan Simmons, 1989) sont tous deux des piliers de la science-fiction, partageant des thèmes ambitieux, une construction mythologique complexe et une influence durable.
"Dune" a influencé "Star Wars", "Hypérion" a inspiré des jeux vidéo (Destiny) et des séries (The Peripheral). Les deux sagas créent des mondes immersifs avec une histoire, des cultures et des technologies détaillées, "Dune", écrit pendant la Guerre Froide, l'ère spatiale naissante, et la contre-culture, décrit un empire galactique, des intrigues politiques, et une religion autour du désert d’Arrakis; "Hypérion", écrit après l'explosion cyberpunk (Neuromancer, 1984), la montée des IA, et la fin de la Guerre Froide, nous entraîne dans une Hégémonie humaine liée à des IA, des guerres temporelles, et le mystère des Tombeaux du Temps. Tous deux refusent de simplifier la SF pour le grand public, "Dune" impose un récit linéaire mais dense, mêlant politique, mysticisme et écologie, "Hypérion", des récits imbriqués (inspirés des Contes de Canterbury), chaque pèlerin ayant son histoire. Mais là où "Dune" imaginait encore un univers cohérent (désert, guildes, Bene Gesserit), "Hypérion" nous entraîne dans un univers kaléidoscopique (mythes emmêlés, IA démiurges).
Mais ensemble, ils incarnent l'évolution de la SF vers plus de complexité émotionnelle et stylistique, l'ultime étape sans doute de son histoire ...
Enfin, on remarquera que si "Dune" a connu plusieurs adaptations (cinéma, séries, jeux, 1984, Version de David Lynch (culte mais inaboutie), 2021/2024, films de Denis Villeneuve, succès critique et public), "Hypérion" résiste obstinément aux adaptations, malgré des tentatives avortées : Dune est une épopée, Hypérion est une hallucination, répond-on le plus souvent ...
Dan Simmons, "Hyperion" (1989)
Habité par la volonté de fusionner science fiction et fantastique, Dan Simmons (1948) quitte en 1989 l'enseignement pour se lancer dans une carrière de romancier à plein temps dans un répertoire particulièrement étoffé et de très nombreuses et conséquentes références littéraires. C'est aussi en 1989 qu'il publie "Hypérion", premier tome d'une série de science-fiction (Hyperion, 1989), The Fall of Hyperion, 1990), Endymion, 1996), The Rise of Endymion, 1997) qui connaîtra un certain succès et renouvelle un genre que l'on pensait épuisé : une planète, des mondes habités, des envahisseurs, des scènes de bataille, des complots, une extraordinaire galerie de personnages.
"The Consul awoke with the peculiar headache, dry throat, and sense of having forgotten a thousand dreams which only periods in cryogenic fugue could bring. He blinked, sat upright on a low couch, and groggily pushed away the last sensor tapes clinging to his skin. There were two very short crew clones and one very tall, hooded Templar with him in the windowless ovoid of a room. One of the clones offered the Consul the traditional post-thaw glass of orange juice. He accepted it and drank greedily.
“The Tree is two light-minutes and five hours of travel from Hyperion,” said the Templar, and the Consul realized that he was being addressed by Het Masteen, captain of the Templar treeship and True Voice of the Tree. The Consul vaguely realized that it was a great honor to be awakened by the Captain, but he was too groggy and disoriented from fugue to appreciate it.
“The others have been awake for some hours,” said Het Masteen and gestured for the clones to leave them. “They have assembled on the foremost dining platform.”
“Hhrghn,” said the Consul and took a drink. He cleared his throat and tried again. “Thank you, Het Masteen,” he managed. Looking around at the egg-shaped room with its carpet of dark grass, translucent walls, and support ribs of continuous, curved weirwood, the Consul realized that he must be in one of the smaller environment pods. Closing his eyes, he tried to recall his memories of rendezvous just before the Templar ship went quantum.
The Consul remembered his first glimpse of the kilometer-long treeship as he closed for rendezvous, the treeship’s details blurred by the redundant machine and erg-generated containment fields which surrounded it like a spherical mist, but its leafy bulk clearly ablaze with thousands of lights which shone softly through leaves and thinwalled environment pods, or along countless platforms, bridges, command decks, stairways, and bowers. Around the base of the treeship, engineering and cargo spheres clustered like oversized galls while blue and violet drive streamers trailed behind like ten-kilometer-long roots.
“The others await,” Het Masteen said softly and nodded toward low cushions where the Consul’s luggage lay ready to open upon his command. The Templar gazed thoughtfully at the weirwood rafters while the Consul dressed in semiformal evening wear of loose black trousers, polished ship boots, a white silk blouse which ballooned at waist and elbows, topaz collar cinch, black demi-coat complete with slashes of Hegemony crimson on the epaulets, and a soft gold tricorne. A section of curved wall became a mirror and the Consul stared at the image there: a more than middle-aged man in semiformal evening wear, sunburned skin but oddly pale under the sad eyes. The Consul frowned, nodded, and turned away.
Het Masteen gestured and the Consul followed the tall, robed figure through a dilation in the pod onto an ascending walkway which curved up and out of sight around the massive bark wall of the treeship’s trunk. The Consul paused, moved to the edge of the walkway, and took a quick step back. It was at least six hundred meters down—down being created by the one-sixth standard gravity being generated by the singularities imprisoned at the base of the tree —and there were no railings.
