Generación del 50 - Luis Martin-Santos (1924-1964), "Tiempo de destrucción" (1975) - Luis Romero (1916-2009), ""La noria"
(1951) - Jesús Fernández Santos (1926-1988), "Los bravos" (1952) - ......
Last update : 01/11/2017
Les années cinquante marquent l'entrée de l'Espagne à l'ONU (1955) : avec l'aide économique des Etats-Unis, le pays brise son ostracisme et se met en place, malgré les nombreux conflits sociaux, un capitalisme de base que vont encourager les technocrates de l'Opus Dei désormais au gouvernement. Dans un climat où la censure se relâche, où le parti communiste redresse la tête, où les premières grèves éclatent en Catalogne, la réalité peut être à nouveau évoquée et les prémisses d'une nouvelle orientation de la littérature émergent progressivement : dénommée "réalisme social", cette littérature débute avec "La Colmena" de Camilo José Cela (1951) et "La Noria" de Luis Romero (1952). Mais il faut attendre que s'exprime une nouvelle génération littéraire pour que ce réalisme social s'affirme totalement : paradoxalement, cette littérature qui se veut subversive parce que militante et idéalisant le prolétaire, qui est aussi un réalisme moralisateur, n'est que peu ou pas inquiété par la censure des années soixante. De plus, des auteurs comme Ignacio Augusti (1913-1974), Sebastian Juan Arbo (1902-1984), José Maria Gironella (1917), Juan Antonio de Zunzunegui (1901-1982), qui se lancent dans des sagas dans lesquelles dominent une critique sociale moralisatrice, ne rencontreront pas le public escompté. A la fin de ces années 1950, l'Espagne apparaît toujours économiquement affaiblie, isolée, et soumise à des troubles sociaux. Quelque part, la tentative esquissée de libéralisation du régime franquiste a montré ses limites : il faudra attendre le tournant économique des années 1960 pour que bouge véritablement l'Espagne franquiste.
Generación del 50, ou "del medio siglo" (de la moitié du siècle), ou encore "de los niños de la guerra", (des enfants de la guerre), telles sont les dénominations attribuées, dans l'histoire de la littérature espagnole, à la génération littéraire des écrivains nés aux alentours des années vingt du XXe siècle et qui publient dans les années cinquante. Outre les tenants du "realismo social", tels que "El Fulgor y la Sangre", Ignacio Aldecoa (1954), "El Jarama", Rafael Sánchez Ferlosio (1956), "Entre Visillos", Carmen Martín Gaite (1957), "Nuevas Amistades", Juan García Hortelano (1959), il faut aussi compter avec Juan Goytisolo (Juego de manos, 1954), Jesús Fernández Santos (Los bravos, 1954), Ana Maria Matute (Los niños tontos, 1956), Jesús López Pacheco (Central eléctrica, 1958), Antonio Ferres (La piqueta, 1959), Luis Goytisolo (Las afueras, 1958)...
Joan Miró - Pintura
En Espagne, la Generación del 50, souvent éclipsée par le « boom » latino-américain ou par la génération antérieure de 1927, possède pourtant une importance fondamentale et un écho qui perdurent ...
Il reste des figures et des œuvres majeures qui n'ont pas pâli,
- Le « coup de tonnerre » de Luis Martín-Santos avec "Tiempo de silencio" (1962). Ce roman est une référence absolue, étudiée dans toutes les facultés de lettres espagnoles. Il est considéré comme le livre qui a modernisé le roman espagnol.
- Les chroniques acérées de la bourgeoisie par Juan García Hortelano (Tormenta de verano) et Rafael Sánchez Ferlosio (El Jarama). Leurs portraits de l'ennui, de l'hypocrisie et du vide sous le franquisme restent des modèles de critique sociale.
- L'humanisme profond d'Ignacio Aldecoa. Ses nouvelles sont des joyaux de compassion et de réalisme lyrique, encore largement lues et admirées pour leur portrait des « oubliés » de l'Espagne.
Cette génération a été l'indispensable charnière entre le réalisme social des années 40 (souvent « tremendiste ») et l'expérimentation formelle de la fin du XXe siècle. Ils ont prouvé que l'on pouvait être engagé sans être pamphlétaire, et exigeant sur la forme sans tomber dans un art gratuit ...
- Ils ont radicalement changé le sujet du roman : finis les héros grandioses ou les tragédies épiques. Leur matériau narratif devient la vie quotidienne : une journée au bord d'une rivière (El Jarama), une fête bourgeoise (Tormenta de verano), la routine des pêcheurs (Gran Sol). Ils ont montré que le banal recèle des drames humains profonds et est le véritable miroir d'une société.
- Ils ont porté une attention extrême au langage (l'objectivisme de Hortelano ou Sánchez Ferlosio), restituer la parole exacte, les dialogues vides de sens, les lieux communs pour révéler, par la forme même, le vide idéologique de l'époque.
Martín-Santos a brisé la sécheresse du réalisme en injectant un langage riche, métaphorique et complexe, prouvant que la littérature est d'abord une affaire de mots.
- Certes, leur critique du franquisme n'était (souvent) pas directe, mais elle émanait de la simple description des faits. Montrer l'apathie de la jeunesse, l'obsession des apparences de la bourgeoisie, ou la misère des classes laborieuses, sans besoin de commentaire, constitua un acte subversif d'une grande efficacité.
Et leurs thèmes restent universels : l'hypocrisie bourgeoise et le culte des apparences (Hortelano) sont plus que jamais d'actualité à l'ère des réseaux sociaux, l'aliénation dans le loisir et la difficulté de communication authentique (El Jarama) préfigurent nos propres interrogations sur le vide des interactions modernes. Et la fracture sociale et l'invisibilité des travailleurs précaires (Aldecoa) résonnent fortement dans nos économies contemporaines.
Pour un apprenti écrivain, lire ces auteurs enseignent l'art du dialogue qui caractérise sans juger, la construction d'une atmosphère par les détails concrets, l'économie des moyens pour obtenir un effet maximal.
Leur influence est palpable chez des auteurs majeurs de la démocratie espagnole ...
Javier Marías ou Antonio Muñoz Molina doivent beaucoup à cette génération pour leur façon de mêler l'observation sociale fine à une réflexion philosophique et à une prose exigeante.
Luis Martin-Santos (1924-1964)
Né à Larache (Maroc), Luis Martin-Santos, mort prématurément et ayant peu publié, est un médecin psychiatre de son métier (Libertad, temporalidad y
transferencia en el psicoanálisis existencial, 1964), touché par la littérature, fréquentant les écrivains de sa génération comme Ignacio Aldecoa, Rafael Sánchez Ferlosio et Juan Benet dans le
cadre du fameux café Gijón (Madrid), ayant lu Sartre, Freud, Joyce, Kafka, Faulkner, s'étant intéressé à l'existentialisme et militant dans le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) clandestin.
Loin du néo-réalisme banal dans lequel s'enlise la littérature narrative espagnole depuis l'installation du franquisme, il est l'auteur d'un roman qui fut considéré comme un évènement, "Tiempo de
silencio" (Temps de silence), dont la rédaction s'acheva à la fin de 1960, fut publiée, tronquée par la censure franquiste, en 1962, et dont l'édition définitive date de 1981. Onze ans après sa
mort, un deuxième roman, "Tiempo de destrucción" (1975, Temps de destruction), fut publié, inachevé. Ses deux romans racontent l'expérience malheureuse d'un intellectuel se heurtant à une
société qui le renvoie fatalement au silence et à la destruction, emblématique des frustrations et des impuissances de la plupart des jeunes intellectuels espagnols au lendemain de la guerre
civile, et qui laisse, à observer cette Espagne moderne qui se reconstitue, un sentiment de médiocrité et de vide intellectuel et moral.
"Tiempo de silencio" (Temps de silence, 1960, 1962, 1981)
A la suite d'un stupide accident survenu à Madrid, en 1949, le narrateur, Pedro, stagiaire en médecine en quête de souris pour son laboratoire, nous livre une véritable radiographie de la société madrilène des années 1940-1950 dans laquelle il tente de s'insérer: mais il se retrouve exclu par un enchaînement d'évènements qui finissent pas le pousser à l'exil provincial, définitif et sans espoir. On y retouve les techniques narratives d'un Joyce, le monologue intérieur emboîté, la deuxième personne, le style indirect libre, de nombreuses digressions, des phrases longues épousant la fluidité de la conscience.
"Tiempo de silencio" est un cas emblématique de la censure sous le régime franquiste. Sa publication en 1962 fut immédiatement suivie d'une censure partielle (les censeurs ont exigé des coupes substantielles (on estime entre 10 et 15% du texte) pour accorder le visado. Des passages jugés particulièrement immoraux ou critiques ont été supprimés ou modifiés. Cette version expurgée est donc celle qui a été initialement publiée), et sa pleine version ne put être publiée en Espagne qu'après la mort de Franco.
