- Jacob Levy Moreno (1892-1974), "Who shall survive ?" (1934) - Kurt Lewin
(1890-1947), "A dynamic theory of personality" (1935), "Principles of topological psychology" (1936) - - Leon Festinger (1919-1989), "A Theory of Cognitive Dissonance" (1957) - Frederic W.
Taylor (1856-1915), "Principles of Scientific Management" (1911) - Elton Mayo (1880-1949), "The Human Problems of an Industrial Civilization" (1933), "The Social Problems of an Industrial
Civilization" (1945) - F. G Roethlisberger, W. J. Dickson, "Management and the Worker" (1939) - Abraham Maslow (1908-1970), "A Theory of Human Motivation" (1943), "Motivation and
Personality" (1954) - ...
Last update : 11/11/2016
L'Existence en interactions avec le groupe, l'organisation, la société ..
La plupart des psychologues étaient tellement préoccupés par les traits les plus saillants de la vie mentale de l'individu qu'ils en oublièrent à quel point la structure du groupe social auquel il appartient, explicitement ou implicitement, peut orienter sa psychologie ...
"Just as the bed of a stream shapes the direction and tempo of the flow of water, so does the roup determine the current of an individual's life This interdependence of the ground and the figured flow is inescapable, intimate, dynamic, but it is also elusive" ...
Cette interrogation est alors portée par une nouvelle structure de connaissance, la "psychologie sociale". Il n'est plus question de solitude, ni de remise en question sociale ou existentielle, mais d'optimiser autant qu'il est possible l'intégration de chacun dans l'ordre social et économique issu de la Guerre, de l'industrialisation, de l'organisation de la production, de la consommation : les réflexions se portent désormais sur les interactions de l'individu avec le groupe social auquel il appartient et avec la société.
La nature humaine est désormais conceptualisée sous l'angle de la formation des jugements sociaux, de la communication individuelle ou de groupe, des milieux du travail, des organisations, du cadre vie. Ces nouveaux axes de réflexion se constituent en discipline universitaire ou de recherches, et accompagneront désormais dans les décennies à venir, sous différents avatars, les analyses et efforts d'intégration de l'être à son groupe, à son travail, à sa société. Il ne s'agit plus de penser son existence, mais d'adapter comportement et processus de connaissance aux interactions sociales et économiques environnantes....
Jacob Levy Moreno (1892-1974), Kurt Lewin (1890-1947), et Leon Festinger (1919-1989), trois figures majeures de la psychologie sociale ont apporté des contributions fondamentales et complémentaires dans les années 1940-1950 pour démontrer que l'individu ne peut être compris qu'à travers ses interactions sociales...
- Contre le Réductionnisme Individuel : ensemble, ils ont combattu les visions purement intrapsychiques ou biologisantes de l'individu, dominantes auparavant (psychanalyse freudienne classique, béhaviorisme strict). Ils ont empiriquement démontré que l'environnement social n'est pas un simple décor, mais le tissu constitutif de l'expérience et du comportement individuels.
- Le Groupe comme Unité d'Analyse et d'Action : Moreno et Lewin ont fait du groupe une entité observable, mesurable (sociométrie, dynamique de groupe) et manipulable (recherche-action, psychodrame, changements de normes). L'individu ne peut être isolé de cette unité.
- L'Interaction comme Processus Fondamental : Ils ont mis en lumière les processus dynamiques des interactions (formation des liens, pressions normatives, comparaison sociale, réduction de dissonance) qui façonnent constamment l'individu.
Leurs travaux ont directement inspiré le développement de la dynamique des groupes, de la formation relationnelle (T-group), de la psychothérapie de groupe, des techniques de changement organisationnel, et ont éclairé la compréhension des phénomènes comme le conformisme, la cohésion ou la résolution des conflits ...
Ainsi,
- Moreno a montré que la position et la survie psychique de l'individu dépendent de ses liens ;
- Lewin a prouvé que son comportement est déterminé par le champ social immédiat ;
- Festinger a révélé que sa cohérence psychique même repose sur la validation et la comparaison sociales.
Leurs travaux combinés, dans le contexte d'après-guerre où les questions de groupes et de relations humaines étaient cruciales, ont établi de manière irréfutable que penser l'individu sans interaction humaine est une abstraction vide de sens. L'individu est un être fondamentalement social et interactionnel.
Voici qu'un nouveau courant de pensée apparut au cours de la première moitié du XXe siècle, pour lequel la voie vers l'accomplissement de soi s'avérait beaucoup plus complexe que ne l'exprimaient jusqu'alors la psychanalyse - l'assouvissement de nos pulsions biologiques innées -, et le béhaviorisme - la recherches essentielles de nos besoins physiologiques, sommeil, nourriture, et plaisir charnel.
L'un des principaux partisans de cette approche inédite fut Abraham Maslow, psychothérapeute considéré comme l'un des fondateurs de la psychologie humaniste. C'est que Maslow envisageait l'expérience humaine à l'aune des choses qu'il pensait compter le plus pour l'être humain, l'amour, l'espoir, la foi, la spiritualité, l'individualité, l'existence ...
... et dans la suite logique, ayant pensé l'importance de l'interaction humaine et sociale dans la construction des individus, on en vient à penser cette interaction au sein des organisations et de l'entreprise ...
La résistance aux efforts de la rationalisation taylorienne,
- une rationalisation qui n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre qu'un individu n'est pas déterminé que par le seul appât du gain, une rationalisation qui fait de l'être humain, face à une direction sans visage, une pure abstraction, dépouillé de ses relations tant au travail que personnelles - va conduire à un nouveau cycle de pensée...
En cette toute fin des années 1930 et début des années 1940, on découvre, dans l'organisation du travail, le "facteur humain", on voit naître et se développer une "sociologie du travail" et l'école des "relations humaines", et l'on oppose à ces nouvelles contestations un autre paradigme, complémentaire, la "résistance au changement", qui désormais ne quittera plus notre référentiel d'analyse sociale...
C'est avec les enquêteurs de la Hawthorne que pour la première fois l'entreprise est analysée en terme de système social, soit un système d'activités individuelles structurées par des relations sociales omniprésentes. Mais cette "découverte", qui nous paraît aujourd'hui d'une grande évidence, qui, - formulée en 1928, développée en 1938 aux Etats-Unis, et après la Seconde Guerre mondiale en Europe, généralisée au plan du discours en maints objets de pensée dans les années cinquante -, est en fait une véritable prise de conscience : mais nous verrons par la suite que cette prise de conscience, si elle livre de nouveaux concepts, si elle en vient très progressivement, en quelques deux décennies, à revisiter l'organisation du travail et le monde des entreprises, au fond ne provoque que très peu de bouleversements.
Si l'on admet de nos jours que la réussite de l'entreprise ne peut être obtenue qu'en l'accompagnant de la réussite sociale, la division du travail, la nécessité impérative d'une hiérarchie, l'optimisation et l'efficacité des processus, continuent à pallier, en théorie et en pratique, une supposée fragilité tant de l'individu que de ses potentialités relationnelles. Taylor n'avait pas supporté en son temps, lorsqu'il était passé de statut d'ouvrier à celui de contremaître, le "conflit". Le conflictuel, potentiel en toutes relations, devait être éliminé comme naturellement par cette douce et scientique "administration des choses" qu'il avait théorisé...
Et de fait l'école des relations humaines n'a sans doute pas épuisé théoriquement ses "découvertes" : ainsi la notion de groupe, parfaitement identifiée par les chercheurs de la Western Electric, est considérée non pas comme un acteur à part entière, autonome, avec lequel négocier, mais mais un élément potentiellement manipulable par une direction à qui l'on donne les clefs pour uniquement rationaliser sa conduite ....
Jacob Levy Moreno, la Cartographie des Liens et l'Action dans le Groupe - L'individu est un "être relationnel" dont la position, le bien-être et la pathologie sont indissociables du réseau d'interactions dans lequel il est immergé.
Développement d'un outil révolutionnaire, la Sociométrie - Moreno invente des méthodes pour mesurer objectivement les attractions, répulsions et indifférences au sein d'un groupe (sociogrammes). Ce qui va permettre de prouver que la position sociale d'un individu (star, isolé, rejeté) n'est pas intrinsèque, mais déterminée par la structure des relations du groupe.
Le Groupe devient un contexte déterminant - "Who shall survive?" montre que le bien-être, l'adaptation et même la survie psychique d'un individu (notamment dans des contextes institutionnels comme les prisons ou les hôpitaux) dépendent crucialement de la qualité de ses liens au sein du groupe. Un individu isolé ou rejeté est en danger.
Développement de la Psychothérapie de Groupe et le Psychodrame - Moreno insiste sur la nécessité de travailler dans et par le groupe pour guérir les individus. Le psychodrame place l'individu en interaction directe avec d'autres pour explorer et résoudre ses conflits, démontrant que le changement personnel passe par l'interaction.
Jacob Levy Moreno (1892-1974) pense en psychothérapeute une existence humaine définie par un rôle social et en interactions continuelles (affectives, sociales, familiales et groupales.. ) avec le monde environnant ("Who shall survive ? A New Approach to the Problem of Human Interrelations", 1934).