« Le Consul se réveilla avec cette migraine particulière, cette gorge sèche et cette sensation d’avoir oublié mille rêves que seules les périodes en fugue cryogénique pouvaient provoquer. Il cligna des yeux, s’assit sur le canapé bas et repoussa avec difficulté les derniers capteurs adhérant encore à sa peau. Deux clones d’équipage très petits et un Templier encapuchonné, très grand, se trouvaient avec lui dans cette pièce ovale sans fenêtres. L’un des clones tendit au Consul le traditionnel verre de jus d’orange post-congélation. Il l’accepta et but avec avidité.
“L’Arbre se trouve à deux minutes-lumière et cinq heures de voyage d’Hypérion,” déclara le Templier, et le Consul réalisa qu’il s’adressait à Het Masteen, capitaine du vaisseau-arbre templier et Voix Véritable de l’Arbre. Le Consul comprit vaguement que c’était un grand honneur d’être réveillé par le Capitaine, mais il était trop étourdi et désorienté par la fugue pour l’apprécier pleinement.
“Les autres sont réveillés depuis quelques heures,” dit Het Masteen, faisant signe aux clones de les laisser. “Ils se sont rassemblés sur la plateforme de repas principale.”
“Hhrghn,” fit le Consul en buvant une gorgée. Il se racla la gorge et réessaya. “Merci, Het Masteen,” parvint-il à articuler. En regardant autour de lui cette pièce en forme d’œuf, avec son tapis d’herbe sombre, ses murs translucides et ses nervures de soutien en bois de sorcier courbé et continu, le Consul comprit qu’il devait se trouver dans l’un des plus petits pods environnementaux. Fermant les yeux, il tenta de se souvenir de son rendez-vous juste avant que le vaisseau templier ne passe en mode quantique.
Le Consul se rappela sa première vision du vaisseau-arbre long d’un kilomètre alors qu’il approchait pour le rendez-vous, les détails du vaisseau estompés par les champs de confinement générés par les machines redondantes et les ergs qui l’entouraient comme un brouillard sphérique, mais sa masse feuillue brillant clairement de milliers de lumières qui luisaient doucement à travers les feuilles et les pods environnementaux aux parois fines, ou le long d’innombrables plateformes, ponts, postes de commande, escaliers et tonnelles. À la base du vaisseau-arbre, des sphères d’ingénierie et de cargaison s’agglutinaient comme des excroissances surdimensionnées, tandis que des traînées de propulsion bleues et violettes s’étiraient derrière comme des racines longues de dix kilomètres.
“Les autres vous attendent,” murmura Het Masteen en désignant du menton les coussins bas où les bagages du Consul étaient prêts à s’ouvrir sur son ordre. Le Templier contempla pensivement les poutres en bois de sorcier pendant que le Consul s’habillait d’une tenue de soirée semi-formelle : pantalon noir ample, bottes de vaisseau cirées, chemise de soie blanche bouffante à la taille et aux coudes, collier topaze, demi-manteau noir orné de liserés cramoisis de l’Hégémonie sur les épaulettes, et un tricorne doré et souple. Une section incurvée du mur devint un miroir, et le Consul y contempla son reflet : un homme plus que mûr en tenue de soirée semi-formelle, la peau hâlée mais étrangement pâle sous des yeux tristes. Le Consul fronça les sourcils, hocha la tête et se détourna.
Het Masteen fit un geste, et le Consul suivit la grande silhouette robée à travers une ouverture dans le pod, sur une passerelle ascendante qui s’enroulait hors de vue autour de l’énorme paroi d’écorce du tronc du vaisseau-arbre. Le Consul s’arrêta, s’avança vers le bord de la passerelle et recula vivement d’un pas. Il y avait au moins six cents mètres en contrebas — une gravité d’un sixième de la norme, générée par les singularités emprisonnées à la base de l’arbre — et il n’y avait aucune rambarde. »
"They resumed their silent ascent, turning off from the main trunk walkway thirty meters and half a trunk-spiral later to cross a flimsy suspension bridge to a five-meter-wide branch. They followed this outward to where the riot of leaves caught the glare of Hyperion’s sun.
“Has my ship been brought out of storage?” asked the Consul. “It is fueled and ready in sphere 11,” said Het Masteen. They passed into the shadow of the trunk and stars became visible in the black patches between the dark latticework of leaves. “The other pilgrims have agreed to ferry down in your ship if the FORCE authorities give permission,” added the Templar.
The Consul rubbed his eyes and wished that he had been allowed more time to retrieve his wits from the cold grip of cryonic fugue. “You’ve been in touch with the task force?”
“Oh, yes, we were challenged the moment we tunneled down from quantum leap. A Hegemony warship is … escorting us … this very moment.” Het Masteen gestured toward a patch of sky above them. The Consul squinted upward but at that second segments of the upper tiers of branches revolved out of the treeship’s shadow and acres of leaves ignited in sunset hues. Even in the still shadowed places, glowbirds nestled like Japanese lanterns above lighted walkways, glowing swingvines, and illuminated hanging bridges, while fireflies from Old Earth and radiant gossamers from Maui-Covenant blinked and coded their way through labyrinths of leaves, mixing with constellations sufficiently to fool even the most starwise traveler.