«Pero mejor esto de ahora en que –efectivamente– no se grita, sino que ni siquiera se siente dolor y por tanto no se puede servir de faro acústico a los incautos navegantes. Pero ahora no, estamos en el tiempo de la anestesia, estamos en el tiempo en que las cosas hacen poco ruido. La bomba no mata con el ruido sino con la radiación alfa que es (en sí) silenciosa […]. Pero yo, ya, total, para qué. Es un tiempo de silencio. La mejor máquina eficaz es la que no hace ruido. Este tren hace ruido […]. Por aquí abajo nos arrastramos y nos vamos yendo hacia el sitio donde tenemos que ponernos silenciosamente a esperar silenciosamente que los años vayan pasando y que silenciosamente nos vayamos hacia donde se van todas las florecillas del mundo»
« Mais cette situation actuelle est meilleure, où – effectivement – on ne crie pas, mais où on ne ressent même plus la douleur et où, par conséquent, elle ne peut plus servir de phare acoustique aux navigateurs imprudents. Mais pas maintenant, nous sommes à l'époque de l'anesthésie, nous sommes à l'époque où les choses font peu de bruit. La bombe ne tue pas par le bruit mais par les radiations alpha qui sont (en soi) silencieuses […]. Mais moi, maintenant, finalement, pourquoi faire ? C'est un temps de silence. La meilleure machine efficace est celle qui ne fait pas de bruit. Ce train fait du bruit […]. Ici, en bas, nous nous traînons et nous nous en allons vers l'endroit où nous devons nous mettre silencieusement à attendre silencieusement que les années passent et que silencieusement nous nous en allions là où s'en vont toutes les petites fleurs du monde. »
Martín-Santos oppose deux époques, le passé bruyant : Où la douleur était audible et servait d'avertissement ("phare acoustique"), et le présent silencieux (les années franquistes) : Caractérisé par l'anesthésie généralisée. La répression, la soumission et la résignation sont si profondes qu'elles ont étouffé jusqu'à la capacité de crier et de ressentir la douleur. Le mal est devenu invisible et silencieux, comme les radiations mortelles d'une bombe, ce qui le rend d'autant plus insidieux et dangereux....
"... Hay ciudades tan descabaladas, tan faltas de sustancia histórica, tan traídas y llevadas por gobernantes arbitrarios, tan caprichosamente edificadas en desiertos, tan parcamente pobladas por una continuidad aprehensible de familias, tan lejanas de un mar o de un río, tan ostentosas en el reparto de su menguada pobreza, tan favorecidas por un cielo espléndido que hace olvidar casi todos sus defectos, tan ingenuamente contentas de sí mismas al modo de las mozas quinceñas, tan globalmente adquiridas para el prestigio de una dinastía, tan dotadas de tesoros —por otra parte— que puedan ser olvidados los no realizados a su tiempo, tan proyectadas sin pasión pero con concupiscencia hacia el futuro, tan desasidas de una auténtica nobleza, tan pobladas de un pueblo achulapado, tan heroicas en ocasiones sin que se sepa a ciencia cierta por qué sino de un modo elemental y físico como el del campesino joven que de un salto cruza el río, tan embriagadas de sí mismas aunque en verdad el licor de que están ahítas no tenga nada de embriagador, tan insospechadamente en otro tiempo prepotentes sobre capitales extranjeras dotadas de dos catedrales y de varias colegiatas mayores y de varios palacios encantados —un palacio encantado al menos para cada siglo—, tan incapaces para hablar su idioma con la recta entonación llana que le dan los pueblos situados hacia el norte a doscientos kilómetros de ella, tan sorprendidas por la llegada de un oro que puede convertirse en piedra pero que tal vez se convierta en carrozas y troncos de caballos con gualdrapas doradas sobre fondo negro, tan carentes de una auténtica judería, tan llenas de hombres serios cuando son importantes y simpáticos cuando no son importantes, tan vueltas de espalda a toda naturaleza —por lo menos hasta que en otro sitio se inventaron el tren eléctrico y la telesilla—, tan agitadas por tribunales eclesiásticos con relajación al brazo secular, tan poco visitadas por individuos auténticos de la raza nórdica, tan abundantes de torpes teólogos y faltas de excelentes místicos, tan llenas de tonadilleras y de autores de comedias de costumbres, de comedias de enredo, de comedias de capa y espada, de comedias de café, de comedias de punto de honor, de comedias de linda tapada, de comedias de bajo coturno, de comedias de salón francés, de comedias del café no de comedia dell’arte, tan abufaradas de autobuses de dos pisos que echan humo cuanto más negro mejor sobre aceras donde va la gente con gabardina los días de sol frío, que no tienen catedral.
Es preciso, ante estas ciudades, suspender el juicio hasta un día, hasta que repentinamente —o quizá poco a poco aunque esto apenas es creíble— tome forma una cosa que adivinamos que está presente y que no vemos, hasta que esa sustancia que se arrastra ahora por el suelo se solidifique, hasta que los que ahora ríen tristemente aprendan a mirar cara a cara a un destino mediocre y dejen vacías las grandes construcciones redondas o elípticas de cemento armado para recogerse en la intimidad estrecha de sus casas.
« ...« ...Il y a des villes si désarçonnées, si dépourvues de substance historique, si malmenées par des gouvernants arbitraires, si capricieusement bâties dans des déserts, si parcimonieusement peuplées par une continuité palpable de familles, si éloignées d'une mer ou d'un fleuve, si ostentatoires dans la répartition de leur maigre pauvreté, si favorisées par un ciel splendide qui fait oublier presque tous leurs défauts, si ingénument contentes d'elles-mêmes à la manière des fillettes de quinze ans, si globalement acquises au prestige d'une dynastie, si dotées de trésors — par ailleurs — que l'on peut oublier ceux qui n'ont pas été réalisés en leur temps, si projetées sans passion mais avec concupiscence vers le futur, si détachées d'une authenticité noble, si peuplées d'un peuple voyou, si héroïques en de rares occasions sans que l'on sache vraiment pourquoi si ce n'est de manière élémentaire et physique comme le jeune paysan qui d'un saut traverse la rivière, si enivrées d'elles-mêmes bien qu'en vérité la liqueur dont elles sont gorgées n'ait rien d'enivrant, si insoupçonnablement autrefois prépondérantes sur des capitales étrangères dotées de deux cathédrales et de plusieurs collégiales majeures et de plusieurs palais enchantés — un palais enchanté au moins pour chaque siècle —, si incapables de parler leur idiome avec la juste intonation plate que lui donnent les villages situés à deux cents kilomètres au nord, si surprises par l'arrivée d'un or qui peut se transformer en pierre mais qui peut-être se transformera en carrosses et en croupes de chevaux aux caparaçons dorés sur fond noir, si dépourvues d'un authentique quartier juif, si remplies d'hommes sérieux quand ils sont importants et sympathiques quand ils ne le sont pas, si tournant le dos à toute nature — du moins jusqu'à ce qu'ailleurs on invente le train électrique et le télésiège —, si agitées par des tribunaux ecclésiastiques avec "Relajación al brazo secular"( dans le droit de l'Inquisition, la remise ("relajar") d'un condamné au pouvoir civil ("brazo secular") pour que la peine capitale soit exécutée, l'Église ne pouvant théoriquement pas verser le sang), au bras séculier, si peu visitées par des individus authentiques de race nordique, si abondantes en théologiens maladroits et dépourvues d'excellents mystiques, si pleines de chanteuses de chansonnettes et d'auteurs de comédies de moeurs, de comédies d'intrigue, de comédies de cape et d'épée, de comédies de café, de comédies de point d'honneur, de comédies de la belle femme voilée, de comédies de bas coturnes, de comédies de salon français, de comédies de café mais pas de commedia dell’arte, si encombrées d'autobus à impériaux qui crachent une fumée d'autant plus noire qu'elle est meilleure sur des trottoirs où les gens vont en gabardine les jours de soleil froid, qu'elles n'ont pas de cathédrale.