Le psychologue américain d’origine roumaine J. L. Moreno fit des études médicales et psychologiques à Vienne, où il résida et exerça la psychiatrie jusqu’en 1925, date de son départ pour les États-Unis.
Reconnu comme le pionnier de la psychothérapie de groupe, de la sociométrie et du psychodrame, il enseigna à l'université de New York de 1936 à 1968 et se focalisa dans ses recherches sur la psychothérapie des marginaux.
Le "principe d'interaction thérapeutique" qu'il expérimente et conceptualise entend montrer que chaque groupe possède une structure formelle et une base sociométrique (l'attraction et la répulsion entre les individus et les groupes suivent des lois socio-dynamiques), et qu'ainsi, au sein d'un groupe, chaque patient est l'agent thérapeutique d'un autre, chaque groupe celui d'autres groupes. La finalité est de renforcer la cohésion et la communication de ces interactions conscientes ou inconscientes qui structurent la vie de groupe, de classe, de société.
WHO SHALL SURVIVE? (XXIII)
Le point faible de notre univers actuel est l'incapacité de l'homme à faire face à la machine, au conservatisme culturel ou au robot autrement que par la soumission, la destruction effective et la révolution sociale. Le problème de la refonte de l'être humain lui-même, et non seulement de son environnement, est devenu le problème dominant ...
The weakest point in our present day universe is the incapacity of man to meet the machine, the cultural conserve, or the robot, otherwise than through submission, actual destruction, and social revolution. The problem of remaking man himself and not alone his environment has become the out- standing problem the more successfully technical forces prosper in the realization of the machine, the cultural conserve and the robot; and although the development of these is far from having reached its peak, the final situation of man and his survival can be clearly visualized, at least theoretically.
La citation porte sur la relation conflictuelle entre l'humain et la machine, avec trois réactions négatives identifiées : la soumission (L'homme accepte sa subordination à la machine), la destruction (la tentative d'éliminer purement et simplement la technologie), et la révolution sociale (le changement des structures sans transformation des individus).
L'introduction de dispositifs culturels a complètement changé la situation. L'homme n'était plus nécessaire, les machines faisaient le travail tout aussi bien, et peut-être même mieux, et à un coût bien moindre. C'est le moment d'évoquer une possibilité de penser autrement et d'en appeler tout simplement à cette créativité spontanée dont tout être humain est détenteur ...
Le diagnostic : une crise de la spontanéité créatrice à développer ...
Moreno propose une approche totalement différente centrée sur la transformation interne plutôt qu'externe et propose rien de moins qu'une refondation anthropologique articulée autour de ...
1. Le psychodrame comme technologie existentielle
Il s'agit de Recréer symboliquement les situations de conflit homme-machine et de Retrouver sa capacité d'action (agency) par la mise en scène
2. La sociométrie comme ingénierie relationnelle
Il s'agit de Cartographier les réseaux humains pour contre-balancer les réseaux machiniques et Créer des groupes basés sur l'affinité réelle plutôt que sur la fonction
3. La philosophie du "cocréateur"
L'homme est considéré en tant que partenaire de la création cosmique. Un Dieu qui a besoin des hommes est plus grand qu'un Dieu qui n'a besoin de personne. Notre responsabilité est d'inventer avec la technologie, pas de la subir
Pour Moreno, le véritable progrès n'est pas dans le perfectionnement des machines, mais dans l'augmentation de la capacité humaine à créer avec elles, à travers elles et parfois contre elles.
Moreno nous invite à devenir les architectes de notre propre humanité dans un monde technologique. Les méthodes de Moreno peuvent inspirer aujourd'hui les thérapies numériques, les organisations apprenantes et les mouvements d'éducation créatrice. Son intuition fondamentale — que la technique sans développement de la spontanéité mène à l'impasse — s'avère plus pertinente que jamais à l'ère de l'IA.
L'être humain doit apprendre à affronter ce nouveau monde industriel qui se déploie inéluctablement, apprendre à lui survivre tant par sa nature adaptative et ses potentialités créatives ...
"It is from the actual embodiment and performance of man within the psychological cross-currents which turn upon him from birth to death — that is, how he stands up in the psycho- geographical test, — that a decision, if any, can be made; and the conclusion we can draw from a survey of the position of man as a biological being in the world of today is that thrown into an industrial environment he does not stand up well in the conflict with the machine and that the solution of this conflict lies in an heroic measure, not to surrender to the machine, not to halt its development, but to meet it on even terms and to resort in this battle to resources which are inherent within his organism. Beyond the controversy, destruction of the unfit or survival of the fit, is a new goal, the survival of a flexible, spontaneous personality make-up, the survival of the creator."
Ne pas se céder à la machine ni arrêter son développement, mais l'affronter à armes égales et recourir dans cette bataille à des ressources inhérentes à son organisme. Au-delà de la controverse — destruction des inadaptés ou survie des adaptés — se trouve un nouveau but : la survie d'une structure personnelle flexible et spontanée, la survie du créateur. »
Et le premier problème qu'il rencontre sur ce long chemin est celui de son incapacité à construire une société parfaitement intégrée. En étudiant les forces intégratrices et perturbatrices du développement de la société, les moyens par lesquels elles opèrent et les techniques par lesquelles elles peuvent être contrôlées, Moreno met en évidence que cette structure sociale est en permanence en tension avec une autre structure, la structure psychologique.
Analyser la faiblesse de la société humaine revient à se pencher sur la faiblesse de l'organisme individuel. La question n'est donc plus seulement celle de la survie ou de la disparition de la forme actuelle de la société humaine, mais celle du destin de l'homme. Elles vont vivre ou périr ensemble. Une alternative et une solution peuvent venir de la conclusion que l'homme possède une ressource inhérente à son propre organisme et à l'organisation de la société humaine qu'il n'a jamais utilisée au-delà du stade rudimentaire - sa spontanéité.
On retrouve ici les réflexions de J.L. Moreno, sa méfiance envers les solutions eugénistes et technocratiques, son anthropologie dramatique (l'homme comme "acteur" de sa vie), l'idéal de spontanéité-créativité comme réponse aux aliénations modernes ...
"The question is therefore not only the survival or passing of the present form of human society but the destiny of man. As all races suffer in this respect from a common insufficiency they are going to live or perish together. An alternative and a solution may come from the conclusion that man has a resource which is inherent in his own organism and in the organization of human society which he has never used beyond the rudimentary stage — his spontaneability. To bring this to full development requires the concentration of all agencies — technological, psychological, and eugenic..."
Kurt Lewin ("A Dynamic Theory of Personality", 1935 & travaux ultérieurs) : L'Individu dans son Champ Social Dynamique - L'individu est un élément d'un "champ de forces sociales" dynamique. Son comportement et ses changements sont largement déterminés par les propriétés et les dynamiques du groupe dans lequel il évolue.
- La Théorie du Champ ...
Lewin conceptualise le comportement (B) comme une fonction de la personne (P) et de son environnement (E) : B = f(P, E). Critiquement, l'"environnement" (E) inclut l'environnement social perçu ("champ psychologique"), c'est-à-dire les autres personnes, les normes, les pressions, les objectifs du groupe.
- L'Importance Primordiale de la Situation Immédiate ...
Lewin déplace le focus des traits de personnalité stables vers l'ici-et-maintenant de la situation sociale. Le comportement d'un individu ne peut être prédit sans comprendre les forces sociales (attentes, normes, dynamiques de groupe) agissant sur lui dans un contexte donné.
- Recherche Action sur le Changement ...
Ses expériences célèbres (changement d'habitudes alimentaires, styles de leadership autocratique/démocratique/laissez-faire) prouvent que :
- Les dynamiques de groupe (climat, leadership, normes) influencent massivement le comportement individuel (productivité, agressivité, satisfaction).
- Le changement d'attitude ou de comportement individuel est beaucoup plus efficace lorsqu'il passe par la modification des normes ou des dynamiques du groupe ("décongélation-changement-recongélation").
C'est dans le contexte des interactions sociales du monde du travail que Kurt Lewin (1890-1947) élabore une théorie des forces psychiques et du conflit qu'il généralise au domaine individuel à la dynamique des groupes. Espace des relations et tensions individuelles que par commodité on désigne par le terme de "field theory".
Le groupe auquel un individu appartient est la base de ses perceptions, de ses sentiments et de ses actions. Jusque-là, la plupart des psychologues avaient certes une vision globale de la vie et de l'environnement, mais se focalisaient uniquement sur la psychologie de l'individu. Certains auteurs ont toutefois parlé vaguement de "l'influence du groupe sur l'individu", du "déterminisme culturel" ou de "l'esprit de groupe", d'autres encore ont résolu le problème en découpant l'individu en segments, des segments considérés comme déterminés par des facteurs sociaux et censés former une "structure de base de la personnalité" censée s'appliquer à tous les individus.