Het Masteen stepped into a basket lift hanging from a whiskered-carbon cable which disappeared into the three hundred meters of tree above them. The Consul followed and they were borne silently upward. He noted that the walkways, pods, and platforms were conspicuously empty except for a few Templars and their diminutive crew clone counterparts. The Consul could recall seeing no other passengers during his rushed hour between rendezvous and fugue, but he had put that down to the imminence of the treeship going quantum, assuming then that the passengers were safe in their fugue couches. Now, however, the treeship was traveling far below relativistic velocities and its branches should be crowded with gawking passengers. He mentioned his observation to the Templar. “The six of you are our only passengers,” said Het Masteen. The basket stopped in a maze of foliage and the treeship captain led the way up a wooden escalator worn with age.
The Consul blinked in surprise. A Templar treeship normally carried between two and five thousand passengers; it was easily the most desirable way to travel between the stars. Treeships rarely accrued more than a four- or five-month time-debt, making short, scenic crossings where star systems were a very few light-years apart, thus allowing their affluent passengers to spend as little time as necessary in fugue. For the treeship to make the trip to Hyperion and back, accumulating six years of Web time with no paying passengers would mean a staggering financial loss to the Templars.
« Ils reprirent leur ascension silencieuse, quittant la passerelle principale du tronc trente mètres plus loin, après une demi-spirale, pour traverser une fragile passerelle suspendue menant à une branche large de cinq mètres. Ils la suivirent vers l’extérieur, là où l’explosion de feuillage captait l’éclat du soleil d’Hypérion.
— Mon vaisseau a-t-il été sorti du hangar ? demanda le Consul.
— Il est ravitaillé et prêt dans la sphère 11, répondit Het Masteen.
Ils pénétrèrent dans l’ombre du tronc, et des étoiles devinrent visibles dans les espaces noirs entre le treillis sombre des feuilles.
— Les autres pèlerins ont accepté de descendre à bord de votre vaisseau, si les autorités de la FORCE donnent leur permission, ajouta le Templier.
Le Consul se frotta les yeux, regrettant de ne pas avoir eu plus de temps pour reprendre ses esprits après l’emprise glaciale de la fugue cryonique.
— Vous avez été en contact avec le groupe d’intervention ?
— Oh, oui. Nous avons été interceptés dès notre sortie du saut quantique. Un vaisseau de guerre de l’Hégémonie nous… escorte… en ce moment même.
Het Masteen désigna une portion du ciel au-dessus d’eux. Le Consul plissa les yeux, mais à cet instant, des sections des branches supérieures émergèrent de l’ombre du vaisseau-arbre, et des hectares de feuilles s’embrasèrent dans les teintes du couchant. Même dans les zones encore plongées dans l’obscurité, des oiseaux-lumières se lovaient comme des lanternes japonaises au-dessus des passerelles éclairées, des lianes lumineuses et des ponts suspendus illuminés, tandis que des lucioles de la Vieille Terre et des gossamers rayonnants de Maui-Covenant clignotaient et traçaient leur chemin à travers le labyrinthe des feuilles, se mêlant aux constellations au point de tromper même le voyageur le plus habitué aux étoiles.
Het Masteen entra dans un ascenseur à panier suspendu à un câble de carbone barbu qui disparaissait dans les trois cents mètres d’arbre au-dessus d’eux. Le Consul l’y suivit, et ils furent emportés en silence vers le haut. Il remarqua que les passerelles, les pods et les plateformes étaient étrangement déserts, à l’exception de quelques Templiers et de leurs clones d’équipage minuscules. Le Consul ne se souvenait pas avoir vu d’autres passagers durant l’heure précipitée entre le rendez-vous et la fugue, mais il avait attribué cela à l’imminence du saut quantique du vaisseau-arbre, supposant que les passagers étaient en sécurité dans leurs couchettes. Pourtant, maintenant, le vaisseau-arbre voyageait bien en deçà des vitesses relativistes, et ses branches auraient dû grouiller de passagers curieux. Il fit part de son observation au Templier.
— Vous êtes nos seuls passagers, tous les six, déclara Het Masteen.
Le panier s’arrêta dans un dédale de feuillage, et le capitaine du vaisseau-arbre emprunta un escalier mécanique de bois usé par le temps.
Le Consul cligna des yeux, surpris. Un vaisseau-arbre templier transportait normalement entre deux et cinq mille passagers ; c’était de loin le moyen de voyager entre les étoiles le plus prisé. Les vaisseaux-arbres accumulaient rarement plus de quatre ou cinq mois de dette temporelle, effectuant des traversées courtes et pittoresques entre des systèmes stellaires distants de quelques années-lumière seulement, permettant ainsi à leurs passagers aisés de passer le moins de temps possible en fugue. Que le vaisseau-arbre fasse l’aller-retour vers Hypérion, accumulant six années de temps Réseau sans passagers payants, représentait une perte financière colossale pour les Templiers. »
(...)