Il faut, face à ces villes, suspendre son jugement jusqu'au jour où, jusqu'à ce que soudainement — ou peut-être peu à peu bien que cela soit à peine crédible — prenne forme une chose que nous devinons présente et que nous ne voyons pas, jusqu'à ce que cette substance qui se traîne maintenant par terre se solidifie, jusqu'à ce que ceux qui rient aujourd'hui tristement apprennent à regarder face à face un destin médiocre et laissent vides les grandes constructions rondes ou elliptiques de ciment armé pour se recueillir dans l'intimité étroite de leurs maisons. »
"Hasta que llegue ese día, con el juicio suspendido, nos limitaremos a penetrar en las oscuras tabernas donde asoma sobre las botellas una cabeza de toro disecado con los ojos de vidrio, a pasear hasta muy entrada la madrugada por la calle del Nuncio o de la Bola donde se tropieza con las raíces cortadas de lo que pudo haber sido una ciudad completamente diferente, a contemplar en una plaza grande el rodar ingenuo de los soldados los domingos mientras los pájaros se suicidan uno a uno en el gran vientre vacío del caballo, a seguir los pasos precipitados como si fuera a alguna parte de una mujer pequeña y nerviosa por la noche, a abrazar a los borrachos que dimiten de la realidad, a contemplar la airosa apostura de un guardia cuando pasa una mujer que es más alta que él, a preguntar a un taxista de ojos amarillos de gato de qué modo es posible hacer una estafa en una tienda de paños, a frecuentar una sala de fiestas hasta que el portero gigante de uniforme verde nos conozca y nos deje pasar sin entrada haciéndonos una mueca cariñosa, a gastar la tarde entera en una cafetería sin que la camarera nos sonría una sola vez, a hacer corno que bebemos y beber poco, a hacer como que hablamos y no decir nada, a hacer como que vamos al cine yéndonos al cuarto de la pensión con su colcha roja, a visitar el museo de pinturas con una chica inglesa y comprobar que no sabemos dónde está ninguno de los cuadros que ella conoce excepto las Meninas, a inventar un nuevo estilo literario y a propagarlo durante varias noches en un café hasta quedar completamente confundidos, a iniciar amistades que no nos acompañarán hasta la tumba y amores que no nos durarán hasta la noche, a visitar un baile de estudiantes donde las señoritas entran gratis, a calcular cuántas piedras de mechero vende un enano en una esquina, a descubrir cuántos billetes para el metro vende una mujer con un niño de pecho una mañana de invierno, a adivinar cuál es la ley económica que permite que las cerilleras vendan los pitillos uno a uno y con el producto alimenten suficientemente a sus amantes, a pensar cuál sería la idea loca que echó todos los ciegos a la calle hasta en esos días que la nieve cae endurecida y de noche sólo han salido los que iban al estreno, a intentar imaginar cómo —Dios mío— cómo vivía todo este pueblo en los que ellos mismos dicen —ellos sabrán por qué— que fueron los años del hambre.
Jusqu'à ce que ce jour arrive, le jugement suspendu, nous nous contenterons de pénétrer dans les sombres tavernes où dépasse sur les bouteilles une tête de taureau empaillée aux yeux de verre, de nous promener jusqu'à très tard dans la nuit dans la rue du Nonce ou de la Boule (Calle del Nuncio... de la Bola : Il s'agit de noms de rues réelles de Madrid) où l'on trébuche sur les racines coupées de ce qui aurait pu être une ville complètement différente, de contempler sur une grande place le défilé naïf des soldats le dimanche tandis que les oiseaux se suicident un à un dans le grand ventre vide du cheval (image poétique et surréaliste (des oiseaux se suicidant dans le ventre d'un cheval) est typique du style de Martín-Santos), de suivre les pas précipités comme s'ils allaient quelque part d'une femme petite et nerveuse la nuit, de prendre dans nos bras les ivrognes qui renoncent à la réalité, de contempler la fière prestance d'un garde quand passe une femme qui est plus grande que lui, de demander à un taxi aux yeux jaunes de chat de quelle manière il est possible de faire une escroquerie dans un magasin de tissus, de fréquenter une salle de fêtes jusqu'à ce que le portier géant en uniforme vert nous connaisse et nous laisse entrer sans ticket en nous faisant une grimace affectueuse, de passer l'après-midi entière dans un café sans que la serveuse nous sourie une seule fois, de faire semblant de boire et de boire peu, de faire comme si nous parlions et de ne rien dire, de faire comme si nous allions au cinéma pour finalement rentrer dans la chambre de la pension avec son couvre-lit rouge, de visiter le musée de peintures avec une Anglaise et de constater que nous ne savons où se trouve aucun des tableaux qu'elle connaît excepté les Ménines (célébrissime tableau de Vélasquez, exposé au Musée du Prado à Madrid), d'inventer un nouveau style littéraire et de le propager pendant plusieurs nuits dans un café jusqu'à être complètement confus, de lier des amitiés qui ne nous accompagneront pas jusqu'à la tombe et des amours qui ne nous dureront pas jusqu'au soir, de visiter un bal d'étudiants où les jeunes entrées sont gratuites, de calculer combien de pierres à briquet vend un nain à un coin de rue, de découvrir combien de tickets de métro vend une femme avec un nourrisson par un matin d'hiver, de deviner quelle est la loi économique qui permet aux allumeuses (cerilleras) de vendre les cigarettes une à une et avec le produit de nourrir suffisamment leurs amants, de penser quelle fut l'idée folle qui jeta tous les aveugles à la rue même ces jours où la neige tombe durcie et où, la nuit, ne sont sortis que ceux qui allaient à la première, de tenter d'imaginer comment — mon Dieu — comment vivait tout ce peuple pendant ce qu'eux-mêmes appellent — ils savent pourquoi — les années de la faim (los años del hambre : "Les années de la faim" est le terme communément utilisé pour désigner la période de famine et de misère extrême qui a suivi la Guerre Civile espagnole, durant les années 1940 et au début des années 1950) ...."
L'Espagne de 1962 était toujours une dictature dirigée par le général Franco. Le régime contrôlait strictement toute production culturelle (livres, films, presse) through un système de censure officielle. Tout ouvrage devait obtenir un "visado" (un visa) de la censure pour être publié. L'idéologie du régime était basée sur le national-catholicisme, qui promouvait une vision traditionaliste, pieuse, patriotique et puritaine de l'Espagne.
"Tiempo de silencio" attaquait frontalement tous ces piliers ...
- Le roman dépeint l'Espagne de l'époque comme un pays arriéré, misérable, hypocrite et sans avenir. Il montre la pauvreté crasse des bidonvilles madrilènes (comme les "chabolas"), l'échec de la science et de l'intellectualisme dans un environnement hostile, et la médiocrité généralisée de la classe moyenne. Pour la censure, cette vision s'opposait au discours officiel qui célébrait les "années de paix" franquistes et le progrès économique naissant.
- Le livre contient des critiques subtiles mais percutantes contre l'influence étouffante de l'Église et l'hypocrisie de la morale catholique. La sexualité, le péché et la culpabilité sont traités d'une manière qui heurtait la doctrine religieuse officielle.
- Les forces de l'ordre sont présentées comme brutales, stupides et arbitraires. La scène de l'interrogatoire du protagoniste par la police est particulièrement accablante.
- Le livre aborde des thèmes totalement tabous comme l'avortement clandestin, la sexualité, la prostitution et la violence brutale. La simple évocation de ces sujets était suffisante pour alarmer les censeurs.
Le régime voulait une littérature optimiste, héroïque ou du moins conforme à ses valeurs. Tiempo de silencio est un roman profondément pessimiste et existentiel, influencé par Sartre et Camus. Le héros, Pedro, est un anti-héros impuissant, ballotté par un destin absurde et une société qui le détruit. Cette vision nihiliste était intolérable pour un régime qui se présentait comme porteur d'ordre et de sens.
Enfin, le livre est difficile à lire, utilisant un flux de conscience, des phrases longues et complexes, et sautant d'un point de vue à l'autre. Pour les censeurs, souvent peu formés à la littérature moderne, ce style pouvait sembler chaotique, obscène ou simplement incompréhensible, donc suspect.
