Hara Tamiki (1905-1951), "Natsu no hana" (Fleurs d'été, 1947), Haikyou kara" (Des Ruines, 1947), "Kaimetsu no joukyoku" (Prélude à la destruction, , 1949), "Chinkonka" (Requiem, 1949) - Ôta Yôkô (1903-1963), "Sakura no kuni" (1940), "Shikabane no Machi " (La Ville des cadavres, 1948), "Ningen ranru" (Lambeaux humains, 1951), "Han ningen" (A moitié humain, 1954) - Tamura Taijirô (1911-1983), "Nikutai no akuma" (Le démon de la chair, Gate of Flesh, 1946) - Jun Ishikawa (1899-1987), "Yakeato no Iesu" (1946, Jésus dans les décombres) - Osamu Dazai (1909-1948),"Shayô" (1947, Soleil couchant. Crépuscule de l'aristocratie, The Setting Sun), "Ningen shikkaku" (1948, La déchéance d'un homme, No Longer Human) - Ango Sakaguchi (1906-1955), "Hakuchi" (1946, L'Idiote, The Idiot) - Fumiko Hayashi (1904-1951), "Hōrōki" (Chronique de mon vagabondage, Diary of a Vagabond, 1927), "Ukigumo" (Nuages flottants, Floating Cloud, 1949-951) - ....

Last update :  12/12/2017 


Deux écrivains assistèrent au bombardement atomique d'Hiroshima le 6 août 1945, bientôt suivi de celui de Nagasaki, le 9 août, qui certes contribua à la reddition sans condition du Japon, mais firent de 95 000 à 166 000 morts pour le premier et de 60 000 à 80 000 morts, pour le second. Hara Tamiki (1905-1951) n'aura de cesse, jusqu'à son suicide, de consigner sa douleur, "Natsu no hana" (Fleurs d'été) fut censuré par les autorités américaines jusqu'en 1947. Ôta Yôkô (1903-1963), auteur reconnue en 1940 avec "Sakura no kuni", fut aussi exposée aux rayons de la bombe atomique larguée sur Hiroshima et son roman "Shikabane no Machi " (La Ville des cadavres) connut le même destin que celui écrit par Tamiki... 


"Avec le jour, les gémissements de la nuit s'étaient tus.." Tamiki Hara (1905-1951), poète, romancier, né à Hiroshima en 1905, diplômé de littérature anglaise, auteur de poèmes et de nouvelles (Flammes), touché par le marxisme, il perd sa femme, Sadae, en 1944, et alors que la guerre fait rage, se réfugie à Hiroshima : en août 1945, c'est la bombe atomique, il est miraculeusement épargné, témoin d'une nouvelle forme d'horreur dont il fait le récit dans "Natsu no hana" (Fleurs d'été) en 1947. Suivront "Haikyou kara" (Des Ruines, From the Ruins, 1947), "Kaimetsu no joukyoku" (Prélude à la destruction, Prelude to Annihilation, 1949), "Chinkonka" (Requiem, 1949). En mars 1951 éclate la guerre de Corée qui lui inspire "Shingan no kuni" (Le Pays de désir du cœur, The Land of the Heart's Desire, 1951)  et le 13 mars 1951, désespéré par la tournure de l'Histoire, Tamiki Hara se donne la mort en se jetant sous un train...

 

"Natsu no hana" (Fleurs d'été, Summer Flowers, 1947)