HYPERION
En 2732, l’humanité s’est étendue dans la Hégémonie, un empire galactique relié par des portails distrans. La planète Hyperion, en marge de l’espace contrôlé, abrite les Tombeaux du Temps, des structures mystérieuses qui se déplacent à contre-courant du temps. Elle est aussi le repaire du Shrike, une créature mythique et meurtrière adorée par le Culte de la Douleur. Alors qu’une guerre imminente menace avec les Extros (humains modifiés), sept pèlerins sont envoyés vers Hyperion pour rencontrer le Shrike. Selon la légende, le Shrike n’accordera qu’à un seul pèlerin l’exaucement de son vœu. Les autres mourront. Chacun a une raison personnelle de risquer sa vie (amour, vengeance, rédemption…). Leurs histoires explorent des thèmes universels (mort, temps, culpabilité), transformant leur trajet en quête existentielle.
Chacun raconte donc son histoire, inspirée des Contes de Canterbury de Chaucer ....
- Le Prêtre : Le Récit du Père Lenar Hoyt
Décrit la mission du Père Paul Duré, qui découvre une tribu primitive sur Hyperion adorant la Croix de Douleur (un homme crucifié se régénérant éternellement).
- Le Soldat : Le Récit de Fedmahn Kassad
Kassad, tacticien génial, a une liaison avec Monéta, une femme mystérieuse, lors de simulations de guerre. Il la retrouve plus tard liée au Shrike.La "révélation finale de Moneta" est un moment clé de Hypérion (Livre 1) qui bouleverse la compréhension du temps, des identités et du rôle du Gritche. Moneta n’est pas humaine. Elle est une projection/avatar d’une entité issue d’un futur lointain, manipulée par les Intelligences Techno-Core (ou peut-être par des forces encore plus anciennes). Elle révèle que le Gritche n’est pas un simple tueur, mais un outil dans une guerre temporelle complexe. Sa relation avec lui est ambiguë : à la fois gardienne et victime. Elle explique que les événements d’Hypérion (et les récits des pèlerins) font partie d’un cycle répété, où passé, présent et futur s’entremêlent. Kassad lui-même est un maillon de cette boucle. Sa phrase "You’re not the John Keats who died in Rome" sous-entend que le poète Keats (dont le cybride apparaît dans le roman) est aussi piégé dans cette toile temporelle...
- Le Poète : Le Récit de Martin Silenus
Un écrivain cynique, dernier survivant de l’Ancienne Terre, travaille sur son œuvre ultime. Il est lié aux Tombeaux du Temps par un pacte obscur.
- L’Érudite : Le Récit du Consul
Ancien diplomate, il révèle sa trahison contre l’Hégémonie après que celle-ci a détruit sa planète natale, Maui-Covenant, pour des raisons politiques.
- Le Détective : Le Récit de Brawne Lamia
Lamia enquête sur la mort d’un cyborg, Johnny, qui prétend être une IA ressuscitée. Son histoire mêle noir et SF.
- Le Templier : Le Récit de Het Masteen
Le capitaine d’un vaisseau-arbre explique le lien des Templiers avec le Shrike, avant de disparaître mystérieusement.
- Le Pèlerin manquant
Le dernier récit (celui de Sol Weintraub) est laissé en suspens, créant un cliffhanger pour le tome 2 (La Chute d’Hyperion) ...
La première apparition du Gritche (Shrike) - Les descriptions du Gritche, créature cauchemardesque, hantent tout le roman. On en a la première description dans "Le Récit du Soldat" (The Soldier's Tale), raconté par Fedmahn Kassad, vers la fin du chapitre, lors de la bataille simulée sur Bressia : le Shrike apparaît soudainement au milieu du champ de bataille, massacrant les soldats avant de fixer Kassad. Le Shrike (ou Gritche en français) est l'une des créatures les plus terrifiantes et énigmatiques de la science-fiction. La chose était haute, métallique et terrifiante. Son corps et ses yeux à facettes étaient en chrome poli, et la lumière des explosions lointaines se reflétait en rouge sur sa carapace. Elle avait quatre bras, et les doigts de chaque main étaient des lames de scalpel, des rasoirs droits et des aiguilles chirurgicales. Dan Simmons semble s'être inspiré dans le design du Shrike des sculptures de Hans Rudolf Giger (créateur d’Alien). Quant à ses capacités surnaturelles: elle peut ralentir ou accélérer le temps localement (ses victimes le voient comme un flou sanglant), elle existe dans plusieurs temporalités simultanément (passé/présent/futur), aucune arme connue ne peut l'endommager, elle survit en plein vide spatial, dans des environnements extrêmes. Il est le Gardien des Tombeaux, qu'il "protège" en massacrant quiconque s'en approche. Selon les mythes du Cantos, il aurait été créé par les Intelligences Techno-Core comme arme ultime....
"... Shimmering, miragelike, a tree of steel thorns appeared out of the haze and a sudden dust storm of ochre sand. The thing seemed to fill the valley, rising at least two hundred meters to the height of the cliffs. Branches shifted, dissolved, and reformed like elements of a poorly tuned hologram. Sunlight danced on five-meter-long thorns. Corpses of Ouster men and women, all naked, were impaled on at least a score of these thorns. Other branches held other bodies. Not all were human.