La contribution la plus intéressante de Lewin est d'avoir démontré que l'interdépendance de l'individu et du groupe peut
être étudiée de manière plus judicieuse si l'on utilise certains nouveaux concepts, - des concepts issus de la topologie, de la psychologie dynamique de l'individu, des champs de force, auxquels
on associe atmosphère de groupe, niveaux de réactivité, perspective temporelle, décision de groupe, sentiment d'appartenance -, et des concepts qui se révèlent d'autant plus pertinents
qu'ils permettent de décrire des situations concrètes. Ses exposés s'intègrent dans d'incessant allers-retours incessants entre les données et la théorie, entre les cas et les concepts, et pour
cela fut un grand défricheur de la réalité sociale...
Kurt Lewin n'a jamais écrit d'ouvrages proprement dits, les monographies et les articles constituaient ses moyens d'expression préférés C'est grâce à eux et à son influence personnelle sur les étudiants et ses collègues qu'il a provoqué une révolution non négligeable dans l'étude scientifique de l'homme dans la société Mais les étudiants ont besoin de manuels. Les articles et les monographies sont inaccessibles, Jusqu'à présent, l'étudiant désireux de comprendre le système de pensée de Lewin s'est tourné vers "A Dynamic Theory of Personality" , un recueil d'articles publié en 1935, ou vers "Principles of Topological Psychology" , une présentation des concepts clés imprimée en 1936. Ces deux volumes ont été publiés avant que Lewin n'ait réellement commencé ses études les plus importantes dans le domaine des sciences sociales, entre 1935 et 1946 : "The Conceptual Representation and the Measurement of Psychological Forces" (Durham, Caroline du Nord, 1938), "Resolving Social Conflits", édité par Gertrud Weiss Lewin (New York, 1948)....
Kurt Lewin, professeur à l'université de Berlin puis de Stanford, réinterprète les problèmes abordés par la "Psychopathologie de la vie quotidienne" de Freud dans une perspective centrée sur le monde du travail et l'ouverture du vécu individuel sur son milieu. La méthode utilisée est celle d'une "recherche-action", conjuguant expérimentation et vérification de l'efficacité la pratique sociale théorisée. Il entreprend ainsi l’étude expérimentale des "atmosphères" autoritaires et démocratiques, la conceptualisation du rôle de leader, la construction de la décision collective. C'est à la lumière des travaux réalisés en physique sur la notion d'espace-temps et de champs de force (Hermann Minkowski, Max Born), que se développent ses travaux les plus connus centrés sur la "dynamique de groupes" : tout ce qui se produit chez un individu ou dans un groupe repose sur le jeu des forces qui s'y exercent.
Auteur de nombreuses expériences sur les préjugés raciaux ou les conflits entre les groupes sociaux, K. Lewin reste, avec son élève Leon Festinger, l'un des plus illustres représentants de cette psychologie américaine centrée sur l'adaptabilité individuelle et l'optimisation de l'intégration sociale et cognitive.
On peut ainsi, à titre d'exemple, comparer ces deux théoriciens du leadership et de la communication que sont Raymond B. Cattell (1905-1998) et Kurt Lewin (1890-1947). Cattell est un psychologue d'une grande ambiguïté qui tout à la fois théorisa en 1941 l'existence de deux formes d'intelligence à l'origine des capacités cognitives humaines, - l'intelligence dite fluide et l'intelligence cristallisée -, et fut critiqué pour son darwinisme social. Dans l'étude du leadership, Catell adopte le point de vue autoritaire selon lequel les dirigeants sont nés ainsi, et propose l'application de mesures eugéniques pour développer ces profils tant nécessaire à la société, soulignant également l'importance de la recherche pour aider à identifier les dirigeants. Lewin, tout au contraire, adopte un point de vue que l'on peut définir comme plus "démocratique" : les qualités de leader peuvent être apprises et chacun est potentiellement un leader dans le cadre d'une décision de groupe...
Lewin reste le théoricien-practicien par excellence - celui qui a osé croire que la science pouvait à la fois comprendre le monde et le rendre plus humain....
A dynamic theory of personality (1935, selected Theoretical Papers, avec Adams et Zener)
Ce n'est pas qu'un traité mais un manifeste pour une psychologie humaine et rigoureuse. Si son formalisme mathématique peut sembler daté, sa vision relationnelle et contextuelle du comportement reste d'une grande actualité à l'ère des intelligences artificielles et des crises écologiques. Lewin nous rappelle que comprendre l'humain, c'est toujours comprendre ses liens au monde - une leçon que la psychologie positive et les sciences cognitives redécouvrent aujourd'hui.
L'ouvrage vise à refonder la psychologie en dépassant les approches mécanistes (behaviorisme) et réductionnistes (psychanalyse) de l'époque.
Lewin propose une théorie unifiée du comportement humain ancrée dans ...
- La totalité dynamique de l'individu dans son environnement
- La représentation mathématique des forces psychologiques
- La primauté du présent (le comportement déterminé par la perception actuelle, non seulement par le passé)
Sa célèbre formule B = f(P,E) (Le comportement est fonction de la Personne et de son Environnement) résume ce projet : comprendre l'action humaine comme un champ de forces en interaction.
Lewin combine rigueur expérimentale (observations contrôlées d'enfants) et formalisation mathématique (topologie, vecteurs) - une alliance alors inédite, pour propose les apports conceptuels majeurs suivants ...
1. L'espace vital (Life Space), la cartographie de l'univers d'un individu à un instant t
L'espace vital est la totalité des faits psychologiques qui déterminent le comportement d'un individu à un moment donné. Lewin le représente comme un champ topologique incluant la personne avec ses états internes (besoins, émotions, cognitions), l'environnement psychologique tel qu'il est perçu (objets, personnes, objectifs), et les forces sociales (normes, groupes d'appartenance)
Ses Composantes clés :
- les Frontières : Zones de résistance (examen à passer, conflit relationnel)
- les Régions : Sphères d'activité (famille, travail, loisirs)
- la Mobilité : Capacité à naviguer dans cet espace
2. La dynamique des tensions, ou la physique des motivations humaines
Lewin, espérant parvenir à décrire décrire scientifiquement le comportement humain comme un système dynamique, en interaction avec son environnement, élabore donc une théorie du champ où il introduit la notion de dynamique des tensions. Pour Lewin, à un moment donné, une personne se trouve dans un champ psychologique : un ensemble de forces (ou de vecteurs) internes et externes qui orientent son comportement. Chaque besoin ou intention va créer une tension psychique dans la personne. Cette tension agit comme une force, qui pousse à accomplir une action visant à la réduire. L’environnement (le « champ ») peut faciliter ou faire obstacle à cette décharge de tension. Le comportement est donc le résultat du champ total de forces agissant sur la personne à un moment donné et c’est pourquoi on parle parfois d’une physique des motivations : les forces psychologiques fonctionnent comme des tensions dans un champ d’énergie.
Quelques notions clés accompagnent cette représentation,
- la Région : zone du champ où se trouvent les buts ou les objets.
- les Barrières : obstacles perçus qui empêchent d’atteindre un but.
- la Valence : valeur attractive ou répulsive d’un objet (positive = attirante, négative = répulsive).
- Vecteur : direction et intensité de la force qui soutient la motivation.
L’ensemble forme une topologie du champ de vie (life space), propre à chaque individu à un instant donné. Kurt Lewin nous offre ainsi une vision dynamique et systémique du comportement : l’humain n’est pas isolé, mais en interaction constante avec son environnement....
(Kurt Lewin, Resolving Social Conflicts, 1945, The Special Case of Germany)
"CULTURAL CHANGES OF INDIVIDUALS AND NATIONS
Even formulated in this way, a change toward democratic Ger- man culture obviously includes very difficult problems.
There is no question but that the culture of individuals or small groups can be changed deeply in a relatively short time A child transplanted from Germany or Japan to America will, as a rule, become thoroughly Americanized Even grown-ups who are transplanted to a different culture may acquire the new culture to a high degree, and much can be done toward this end through proper education Experiments with both children and adults prove that the social atmosphere of groups can be changed profoundly by introducing different forms of leadership Experiments in leadership training have shown that it is even possible under certain cir- cumstances to transform highly autocratic leaders of long standing within a short time into efficient democratic leaders.
All of these changes, however, are changes of individuals or small groups in a direction which is in line with some aspects of the general cultural setting m which these individuals or groups live To change the culture of a whole nation is quite a different undertaking The greater numbers involved present merely one of the difficulties Even more important are certain dynamic relations between the various aspects of the culture of a nation — such as its education, mores, political behavior, religious outlook — which interact in a way that tends to bend any deviation from the estab- lished culture back to the same old stream.
There is no space here to discuss these dynamics in detail I might merely remind the reader that the difference, for instance, between the American and the German culture is discernible more or less in every part of their respective cultural lives m the way the mother treats a two- or three-year-old child, what the father talks about at the dinner table, how the worker talks to his fore- man or the student to the professor, how the visitor behaves toward grown-ups and children, how the cookbooks are written, how opposing lawyers deal with each other after the court session, what type of photograph the candidate for political office uses for propaganda, and what religion means to a person in any denomina- tion A cultural change in regard to a specific item will have to be able to stand up against the weight of the thousand and one items of the rest of the culture which tend to turn the conduct back to its old pattern As someone has put it, "Cultures are pretty watertight ”
We may conclude To be stable, a cultural change has to pene- trate more or less into all aspects of a nation’s life The change must, in short, be a change in the "cultural atmosphere," not merely a change of single items.