"J'eus la vie sauve parce que j'étais aux cabinets. Ce matin du 6 août, je m'étais levé vers huit heures. La veille au soir il y avait eu deux alertes aériennes, mais il ne s'était rien passé. Un peu avant l'aube je m'étais déshabillé et, chose que je n'avais pas fait depuis longtemps, je m'étais couché et endormi en kimono de nuit. Je me levai et entrai dans les cabinets sans répondre à ma sœur qui, me voyant encore en caleçon grommela que je me levais bien tard. Quelques secondes plus,tard, je ne sais plus exactement,  il y eut un grand coup au-dessus de moi et un voile noir tomba devant mes yeux. Instinctivement je me mis à hurler et, prenant ma tête entre mes mains, je me levai. Je n'y voyais plus rien et n'avais conscience que du bruit : c'était comme si quelque chose telle une tornade s'était abattue sur nous. J'ouvris à tâtons la porte des cabinets et trouvai la véranda. J'entendais encore distinctement les hurlements que je venais de pousser au milieu d'un bruit de rafale, mais  mes yeux ne voyaient plus et l'angoisse me saisit. Cependant, en avançant sur la véranda, les maisons détruites commencèrent peu à peu à m'apparaître dans une vague luminosité. Je repris mes esprits. Cela ressemblait à un moment terrible d'un horrible cauchemar. Tout d'abord à l'instant où avait retenti le choc au-dessus de ma tête et où j'avais été complètement aveuglé, j'avais compris que je n'étais pas mort. Mais j'avais eu un mouvement de colère à l'idée de la situation catastrophique dans laquelle je me trouvais. Le hurlement que j'avais poussé me semblait venir d'une autre personne tant je n' avais pu reconnaître ma propre voix. Puis lorsque, dans le vague, j'avais pu distinguer les environs, j'avais eu le sentiment d'être au cœur d'une terrible tragédie. J'avais déjà été témoin de ce genre de scène mais seulement au cinéma. Petit à petit des pans de ciel bleu apparurent, puis se multiplièrent, à travers la poussière qui obscurcissait tout. Des rayons de lumière pénétraient par les murs troués, venant de directions inattendues. Je m'avançais avec précaution sur le plancher : les tatami avaient été soufflés et projetés de tous côtés. Je vis alors ma sœur se précipiter vers moi: "Tu n'as rien? Tu n'es pas blessé ? Ça va ?", cria-t-elle, "tes yeux saignent, va vite te les laver", me dit-elle en m'apprenant qu'il y avait encore de l'eau à l'évier. Me rendant compte que j'étais complètement nu, je me retournai et lui demandai si elle n°avait pas au moins quelque chose à me donner pour m'habiller. Elle réussit à tirer un caleçon d'un placard qui avait échappé au désastre. À ce moment-là, quelqu'un fit irruption avec des gestes étranges. L'homme avait le visage en sang et ne portait qu'une chemise. C'était quelqu'un de l'usine. En me voyant, il laissa échapper : "Vous avez de la chance, vous, vous n'avez rien", puis il marmonna quelque chose comme "Un téléphone, un téléphone, il faut que je téléphone..." et partit comme s'il avait beaucoup à faire. Partout il y avait des fissures. Les cloisons et les tatami arrachés, on voyait à nu les piliers et l'armature des pièces de la maison. Pendant un moment il y eut un silence insolite. C'est le dernier souvenir que je garde de cette maison. Après, j'ai appris que dans ce quartier la plupart des habitations s'étaient effondrées et étaient détruites. Dans le cas de la nôtre, l'étage n'était pas tombé et le sol avait tenu bon. C'était vraiment de la bonne construction ! C'est mon père, homme très méticuleux, qui l'avait fait construire quarante ans auparavant. Je traversai les pièces sur les tatami et les cloisons renversés en quête de quelque vêtement. Je trouvai rapidement une veste; cherchant ensuite un pantalon, je pris brusquement conscience du désordre qui régnait. Le livre que je lisais la veille au soir était par terre, les pages tournées. Le tableau accroché à l'étagère du haut était tombé et cachait le bas du tokonoma d'un air meurtrier. Bizarrement, je trouvai un bidon d'eau, venu d'on ne sait où, puis un chapeau. Ne voyant toujours pas de pantalon, je cherchai quelque chose à me mettre aux pieds. C'est alors que K..., un employé des bureaux, apparut à la véranda du salon et me supplia d'une voix douloureuse : "Oh... Oh... Aidez-moi, je suis blessé...", et il s'assit là comme pour ne plus bouger. Du sang coulait un peu de son front, il avait les yeux noyés de larmes. Je lui demandai où il était blessé, et il me montra son genou en appuyant dessus, tandis que se tordait son visage blême et tout ridé..." (traduction de Brigitte Allioux, Gallimard).


Ôta Yôkô (1903-1963)

 

Une autrice japonaise majeure du XXe siècle, dont l'œuvre est marquée par son expérience tragique du bombardement atomique de Hiroshima en 1945. Son témoignage littéraire, à la fois poétique et politique, en fait une figure incontournable de la littérature de guerre et des récits de survivants (hibakusha). Le 6 août 1945, elle survit au bombardement atomique de Hiroshima, cachée dans une cave à 1,2 km de l’hypocentre. Cette expérience transforme radicalement son écriture. Les effets de la bombe entraîneront une détérioration de sa santé et atteint ainsi  les limites de son œuvre littéraire. pour mourir en 1963...

"Hiroshima" (1946) de John Hersey, un classique du journalisme, est une référence incontournable parmi les témoignages sur la bombe atomique : publié en 1946 dans The New Yorker (numéro entier), puis en livre, il s'attache aux pas six survivants (dont une femme, un prêtre jésuite, un médecin) pendant les 24 heures suivant l’explosion. Un texte qui fut partiellement censurés par les autorités américaines (Hersey minimise les radiations dans l’édition originale). Ce fut le premier récit complet accessible aux Occidentaux (30 millions de lecteurs en 1946). Les survivants (hibakusha) lui préfèrent Ôta ou Ibuse ...

 

"Shikabane no machi" (1948, La Ville des cadavres, City of Corpses)

Premier récit publié par une survivante du bombardement atomique de Hiroshima (6 août 1945), écrit à chaud en 1945-1946, mais censuré par l’occupation américaine jusqu’en 1948 : il sera finalement publié trois ans plus tard avec des passages supprimés. "City of Corpses" correspond à une traduction anglaise partielle (2017) et il n'existe aucune traduction française intégrale à ce jour ...

 

"An Autumn So Horrible 

Even the Stones Cry Out 

" The days come, the days go, and chaos and nightmare seem to wall me in. 

Even the full light of clear, perfectly limpid autumn days brings no relief from profound stupefaction and sorrow: I seem to be submerged in the deepest twilight. On all sides people whose condition is no different from mine die every day. Both the neighbors to the west and the neighbors to the east are getting ready for funerals. Yesterday I was told that the person I saw at the doctor's three or four days earlier had begun to vomit up pitch black blood; today, that the pretty girl I bumped into a few days ago on the street has lost all her hair, is covered with purple spots, and lies at the point of death. 