The dust storm obscured the view for a moment and when the winds subsided the vision was gone. “Come,” said Moneta. Kassad followed her through the fringes of the time tides, avoiding the ebb and flow of the anti-entropic field the way children would play tag with an ocean surf on a broad beach. Kassad felt the pull of the time tides like waves of déjà vu tugging at every cell of his body. Just beyond the entrance to the valley, where hills opened to the dunes and low moors led to the City of Poets, Moneta touched a wall of blue slate and an entrance opened to a long, low room set into the cliff face.
“Is this where you live?” asked Kassad but saw immediately that there were no signs of habitation. The stone walls of the room were inset with shelves and crowded niches.
“We must ready ourselves,” whispered Moneta and the lighting shifted to a golden hue. A long rack lowered its wares. A wafer-thin strip of reflective polymer curtained from the ceiling to serve as a mirror.
Kassad watched with the calm passivity of a dreamer as Moneta stripped off her clothes and then his. Their nudity was no longer erotic, merely ceremonial.
“You have been in my dreams for years,” he told her. “Yes. Your past. My future. The shock wave of events moves across time like ripples on a pond.”
Kassad blinked as she raised a gold ferule and touched his chest. He felt a slight shock and his flesh became a mirror, his head and face a featureless ovoid reflecting all the color tones and textures of the room. A second later Moneta joined him, her body becoming a cascade of reflections, water over quicksilver over chrome. Kassad saw his own reflecting reflection in every curve and muscle of her body. Moneta’s breasts caught and bent the light; her nipples rose like small splashes on a mirrored pond. Kassad moved to embrace her and felt their surfaces flow together like magnetized fluid. Under the connected fields, his flesh touched hers.
“Your enemies await beyond the city,” she whispered. The chrome of her face flowed with light.
“Enemies?”
“The Ousters. The ones who followed you here.” Kassad shook his head, saw the reflection do likewise. “They’re not important anymore.”
“Oh, yes,” whispered Moneta, “the enemy is always important. You must arm yourself.”
With what?” But even as he spoke, Kassad realized that she was touching him with a bronze sphere, a dull blue toroid. His altered body spoke to him now as clearly as troops reporting in on an implant command circuit. Kassad felt the bloodlust build in him with turgid strength.
“Come.” Moneta led the way into open desert again. The sunlight seemed polarized and heavy. Kassad felt that they were gliding across the dunes, flowing like liquid through the white marble streets of the dead city. Near the west end of town, near the shattered remnants of a structure still bearing the inscribed lintel of Poets’ Amphitheatre, something stood waiting.
For a second Kassad thought it was another person Wearing the chromium forcefields he and Moneta were draped in—but only for a second. There was nothing human about this particular quicksilver-over-chrome construct. Kassad dreamily noted the four arms, retractable fingerblades, the profusion of thornspikes on throat, forehead, wrists, knees, and body, but not once did his gaze leave the two thousand-faceted eyes which burned with a red flame that paled sunlight and dimmed the day to blood shadows.
The Shrike, thought Kassad.
“The Lord of Pain,” whispered Moneta.
The thing turned and led them out of the dead city.
(...)
« ... Frémissante, semblable à un mirage, un arbre aux épines d’acier émergea de la brume et d’une soudaine tempête de sable ocre. La créature semblait emplir la vallée, s’élevant à au moins deux cents mètres, à la hauteur des falaises. Ses branches oscillaient, se dissolvaient et se reformaient comme les éléments d’un hologramme mal réglé. La lumière du soleil dansait sur des épines longues de cinq mètres. Des cadavres d’Ousters, hommes et femmes, tous nus, étaient empalés sur au moins une vingtaine de ces épines. D’autres branches portaient d’autres corps. Pas tous humains.
La tempête de poussière obscurcit la vue un instant, et lorsque les vents s’apaisèrent, la vision avait disparu.
— Viens, dit Moneta.
Kassad la suivit à travers les franges des marées temporelles, évitant le flux et le reflux du champ anti-entropique comme des enfants jouant à chat avec le ressac sur une plage. Il sentait l’attraction des marées du temps comme des vagues de déjà-vu tirant sur chaque cellule de son corps.
Juste après l’entrée de la vallée, là où les collines s’ouvraient sur les dunes et où les landes basses menaient à la Cité des Poètes, Moneta toucha un mur d’ardoise bleue, et une ouverture se forma, donnant accès à une pièce longue et basse, creusée dans la paroi de la falaise.
— C’est ici que tu vis ? demanda Kassad, mais il comprit aussitôt qu’aucune trace d’habitation n’y figurait. Les murs de pierre étaient incrustés d’étagères et de niches encombrées.
— Nous devons nous préparer, murmura Moneta.
L’éclairage passa à une teinte dorée. Un long présentoir descendit, exposant son contenu. Un rideau de polymère réfléchissant, fin comme une feuille, tomba du plafond pour servir de miroir.
Kassad observa avec la passivité calme d’un rêveur tandis que Moneta retirait ses vêtements, puis les siens. Leur nudité n’avait plus rien d’érotique, seulement de cérémoniel.
— Tu hantes mes rêves depuis des années, lui dit-il.
— Oui. Ton passé. Mon futur. L’onde de choc des événements se propage à travers le temps comme des rides à la surface d’un étang.