LES CHANGEMENTS CULTURELS CHEZ LES INDIVIDUS ET LES NATIONS
Même formulé de cette manière, un changement vers une culture allemande démocratique inclut évidemment des problèmes très difficiles.
Il ne fait aucun doute que la culture des individus ou des petits groupes peut être profondément modifiée en relativement peu de temps. Un enfant transplanté d'Allemagne ou du Japon en Amérique deviendra, en règle générale, complètement américanisé. Même les adultes transplantés dans une culture différente peuvent acquérir la nouvelle culture à un degré élevé, et beaucoup peut être accompli dans ce but grâce à une éducation appropriée. Des expériences avec des enfants et des adultes prouvent que l'atmosphère sociale des groupes peut être changée profondément en introduisant différentes formes de leadership. Des expériences de formation au leadership ont montré qu'il est même possible, dans certaines circonstances, de transformer en peu de temps des leaders hautement autocratiques et de longue date en des leaders démocratiques efficaces.
Cependant, tous ces changements sont des changements d'individus ou de petits groupes dans une direction qui est en phase avec certains aspects du contexte culturel général dans lequel ces individus ou groupes vivent. Changer la culture d'une nation entière est une entreprise tout à fait différente. Le nombre plus important de personnes concernées ne présente qu'une des difficultés. Plus importantes encore sont certaines relations dynamiques entre les divers aspects de la culture d'une nation — tels que son éducation, ses mœurs, son comportement politique, sa perspective religieuse — qui interagissent de manière à tendre à ramener toute déviation par rapport à la culture établie dans le même vieux courant.
Il n'y a pas assez d'espace ici pour discuter de ces dynamiques en détail. Je pourrais simplement rappeler au lecteur que la différence, par exemple, entre la culture américaine et la culture allemande est plus ou moins discernable dans chaque partie de leurs vies culturelles respectives : dans la façon dont la mère traite un enfant de deux ou trois ans, ce dont le père parle à table, comment l'ouvrier parle à son contremaître ou l'étudiant à son professeur, comment le visiteur se comporte envers les adultes et les enfants, comment sont écrits les livres de cuisine, comment les avocats adverses se traitent mutuellement après la session du tribunal, quel type de photographie le candidat à une fonction politique utilise pour la propagande, et ce que la religion signifie pour une personne de toute dénomination. Un changement culturel concernant un élément spécifique devra être capable de résister au poids des mille et un autres éléments du reste de la culture qui tendent à ramener la conduite à son ancien modèle. Comme quelqu'un l'a dit, « Les cultures sont assez étanches. »
Nous pouvons conclure : Pour être stable, un changement culturel doit pénétrer plus ou moins dans tous les aspects de la vie d'une nation. Le changement doit, en bref, être un changement de « l'atmosphère culturelle », et pas seulement un changement d'éléments isolés.
GENERAL ASPECTS OF CULTURAL CHANGE
1) Culture as an equilibrium A culture is not a painted picture, it is a living process, composed of countless social interactions Like a river whose form and velocity are determined by the balance of those forces that tend to make the water flow faster, and the friction that tends to make the water flow more slowly — the cul- tural pattern of a people at a given time is maintained by a balance of counteracting forces The study of cultures on a smaller scale indicates that, for instance, the speed of production or othei aspects of the atmosphere of a factory has to be understood as an equilibrium, or more precisely, as an "equilibrium m movement ".
Once a given level is established, certain self -regulatory proc- esses come into function which tend to keep group life on that level One speaks of "work habits," "established customs," the "accepted way of doing things” Special occasions may bring about a momentary rise of production, a festival may create for a day or two a different social atmosphere between management and workers, but quickly the effect of the "shot in the arm" will fade out and the basic constellation of forces will reestablish the old forms of everyday living.
The general problem, therefore, of changing the social atmosphere of a factory or of German culture can be formulated some- what more precisely in this way How can a situation be brought about which would permanently change the level on which the counteracting forces find their quasi-stationary equilibrium?
La culture en tant qu'équilibre
Une culture n'est pas une image peinte, c'est un processus vivant, composé d'innombrables interactions sociales. Tout comme la forme et la vitesse d'une rivière sont déterminées par l'équilibre entre les forces qui tendent à accélérer le courant de l'eau et les frottements qui tendent à le ralentir — le modèle culturel d'un peuple à un moment donné est maintenu par un équilibre de forces contraires. L'étude des cultures à plus petite échelle indique que, par exemple, la vitesse de production ou d'autres aspects de l'atmosphère d'une usine doivent être compris comme un équilibre, ou plus précisément, comme un « équilibre en mouvement ».
Une fois qu'un niveau donné est établi, certains processus d'auto-régulation entrent en fonction qui tendent à maintenir la vie du groupe à ce niveau. On parle « d'habitudes de travail », de « coutumes établies », de la « manière acceptée de faire les choses ». Des occasions spéciales peuvent provoquer une hausse momentanée de la production, une fête peut créer pendant un jour ou deux une atmosphère sociale différente entre la direction et les ouvriers, mais rapidement l'effet du « coup de fouet » s'estompera et la constellation fondamentale des forces rétablira les anciennes formes de la vie quotidienne.
Le problème général, par conséquent, de changer l'atmosphère sociale d'une usine ou de la culture allemande peut être formulé de manière un peu plus précise ainsi : Comment peut-on créer une situation qui modifierait de façon permanente le niveau auquel les forces contraires trouvent leur équilibre quasi stationnaire ?
2) Changing the constellation of forces. To bring about any change, the balance between the forces which maintain the social self -regulation at a given level has to be upset.
This implies for Germany that certain deep-seated powers have to be uprooted Large proportions of those sections of the German population on which a democratic reconstruction will depend live now in a state of suppression and terror It is hardly conceivable that these people will be able to act freely as long as they see the Gestapo or other masters of ten years of terror alive and free on the other side of the street After the last war the reactionary forces in Germany, although driven under cover, were permitted to "get away with it ” Being a socially well-knit group, they soon started to come back step by step and to take their revenge in the extreme form of Hitlerism I cannot see any hope of more than superficial change after the present war if the German people are prevented from getting rid in a very thorough fashion of a large group which has developed to perfection the most ruthless methods of suppression This group, at present, is known to be already preparing to go underground, it will remain a powerful threat if its utter destruction is hindered by forces outside Germany fearing any type of "chaos ”.
The German move toward democracy after the last war did not fail because the so-called German Revolution of 1918 was too chaotic, but because the overthrow of the Kaiser was entirely bloodless and did not reach deep enough It did not reach deep enough socially to remove certain sections of the population from power, and it did not reach deep enough culturally to remove the idea of democracy from its identification with individualistic freedom of the laissez faire type. A revolution in Germany should, therefore, be viewed as a positive factor, not a negative one, m bringing about the desired end — a move toward democracy and permanent peace.
Cette traduction conclut le raisonnement de Kurt Lewin en appliquant sa théorie des forces et des équilibres à la situation concrète de l'Allemagne d'après-guerre....
Changer la constellation des forces. Pour provoquer un changement quelconque, l'équilibre entre les forces qui maintiennent l'auto-régulation sociale à un niveau donné doit être rompu.
Cela implique pour l'Allemagne que certains pouvoirs enracinés doivent être déracinés. Une large proportion des franges de la population allemande dont dépendra une reconstruction démocratique vit maintenant dans un état de suppression et de terreur. Il est difficilement concevable que ces personnes puissent agir librement tant qu'elles verront la Gestapo ou d'autres maîtres de dix ans de terreur, vivants et libres, de l'autre côté de la rue. Après la dernière guerre, les forces réactionnaires en Allemagne, bien que mises sous le boisseau, furent autorisées à « s'en tirer ». Étant un groupe socialement très soudé, elles ne tardèrent pas à revenir pas à pas et à prendre leur revanche sous la forme extrême du hitlérisme. Je ne vois aucun espoir d'un changement plus que superficiel après la guerre actuelle si le peuple allemand est empêché de se débarrasser de manière très approfondie d'un large groupe qui a développé à la perfection les méthodes de suppression les plus impitoyables. On sait que ce groupe, actuellement, se prépare déjà à passer dans la clandestinité ; il restera une menace puissante si sa destruction totale est entravée par des forces extérieures à l'Allemagne, craignant tout type de « chaos ».
La marche de l'Allemagne vers la démocratie après la dernière guerre n'a pas échoué parce que la soi-disant Révolution allemande de 1918 était trop chaotique, mais parce que le renversement du Kaiser fut entièrement sans effusion de sang et n'atteignit pas une profondeur suffisante. Elle n'atteignit pas une profondeur sociale suffisante pour évincer du pouvoir certaines sections de la population, et elle n'atteignit pas une profondeur culturelle suffisante pour soustraire l'idée de démocratie de son identification avec la liberté individualiste de type laissez-faire. Une révolution en Allemagne devrait donc être considérée comme un facteur positif, et non négatif, pour amener le résultat souhaité — un mouvement vers la démocratie et la paix permanente.