Nor do I know when death will come to me. Any number of times each day I tug at my hair and count the strands that pull out. Terrified of the spots that may appear suddenly, at any moment, I examine the skin of my arms and legs dozens of times, squinting with the effort. Small red mosquito bites I mark with ink; when, with time, the red bites fade, I am relieved they were bites and not spots. Atomic bomb sickness inflicts strange, idiotic bodily harm: you remain fully conscious, yet no matter how dreadful the symptoms that appear, you are aware of neither pain nor numbness. For those suffering from it, atomic bomb sickness represents the discovery of a new hell. 

Incomprehensible terror when death beckons and anger at the war (the war itself, not the defeat) intertwine like serpents and even on the most listless of days throb violently. 

I have always wanted to spend an autumn in the country; yet now that I am here, I find myself in a peculiar state. I am not on a welcome trip in the natural course of events. I have come driven out of the burnt-out wasteland of a metropolis totally destroyed, a metropolis 

no longer deserving of the name; I am so utterly weak and wretched that I have lost all touch with that dream that was once so dear to my heart. 

Even if only because of my memories of childhood, the beauty of the seasons as they change from summer to fall in this place deep in the mountains has given me what strength I have. The magnificent colors as the sky, once light blue, darkens each day, changing in late autumn to deep azure; the delight the mountains provide when, far and near, the billowing ranges appear in the evening to be piles of bright green crystal; the mountains and fields, scorched by the sun, 

changing gradually from light yellow and brown to dark brown, then, withering, to silver gray and the color of miscanthus. 

And the rice fields hour by hour taking on color, the rice tassels seen at a distance a faint line that becomes finally the surface of an ocean, its golden waves undulating. The sound of flowing water on a moonlit night, a murmur almost like someone sobbing, echoing softly. 

The autumn insects that chirp like wind chimes almost until winter. The mountain birds with their brilliant plumage, in quiet repose off in the hills, and the male pheasants with their beautiful wing colors. 

 

« Un automne si horrible

Que même les pierres crient »

Les jours passent, les jours s’en vont, et le chaos, le cauchemar semblent m’emprisonner.

Même la lumière pure des jours d’automne clairs et limpides n’apporte aucun répit à ma stupeur et à ma douleur profondes : je semble submergé dans le crépuscule le plus épais.

Tous autour de moi, des gens dont la condition ne diffère pas de la mienne meurent chaque jour.

Les voisins de l’ouest comme ceux de l’est préparent des funérailles.

Hier, on m’a appris que la personne que j’avais vue chez le médecin trois ou quatre jours plus tôt s’était mise à vomir un sang noir comme du goudron ; aujourd’hui, que la jolie fille croisée dans la rue il y a quelques jours avait perdu tous ses cheveux, était couverte de taches violettes et gisait à l’article de la mort.

Je ne sais pas non plus quand la mort viendra pour moi.

Des dizaines de fois par jour, je tire sur mes cheveux et compte les mèches qui restent dans ma main.

Terrifié à l’idée que des taches puissent apparaître soudainement, à tout moment, j’examine la peau de mes bras et de mes jambes des dizaines de fois, plissant les yeux pour mieux voir.

Je marque d’encre les petites piqûres de moustiques rouges ; lorsque, avec le temps, leur rougeur s’estompe, je me rassure en me disant qu’il ne s’agissait que de piqûres et non de taches.

La maladie de la bombe atomique inflige des blessures étranges, idiotes au corps : on reste pleinement conscient, mais quels que soient les symptômes horribles qui apparaissent, on ne ressent ni douleur ni engourdissement.

Pour ceux qui en souffrent, la maladie de la bombe atomique représente la découverte d’un nouvel enfer.

Une terreur incompréhensible face à la mort qui rôde et une colère contre la guerre (la guerre elle-même, pas la défaite) s’entrelacent comme des serpents et, même aux jours les plus mornes, palpitent violemment.

J’ai toujours rêvé de passer un automne à la campagne ; mais maintenant que j’y suis, je me trouve dans un état étrange.

Je ne suis pas en voyage pour le plaisir, comme cela se fait naturellement.

Je suis venu ici, chassé par les décombres calcinés d’une métropole entièrement détruite, une métropole qui ne mérite plus son nom ; je suis si faible, si misérable que j’ai perdu tout contact avec ce rêve qui m’était autrefois si cher.

Même si ce n’est qu’à cause de mes souvenirs d’enfance, la beauté des saisons qui passent de l’été à l’automne dans ce lieu perdu au cœur des montagnes m’a donné ce peu de force qui me reste.

Les magnifiques couleurs du ciel, d’un bleu clair qui s’assombrit chaque jour, virant à l’azur profond à la fin de l’automne ; la joie que procurent les montagnes lorsque, au loin comme tout près, leurs contours ondoyants semblent, le soir venu, des empilements de cristal vert brillant ; les montagnes et les champs, brûlés par le soleil, passant peu à peu du jaune pâle et du brun au brun foncé, puis, en se fanant, au gris argenté et à la couleur des miscanthus.