Kassad cligna des yeux lorsqu’elle leva un fermoir doré et toucha sa poitrine. Il ressentit une légère décharge, et sa chair devint un miroir, sa tête et son visage un ovale lisse reflétant toutes les teintes et textures de la pièce. Une seconde plus tard, Moneta le rejoignit, son corps se transformant en une cascade de reflets, comme de l’eau sur du vif-argent, sur du chrome. Kassad vit son propre reflet se multiplier dans chaque courbe et muscle de son corps. Les seins de Moneta captaient et courbaient la lumière ; ses mamelons se dressaient comme de petites éclaboussures sur un étang miroité. Kassad avança pour l’étreindre et sentit leurs surfaces fusionner comme des fluides magnétisés. Sous les champs connectés, sa chair rencontra la sienne.
— Tes ennemis t’attendent au-delà de la ville, murmura-t-elle. Le chrome de son visage ruisselait de lumière.
— Des ennemis ?
— Les Ousters. Ceux qui t’ont suivi ici.
Kassad secoua la tête, voyant son reflet en faire autant.
— Ils n’ont plus d’importance.
— Oh, si, chuchota Moneta. L’ennemi a toujours de l’importance. Tu dois t’armer.
— Avec quoi ?
Mais alors même qu’il parlait, Kassad comprit qu’elle le touchait avec une sphère de bronze, un tore bleu mat. Son corps altéré lui parlait désormais aussi clairement que des soldats signalant leur position sur un circuit de commande implanté. Il sentit une soif de sang monter en lui, puissante et implacable.
— Viens.
Moneta le guida de nouveau vers le désert ouvert. La lumière du soleil semblait polarisée, pesante. Kassad eut l’impression qu’ils glissaient sur les dunes, coulant comme un liquide à travers les rues de marbre blanc de la cité morte.
Près de l’extrémité ouest de la ville, près des vestiges épars d’un bâtiment portant encore le linteau gravé de l’Amphithéâtre des Poètes, quelque chose attendait.
Pendant une seconde, Kassad crut qu’il s’agissait d’une autre personne revêtue des champs de force chromés qui les enveloppaient, lui et Moneta — mais seulement pendant une seconde. Il n’y avait rien d’humain dans cette construction de vif-argent sur chrome. Son regard, comme embrumé par un rêve, nota les quatre bras, les lames rétractables aux doigts, la profusion d’épines acérées sur la gorge, le front, les poignets, les genoux et le corps, mais il ne quitta pas une seule fois les yeux à deux mille facettes qui brûlaient d’une flamme rouge, éclipsant la lumière du soleil et plongeant le jour dans des ombres sanglantes.
Le Gritche, pensa Kassad.
— Le Seigneur de la Douleur, murmura Moneta.
La créature tourna les talons et les conduisit hors de la cité morte. »
(...)
Le succès d’Hyperion (1989) tient à une combinaison rare d’ambition littéraire, d’innovation narrative et de profondeur philosophique, le hissant au rang de classique absolu de la science-fiction. Inspirée des Contes de Canterbury : Les récits imbriqués des pèlerins créent une mosaïque de genres (horreur, polar, tragédie, satire) et ont aidé à entraîner un large public.
- des thèmes universels et profonds, la religion (le Culte de la Douleur, la Croix de Duré, et le Shrike interrogent la foi et le sacrifice), le temps (les Tombeaux qui remontent le temps, la maladie de Rachel (qui rajeunit), les paradoxes temporels, et l’humanité face à la tech (les IA, les cyborgs, et les extensions de conscience).
- un univers riche et cohérent, la Hégémonie (Empire galactique où les portails distrans abolissent les distances, mais où l’humanité reste piégée dans des conflits familiers), les IA du TechnoCore (puissances mystérieuses qui manipulent l’humanité, anticipant les débats sur l’intelligence artificielle), le Shrike (une créature mythique à l’esthétique terrifiante (corps métallique, épines, capacité à manipuler le temps), devenue une icône de la SF).
- une écriture littéraire et poétique, des références culturelles (Dan Simmons cite Keats (dont le poème Hyperion donne son titre au livre), Chaucer, et la Bible, élevant le space opera au rang de littérature) et chaque récit a sa propre voix (le lyrisme de Silenus vs le froid rapport militaire de Kassad).
Et le tout dans le contexte des années 1980-90, années d'émergence du cyberpunk (Neuromancien en 1984) : "Hyperion" en reprend l’angoisse technologique, mais avec une dimension épique et historique. Simmons proposait de plus une alternative sophistiquée, mêlant SF hard et philosophie.
"Hyperion" (Tome 1) et "La Chute d’Hyperion" (Tome 2, The Fall of Hyperion) de Dan Simmons forment un dyptique indissociable, mais leur structure, leur ton et leur approche narrative diffèrent radicalement.
Dans le tome 1, oeuvre expérimentale, chaque pèlerin racontait son histoire sans lien immédiat avec les autres. Le tome 2 prend en charge de répondre aux mystères (le Shrike, les IA, le sort des pèlerins).
Le tome II poursuit donc l’histoire entamée dans Hypérion et conclut l’arc narratif des pèlerins se rendant sur la planète Hypérion pour rencontrer le Gritche, une créature mystérieuse et meurtrière. On se rappelle que l’humanité est dispersée dans le Retz, un vaste empire interstellaire gouverné par le TechnoCentre (une IA omnipotente) et le gouvernement humain, et que la planète Hypérion, indépendante, abrite les Tombeaux du Temps, des structures énigmatiques liées au Gritche, une entité mythique associée à la mort et à la destruction.