"... De este modo podremos llegar a comprender que un hombre es la imagen de una ciudad y una ciudad las vísceras puestas al revés de un hombre, que un hombre encuentra en su ciudad no sólo su determinación como persona y su razón de ser, sino también los impedimentos múltiples y los obstáculos invencibles que le impiden llegar a ser, que un hombre y una ciudad tienen relaciones que no se explican por las personas a las que el hombre ama, ni por las personas a las que el hombre hace sufrir, ni por las personas a las que el hombre explota ajetreadas a su alrededor introduciéndole pedazos de alimento en la boca, extendiéndole pedazos de tela sobre el cuerpo, depositándole artefactos de cuero en torno de sus pies, deslizándole caricias profesionales por la piel, mezclando ante su vista refinadas bebidas tras la barra luciente de un mostrador. Podremos comprender también que la ciudad piensa con su cerebro de mil cabezas repartidas en mil cuerpos aunque unidas por una misma voluntad de poder merced al cual los vendedores de petardos de grifa, los hampones de las puertas traseras de los conventos, los aprovechadores del puterío generoso, los empresarios de tiovivos sin motor eléctrico, los novilleros que se contratan solemnemente para las capeas de los pueblos del desierto circundante, los guardacoches, los recogepelotas de los clubs y los infinitos limpiabotas quedan incluidos en una esfera radiante, no lecorbusiera, sino radiante por sí misma, sin necesidad de esfuerzos de orden arquitectónico, radiante por el fulgor del sol y por el resplandor del orden tan graciosa y armónicamente mantenido que el número de delincuentes comunes desciende continuamente en su porcento anual según las más fidedignas estadísticas, que el hombre nunca está perdido porque para eso está la ciudad (para que el hombre no esté nunca perdido), que el hombre puede sufrir o morir pero no perderse en esta ciudad, cada uno de cuyos rincones es un recogeperdidos perfeccionado, donde el hombre no puede perderse aunque lo quiera porque mil, diez mil, cien mil pares de ojos lo clasifican y disponen, lo reconocen y abrazan, lo identifican y salvan, le permiten encontrarse cuando más perdido se creía en su lugar natural: en la cárcel, en el orfelinato, en la comisaría, en el manicomio, en el quirófano de urgencia, que el hombre —aquí— ya no es de pueblo, que ya no pareces de pueblo, hombre, que cualquiera diría que eres de pueblo y que más valía que nunca hubieras venido del pueblo porque eres como de pueblo, hombre...."
« ...De cette manière, nous pourrons parvenir à comprendre qu'un homme est l'image d'une ville et une ville les viscères retournés d'un homme, qu'un homme trouve dans sa ville non seulement sa détermination en tant que personne et sa raison d'être, mais aussi les multiples entraves et les obstacles invincibles qui l'empêchent de parvenir à être, qu'un homme et une ville entretiennent des relations qui ne s'expliquent pas par les personnes que l'homme aime, ni par les personnes que l'homme fait souffrir, ni par les personnes que l'homme exploite, affairées autour de lui, lui introduisant des morceaux de nourriture dans la bouche, lui étendant des morceaux de tissu sur le corps, lui déposant des artefacts de cuir autour des pieds, lui prodiguant des caresses professionnelles sur la peau, mélangeant sous ses yeux des breuvages raffinés derrière le comptoir luisant d'un bar. Nous pourrons comprendre aussi que la ville pense avec son cerveau aux mille têtes réparties en mille corps bien qu'unies par une même volonté de pouvoir grâce à laquelle les vendeurs de pétards de shit, les crapules des portes arrière des couvents, les profiteurs de la putasserie (puterío) généreuse, les entrepreneurs de manèges sans moteur électrique, les toreros novices engagés solennellement pour les capeas (lâchers de taureaux dans les rues) des villages du désert environnant, les gardiens de voitures, les ramasseurs de balles des clubs et les innombrables cireurs de chaussures se trouvent inclus dans une sphère rayonnante, non lecorbusienne, mais rayonnante par elle-même, sans besoin d'efforts d'ordre architectural, rayonnante par l'éclat du soleil et par la splendeur de l'ordre si gracieusement et harmonieusement maintenu que le nombre de délinquants de droit commun descend continuellement en pourcentage annuel selon les statistiques les plus fidèles, que l'homme n'est jamais perdu car pour cela il y a la ville (pour que l'homme ne soit jamais perdu), que l'homme peut souffrir ou mourir mais ne pas se perdre dans cette ville, dont chaque recoin est un ramasse-perdus perfectionné (Recogeperdidos, mot inventé, "recoger" (ramasser) et "perdidos" (les perdus), un système qui "récupère" ceux qui sont perdus, les institutions (prison, asile, etc.) sont les véritables "places naturelles" et "refuges" pour les individus dans cette ville qui contrôle tout ce qui peut l'être), où l'homme ne peut se perdre même s'il le veut car mille, dix mille, cent mille paires d'yeux le classent et le disposent, le reconnaissent et l'étreignent, l'identifient et le sauvent, lui permettent de se retrouver quand il se croyait le plus perdu à sa place naturelle : en prison, à l'orphelinat, au poste de police, à l'asile, au bloc opératoire d'urgence, que l'homme —ici— n'est plus d'un village, que tu n'as plus l'air d'être d'un village, mon gars, que n'importe qui dirait que tu es d'un village et que tu aurais mieux fait de ne jamais venir d'un village parce que tu as l'air d'être d'un village, mon gars.... »
"Tiempo de destrucción" (1975, Temps de destruction)
Luis Martín-Santos est décédé brutalement dans un accident de voiture le 21 janvier 1964. Il laissait derrière lui le manuscrit, très avancé mais non finalisé,
de "Tiempo de destrucción". Le texte a été publié de manière posthume en 1975, grâce au travail d'édition de ses héritiers et de ses proches. Le texte, inachevé, prolonge "Tiempo de Silencio" en
approfondissant sa confrontation avec le mode de vie et de penser du monde environnant...
"Une femme pâle, un homme jeune, un taxi, un chauffeur malodorant.
La descente de la Gran Via vers la Plaza de España.
Le bruit des pneumatiques sur les pavés.
Les lumières vertes des taxis libres qui remontent la rue.
La femme maquillée de rouge fait connaître son maquillage non par la couleur, que l'absence de lumière annule, mais par l'arôme légèrement vulgaire qui
adhère à la crème grasse du colorent, et qu'on remarque quand l'essence plus puissante du parfum a été détruite par les acides de l'aisselle, tout au long d'une soirée où le corps a évolué sur
une piste ronde, pleine de couples qui pratiquent le rite orchestré et géométrique, produisant ainsi une élévation de la température.
Ils sont assis en silence et regardent la nuque grossière du chauffeur de taxi, le vide qui entoure la nuque grossière du
chauffeur.
La chair des deux corps est différente, mais, dans les deux cas, douce. Ils ont les mains sur leurs genoux. Ses mains à elle par hasard croisées en
position de prière. Elle est vêtue de noir, couleur qu'on ne distingue pas de la nuit.
Le taxi a un sursaut : il a freiné devant un noctambule inerte.
En ligne continue, les réverbères vont à sa rencontre. Les phares des voitures. Un coup de klaxon solitaire.
Son corps à lui tend sa main vers elle et la situation, jusque là parallèle, des deux corps, se modifie et produit une certaine obliquité. Sa main à lui
arrive presque à toucher son genou, mais la main de son corps à elle la retient puis l'enlace d'un croisement de doigts simultané.
L'automobile semble immobile, ruminant rauquement sa fatigue mécanique, devant la porte de la maison. Elle, sautant agilement, marchant sur les jambes
de son corps, qui sont appuyées sur des talons hauts et minces, et qui font un son bref et répété, crépitant sur le sol. Un gros homme court en donnant des coups sur les pavés avec un fer. Elle
actionne agilement une petite clef et la porte tourne sur ses gonds jusqu'à l'arrivée du sereno. "Donne-lui deux pésètes". "Il n'y a pas de lumière dans l'escalier. Voulez-vous ma lanterne,
mademoiselle?"
Elle devant, prenant de la main son corps à lui. Le taxi qui fait demi-tour accorde une épiphanie provisoire au mannequin d'une boutique de mode pour
messieurs. Avec ses yeux verts et une petite moustache, le mannequin observe l'obscurité de la rue. Le chauffeur change bruyamment de vitesse. Le sereno ferme la porte à clef et s'en va en se
parlant à lui-même.
La main de son corps à elle le presse légèrement. Cette orientation muette et discrète suffit pour que les jambes de son corps à lui sachent où se
mettre, de quelle façon équilibrer l'appareil de soixante-douze kilos masculins pour qu'il ne s'effondre pas sur le péristyle du temple, ni même dans l'introït, mais pour qu'il continue, d'une
allure d'élève docile, jusqu'à l'autel proche, vraisemblablement situé à l'entresol gauche.
L'obscurité de trois heures du matin qui dans la rue est tempérée par les réverbères électriques et par les astres situés à longue distance, est totale
à l'intérieur de l'antre baigné de chaleur. Les corps se rencontrent dans des frôlements épaule contre épaule, hanche contre cuisse, main - l'homme - contre taille - la femme. Les lignes de force
descendantes de la jarretelle qui, à chaque pas, utilise l'élasticité de ses matériaux pour une plus grande efficacité de sa fonction antigravitatoire, ces lignes de force sont
palpables.
On entend : "C'est ici". Son corps à elle s'arrête. Son corps à lui cogne plastiquement contre son immobilité. Ses lèvres effleurent la chevelure noire.
Le parfum de l'air qui y loge différente de celui que sa main à elle a dû y mettre quelques heures plus tôt. C'est le parfum animal, de crin, qui, dans ses racines, se
répand..."