Et les rizières qui prennent heure après heure des teintes nouvelles, les épis de riz vus de loin formant une ligne ténue qui finit par devenir la surface d’un océan, ses vagues dorées ondulant.

Le son de l’eau qui coule une nuit de pleine lune, un murmure presque semblable à des sanglots, résonnant doucement.

Les insectes d’automne qui stridulent comme des carillons jusqu’aux portes de l’hiver.

Les oiseaux des montagnes au plumage éclatant, en repos tranquille sur les collines, et les faisans mâles aux ailes magnifiquement colorées.

 

Even in the midst of Tokyo, where life was often unkind, such memories of the landscape revived me. In Tokyo I often thought: someday I'll go back to that place of my memories and take a long vacation. 

Now I have come at last to the countryside of which I was so fond. Afflicted in body and soul by the brutality of war, I have come to lay my body down. I look at the light purple mountains, at the perfectly clear blue sky; at night I sit looking at the brilliance of the moon or listening to the sound of flowing water. But those sights and sounds no longer hold me spellbound. 

I think of the day I came back, a beggar, to this village that was once mine, where I no longer have a home of my own. From the skin out, all the clothes I had on were full of blood, sweat, and dirt; my face and hands were swollen, and streaks of dried blood encrusted my clothing. 

That fateful morning I had been sleeping in a silk nightgown with a white-on-blue pattern and a narrow obi and, underneath, an under sash and white cotton underclothes. Those clothes had all been sliced through in back as if by a sharp knife, all at once, a cut only about an inch long; one after the other, the injuries to my ear and back had begun to fester. 

The clouds are gray; 

the earth is damp to its marrow. 

Autumn is here. ...

 

« Même au cœur de Tokyo, où la vie fut souvent cruelle, ces souvenirs du paysage me ranimaient. À Tokyo, je pensais souvent : un jour, je retournerai dans ce lieu de mes souvenirs et je m’y offrirai un long repos.

Maintenant, me voici enfin arrivé dans cette campagne que j’aimais tant. Le corps et l’âme meurtris par la brutalité de la guerre, je suis venu m’y allonger pour mourir. Je contemple les montagnes d’un violet pâle, le ciel d’un bleu immaculé ; la nuit, je m’assieds à regarder l’éclat de la lune ou à écouter le murmure de l’eau qui coule. Mais ces visions, ces sons ne me captivent plus.

Je repense au jour où je suis revenu, mendiant, dans ce village qui fut autrefois le mien, où je n’ai plus de maison. De la peau aux coutures, mes vêtements étaient imprégnés de sang, de sueur et de boue ; mon visage et mes mains tuméfiés, des traînées de sang séché recouvrant mes haillons.

Ce matin fatal, je dormais vêtu d’un kimono de soie à motifs bleus sur fond blanc, serré d’un obi étroit, avec une ceinture intérieure et des sous-vêtements de coton blanc. Ces vêtements avaient tous été tranchés dans le dos comme par une lame affûtée, d’une entaille nette de quelques centimètres à peine ; une à une, les blessures à mon oreille et à mon dos commencèrent à suppurer.

Les nuages sont gris ;

la terre est trempée jusqu’à la moelle.

L’automne est là. »

(...)


"Hiroshima: Three Witnesses (Summer Flowers, City of Corpses, Poems of the Atomic Bomb)", Princeton University Press, 1st, First Edition, US, 1990, Richard H Minear, Hara Tamiki, Ota Yoko, Toge Sankichi - trois auteurs japonais de renom - Hara Tamiki, Ota Yoko et Toge Sankichi- ont survécu au bombardement atomique d'Hiroshima et ont dû assumer un fardeau effroyable : celui de témoigner de l'horreur ultime. Entre 1945 et 1952, en prose et en poésie, ils ont publié les premiers récits à la première personne de l'holocauste atomique. Quarante-cinq ans se sont écoulés depuis le 6 août 1945, et pourtant ce volume contient la première traduction anglaise complète de "Summer Flowers" de Hara, la première traduction anglaise de "City of Corpses" d'Ota, et une nouvelle traduction de "Poems of the Atomic Bomb" de Toge. 

 


Tamura Taijirô (1911-1983)

Natif de Yokkaichi, Mie, et ayant étudié la littérature et travaillé pour de nombreux magazines, c'est au travers de deux romans qui évoque la prostitution née de l'occupation et du chaos matériel et moral d'un Japon totalement vaincu, qu'il accède à une grande notoriété : "Nikutai no akuma" (Le démon de la chair) en 1946, "Nikutai no mon" (La porte de la chair) en 1947...

 

"Nikutai no akuma" (Le démon de la chair, Gate of Flesh, 1946)

La chaire comme monnaie de survie - Dans un Tokyo de l'après-guerre, un groupe de prostituées tentent de survivre dans les décombres au milieu des soldats américains et yakuza japonais, surviennent une nouvelle femme Maya (Yumiko Nogawa) qui intègre le groupe en s'initiant à ses codes, et un ancien soldat, Shintaro Ibuki (Joe Shishido), qui va perturber les équilibres fragiles de leurs existences...