3) Establishing a new cultural pattern Hand m hand with the destruction of the forces maintaining the old equilibrium must go the establishment (or liberation) of forces toward a new equilibrium Not only is it essential to create the fluidity necessary for change and to effect the change itself, it is also imperative that steps be taken to bring about the permanence of the new situation through self -regulation on the new level.
TECHNIQUES OF CHANGING CULTURE
Let us assume that the situation in Germany will be sufficiently fluid. Is there anything that can be done to help the forces which may establish a new level of equilibrium closer to democracy? From the many considerations, I shall mention but a few.
I. ", Satisfaction ” is not enough If the many needs of the German people are satisfied, will that not suffice to make them democratic? This idea, rather common before America’s entrance into the war, may well be brought to life again as soon as the war with Germany is over (although it will hardly be propagated in this country in regard to the Japanese) Such suggestions are based on the naive idea that "human nature” is identical with "democratic culture”, that one needs but to destroy the causes of maladjustment to create a democratic world
I had a chance to observe rather closely a young fellow who had been active m the German Youth movement before Hitler. Subsequently he had been taken over by the Nazis and made an assistant to a District Youth leader for a number of years. For one reason or another he had fled the country and become politically anti-Nazi. This individual showed rather marked symptoms of maladjustment such as aggressiveness and egocentricism. Being a clever fellow, he made his way, learned the amenities of the American style, and showed a friendly and smooth surface. After a number of years he gave the appearance of being quite well adjusted and was usually considered a likeable fellow.
Only those who knew him intimately and followed his actions closely for a long time could see that actually his conduct has become more insidious than ever before. Having an exceptionally fine sense for relations of status and power, the fellow would find out immediately who were friends, who enemies, where lay the strength or weakness of everyone, or what ideas were fashionable at the moment. On the basis of this quickly gained intimate knowledge of power relations he would pursue an active, egoistic policy with an extreme degree of aggressiveness, using lies without in- hibition and figuring out destructive frontal attacks with a cleverness that made people gasp I could not help but feel that here we had a practically "pure” case of Nazi culture. This aggressiveness did not diminish but rather increased and became more dangerous as the individual became personally secure without changing his basic culture.
I think this is a clear example of the fact that, m an aggressive autocratic culture, aggression and autocratic behavior cannot be viewed as symptoms of maladjustment They cannot be basically changed merely by satisfying the individual’s need.
TECHNIQUES DE CHANGEMENT DE LA CULTURE
Supposons que la situation en Allemagne devienne suffisamment fluide. Y a-t-il quelque chose que l'on puisse faire pour aider les forces qui pourraient établir un nouveau niveau d'équilibre plus proche de la démocratie ? Parmi les nombreuses considérations, je n'en mentionnerai que quelques-unes.
L'avertissement de Lewin est clair : toute politique de reconstruction (comme le Plan Marshall) qui se contenterait de relever matériellement l'Allemagne sans s'attaquer de front à la "culture fondamentale" des individus serait un échec. Les structures de pensée nazies survivraient et se perpétueraient, rendant tout progrès démocratique superficiel et précaire.
En résumé, cette partie insiste sur la nécessité d'une ingénierie sociale et éducative active et ciblée pour transformer les mentalités, au-delà de la simple assistance matérielle.
I. La « Satisfaction » ne suffit pas
Si les nombreux besoins du peuple allemand sont satisfaits, est-ce que cela ne suffira pas à les rendre démocratiques ? Cette idée, assez répandue avant l'entrée de l'Amérique dans la guerre, pourrait bien être ramenée à la vie une fois la guerre contre l'Allemagne terminée (bien qu'elle ne sera guère propagée dans ce pays en ce qui concerne les Japonais). De telles suggestions sont basées sur l'idée naïve que la « nature humaine » est identique à la « culture démocratique », qu'il suffit de détruire les causes de inadaptation pour créer un monde démocratique.
J'ai eu l'occasion d'observer de assez près un jeune homme qui avait été actif dans le mouvement de la jeunesse allemande avant Hitler. Par la suite, il avait été récupéré par les nazis et était devenu l'assistant d'un chef de district des Jeunesses hitlériennes pendant plusieurs années. Pour une raison ou une autre, il avait fui le pays et était devenu politiquement anti-nazi. Cet individu montrait des symptômes assez marqués de inadaptation, tels que l'agressivité et l'égocentrisme. Étant un type intelligent, il a réussi, a appris les amenities du style américain, et affichait une surface amicale et lisse. Après un certain nombre d'années, il donnait l'apparence d'être assez bien adapté et était généralement considéré comme un garçon sympathique.
Seuls ceux qui le connaissaient intimement et qui suivaient ses actions de près depuis longtemps pouvaient voir qu'en réalité sa conduite était devenue plus insidieuse que jamais. Ayant un sens exceptionnellement fin des relations de statut et de pouvoir, le type découvrait immédiatement qui étaient les amis, qui étaient les ennemis, où se situaient la force ou la faiblesse de chacun, ou quelles idées étaient à la mode sur le moment. Sur la base de cette connaissance intime et rapidement acquise des relations de pouvoir, il poursuivait une politique active et égoïste avec un degré extrême d'agressivité, utilisant les mensonges sans inhibition et concevant des attaques frontales destructrices avec une intelligence qui laissait les gens pantois. Je ne pouvais m'empêcher de penser que nous avions là un cas pratiquement « pur » de culture nazie. Cette agressivité n'a pas diminué mais a plutôt augmenté et est devenue plus dangereuse à mesure que l'individu devenait personnellement sûr de lui sans changer sa culture fondamentale.
Je pense que ceci est un exemple clair du fait que, dans une culture autocratique et agressive, l'agression et le comportement autocratique ne peuvent être considérés comme des symptômes d'inadaptation. Ils ne peuvent être fondamentalement changés en donnat satisfaction aux besoins de l'individu.
2. Some general positive principles. The studies of group life m various fields suggest a few general principles for changing group culture.
(a) The change has to be a change of group atmosphere rather than of single items. We have discussed this problem already Technically it means that the change cannot be accomplished by learning tricks It must be deeper than the verbal level or the level of social or legal formalities.
(b) It can be shown that the system of values which governs the ideology of a group is dynamically linked with other power aspects within the life of the group. This is correct psychologically as well as historically. Any real change of the culture of a group is, therefore, interwoven with the changes of power constellation within the group.
(c) From this point it will be easily understood why a change in methods of leadership is probably the quickest way to bring about a change in the cultural atmosphere of a group. For the status and power of the leader or of the leading section of a group make them the key to the ideology and the organization of the life of that group.
2. Quelques principes positifs généraux. Les études sur la vie des groupes dans divers domaines suggèrent quelques principes généraux pour changer la culture de groupe.
(a) Le changement doit porter sur l'atmosphère du groupe plutôt que sur des éléments isolés. Nous avons déjà discuté de ce problème. Techniquement, cela signifie que le changement ne peut pas être accompli par l'apprentissage de « trucs ». Il doit être plus profond que le niveau verbal ou que le niveau des formalités sociales ou légales.
(b) On peut montrer que le système de valeurs qui régit l'idéologie d'un groupe est dynamiquement lié aux autres aspects de pouvoir au sein de la vie du groupe. Ceci est exact tant du point de vue psychologique qu'historique. Tout changement réel de la culture d'un groupe est donc imbriqué avec les changements de la constellation de pouvoir au sein du groupe.
(c) À partir de là, on comprendra facilement pourquoi un changement dans les méthodes de leadership est probablement le moyen le plus rapide de modifier l'atmosphère culturelle d'un groupe. Car le statut et le pouvoir du leader ou de la section dirigeante d'un groupe font d'eux la clé de voûte de l'idéologie et de l'organisation de la vie de ce groupe.
3. The change from autocracy to democracy Experiments on groups and leadership training suggest the following conclusions
(a) The change of a group atmosphere from autocracy or laissez faire to democracy through a democratic leader amounts to a re-education of the followers toward "democratic followership". Any group atmosphere can be conceived of as a pattern of role playing Neither the autocratic nor the democratic leader can play his role without the followers being ready to play their role accordingly Without the members of the group being able and ready to take over those responsibilities which are essential for follower- ships in a democracy, the democratic leader will be helpless Changing a group atmosphere from autocracy toward democracy through a democratic leadership, therefore, means that the autocratic followers must shift toward a genuine acceptance of the role of democratic followers.
(b) The experiments show that this shift in roles cannot be accomplished by a "hands off” policy To apply the principle of "individualistic freedom” merely leads to chaos. Sometimes people must rather forcefully be made to see what democratic responsibility toward the group as a whole means. It is true that people cannot be trained for democracy by autocratic methods But it is equally true that to be able to change a group atmosphere toward democracy the democratic leader has to be in power and has to use his power for active re-education. There is no space here to discuss in detail what to some might appear as one of the paradoxes of democracy ..."