Le roman alterne entre deux perspectives :
- Les pèlerins sur Hypérion : Les sept pèlerins (le Consul, le Père Hoyt, le colonel Kassad, le poète Silenus, Brawne Lamia, Martin Silenus et Sol Weintraub) progressent vers les Tombeaux du Temps. Chacun a un lien avec le Gritche et espère obtenir une réponse à son destin.
- Le Retz et le gouvernement : Sur Tau Ceti Center, capitale du Retz, le cybride de John Keats (une réincarnation artificielle du poète romantique) vit des rêves partagés avec les pèlerins. Le CEO Meina Gladstone, dirigeante du Retz, surveille leur voyage tout en préparant l’humanité à une guerre imminente contre les Extros (humains modifiés vivant en dehors du Retz).
Le colonel Kassad affronte le Gritche dans une bataille épique et meurt, mais son sacrifice affaiblit la créature. Le père Hoyt, possédé par l’entité du cruciforme (le "Père Paul Duré"), meurt et ressuscite, révélant la nature parasitaire de cette technologie religieuse. Brawne Lamia découvre que son amant, le cybride Keats, est une clé pour comprendre les intentions du TechnoCentre. Sol Weintraub offre sa fille Rachel en sacrifice au Gritche, inversant ainsi la malédiction qui la faisait rajeunir indéfiniment.
Les Extros attaquent le Retz avec l’aide des IA du TechnoCentre, qui manipulent les événements pour assurer leur survie. Meina Gladstone lance une contre-attaque désespérée, mais le Retz s’effondre sous les frappes orbitales. Le TechnoCentre trahit les humains, révélant qu’il utilise le Gritche comme outil de "sélection évolutive".
Le Gritche n’est pas un dieu, mais une arme créée par une faction du TechnoCentre pour éliminer les humains jugés inutiles. Les Tombeaux du Temps s’ouvrent, libérant une énergie temporelle qui modifie la réalité. Le cybride Keats fusionne avec l’intelligence ultime du TechnoCentre et sacrifie son existence pour sauver une partie de l’humanité.
Une nouvelle ère : le Retz est détruit, mais certains mondes survivent. Les pèlerins rescapés (dont Brawne Lamia et le Consul) sont transportés dans un futur lointain où l’humanité a évolué. Hypérion devient un lieu mythique, et le Gritche disparaît, laissant derrière lui un univers transformé.
Le cycle se poursuit avec "Endymion" (1996) et "L'Éveil d'Endymion" 1997), et voit apparaître un nouveau protagoniste, Raul Endymion, - un ancien soldat devenu chasseur, chargé de protéger Énée, une enfant mystérieuse (fille de Brawne Lamia et du cybride de Keats) -, et une quête inédite, - fuir l’Église cruciforme et les forces de l’Hégémonie pour révéler une vérité capable de bouleverser l’humanité. Sont résolues certaines des questions laissées en suspens : le rôle et les origines du Gritche sont clarifiés (liens avec les Intelligences Techno-Core et les Tombeaux du Temps), Énée et la "Voix Authentique" incarne une révolution spirituelle et technologique, opposée aux cruciformes et au Techno-Core, et le destin de certains pélerins (comme le Consul ou Kassad) est évoqué ou conclu. On y découvre de nouveaux mondes comme T’ien Shan (monde bouddhiste flottant) ou Vitus-Gray-Balianus B (monde océanique) et l'on assiste à la chute de l’Hégémonie, la montée de l’Église cruciforme (symbole d’immortalité corrompue, devenue tyrannique) et la guerre contre les Extros (ex-Ousters).
Moins sombre et plus aventurier qu’Hypérion ...
La seconde série de romans de Dan Simmons se situe dans l'horreur : "Summer of Night ", en 1991, relate les mésaventures d'un groupe d'enfants dans les rues obscures de la petite ville de Elm Haven en 1960. En 2007 paraît aux États-Unis son livre "The Terror", un roman relatant l'expédition de John Franklin en 1845 au cœur de l'Arctique, puis en 2009 "Drood", qui porte sur les cinq années précédant le décès de Charles Dickens, période durant laquelle il écrivait "Le Mystère d'Edwin Drood", qu'il laissera inachevé...
"A Chinese Ghost Story" (1987), réalisé par Siu-Tung Ching, Hollywood s'essouffle et laisse Hong Kong prendre le pouvoir en terme d'imagination et surtout d'effets spéciaux qui redonne au cinéma une fluidité, une liberté , un lyrisme étonnant : ici, de la pure Heroic-fantasy qui voit un jeune percepteur tombé amoureux d'une beauté énigmatique hantant un temple abandonné, cette beauté est un spectre au service d'un vieil esprit sylvestre qui se nourrit d'âmes...
Plus tard, "Matrix" (1999), conçu et réalisé par les frères Wachowski, basés à Chicago, comble les attentes d'un public subjugué par la fusion des effets spéciaux- ici particulièrement travaillés -, des séquences d'action et de thèmes vaguement philosophiques, Keanu Reeves, modeste programmeur, se dédouble le soir en pirate informatique du nom de Neo et s'interroge sur la véritable nature de la réalité...