Si "Tiempo de silencio" est une critique acerbe mais encore enveloppée dans une narration et un style complexes, "Tiempo de destrucción" est une explosion de rage et une déconstruction totale. Le passage de "silence" à "destruction" est révélateur d'une radicalisation du propos.
Martín-Santos ne voulait pas répéter son premier succès. Il tentait de créer une œuvre totale, un roman-philosophie qui serait un acte de sabotage contre la réalité elle-même. Écrit à l'aube des années 1960 mais publié en 1975 (l'année de la mort de Franco), le texte anticipe l'esprit de rupture et de provocation qui caractérisera une partie de la culture espagnole de la "Transition". Son inachèvement lui donne une puissance tragique et mystérieuse, comme un dernier geste brutal interrompu en plein élan : la violence, la sexualité brute, les fonctions corporelles les plus basses, comme pour révéler la "vérité" hideuse cachée sous les convenances sociales....
"I - APRENDIZAJES - 1 - ELEMENTO FRÍO
Sombría carcajada del destino.
Para eso he estado tanto tiempo pensando tanto tiempo intentando atreverme tanto tiempo creyendo que había llegado el momento que de ahí en adelante ya estaba hecho lo importante que mi vida empezaba ya virtualmente en aquel instante en que por fin rotas las garras de los terrores primitivos acabada de destruir la frontera inmemorial de la infancia abriendo caudalosamente los brazos a la vida a la carne a la realidad cálida iba a ser posible que empezara un nuevo camino a cuyo extremo me esperaba como un placer o como una realidad la confirmación de mi pertenencia al mundo de los otros de los duros de los fuertes de los que se atrev…
Yo era un niño pequeño que había andado cogiendo piedras masticando yerbas viendo orinar a las niñas por las esquinas preguntándome cómo funciona la vida a la que había sido entregado sabiendo que una necesidad invencible exigía que yo realizara lo que habían realizado otros antes y que cuando llegara a decir que ya podía hacerlo algo subiría por dentro de mí y me informaría de que lo que había hecho era la realización de una necesidad gloriosa más interna aún que la del cuerpo más poderosa aún que el impulso que les llevó a elevarlas a los constructores de las catedr…
Yo ya había podido ir allí yo ya por fin iba a saber lo que era la vida decisiva lo que era la realización del secreto lo que contenía el cuarto cerrado de Barba Azul yo que no era mujer sino solo adolescente pudibundo que quizá hubiera querido mejor ser mujer porque entonces sin esfuerzo mío alguien me habría dado la llave al violarme con lo que abriría paso al otro lado del aro de fuego antes de que la cola venenosa del escorpión pudiera clavarse sobre mi nuca precisamente como un mordisco de mi propia naturaleza llevada hasta el ex…
Pero no, había nacido hombre y era preciso que me esforzase solo y reflexivo en levantar mi propia cabeza de escorpión y en inventar desde dentro todas las prohibiciones con que había sido abrumado desde una niñez confusa la nueva ley con que había de regirme en adelante inventando precisamente cosas que ya estaban inventadas pero que la humanidad que me rodeaba callaba cautelosamente pues si fueran dichas en voz alta un cierto orden inviolable establecido a mi alrededor por los claros varones ordenadores desde veinte siglos antes podría tambalearse y quién sería capaz luego de darme la mano y sostenerme si ya estaría solo completamente sol…
Porque hay una coincidencia extraordinaria de todos los preceptos religiosos y de todos los mandamientos de la higiene y prudencia vital acerca de lo que yo no debía hacer a lo que yo no debería de acercarme al menos con la cabeza fría habiendo pesado prudentemente los pros y los contras y decidido que efectivamente yo también como cualquier adolescente yugoslavo como cualquier adolescente de las islas Tonga como cualquier muchacho emancipado de cualquier poblado del Ecuador había de acercarme al misterio proceloso que se oculta entre las dos piernas entreabiertas de una mujer y había de sumergirme allí intentando comprobar la verdad de que estamos diferentemente hechos y la penetración estimulante de una instintividad nunca hecha conciencia nunca demostrada como un frío razonamiento allí en lo hondo y encontrarme a mí mismo o la cabeza de la Medusa que petrific…
Caer más bajo que los animales.
Por otra parte la gran hipocresía del mundo se vanagloriaba de la fecundidad de la opulencia de la humedad de los continentes cargados de selvas lujuriantes de monos lascivos de vacas de gigantescas ubres y de toda una polémica encontrada entre el sí y el no entre la tuerca y el tornillo entre el calor y el frío entre todo lo que es penetrante y todo lo que es recumbente. Habría querido entonces ser sencillo como los hijos del pueblo que van hacia delante y pisotean hubiera querido caminar embriagado besar y morder en una carne joven gratuita arrastrada por un mismo frenesí que la elev…
Sombre ricanement du destin.
C’est pour cela que j’avais tant réfléchi, tant tenté, tant osé, tant cru que le moment était venu, qu’à partir de là l’essentiel était fait, que ma vie commençait déjà virtuellement à cet instant où, enfin, les griffes des terreurs primitives brisées, l’immémoriale frontière de l’enfance détruite, ouvrant grand les bras à la vie, à la chair, à la chaude réalité, il allait être possible qu’un nouveau chemin commence, à l’extrémité duquel m’attendait, comme un plaisir ou comme une réalité, la confirmation de mon appartenance au monde des autres, des durs, des forts, de ceux qui osent…
J’étais un petit enfant qui avait marché en ramassant des pierres, en mâchonnant des herbes, en voyant les petites filles uriner au coin des rues, en me demandant comment fonctionnait la vie à laquelle j’avais été livré, sachant qu’une invincible nécessité exigeait que j’accomplisse ce que d’autres avaient accompli avant moi et que, quand j’en arriverais à dire que je pouvais déjà le faire, quelque chose monterait en moi et m’apprendrait que ce que j’avais fait était l’accomplissement d’une glorieuse nécessité, plus interne encore que celle du corps, plus puissante encore que l’impulsion qui poussa les bâtisseurs de cathédrales à les élever…
Moi, j’avais déjà pu y aller, moi, enfin, j’allais savoir ce qu’était la vie décisive, ce qu’était la réalisation du secret, ce que contenait la chambre close de Barbe-Bleue, moi qui n’étais pas une femme mais seulement un adolescent pudibond, qui aurais peut-être préféré être une femme parce qu’alors, sans effort de ma part, quelqu’un m’aurait donné la clé en me violant, ouvrant ainsi le passage de l’autre côté du cercle de feu avant que la queue venimeuse du scorpion puisse se planquer sur ma nuque, précisément comme une morsure de ma propre nature poussée à l’extrême…
Mais non, j’étais né homme et il fallait que je m’efforce, seul et réfléchi, à lever ma propre tête de scorpion et à inventer de l’intérieur toutes les interdictions dont j’avais été accablé depuis une enfance confuse, la nouvelle loi qui devait me régir désormais, inventant justement des choses qui étaient déjà inventées mais que l’humanité qui m’entourait taisait prudemment, car si elles étaient dites à voix haute, un certain ordre inviolable établi autour de moi par les clairs varons ordonnateurs depuis vingt siècles pourrait vaciller, et qui serait ensuite capable de me tendre la main et de me soutenir alors que je serais déjà complètement seul…
Car il y a une coïncidence extraordinaire de tous les préceptes religieux et de tous les commandements de l’hygiène et de la prudence vitale sur ce que je ne devais pas faire, ce à quoi je ne devrais pas m’approcher, du moins la tête froide, ayant prudemment pesé le pour et le contre et décidé qu’effectivement, moi aussi, comme n’importe quel adolescent yougoslave, comme n’importe quel adolescent des îles Tonga, comme n’importe quel garçon émancipé de n’importe quel village de l’Équateur, je devais m’approcher du mystère procellieux qui se cache entre les deux jambes entrouvertes d’une femme et devais m’y plonger, tentant de vérifier la vérité que nous sommes faits différemment et la pénétration stimulante d’une instinctivité jamais faite conscience, jamais démontrée comme un froid raisonnement, là au fond, et me trouver moi-même ou la tête de Méduse qui pétrifie…
Tomber plus bas que les bêtes.
D’un autre côté, la grande hypocrisie du monde se vantait de la fécondité, de l’opulence, de l’humidité des continents chargés de forêts luxuriantes, de singes lascifs, de vaches aux gigantesques pis et de toute une polémique conflictuelle entre le oui et le non, entre l’écrou et la vis, entre le chaud et le froid, entre tout ce qui est pénétrant et tout ce qui est couché. J’aurais alors voulu être simple comme les fils du peuple qui vont de l’avant et piétinent, j’aurais voulu marcher ivre, embrasser et mordre une jeune chair gratuite, entraîné par un même frénésie qui l’élève…
Pero no podía.