Une oeuvre majeure du courant "littérature de la chair" (nikutai bungaku), mêlant réalisme cru et critique sociale.

Tokyo en 1945, la ville est détruite, occupée par les Américains. Les femmes survivent par la prostitution, organisée en "tribus" autonomes. Le roman contourne la censure américaine en utilisant la métaphore sexuelle pour dénoncer l'occupation. Un groupe de jeunes femmes, survivantes de la guerre, vit dans un bâtiment en ruine. Elles ont établi des règles strictes, dont l'interdiction d'avoir des relations sexuelles gratuites (le sexe est une monnaie d'échange). Un déserteur de l'armée, Shintaro, cherche refuge dans leur repaire. Charismatique et violent, il trouble l'équilibre du groupe : Maya, la leader, tombe amoureuse de lui, et Sen, la plus fragile, transgresse les règles pour lui (on lui appliquera la sentence du iol collectif).  Shintaro en vient à exploiter les femmes, déclenchant jalousies et violences. Shintaro est dénoncé aux autorités (pour meurtre), Maya se suicide et le groupe se désagrège ...

 

"Gate of Flesh" (Nikutai no mon, 1964) de Seijun Suzuki deviendra un film culte transcendant son statut de simple adaptation du roman de Taijirō Tamura. Les années 1960 sont au Japon une époque de bouillonnement créatif, où les studios Nikkatsu autorisent une certaine audace, sous couvert de "films exploitation". Suzuki profite de cette marge pour subvertir les codes. Le film est présenté comme un "mélodrame érotique", mais il cache une critique féroce de l’occupation américaine et des traumatismes de guerre, comme le roman. Suzuki utilise des teintes psychédéliques (rouge sang, vert acide) pour les décors en ruines, transformant Tokyo en enfer expressionniste. Les scènes de violence sont chorégraphiées comme des pièces de kabuki moderne et la séquence du viol collectif est filmée en plans serrés, sans voyeurisme, pour accentuer l’horreur. A noter que sans le film, le déserteur (joué par Joe Shishido) est à la fois victime et bourreau, reflétant l’ambivalence du Japon envers ses soldats...

Post-1945- Dans un Japon est ruiné, occupé, et traumatisé. Les discours nationalistes sont interdits, la censure américaine contrôle les médias, le corps (sexe, violence, maladie) devient  métaphore politique : la "littérature de la chair" (nikutai bungaku) émerge au Japon dans l'immédiat après-guerre comme une réaction radicale à l'effondrement des valeurs traditionnelles et à la censure imposée par l'occupation américaine ...

La prostitution, comme métaphore du Japon violé par l’occupant ("La Ville des corps" de Tamura), la syphilis, la tuberculose ou les blessures de guerre comme marques de la vérité corporelle, la faim, le ventre vide, des thèmes, un mouvement qui incarnent les premières voix dissonantes du Japon moderne...

Taijirō Tamura (Le Démon de la chair, 1946), - les prostituées de Tokyo comme des survivantes politiques -, Yukio Mishima (Confessions d’un masque, 1949), - le corps homosexuel comme lieu de conflit social -, Ango Sakaguchi (Discours sur la décadence, 1946), - théoricien de la "rédemption par la chute" (le corps corrompu comme vérité libératrice) -,  Kōbō Abe (La Femme des sables, 1962), logique du nikutai bungaku entraînée vers l’absurde existentialiste....


Jun Ishikawa (1899-1987)

Ishikawa Kiyoshi, né à Asakusa, est un érudit reconnu en poésie tant chinoise que japonaise, ouvert aux littératures occidentales qu'il pratique, dont la littérature française qu'il traduira (André Gide, par exemple). L'Histoire, les symboles, les mythes constituent son territoire, puisant tant dans la littérature française que dans la littérature populaire de l'époque d'Edo. Il est ainsi l'un de ces écrivains de la "transition morale" que traverse le Japon après 1945, et sait exprimer le délabrement de la société en usant d'un style souvent surréel, "décadent", écriront certains, des textes souvent très ambitieux et difficiles d'accès : "Yakeato no Iesu" (1946, Jésus dans les décombres), "Ogon Densetsu" (La légende dorée), "Shojo kaitai" (L'Immaculée Conception), et s'adonne à une véritable esthétique de l'étrange : "Taka" (1953, Le Faucon), "Shion monogatari " (1956, Les Asters), "Kyôfû-ki" (1980, Chronique du vent fou). En 1967, il défendra avec ABE Kôbô, KAWABATA Yasunari et MISHIMA Yukio la liberté intellectuelle durant la Révolution culturelle en Chine (Seiyu Nichiroku)...

 

"Yakeato no Iesu" (1946, Jésus dans les décombres)

Nouvelle qui plonge dans le Tokyo de l'immédiat après-guerre et suit le parcours d'un jeune vagabond, l'enfant du désastre qui apparaît ici comme l'incarnation de Jésus au Golgotha. 