3. Le passage de l'autocratie à la démocratie
Les expériences sur les groupes et la formation au leadership suggèrent les conclusions suivantes :
(a) Le changement de l'atmosphère d'un groupe de l'autocratie ou du laisser-faire à la démocratie par un leader démocratique équivaut à une rééducation des suiveurs vers un « rôle de suiveur démocratique ». Toute atmosphère de groupe peut être conçue comme un modèle de jeu de rôles. Ni le leader autocratique ni le leader démocratique ne peuvent jouer leur rôle sans que les suiveurs ne soient prêts à jouer leur rôle en conséquence. Sans que les membres du groupe ne soient capables et prêts à assumer les responsabilités essentielles au suiveur dans une démocratie, le leader démocratique sera impuissant. Changer l'atmosphère d'un groupe de l'autocratie vers la démocratie grâce à un leadership démocratique signifie donc que les suiveurs autocratiques doivent évoluer vers une acceptation authentique du rôle de suiveurs démocratiques.
(b) Les expériences montrent que ce changement de rôle ne peut pas être accompli par une politique de « non-intervention ». Appliquer le principe de la « liberté individualiste » ne mène qu'au chaos. Parfois, les gens doivent être contraints avec une certaine fermeté à comprendre ce que signifie la responsabilité démocratique envers le groupe dans son ensemble. Il est vrai que l'on ne peut pas former les gens à la démocratie par des méthodes autocratiques. Mais il est tout aussi vrai que pour pouvoir changer l'atmosphère d'un groupe vers la démocratie, le leader démocratique doit être au pouvoir et doit utiliser son pouvoir pour une rééducation active. Il n'y a pas assez d'espace ici pour discuter en détail ce qui pourrait paraître à certains comme l'un des paradoxes de la démocratie...
Leon Festinger ("A Theory of Cognitive Dissonance", 1957) - Le besoin Social de validation et de consistance - L'individu est fondamentalement motivé à utiliser le groupe social pour valider ses croyances, réduire ses conflits internes et maintenir une image cohérente de lui-même. Sa pensée et son équilibre psychologique sont socialement ancrés.
- Le Moteur Social de la Dissonance - Festinger postule un besoin fondamental de consistance cognitive. Lorsque nos croyances/attitudes entrent en conflit avec nos actes ou d'autres croyances, cela crée un inconfort (dissonance) que nous cherchons à réduire.
- La Réduction de Dissonance par le Social - Une des stratégies clés pour réduire la dissonance est la recherche de soutien social. - Lorsque la réalité est ambiguë (ou rendue ambiguë par la dissonance), nous nous comparons aux autres pour valider nos opinions et attitudes. Nous cherchons activement des personnes qui pensent comme nous (Comparaison Sociale). - Nous pouvons modifier nos attitudes pour les aligner sur celles du groupe, ou tenter de convaincre les autres pour qu'ils s'alignent sur nous, afin de réduire la dissonance (Influence Sociale et Conformisme).- Nous évitons les informations ou les personnes qui pourraient augmenter la dissonance (Évitement des Désaccords).
- L'Individu Dépendant du Groupe - Cette théorie montre que notre équilibre psychologique même (réduire l'inconfort de la dissonance) dépend fortement de nos interactions sociales et de notre appartenance à des groupes partageant nos croyances. Notre identité et notre consistance psychologique sont maintenues socialement.
Leon Festinger (1919-1989) est surtout connu pour ses travaux sur la "dissonance cognitive". Selon cette théorie, l'individu en présence de cognitions ("connaissances, opinions ou croyances sur l’environnement, sur soi ou sur son propre comportement") incompatibles entre elles, va élaborer des stratégies inconscientes visant à restaurer son équilibre cognitif. Une de ces stratégies pour réduire la dissonance cognitive consiste à modifier ses croyances, attitudes et connaissance pour les accorder avec la nouvelle cognition et engager ainsi un "processus de rationalisation" (A theory of cognitive dissonance, 1957).
Ces travaux se veulent toujours basés sur l'expérimentation, vie réelle ou reproduite : en l'occurrence, Daniel Katz et Leon Festinger, enseignants tous deux à Stanford dans les années 50, infiltreront une secte millénariste pour étayer sur le vif leur théorie de la dissonance cognitive (When Prophecy Fails, A Social and Psychological Study , 1956). Comment réagiront ces personnes si leur prophétie ne se réalisait pas ? Admettraient-ils l'erreur de leur prédiction ou, comme l'avait prédit Festinger, réajusteraient-ils leur réalité pour donner un sens aux nouvelles circonstances ? Non seulement When Prophecy Fails revêt une grande importance historique en tant que premier test d'une théorie puissante, mais il s'agit également d'un récit étonnamment touchant de ce qui arrive à des gens ordinaires dans des circonstances extraordinaires. ... "nous assistons aux tentatives hilarantes et désespérées des membres du groupe pour valider leur système de croyances de science-fiction, ainsi qu'à la vie familiale bizarre de la dame dont les messages "canalisés" depuis l'espace sont au centre de l'attention du groupe. Le comportement des enquêteurs, qui tentent de dissimuler leurs véritables activités, attire les soupçons, ce que le médium interprète comme un signe qu'ils sont eux-mêmes des visiteurs extraterrestres. Lorsque la déception de ne pas être de la fin du monde arrive, les enquêteurs se retrouvent irrémédiablement impliqués dans le groupe qu'ils sont censés étudier en toute objectivité....
S'interroger sur l'homme révolté invite à poser la question de l'existence, de son sens, de son contenu. Les socio-thérapeutes qui s'installent dans le contexte de l'après-guerre privilégient de l'homme, un homme en interaction sociale, dont le vécu n'est pas la question essentielle. Ce vécu est traduit en rôle social, et ce qui est en jeu est son adaptabilité et sa sociabilité, posant ainsi la question de l'éventuel conflit de l'individu dans l'organisation et le problème de sa motivation.
En 1911, Frederic W. Taylor (1856-1915) donnait à la productivité industrielle cette dimension tant attendue par la rationalité scientiste ambiante et les besoins de développement économique : l'organisation scientifique du travail prône l'utilisation maximale de l'outillage, la suppression de tout geste inutile dans les mouvements humains, la préparation du travail, la distinction tranchée entre conception et exécution : "Vous n'êtes pas ici pour penser", et, pour Taylor, aucun conflit fondamental n'existe entre employeur et salarié, la prospérité de l'un est liée à la prospérité de l'autre (Shop Management, 1904, Principles of Scientific Management, 1911). "L'American Manufacturing System" et les emblématiques chaînes de montage et d'assemblage du constructeur automobile Henry Ford imposent leurs modèles pour les décennies suivantes. Mais dès les années 1930, apparaissent les premières remises en question, stagnation de la productivité, sentiment de déshumanisation du travail, que les années 40 et l'après-guerre accentuent dans un contexte économique, intellectuel, social foncièrement bouleversé, et sous la pression de l'automatisation croissante introduite par l'informatique : l'homme des années 30 puis 40 entre en conflit avec l’organisation.
Elton Mayo incarne une première étape, dans les années 1930, - entre la Grande Dépression et la 2e guerre mondiale -, de cette "science" de l'intégration de l'humain dans le monde du travail ...
Face au taylorisme et à ses remises en question, à l'être humain-machine théorisé comme rationnel, et la contrainte érigée en dynamique d'organisation, Elton Mayo, en pragmatique, entend recréer l'entreprise comme une communauté harmonieuse (contrôle des conflits)susceptible d'optimiser la productivité. Pour se faire,
- Mayo reconnaît à l'individu des besoins sociaux (reconnaissance, écoute, appartenance), mais si l'être humain est un être social c'est bien le sentiment d'appartenance à un groupe, à une organisation qui prime sur toute autre considération (l'épanouissement individuel dans le travail est une notion qui devra attendre encore vingt ans et Maslow)
- l'être humain agit par émotions et besoins sociaux, et l'attention portée à l'ouvrier influence ses performances
- le management paternaliste (les chefs comme "régulateurs sociaux") apparaît ainsi le plus à même d'agir tant au bénéfice du travailleur que de l'organisation.
Les expériences d'Hawthorne (Mayo, 1924-1932) "révèlent" que l'attention portée aux travailleurs boostait la productivité, bien plus que les conditions matérielles ...
Le psychologue australien Elton Mayo (1880-1949) met en évidence la notion de groupe au travail et fonde l'école dite des relations humaines qui découvre, ou redécouvre le besoin social d’intégration dans un groupe de travail, fut-il élémentaire.
Son enquête réalisée à la Western Electric Company dans les ateliers d'Hawthorne à Chicago (1927-1932) met en lumière l'importance du capital dit humain, et montre que les récompenses non financières (conditions de travail, reconnaissance) jouaient un rôle capital dans la motivation du personnel (The Human Problems of an Industrial Civilization, 1933; The Social Problems of an Industrial Civilization, 1947).
Elton Mayo devient pendant plus de vingt ans, professeur de recherche industrielle à la Harvard Business School (1926-1947), introduisant dans le monde de l'entreprise des équipes d'experts-conseils en charge du désamorçage des tensions éventuelles.