Yo tenía que ser frío yo tenía que saber si era pecado o no era pecado si aun siendo pecado aquel pecado debía ser cometido porque era precisamente el pecado que había sido puesto ante mis ojos como prueba para que yo me atreviera porque acaso hay también un orgullo en querer actuar siempre de acuerdo con la ley honestamente correspondiéndose con la tabla de los diez mandamientos embutiéndose en el traje de la más genuina respetabilidad ignorando la división del mundo en dos mitades perennemente vestido de azul marino y cuello duro blanco hasta que quizá afectuosamente o poco a poco perdonado a pesar de las masturbaciones me fuera creciendo de la misma piel carnosa una a modo de sotana que bien adherida a mis caderas me cubriera y me protegiera ya invulnerablemente por los siglos de los siglos así como una cáscara incorruptible de la que solo asomara la cola escorpiónica llena de mal veneno pero sin acertar a da…
Era preciso investigar saber ver, era preciso investigar saber, ver, de qué modo por qué orificio la nueva vida entra desde fuera desde el elemento fecundante y sale luego tan pimpante tan galana tan pura resurrección de furia que aun sin dientes quiere ya morder cría insigne del escorpión que apenas sabe hablar ya pregunta qué consume la carne de la madre y qué la confunde con el mal seno con el cuerpo del diablo, con la profanación de la que viene todo el mal del mund…
Mais je ne le pouvais pas.
Moi, je devais être froid, je devais savoir si c’était un péché ou si ce n’était pas un péché, si, même étant un péché, ce péché devait être commis parce qu’il était justement le péché qui avait été placé devant mes yeux comme une épreuve pour que j’ose, car peut-être y a-t-il aussi une orgueil à vouloir agir toujours selon la loi, honnêtement, en correspondance avec la table des dix commandements, en s’enfilant dans le costume de la plus genuîne respectabilité, ignorant la division du monde en deux moitiés, perpétuellement vêtu de bleu marine et de col dur blanc jusqu’à ce que peut-être, affectueusement ou petit à petit, pardonné malgré les masturbations, il pousse de ma même peau charnue une sorte de soutane qui, bien adherente à mes hanches, me couvrirait et me protégerait désormais invulnérablement pour les siècles des siècles, telle une coquille incorruptible de laquelle ne dépasserait que la queue scorpionique pleine de mauvais venin mais sans parvenir à blesser…
Il fallait investiguer, savoir, voir, il fallait investiguer, savoir, voir, de quelle manière, par quel orifice la nouvelle vie entre de l’extérieur, depuis l’élément fécondant, et ressort ensuite si pimpante, si galante, si pure résurrection de fureur que même sans dents elle veut déjà mordre, illustre progéniture du scorpion qui sait à peine parler et demande déjà ce qui consume la chair de la mère et ce qui la confond avec le mauvais sein, avec le corps du diable, avec la profanation d’où vient tout le mal du mond…
Yo no era mujer y por tanto no sabía en qué podía consistir aquella necesidad estrecha de sentir algo que fuerza que se me hunde dentro que me arranca algo que me rompe y me va poniendo del revés extendida a secar en el mundo donde el sol solo viene a ser un punto redondo como una demostración matemática y la diafanidad femenina de la naturaleza vegetal es un paño higiénico que envuelve las vergüenzas del hombre de naturaleza aséptica y amoniacal que no menstrúan y son ignorantes del paso de la luna y más que latir interrogan una y otra vez porque el sol no les resulta un dios suficientemente misterioso a pesar de que tampoco se le puede mirar y quieren un dios más oculto que se haya sacado a ese sol por el año y haya hecho de él un regalo a la tierra femenina y blanda y así estaremos siempre cosmogógicos sabiéndolo ya todo que la tierra está sostenida por un gigante que llaman Atlas que este gigante pone los pies sobre el lomo de un elefante y que este elefante eleva su trompa fecundante en el oscuro seno de las grandes madres y así esperando solo una balanza que femeninamente yaceremos aptos siempre para la procreación hijos de dios dioses nosotros mismos germinales tallos fecundos excisíparos agobiantes ovarios del universo hombres cálidos como arañas sin telas con sus ocho patas cariacontecidas tensando suavemente el hilo que las viejas ríen al cort…
Pero no, no, no. No me es posible. Así. Como yo hubiera querido. Pero no.
Soy el hombre el elemento frío que no puede dejarse embriagar por la gran cacofonía imperial por las visiones del fascismo primigenio de los cosmólogos de la era mitológica que tiene que resignarse a que nada de lo bello sea cierto y a que el sol cagado por un dios escupehombres no sea más que una bomba de hidrógeno de dimensiones apreciables sí pero no inconmensurables.
Soy el hombre el elemento frío y yo no quería cargarme de amor de efusión sentimental de alcohol quizá de cualesquiera tipo de droga intoxicante sino que lo habría hecho honestamente sin herir a nadie sin que la persona afectada hubiera sentido mientras yo pasaba la frontera sino la sensación habitual de cualquier noche de trabajo y sin que se produjera en ella una emoción de espasmo excesivamente intencionado una casi fantasía de elección que pudiera conturbarla porque qué derecho tiene a hacer sufrir a nadie un problema abstract…
Debería ser simplemente una noche de trabajo ordinario con una paga ordinaria con una simple constatación quizá de la inexperiencia de ese que acaba de comprender que es tan sencillo pasar al otro lado que después de todo se ha hecho demasiado ruido alrededor de una cosa tan sencilla cuya única importancia consiste precisamente en que eruditos escoliastas tratadistas insignes moralistas ceñudos consagrados in sacris han llegado a conclusiones indubitables: «Aquí está el párrafo al que le hacía a usted alusión» y «Vea usted cómo estaba previsto con todas las circunstancias reprensibles» que es necesario tener en cuent…
Sombría carcaj…
Je n’étais pas une femme et donc je ne savais en quoi pouvait consister cette nécessité étroite de sentir quelque chose qui force, qui s’enfonce en moi, qui m’arrache quelque chose, qui me rompt et me retourne, étendue à sécher dans le monde où le soleil ne vient finalement qu’à être un point rond comme une démonstration mathématique et la diaphanéité féminine de la nature végétale est un linge hygiénique qui enveloppe les hontes de l’homme de nature aseptique et ammoniacale, qui ne menstruent pas et sont ignorants du passage de la lune et, plus que de palpiter, interrogent encore et encore pourquoi le soleil ne leur est pas un dieu suffisamment mystérieux même si on ne peut non plus le regarder et ils veulent un dieu plus caché qui se serait tiré ce soleil par les cornes et en aurait fait un cadeau à la terre féminine et molle et ainsi nous serons toujours cosmogoniques, sachant déjà tout, que la terre est soutenue par un géant qu’ils appellent Atlas, que ce géant pose les pieds sur le dos d’un éléphant et que cet éléphant élève sa trompe fécondante dans le sein obscur des grandes mères et ainsi, n’attendant plus qu’une balance, nous giserons fémininement, aptes toujours à la procréation, fils de Dieu, dieux nous-mêmes, germinaux, talles féconds, excisipares, accablants ovaires de l’univers, hommes chauds comme des araignées sans toiles avec leurs huit pattes compassées tendant doucement le fil que les vieilles coupent en riant…
Mais non, non, non. Ce n’est pas possible. Ainsi. Comme je l’aurais voulu. Mais non.
Je suis l’homme, l’élément froid qui ne peut se laisser enivrer par la grande cacophonie impériale, par les visions du fascisme primigène des cosmologues de l’ère mythologique, qui doit se résigner à ce que rien de beau ne soit vrai et à ce que le soleil chié par un dieu cracheur d’hommes ne soit plus qu’une bombe à hydrogène de dimensions appréciables oui mais pas incommensurables.
Je suis l’homme, l’élément froid et je ne voulais pas me charger d’amour, d’effusion sentimentale, d’alcool peut-être, de n’importe quel type de drogue intoxicante, mais je l’aurais fait honnêtement, sans blesser personne, sans que la personne concernée n’ait ressenti, pendant que je passais la frontière, autre chose que la sensation habituelle de n’importe quelle nuit de travail, et sans que ne se produise en elle une émotion de spasme excessivement intentionné, une quasi fantaisie de choix qui aurait pu la troubler, car de quel droit a-t-on de faire souffrir qui que ce soit d’un problème abstrait…
Cela devrait être simplement une nuit de travail ordinaire, avec un salaire ordinaire, avec une simple constatation peut-être de l’inexpérience de celui qui vient de comprendre que c’est si simple de passer de l’autre côté, qu’après tout on a fait trop de bruit autour d’une chose si simple dont la seule importance consiste précisément en ce que des érudits scolastiques, d’insignes traités, des moralistes renfrognés, consacrés in sacris, sont arrivés à des conclusions indubitables : « Voici le paragraphe auquel je vous faisais allusion » et « Voyez comme c’était prévu avec toutes les circonstances répréhensibles » qu’il faut prendre en compt…
Sombre ricanement…"
(...)