"Vraiment, quand ce gamin apparut au milieu du chemin, ceux qui se tenaient dans les baraques avoisinantes comme ceux qui passaient leur chemin, tous eurent le même tressaillement; courbant l'échine comme l'homme aux godillots, ils restaient pétrifiés. Et ils se trouvaient, semble-t-il, forcés de s'avouer sans détour, eux pourtant si pleins de hargne, que ce qui leur avait à tous imposé la même surprenante réaction, était le fait d'un sentiment violent qui soudain les avait assaillis, et que ce sentiment n'était autre que la peur. Tout bien considéré, cela faisait déjà belle lurette que l'homme avait totalement oublié ce qu'était la crainte. Que l'on fasse seulement le calcul à compter de l'année 1941, si proche dans le temps : pour ce qui est de la signification historique, cela faisait cinq bons millénaires. Il suffisait d'ailleurs de se fondre dans ce marché poussé sur un sol ravagé par un feu meurtrier, sur ses ruines: on était bien en peine d'y trouver un seul faciès rappelant ces survivants du siècle précédent, ce fameux peuple du "Pays de la Sagesse"; c'était à croire que chacun, ayant inopinément germé sur ce sol, s'était à la même seconde retrouvé à l'âge d'homme et que, du même coup, le monde humain frais inventé était une spécialité de l'endroit, sa dernière nouveauté. Les énergumènes qui rôdaillaient dans ces parages avaient tous une mine d'anarchistes en matière de morale, de forbans dans leurs moyens de subsistance; ils n'avaient d'ores et déjà pas d'hier, ni non plus de lendemain. Le ciel ne leur avait jamais fait peur; gruger les autres était pour l'heure un commerce luctatif. Rien ne leur imposait de suivre un calendrier: le jour d'aujourd'hui pouvait bien être le temps de quand on voulait, ils n'en avaient cure... Ils étaient corps et âme accaparés par des transactions où l'ignominie se portait bien, mais c'était là, semble-t-il, l'héritage ancestral des siècles passés et, jadis déjà, mais encore bien davantage à présent, au milieu de toute cette agitation, il n'existait sans doute pas la moindre absurde petite faille qui permît de prendre bêtement conscience que cet aujourd'hui si important était somme toute un moment de ce bas monde finalement voué à disparaître. La saleté, la puanteur du gamin, dont la subite apparition les avait ainsi surpris sans défense, brillaient de façon peu ordinaire, de l'éclat du jais, et quand il se redressa, captivant d'autant plus splendidement les regards dans ce marché où la crasse et la puanteur régnaient en maîtres, même les parias insolents qu'avaient produits ces lieux furent parcourus d'un frisson pareil à un cri de terreur, comme si involontairement renvoyés à leur propre image, ils se trouvaient frappés d'effroi devant leur propre abjection..." (traduction Edwige de Chavanes, Gallimard).


Osamu Dazai (1909-1948)

"Pour moi, pour la plante que je suis, vivre dans l’atmosphère et sous la lumière de ce monde est difficile" - Shuji Tsushima, natif de Tsugaru, dans une riche et puissante famille, connut un parcours particulièrement désespéré, alternant débauche, excès, dépression et suicides, le plus souvent par Shinjū, le fameux "suicide amoureux". Elève particulièrement doué en littérature, il surmonta difficilement le suicide en 1927 de son idole, l'écrivain Ryūnosuke Akutagawa, auteur de plus d'une centaines de nouvelles, écrivain sombre et exprimant toute la difficulté d'être Japonais, cherchant sa voie entre les classiques orientaux (japonais et chinois) et la littérature occidentale de son époque et que deux nouvelles puissantes et baroques, "Rashōmon" (1915) et "Yabu no Naka" (1922, Dans le fourré) - récit du meurtre d'un aristocrate par trois personnages s'en réclamant l'auteur et base de l'intrigue du film de Akira Kurosawa, "Rashōmon" (1950) -, propulsèrent sur la scène littéraire. Une constante, le sentiment du déclassement social qui rend inéluctable la décomposition sociale de l'existence. On retrouve Shuji en 1929 fuyant avec la geisha Hatsuyo Oyama, allant jusqu'à une tentative de suicide pour l'épouser, inquiété pour ses liens avec le Parti communiste japonais, alors clandestin, puis se décidant enfin sous les conseils de l'écrivain Masuji Ibuse à écrire et publier sous le nom de Osamu Dazai. Période pacifiée de courte durée, hospitalisé il devient morphinomane, sombre dans des crises de démence, tente une nouvelle fois de se suicider, exprime sa solitude et ses souffrances dans des nouvelles telles que "Dōke no hana" (1935), "Gyakkō" (1935, A rebours), "Kyōgen no kami" (1936). L'année 1939 restera son année la plus sereine, il vient alors d'épouser Michiko Ishihara, puis se décide à renouer avec la littérature classique japonaise (Tsugaru, 1944). C'est après la guerre que ses oeuvres atteignent une certaine notoriété, trois romans qui livrent, non sans ironie, un Japon détruit, sans âme, sans illusion : "Biyon no Tsuma" (La Femme de Villon, 1947), une femme qui tente de survivre malgré la misère et le viol, "Shayo" (1947, Soleil couchant), déchéance de la noblesse japonaise après la guerre, "Ningen Shikkaku" (1948, La déchéance d'un homme), semi-autobiographique. Il mourut noyé en juin 1948, à 39 ans, dans les eaux du barrage Tamagawa, à Tokyo, suicide partagé avec Tomie Yamazaki, sa dernière maîtresse...