Le message retenu est le suivant : l'attention portée aux travailleurs booste la productivité, bien plus que les conditions matérielles. Le "phénomène Hawthorne" apparaît comme le révélateur du rôle des facteurs psychosociaux dans l'existence de l'être humain dans le monde de l'organisation et du travail ...
Le terme d'école des relations humaines permettra d'occulter dans la littérature les présupposés bien limitatifs de la démarche ..
Abraham Maslow incarne la seconde étape dans les années 1940-1950, après le traumatisme de la 2e guerre mondiale ...
Face au taylorisme, toujours existant, et à ses remises en question, toujours autant débattues, à l'être humain-machine théorisé comme rationnel, et la contrainte érigée en dynamique d'organisation, Abraham Maslow, entendu pionnier de la psychologie humaniste, entend répondre à une quête globale de réalisation personnelle dans une société en reconstruction.
De nouvelles préoccupations sont énoncées ...
- On ne se concentre plus sur des besoins sociaux (reconnaissance, écoute, appartenance), mais on introduit des besoins supérieurs (estime, accomplissement) et l'idée d'actualisation de soi. L'être humain est motivé par une hiérarchie de besoins (déficit / croissance)et les besoins d'amour/appartenance précèdent celui de l'estime (hiérarchie).
- On ne recherche pas l'optimisation de la productivité via un management paternaliste, mais en favorisant l'épanouissement individuel dans le travail (le job comme lieu de croissance).
- La finalité de l'entreprise n'est pas tant de créer une communauté harmonieuse (contrôle des conflits) que de permettre la réalisation du potentiel (autonomie, créativité).
Le psychologue américain Abraham Maslow (1908-1970) enseigna de 1936 à 1950 au Brooklyn College, à New York et atteint une notoriété mondiale en proposant sa fameuse "pyramide des besoins" (besoins physiologiques, psychologiques de sécurité, d'appartenance, d'estime, de réalisation de soi) qui est devenue tant un instrument de travail dans l'entreprise (gestion des ressources humaines, besoins du personnel) qu'un axe de réflexion de la la fonction mercatique (besoins du consommateur).
Enfin, pour les psychothérapeutes, c’est l’initiateur de la psychologie humaniste, avec Carl Rogers en particulier (Motivation and Personality , 1954; Religions, Values, and Peak Experiences, 1964).
"What a man can be, he must be " (Ce qu'un homme peut être, il doit l'être), la fameuse citation extraite de "Motivation and Personality" (1954), ici Maslow fait référence à l'étape de "self-actualization", le dernier degré de la hiérarchie des besoins ...
Pour illustrer la voie de la motivation humaine et définir les étapes à suivre pour accéder à l'auto-réalisation, Maslow, dans sa célèbre hiérarchie des besoins, souvent représentée sous forme de pyramide et selon deux parties distinctes, situe les besoins les plus fondamentaux à sa base tandis que chacune des autres étapes essentielles semble nous élever vers une sorte d'épanouissement total. Les premiers sont les plus simples et les plus fondamentaux, les besoins physiologiques -nourriture, eau, sommeil, etc. -, le besoin de sécurité - être à l'abri du danger -, les besoins d'amour et d'appartenance - proximité et
acceptation - et les besoins d'estime - respect, réussite personnelle et reconnaissance, Au niveau supérieur se trouvent les besoins d'épanouissement, d'ordre plus cognitif, - savoir et comprendre -, et esthétique - recherche de l'ordre et de la beauté -, ainsi que deux besoins qui définissent le sens de la vie et conduisent à la réalisation spirituelle et psychologique, les fameuses - et troublantes - "auto-réalisation" et "auto-transcendance". L'auto-réalisation est désir de s'accomplir soi-même, l'auto-transcendance est le fait de se dépasser soi-même pour se relier à une instance supérieure (pourquoi pas Dieu) ou aider les autres à réaliser leur potentiel...
La hiérarchie des besoins reste toujours un modèle pédagogique omniprésent malgré ses limites empiriques ...
Mais l'étude de Tay & Diener (2011), publiée dans "Social Psychological and Personality Science", a apporté une contribution majeure à la compréhension des besoins humains en testant empiriquement le modèle de Maslow à l'échelle mondiale.
La méthodologie est révolutionnaire, 60 865 participants dans 123 pays (des bidonvilles de Calcutta aux sociétés industrialisées) pour entreprendre une mesure de la satisfaction des besoins (physiologiques, sécurité, social, estime, accomplissement) et leur lien avec le bien-être subjectif (bonheur, satisfaction de vie). L'approche privilégiait une analyse des besoins comme variables indépendantes, non comme une hiérarchie rigide.
Cinq apports clés (et leur impact sur le modèle de Maslow) sont ainsi répertoriés :
1) La hiérarchie n'est pas universelle
Le principe maslowien est ainsi invalidé : la satisfaction des besoins supérieurs (estime, accomplissement) peut augmenter le bien-être même quand les besoins basiques sont insatisfaits (Des individus en situation de pauvreté extrême tirent un bien-être significatif de leurs relations sociales ou de leur sentiment d'accomplissement spirituel).
2) Tous les besoins contribuent simultanément au bien-être
Un modèle additif, et non séquentiel : le bien-être est optimal quand tous les besoins sont satisfaits, mais chaque besoin contribue indépendamment au bonheur. Vs Maslow, on n'observe pas de "verrouillage" des besoins supérieurs sans satisfaction parfaite des besoins basiques.
3) L'effet des besoins varie selon les contextes
Du rôle modérateur de la richesse nationale : dans les pays pauvres, les besoins physiologiques / sécurité impactent davantage le bien-être; dans les pays riches, les besoins sociaux / accomplissement prennent le relais. La hiérarchie est un reflet des conditions matérielles, non une loi psychologique universelle.
3) La culture façonne la priorité des besoins
Collectivisme vs individualisme : dans les cultures collectivistes (Asie, Afrique), les besoins sociaux priment sur l'estime/accomplissement. Vs Maslow : La "réalisation de soi" n'est pas un idéal transculturel.
4) Preuve du rôle central des besoins sociaux
Le besoins d'appartenance peut être considéré comme un pilier universel : leur satisfaction est le prédicteur le plus constant du bien-être à travers tous les contextes. C'est réhabilité Mayo, l'humain comme "être social" est ainsi confirmé empiriquement...
La méta-analyse de Tay & Diener enterre la version rigide de la pyramide de Maslow, mais sauve son intuition fondamentale :
les besoins humains - qu'ils soient de survie ou d'épanouissement - sont les piliers du bien-être, mais cette pyramide est plus un répertoire de motifs qu'une progression déterminée ...
(Tay, L., & Diener, E. (2011). Needs and Subjective Well-Being Around the World. Journal of Personality and Social Psychology, 101(2), 354–365.).
"Devenir le meilleur de soi-même : Besoins fondamentaux, motivation et personnalité" (ED ORGANISATION) - Abraham Maslow [Abraham Maslow] - Éditions d'Organisation, Eyrolles, Paris, 2008
Abraham Maslow est une figure majeure de la psychologie humaniste, un "pilier" aux côtés de Carl Rogers ou Viktor Frankl. Lire cet ouvrage, c'est accéder à la source d'une théorie fondamentale qui a profondément influencé la psychologie, le management, l'éducation et le développement personnel. Contrairement à de nombreux livres de développement personnel qui vulgarisent (ou déforment) ses idées, cette édition vous permet de lire la pensée de Maslow dans le texte. Vous avez accès à ses nuances, ses réflexions et le développement complet de sa théorie, bien au-delà de la simple "Pyramide des besoins".
Le livre aborde des concepts profonds comme les besoins fondamentaux (au-delà de la pyramide), la métamotivation, les expériences paroxystiques ("peak experiences") et la nature de la personne qui s'accomplit ("self-actualized"). C'est une œuvre théorique substantielle.
Les Éditions d'Organisation (maintenant intégrées à Eyrolles) sont une maison d'édition reconnue dans le domaine du management, de la psychologie du travail et des sciences humaines. Leur comité de lecture et leur ligne éditoriale garantissent un minimum de sérieux dans le choix et la traduction des textes.
L'œuvre est toutefois datée (conceptuellement) : Les travaux principaux de Maslow remontent aux années 1940-1960. La psychologie scientifique a beaucoup évolué depuis.
La méthode de Maslow (observation qualitative d'individus "exemplaires") est considérée comme peu scientifique selon les standards actuels. Sa hiérarchie des besoins est intuitive mais difficile à prouver expérimentalement et ne s'applique pas universellement (variations culturelles, situations de crise).
Maslow lui-même n'a jamais représenté sa théorie sous forme d'une pyramide rigide. Cette représentation, popularisée plus tard, simplifie à l'excès et laisse croire qu'un besoin doit être "à 100% satisfait" avant de passer au suivant, ce qu'il n'a jamais affirmé.
Le titre original est en fait "Toward a Psychology of Being" ("Vers une psychologie de l'être"). Le titre français "Devenir le meilleur de soi-même" est beaucoup plus accrocheur et orienté "développement personnel". Cela peut créer un décalage entre l'attente du lecteur (un guide pratique) et le contenu (un essai théorique et philosophique).