"Tiempo de silencio" a été traduit très tôt par Jean-Francis Reille et publié aux Éditions du Seuil en 1968 sous le titre "Temps de silence". Cette traduction est considérée comme un classique et a été rééditée plusieurs fois (notamment en collection "Points"). La traduction anglaise, réalisée par George Leeson, est parue sous le titre "Time of Silence" aux Éditions Harcourt Brace (New York) en 1964, soit seulement deux ans après sa publication originale en Espagne.
Il n'existe pas de traduction française publiée de "Tiempo de destrucción". C'est une œuvre beaucoup moins connue, inachevée, et d'un accès bien plus difficile, même en espagnol. Le roman a été traduit par Helen R. Lane, une traductrice américaine de renom (connue pour avoir traduit Mario Vargas Llosa, Juan Goytisolo, etc.). Elle a été publiée sous le titre Time of Destruction aux Éditions Columbia University Press en 1990...
Luis Romero est souvent considéré comme un précurseur (l'âge aidant) ou un lien entre le réalisme des années 40 et la Generación del 50, mais de situation plus isolée par rapport au noyau dur de cette dernière : en particulier par rapport aux figures madrilènes comme García Hortelano, Juan Goytisolo ou Juan Marsé.
Et l'on retrouve la fameuse "Barrière Géographique et Culturelle" entre Barcelone vs. Madrid. C'est le point le plus crucial. La Generación del 50 était, dans une large mesure, un phénomène madrilène.
- Le "Grupo de Madrid" : Les écrivains les plus emblématiques (Hortelano, Sánchez Ferlosio, les Goytisolo, Aldecoa) vivaient, publiaient et se fréquentaient à Madrid. Ils partageaient les mêmes cafés, les mêmes éditeurs (principalement Seix Barral) et les mêmes débats, formant un groupe soudé.
- Luis Romero, l'écrivain barcelonais : Romero était ancré à Barcelone. Bien que la ville ait sa propre scène littéraire vibrante (autour de figures comme Juan Marsé, également barcelonais), elle était distincte et géographiquement éloignée du "centre de gravité" madrilène. Cet éloignement physique et culturel a naturellement limité son intégration au groupe.
"La Noria", qui s'inscrit dans une tradition de chronique sociale objective, proche du reportage ou de la peinture de moeurs (un réalisme structuré, presque classique dans sa forme), a remporté le prestigieux prix Nadal en 1951, soit près d'une décennie avant que la Generación del 50 n'atteigne sa pleine maturité avec le Biblioteca Breve de "Nuevas amistades" (1959) et "Tiempo de silencio" (1962).
Son rôle fut davantage celui d'un précurseur respecté que d'un compagnon de route. Il avait déjà défini son style et ses thèmes alors que les autres étaient encore en train de forger le leur. Cette avance le place dans une position singulière, un peu à l'écart.
Luis Romero (1916-2009)
Né à Barcelone, emprisonné par les républicains pendant la guerre civile dans le château de Montjuïc et ancien combattant de la División Azul, Luis Romero a
vécu à Paris et Buenos Aires, et se fait reconnaître en 1951 avec "La noria" (La roue), série de de séquences dans lesquelles apparaissent et disparaissent des personnages sur fond du Barcelone
de l'après-guerre. Suivent "Los otros" (1956), histoire de la tentative tragique de vol à main armée d'un ouvrier tentant de sortir de la misère, "Libro de las tabernas de España" (1956), suite
de confidences partagées avec de pauvres hères dont il partage le vin, "Tuda" (1957) sur son expérience russe, "El cacique" (1963) parabole politique et sociale sur les suites de la mort du chef
d'un village. Il est aussi le biographe et ami de Salvador Dalí au travers de trois livres de référence, "Aquel Dalí", "Todo Dalí en un rostro" (1975), "Dedálico Dalí" (1989). Enfin, il est un
historien de la Guerra Civil qu'il relate, des premiers aux derniers jours, comme un véritable roman-vérité, avec "Tres días de julio" (1967) et "Desastre en Cartagena"
(1971).
"La noria" (1951, La roue)
Le Barcelone de l'après-guerre est pour Romero un monde d'incommunicabilité et d'oppression, "es el mundo de la soledad, de unas soledades yuxtapuestas, de
las soledades de seres incapaces de comunicarse entre sí... Una soledad que se halla, paradójicamente, en los lugares donde hay más gente: en las calles, en los tranvías y en el metro", "El cine
Publi es el refugio de los que necesitan asesinar aproximadamente una hora.... Mujeres en el Salón Rosa. Puros años cincuenta. Tiempos de contactos furtivos...", le tout exposé et écrit avec une
apparente neutralité qui renforce l'impression de témoignage direct et objectif.
MADRUGADA GALANTE - Empieza a amanecer. No se sabe cuándo surgió esta leve claridad sobre las azoteas de la ciudad. Una sonoridad desconocida, nueva, vibra en el aire, y en la atmósfera se está produciendo el diario milagro. El reloj de un convento, madrugador y disciplinado, da cinco —o quizá seis, que tanto vale— campanadas; campanadas de esas que siempre parecen sonar lejanas. Por un instante se diría que se ha paralizado el curso de las cosas.
A poca velocidad, por una calle de las que van al centro de la ciudad, marcha un taxi. Ya no hay prisa; el momento de la prisa ha sido superado con el alba. Dorita mira por la ventanilla, y el calor de esa claridad que nace penetra en su alma pequeña a través de sus ojos cansados.
En el cogote, bajo el cabello, la manga de él le está haciendo cosquillas. Diez horas antes no se conocían siquiera, pero está acostumbrada a exprimir la amistad como si fuera un limón, hasta dejarla sin jugo.
(—Buen mozo y guapo. Limpio. Deportista. Me gustan los chicos de Bilbao. Pagan bien y, ¡caray!, son fuertes. Ingenuo. Cansada. Veremos qué tal se porta. ¿Rico? Sí, seguramente; corbata de seda, zapatos caros.)
La calle de Pelayo empieza a animarse. Gente que se dirige a su trabajo presurosa, malhumorada, como si cada día les defraudara ya desde el comienzo. Los obreros que van hacia las barriadas industriales se cruzan con los noctámbulos que se retiran fatigosamente; inútiles noctámbulos a quienes espanta el día. En un coche de punto cantan, desacompasados, dos borrachos; el cochero, sobre el pescante, cabecea soñoliento y paciente.
Dorita se siente cariñosa, o al menos quiere demostrar ternura:
—¿Estás cansado, Juanchu? Debes estarlo. ¿Sabes que eres muy fuerte? Me gustan los bilbaínos. Una vez conocí a uno que…
Las Ramblas están animadas (las Ramblas siempre vivas, cálidamente vivas, enamoradas de algo). Sobre los árboles, el azul y el rosa de la aurora pintan el aire que entra por los pulmones hasta el alma. Juanchu manda parar el taxi ante un puesto de flores; baja y compra un gran ramo de claveles. Son los más hermosos y jóvenes claveles recién estrenados en este amanecer, y traen gotas de rocío de las huertas del Prat o de San Justo Desvern. Sin subir de nuevo al coche se los entrega a Dorita, y mientras la besa en los labios —último beso fatigado, quizá agradecido sin embargo—, deja algo entre sus manos.
(—Galante, bonito gesto. Un caballero, vamos. ¡Ojo! Aquí está la cosa. ¿Cuánto? ¿Quinientas? No mires… Impaciente. Un caball…)
Se despiden allí mismo con la puerta del auto abierta, él con un pie, graciosamente, en el estribo.
—Adiós, Juanchu. Llámame mañana. Un poquito tarde, ¿comprendes, nene?
(—No, cuidado; mañana ese tío gordo… cena.)
—¡Ah, no! Ahora que recuerdo; mañana he de salir con una amiguita que ha venido de fuera. Llámame mejor pasado mañana. Pero te advierto que me iré a dormir prontito. ¡Me has dejado muy cansadita!…
AUBE GALANTE - Le jour commence à se lever. On ne sait pas quand cette lueur légère est apparue au-dessus des toits de la ville. Une sonorité inconnue, nouvelle, vibre dans l'air, et dans l'atmosphère se produit le miracle quotidien. L'horloge d'un couvent, matinale et disciplinée, sonne cinq – ou peut-être six, peu importe – coups ; des coups qui semblent toujours sonner au loin. Un instant, on dirait que le cours des choses s'est paralysé.