 

 "Shayô" (1947, Soleil couchant. Crépuscule de l'aristocratie, The Setting Sun)

L'oeuvre qui donne notoriété à Osamu Dazai. Le Pays du soleil Levant dans le contexte de l'après-guerre tel que relaté à partir du journal intime de Shizuko Ōta que l'écrivain rencontra en 1941. Une femme de l'aristocratie nippone doit quitter pendant la guerre son hôtel particulier de Tokyo pour aller vivre modestement dans un petit châlet de montagne. Sa fille, Kazuko, mobilisée, travaille la terre. Son fils, Naoji, revient de la guerre intoxiqué par la drogue. Le frère et la sœur se durcissent contre le malheur des temps et clament leur révolte et leur désespoir. (Gallimard, Trad. du japonais par Hélène de Sarbois)

 

"Ningen shikkaku" (1948, La déchéance d'un homme, No Longer Human)

Le chef d'oeuvre d'Osamu Dazai, de l'incommunicabilité et de l'impossibilité de de révéler aux autres. «Je suis devenu bouffon. C'était mon ultime demande adressée aux hommes. Extérieurement, le sourire ne me quittait pas; intérieurement, en revanche, c'était le désespoir.» Ainsi se présente Yôzô, né dans une famille riche du nord du Japon, qui veut être peintre, abandonne ses études au lycée de Tôkyô pour travailler dans des ateliers, mais s'initie plus vite au saké et aux filles qu'au dessin et à la peinture. D'amours malheureuses en amours malheureuses, après n'avoir été qu'un médiocre caricaturiste de revues de second ordre, il échoue à vingt-sept ans, malade, tel un vieillard, dans une vieille chaumière, irréparable d'où il rédige l'histoire de sa vie, «vécue dans la honte», et alors qu'il ne connaît plus désormais ni le bonheur ni le malheur. (Gallimard, Trad. du japonais par Gaston Renondeau)


Ango Sakaguchi (1906-1955)

Heigo Sakaguchi, natif de Niigata, associé un temps au mouvement des Décadents (Buraiha), est, comme beaucoup d'écrivains japonais, très tôt sensible à des écrivains occidentaux comme Edgar Allan Poe et Charles Baudelaire. Il va privilégier la provocation et l'anticonformisme pour tenter d'être lui-même, et au plus loin de cette morale héroïque que la société japonaise impose pendant la guerre. "Daraku-ron" (La Chute, Discourse on Decadence), en 1947, tire une conclusion quasi blasphématoire de l'expérience de la guerre, la remise en question d'un certain nombre d'illusions nourries notamment par le fameux Bushido : "Le Japon a perdu, l'éthique des guerriers est morte mais, de cette matrice de vérité qu'est la déchéance, sont enfin nés des êtres humains." Mourir pour l'Empereur? Beaucoup de jeunes hommes qui ont professé ces paroles sont tombés au combat comme des fleurs fanées, d'autres ont survécu et ont regagné leurs maisons pour construire notre marché noir... Et la même année, alors que "Sakura no Mori no Mankai no Shita" se veut parodie grotesque des contes traditionnels japonais, sa célèbre nouvelle "Hakuchi" (L'Idiote) le voit se ranger aux côtés des porcs, chiens, poules, canards et marginaux qui tentent de survivre en préservant l'individualité de leur destin. "Ishi no omoi" (Souvenirs d'une pierre) constitue une critique virulente des préjugés et du Japon bien-pensant de l'après-guerre. En 1948, le roman policier lui permet toutes les audaces,  "Furenzoku satsujin jiken" (Meurtres sans série), puis après l'écriture de "Ango shin-Nippon chiri" (Nouvelle géographie du Japon d'Ango, 1951), tombe dans un quasi mélancolie délirante qu'alimentent alcool et barbituriques, pour mourir à Kiryū dans la solitude et la misère...

 

"Hakuchi" (1946, L'Idiote, The Idiot)