Dans les années 40, Maslow, très éloigné des préoccupations de sa discipline, s'interroge sur cette capacité de réalisation de soi qu'il rencontre dans des personnalités aussi charismatiques que l'ethnologue Ruth Benedict ou l'un des fondateurs de la Gestalt psychology, Max Wertheimer. Ces personnalités semblent avoir pleinement développer leur potentiel et réaliser une vie "pleinement humaine".
Maslow va ainsi exalter cette aspiration vers "le haut" qui anime la nature humaine : "les freudiens sont réductionnistes, car ils ne voient dans les valeurs élevées qu'un simple camouflage d'instincts primitifs". Il en vient ainsi à penser que les conduites humaines sont déterminées par la recherche de la satisfaction de besoins fondamentaux, et que cette recherche des besoins est hiérarchisée : la réalisation de soi n’est pas possible si, en premier lieu, les besoins physiologiques (le gîte, le couvert, la survie) ne sont pas satisfaits: au sommet de la pyramide, le besoin de réalisation de soi, spécifique et indépendant, est le plus large de ces besoins et est supposé être insatiable.
Développement de la théorie des motivations et des besoins ...
Elaborée dans les années 1950-1960, cette théorie a eu un impact très important sur les formes d'organisation, portant restructuration des tâches et enrichissement du travail. Mais il s'agit toujours et encore de la même orientation de pensée, répondre aux besoins fondamentaux de l'individu permet d'augmenter ses motivations tant à travailler qu'à vouloir s'intégrer au monde de l'entreprise ...
"Motivation and personality" (1954, Abraham H. Maslow)
Maslow nous dit simplement que chacun de nous possède un but personnel et qui lui correspond parfaitement. La voie vers la réalisation consiste à le decouvrir pour tendre vers lui. Si une personne ne fait pas ce qui lui correspond dans la vie, elle vivra dans l'anxiété et la frustration quand bien seraient satisfaits les autres besoins. Chacun de nous doit donc découvrir son potentiel et entreprendre les expériences qui permettront de l'accomplír ...
Dès sa première édition, Maslow systématise ses théories clés : hiérarchie des besoins, actualisation de soi, méthodologie holiste. La 2e édition révisée (1970) ajoutera psychologie transpersonnelle et metaneeds, la 3e édition (1987, Maslow est mort avant la 3e édition) recherchera une contextualisation plus scientifique. L'ouvrage s'est vendu à des centaines de milliers d'exemplaires : on peut souligner le paradoxe entre l'impact culturel immense et le scepticisme académique précoce ..
Un classique (même si certaines parties sont révisées) qui reste fondateur pour sa hiérarchie des besoins (un modèle omniprésent en psychologie, management, marketing, éducation), sa base des théories de motivation (Clayton Alderfer, ERG Theory), la notion d'actualisation de soi, un concept clé en développement personnel et coaching. C'est aussi un pilier de la psychologie positive (Martin Seligman s'en inspire directement) et de la réhabilitation de la subjectivité et de l'étude des individus sains. La véritable actualisation de cet ouvrage est à rechercher dans la psychologie positive (Seligman) et le management (McGregor, Herzberg).
"Toward a psychology of being" (1962, Abraham H. Maslow)
Le premier livre (1954) de Maslow posait les bases de la hiérarchie des besoins et de l'actualisation de soi, mais restait encore ancré dans une psychologie "déficitaire". Son second ouvrage (1962) opère un vrai tournant métaphysique avec les notions d'Être, de métabesoins et d'expériences paroxystiques. C'est là que Maslow devient vraiment "transpersonnel".
Parallèlement, le public cible a considérablement évolué : des psychologues académiques, puis un public plus large intéressé par le développement spirituel.
Dans cette édition,
- apparaît la distinction claire entre D-Needs (besoins par manque) et B-Needs (Being-Needs ou métabesoins). Les B-Needs (vérité, beauté, unité, justice...) deviennent des motivations intrinsèques, indépendantes des carences.
- l’actualisation de soi devient un processus continu de croissance (becoming), jamais achevé. L'auteur insiste sur le courage d’être et la nécessité de sortir des sécurités pour se confronter à l’inconnu.
- sont introduits les « expériences paroxystiques » (Peak Experiences), concept absent en 1954, et central en 1962 : des moments de transcendance, d’unité avec le monde, de plénitude intense. Leur rôle : révéler le Soi authentique et catalyser la croissance.
- un nouveau cadre théorique s'impose. La critique des psychologies centrées sur la pathologie (Freud) ou le comportement (Skinner) cède à la proposition d’une science des états de plénitude ("full-human-ness"). Une question s'impose dès lors : « Que devient l’humain quand il n’est plus motivé par le manque ? »
- les métapathologies, ou pathologies de l’âme, font partie des innovation de 1962. Si les B-Needs sont frustrés, bascule-t-on dans des métapathologies (ennui, cynisme, perte de sens). Une société matérialiste qui nie la beauté ou la vérité ne génère-t-elle pas de la souffrance existentielle.
- la psychologie individualiste (réalisation de soi) des années 1950 s'élargit au transpersonnel, une dimension spirituelle se développe, une méthodologie plus phénoménologique se met en place.
En 1962, Maslow quitte la psychologie de la motivation pour une psychologie de l'existence. Il ne s'agit plus de réaliser très concrètement un idéal d'équilibre (satisfaire les besoins), mais de rechercher un idéal de dépassement : devenir "pleinement humain". Ces idées fondent la psychologie positive (Seligman) et influencent le développement personnel contemporain.
Un acte de foi ...
"Pourquoi l’humain est-il malade ?", se demandait-on, "Qu’est-ce qui permet à l’humain de s’épanouir ?", répondra Maslow ...
Un principe inébranlable : chaque individu porte une pulsion vers l’accomplissement (growth motivation), analogue à la poussée d’une graine vers la lumière...
L'optimisme anthropologique (la bonté fondamentale de l'humain) reste le présupposé fondamental des théories de Maslow.
L'être humain possède une nature intrinsèquement bonne ou neutre, et non fondamentalement corrompue (la "bonté" n'est pas une absence de pulsions négatives mais une orientation fondamentale vers la croissance). La violence, l'égoïsme ou la pathologie sont des réactions à des besoins insatisfaits (carences), et non l'expression d'une nature profonde. Et tout individu porte en lui une pulsion naturelle vers la croissance, l'épanouissement et la réalisation de son potentiel (L’actualisation de soi comme force vitale innée). La santé psychique est l'état "par défaut" lorsque les obstacles environnementaux sont levés...
Il n'est ici nulle question de pouvoir, de structures sociales ou d'inégalités ...
La théories de Maslow, si elle peut aujourd'hui paraître bien sommaire voire simpliste, et entachée d'une certaine ambiguïté - la notion de besoin fondamental reste bien confusante - a poussé au devant de la scène médiatique la célèbre caste des théoriciens-organisateurs, dont le plus connu est sans doute le psychosociologue américain Frederick Herzberg (1923-2000) : "Work and the Nature of Man" (1966) postule la valorisation de l'être humain par le travail ...
Il est désormais du ressort de toute direction d'entreprise de faciliter tant son épanouissement que ses potentialités. La théorie de la double nature humaine, celle d'Adam, qui tente d'échapper à son destin après avoir été chassé du Paradis, et celle d'Abraham, qui sait utiliser toutes les ressources qui sont en pouvoir.
De meilleures conditions de travail, un enrichissement de celui-ci, des responsabilités, de meilleures relations entre collègues, autant de facteurs valorisant qui permettent de surmonter notre nature adamique...
Il n'est nullement question ici d'élaborer une interrogation sur l'existence : la logique du "développement personnel" s'installe dans un contexte humain délivré de toute névrose ou trouble psychique pour atteindre ce que l'on présente comme "le plein épanouissement de son potentiel humain".
Notion qui ne peut véritablement se conceptualiser mais s'exprime en attitudes, images, symboliques.
Il n'est plus question non plus d'adaptabilité au monde environnant, mais d'une dimension étrangère au monde immédiat et qui, dans une certaine mesure, suscite l'établissement d'une communauté spécifique dans laquelle inscrire le parcours de sa vie.
La métaphore du "plus-être" permet donc d'ignorer toutes les contradictions existentielles ou névrotiques au profit d'une extrême simplification de la pensée humaine, épurée de ses scories affectives ou cognitives, pour, au niveau le plus concret, réaliser une harmonieuse intégration dans le monde du travail, au niveau jugé plus élevé, effacer la frontière entre le moi et le non-moi et vivre "l'expérience de la communion avec le monde".
La croissance de l’après-guerre ayant satisfait les exigences d’ordre physiologique et sécuritaire, de nouvelles demandes, relevant des étages supérieurs dans la pyramide des besoins, s'imposent donc.
En fait, dans l'historicité qui caractérise notre humaine nature, les exigences d’ordre physiologique et sécuritaire ne sont jamais définitivement résolues, la notion d' "épanouissement personnel", voire collectif, ne saurait suffire, ni à rendre compte de l'existence ni à construire l'armature sociale et politique de celle-ci ...