Dans les années 1980, Hollywood va plus miser sur le spectacle que sur l’innovation pure...
Les années 90 confirmeront ce transfert avec "The Matrix" (inspiré de HK) et l’anime japonais (Akira, Ghost in the Shell) qui prendront le relais ....
Hollywood produit ainsi des blockbusters de science-fiction assez conventionnels ("Star Wars", "Le Retour du Jedi" (1983), plus commercial que "l'Empire", "Indiana Jones", "RoboCop"), de la SF plus liée à l'action qu'aux idées (Predator, Terminator), et un grand nombre de suites ("Retour vers le futur", "Aliens") ...
Hollywood cependant survit encore via ses réalisateurs de talent,
- James Cameron (Terminator, Aliens) joue une SF musclée mais intelligente.
- David Cronenberg (Videodrome, 1983, The Fly) pousse la SF corporelle dans l’horreur.
- Paul Verhoeven (RoboCop, 1987, Total Recall) fait de la SF satirique et sanglante.
- John Carpenter (The Thing, 1982) réalise de la SF horrifique et paranoïaque.
- Steven Spielberg (E.T. l'extra-terrestre, 1982), fait dans l'émotion et la rencontre de l'autre.
- Robert Zemeckis (Retour vers le futur, 1985), fusionne humour, aventure et SF accessible.
Dans le même temps, si le cinéma hongkongais des années 80 reprend le flambeau de l’imagination sans limite, c'est en inventant un cinéma hybride, où la SF se mélange au fantastique, au polar et au wuxia, avec une liberté totale. Ici, pas de millions en effets spéciaux, pas de censure créative, pas de studios conservateurs, pas de PG-13, pas de peur de choquer ..
- Tsui Hark, le visionnaire baroque, avec "Zu, les guerriers de la montagne magique" (1983), un mélange de fantasy, de wuxia et de SF avec des effets spéciaux avant-gardistes, un univers onirique peuplé de dieux, de démons et de technologies mystiques.
- John Woo, fondateur pour l’esthétique cyberpunk de HK, avec "A Better Tomorrow" (1986), pas de la SF classique, mais son style ultra-dynamique (ralentis, fusillades) influencera The Matrix et Equilibrium.
- Ringo Lam, avec "City on Fire" (1987), polar noir, mais avec une esthétique "proto-cyberpunk" (rues sombres, trahisons, tension sociale).
Des réalisateurs qui ne font pas de la SF "classique" (comme Star Wars), mais qui déconstruisent les genres (mélangeant wuxia et cyberpunk), influenceront Hollywood (The Matrix, John Wick, Kill Bill doivent tout à HK) et créeront un langage visuel encore copié aujourd'hui ..
Dernière décennie du siècle et du millénaire, les années 1990 continuent à produire de la science-fiction, le fantastique, le "space opera", les voyages dans l'espace à la rencontre d'espèces extraterrestres et la colonisation interplanétaire continuent à inspirer Vernor Vinge, "A Fire upon the Deep" (1992), Peter F. Hamilton, "The Night's Dawn Trilogy" (1996-1999) et "Fallen Dragon" (2001), Dan Simmons, "The Fall of Hyperion" (1990), Greg Bear, et sa trilogie "Eon" (1985), "Eternity" (1988), "Legacy" (1995), les innombrables volumes de Ben Bova (1932-2020), la trilogie sur Mars de Kim Stanley Robinson (Red Mars, 1992, Green Mars, 1993). Au cinéma, la ronde des extra-terrestres autour de notre planète continue à inspirer bien des oeuvres, ainsi "The Wild Blue Yonder" (2005), de Werner Herzog ou "Under the Skin" (2013) de Jonathan Glazer, l'Intelligence artificielle et les sempiternelles robots, envahissent nos existences et dessinent un au-delà de l'humain des plus sombres, du manga futuriste et de type cyberpunk "Ghost in the Shell" (1989) à "Her", réalisé par Spike Jonze (2013), .... Reste la planète Mars, qui fait encore rêver....
Mais alors que notre réalité s'est peuplée des sondes interplanétaires de la NASA, du télescope spatial Hubble, des nombreuses percées de la cosmologie contemporaine, alors que l'univers scientifique et les univers de science-fiction ont atteint dans ses années 1990 une dimension qui est infiniment plus grande et plus complexe, plus riche en découvertes mais aussi en interrogations, que la réalité objective des années 1950 et ses univers de science-fiction, il semble que nos auteurs contemporains, à l'écriture plus dense, aux nombreux emprunts faits aux thrillers, aux romans d'horreur, d'espionnage et d'action, n'ont guère renouvelé l'imagination de nos grands anciens, H. G. Wells, The Time Machine (1895) et War of the Worlds (1898), Vogt, Heinlein, Asimov, Clarke. Quant au cinéma, incontournable, là aussi, alors que la technologie s'insinue dans les moindres recoins de notre quotidien, il est une limite que notre imagination ne parvient plus à franchir, un véritable mur de verre qui semble nous laisser penser avoir véritablement épuisé toutes nos possibilités d'extrapolation, de fiction, de fabulation, ....
Et pourtant nous avons bien franchi le deuxième millénaire...
Qu'est devenu ton imagination, petit être humain?