"La guerre. C’était drôle mais il n’y avait pas plus saine amnésie. L’incroyable pouvoir destructeur de la guerre, son ahurissante capacité à bouleverser l’espace – en une journée, ça vous chambardait tout comme en cent ans d’histoire ; un événement ancien d’une semaine semblait vieux de plusieurs années et ce qui datait d’un an était déjà loin, enseveli dans le tréfonds le plus obscur de la mémoire. A peine quelques jours plus tôt, à proximité de chez lui, un certain nombre de routes et de bâtiments aux alentours des usines avaient sauté et tout le quartier avait évacué les lieux dans la poussière d’un affolement fébrile ; et alors qu’on n’avait même pas déblayé les décombres, toute cette fièvre était déjà loin, presque oubliée, et dès le lendemain, on regardait l’énorme bouleversement qui avait radicalement modifié la physionomie de la ville comme un paysage parfaitement normal.- Récit de la survie dans un Tokyo livré aux bombardements américains, Izawa, un apprenti réalisateur de pitoyables films de propagande, qui n'a que mépris pour ce qu'il fait, se lie à  l'Idiote, la femme de son voisin, un fou qui vit reclus au fond d'une impasse, elle, une femme qui ne parle pas, ne comprend pas bien ce qu'on lui dit, une chair sans âme, et avec laquelle, au milieu des scènes de bombardements, d'incendie et de cadavres, il s'interroge sur le monde à venir et et voit poindre l'horizon troublant de ses pulsions charnelles. Un second court récit est souvent associé à ce premier texte, "Je voudrais étreindre la Mer". Un couple dans l'après-guerre, et un homme qui s'interroge sur la nature de son désir, son épouse, impulsive, une ancienne prostituée qui se donne par habitude mais reste frigide : "la femme ignorait le plaisir des sens et dans cette ignorance, j'avais découvert ma patrie. Ce vide jamais comblé ne fût-ce que d'une ombre, purifiait toujours mon coeur. Je pouvais en toute quiétude succomber à la tentation de mon propre désir ; parce que rien, absolument rien ne lui répondait". Un jour qu’ils se promènent tous deux sur une plage un jour de tempête, l’homme observe sa femme dont le corps souple, tandis qu’elle ramasse des coquillages, s’harmonise avec la houle, la mer... "Je restais ébloui par la grandeur de la fantaisie de l’eau qui, creusant une vaste et profonde vallée de jade sombre s’était enflée et élevée pour, l’espace d’une seconde, cacher la femme dans la gerbe de ses embruns. J’avais vu un corps encore plus impitoyable, plus insensible, plus souple que celui de la femme. Quel jeu immense et grandiose que celui-ci !"...


Fumiko Hayashi (1904-1951)

Poète et romancière née à Shimonoseki dans un milieu très pauvre de marchands ambulants. Après une scolarité souvent interrompue, en 1922, Fumiko Hayashi  se rendit seule à Tôkyô où elle s'engagea à faire des ménages, puis comme vendeuse, ouvrière, garde-malade, serveuse, etc. En 1928-1929, elle publie un premier récit, "Hôrô-ki" (Chronique de mon vagabondage, Diary of a Vagabond) qui la place au premier rang de la littérature féminine japonaise. Elle s'éloigne par la suite de l'autobiographie et écrit des nouvelles inspirées de la vie quotidienne, "Hone" (Cendres, 1947), Shitamachi" (La Ville, 19449) d'où émanent tristesse et compassion. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, Hayashi Fumiko fit de nombreux reportages en Corée et en Chine. Elle écrivit aussi des œuvres plus amples sur le pathos féminin: "Bangiku" (Chrysanthèmes sur le tard, Late Chrysanthemum, 1948), sur les retrouvailles d'amants vieillis, ou les souffrances et le courage des femmes dont l'existence a été ravagée par la guerre, "Ukigumo" (Nuages flottants, Floating Cloud, 1949-951). Les derniers écrits de l'auteur sont empreints de pessimisme et elle mourut d'épuisement en 1951. A Shinjuku, Tokyo, dans le quartier de Nakai-Ochiai, Hayashi Fumiko a vécu de 1941 jusqu’à sa mort dans une petite maison qu'elle avait faite construire selon ses rêves et devenue un musée qui lui est consacré...

 

"Hōrōki" (Chronique de mon vagabondage, Diary of a Vagabond, 1927)

Fumiko Hayashi (Hideko Takamine) ne trouve que des emplois de  serveuse de bar et d'ouvrière d'usine et tente de relater ses difficiles conditions d'existence dans une autobiographie qu'elle tente de faire publier : en vain pour un temps, et rencontre un autre aspirant écrivain, Fukuchi (Akira Takarada), qui abuse d'elle, puis un certain Yasuoka qui saura l'aider à franchir le pas...

 

"Ukigumo" (Nuages flottants, Floating Cloud, 1949-951)

Au long de ce récit une femme, Yukiko Koda, de retour de l'Indochine française, tente de retrouver sa place dans le Japon de l'après-guerre, sentimentalement et professionnellement, mais en vain...

 

 

 

 

Mikio Naruse (1905-1969) adapta au cinéma nombre d'oeuvres de Fumiko KHayashi, dont "Bangiku" (Late Chrysanthemums), en 1954, "Ukigumo" (Floating Clouds), un classique du cinéma japonais, et "Hourou-ki" (A Wanderer's Notebook, Her Lonely Lane), tous deux en 1962. Le réalisateur porte un regard pessimiste sur le Japon d'après-guerre, les classes laoborieuses (shomin-geki), les femmes qui tentent d'y survivre (incarnées par des actrices telles que  Hideko Takamine, Kinuyo Tanaka, Setsuko Hara), la cellule familiale où s'oppose ancien et nouveau Japon. En 1960, il réalise "Onna ga kaidan o agaru toki" (When a Woman Ascends the Stairs) dans lequel une jeune veuve, Keiko Yashiro (Hideko Takamine), devient hôtesse dans les Ginza nightclubs de Ginza (mizu shōbai) et, se sentant vieillir, mais ne pouvant plus espérer se marier ni ne voulant déshonorer son défunt mari à la mémoire duquel elle est toujours dévouée, tente d'ouvrir son propre bar...