Roulant à faible vitesse dans une de ces rues qui mènent au centre-ville, un taxi avance. Il n'y a plus de hâte ; le moment de la précipitation a été dépassé avec l'aube. Dorita regarde par la fenêtre, et la chaleur de cette clarté qui naît pénètre dans son petite âme par ses yeux fatigués.
Dans sa nuque, sous ses cheveux, la manche de son compagnon lui chatouille la peau. Dix heures plus tôt, ils ne se connaissaient même pas, mais elle a l'habitude de presser l'amitié comme un citron, jusqu'à la laisser sans jus.
(—Beau gosse et mignon. Propre. Sportif. J'aime les garçons de Bilbao. Ils paient bien et, ma parole, ils sont costauds. Naïf. Fatiguée. Nous verrons comment il se comporte. Riche ? Oui, sûrement ; cravate de soie, chaussures chères.)
La rue Pelayo commence à s'animer. Des gens se rendant à leur travail, pressés, de mauvaise humeur, comme si chaque jour les décevait dès le début. Les ouvriers qui se dirigent vers les quartiers industriels croisent les noctambules qui rentrent péniblement ; d'inutiles noctambules que le jour effraie. Dans un fiacre, deux ivrognes chantent, décalés ; le cocher, sur son siège, somnole, patient.
Dorita se sent affectueuse, ou du moins veut montrer de la tendresse :
— Tu es fatigué, Juanchu ? Tu dois l'être. Tu sais que tu es très fort ? J'aime les Bilbéens. Une fois, j'en ai connu un qui…
Les Ramblas sont animées (les Ramblas, toujours vivantes, chaleureusement vivantes, amoureuses de quelque chose). Au-dessus des arbres, le bleu et le rose de l'aurore peignent l'air qui entre par les poumons jusqu'à l'âme. Juanchu demande d'arrêter le taxi devant un étal de fleurs ; il descend et achète un gros bouquet d'œillets. Ce sont les œillets les plus beaux et les plus jeunes, fraîchement éclos en cette aube, et qui apportent des gouttes de rosée des potagers du Prat ou de San Justo Desvern. Sans remonter dans la voiture, il les tend à Dorita, et tout en l'embrassant sur les lèvres — un dernier baiser fatigué, peut-être reconnaissant malgré tout —, il laisse quelque chose entre ses mains.
(—Galant, joli geste. Un gentleman, quoi. Attention ! Voilà l'important. Combien ? Cinq cents ? Ne regarde pas… Impatient. Un gentlem…)
Ils se disent au revoir sur place, la portière de la voiture ouverte, lui avec un pied, avec grâce, sur le marchepied.
— Au revoir, Juanchu. Appelle-moi demain. Un peu tard, tu comprends, chéri ?
(—Non, attention ; demain, ce type gros… dîner.)
— Ah, non ! Maintenant que j'y pense ; demain, je dois sortir avec une petite amie qui vient de loin. Appelle-moi plutôt après-demain. Mais je te préviens que j'irai me coucher de bonne heure. Tu m'as bien fatiguée !…
"Mientras se aleja, Juanchu vuelve todavía la cabeza para saludar. El taxi da la vuelta por la primera calzada de las que atraviesan el paseo central y vuelve a subir por la Rambla.
(—¡Ya me lo había parecido! Rico. Quinientas pesetas. Hierros; fábrica de papá. Mañana sin falta, modista. ¡Maldita bruja! Le daré trescientas y va que chuta. Tío gordo; conviene. Rico. Un estúpido. ¡Qué fuerte este Juanchu! Claveles de la Rambla. Quinientas. Buen chico. El gordo ese, mil. Hablarle claro. Categoría.)
La plaza Cataluña sin público parece más grande todavía, y en la fachada blanca del Banco Español de Crédito empiezan a encenderse los colores del día. Por la Ronda marchan los tranvías chirriantes, como rojas banderolas que anunciarán el alba ciudadana. Y ahora, si Dorita se preocupara de semejantes cosas, vería las palmeras más cultas de estos contornos: las que se balancean airosamente en la plaza de la Universidad.
Cuando el taxi sube por la calle de Balmes, el día ha sido proclamado oficialmente. Se abren las panaderías, las lecherías, y una portera madrugadora empieza a barrer la acera. Al fondo, el Tibidabo, viejo y majestuoso, presidente perpetuo de la ciudad, es un regalo para la vista que la mañana sirve en su bandeja; la tarjeta postal con que se inaugura la jornada. Todavía están cerrados los balcones y las ventanas, porque los ciudadanos no madrugan tanto.
Se escucha por las calles un ruido sano y reconfortante, música que los trasnochadores no perciben en este momento en que su derrota se ha consumado. Esta música, esta orquesta civil, es audible únicamente para quien acaba de remojarse con agua fresca. Y, aun, sólo la escucharán los iniciados. Es variada y sutil, y forma en su polifonía el himno de este pueblo. Todos los pueblos, todas las ciudades tienen su himno correspondiente, y el campo también posee su música propia. El concierto se inicia al amanecer.
Dorita no percibe esta música porque su día principia tarde y termina tarde. Ahora tiene prisa por llegar a su casa. Vive en un piso pequeño, claro, lindo. Desde el ancho ventanal de su habitación se divisan las azoteas de la urbe, y al fondo, el mar; un mar maravillosamente azul, el mar del Mundo. Al sur, Montjuich; al norte, los días claros, la vista se pierde en una hermosa lejanía.
En un pueblo cualquiera tiene una madre huraña que vive con un hombre que no es su padre. Estará casada con todos los requisitos religiosos y legales, pero para Dorita vive con un hombre que no es su padre. La vida de esta chica es relativamente fácil porque tiene veintitrés años y unas piernas hermosísimas, unas piernas verdaderamente extraordinarias. Las cosas buenas se pagan, y en esta ciudad hay gente que posee mucho dinero; un dinero fácil y limpio. Para Dorita todo dinero es siempre limpio.
El taxi ha doblado hacia la izquierda. La ciudad va creciendo por aquí; siempre se ven casas nuevas y cuando se terminan de construir ya están otras subiendo piso a piso. Son casas grandes, hermosas; antes había quintas, masías, pequeñas torres. Este barrio ha sufrido una gran transformación aunque Dorita lo ignore, porque ella hace solamente cinco años que llegó del pueblo. Está contenta porque ha tenido la suerte de encontrar este piso, hace poco relativamente. El sexto, puerta tercera. Setecientas pesetas al mes, sin traspaso, agua y calefacción aparte, y luego portera, gas, y la luz, claro. Ha conseguido amueblarlo bien. ¿Cómo lo ha hecho? Eso sería ya otra historia y no de las más edificantes ciertamente; pero no hay que escandalizarse, pues al fin y al cabo es bastante corriente, casi normal, en este clima...."
Tandis qu'il s'éloigne, Juanchu se retourne encore pour faire un signe de la main. Le taxi fait demi-tour au premier carrefour qui traverse la promenade centrale et remonte la Rambla.
(—Je m'en doutais ! Riche. Cinq cents pesetas. Des usines métallurgiques ; l'usine de papa. Demain, sans faute, chez la modiste. Maudite sorcière ! Je lui donnerai trois cents et elle devra se contenter. Le type gros ; c'est préférable. Riche. Un imbécile. Ce Juanchu, quel forceur ! Des œillets de la Rambla. Cinq cents. Un bon garçon. Ce gros-là, mille. Lui parler clairement. De la catégorie.)
La place Catalogne, sans foule, semble encore plus grande, et sur la façade blanche de la Banque d'Espagne de Crédit, les couleurs du jour commencent à s'allumer. Sur la Ronda, les tramways grinçants avancent, telles des bannières rouges qui annoncent l'aube citoyenne. Et maintenant, si Dorita s'intéressait à ce genre de choses, elle verrait les palmiers les plus distingués des environs : ceux qui se balancent avec grâce sur la place de l'Université.
Lorsque le taxi monte la rue de Balmes, le jour a été officiellement proclamé. Les boulangeries, les crèmeries ouvrent, et une concierge matinale commence à balayer le trottoir. Au fond, le Tibidabo, vieux et majestueux, président perpétuel de la ville, est un régal pour les yeux que le matin sert sur un plateau ; la carte postale avec laquelle s'inaugure la journée. Les balcons et les fenêtres sont encore fermés, car les citoyens ne se lèvent pas si tôt.
On entend dans les rues un bruit sain et réconfortant, une musique que les fêtards ne perçoivent pas en cet instant où leur défaite est consommée. Cette musique, cet orchestre civil, n'est audible que pour celui qui vient de se rafraîchir à l'eau fraîche. Et encore, seuls les initiés l'entendront. Elle est variée et subtile, et forme dans sa polyphonie l'hymne de ce peuple. Tous les peuples, toutes les villes ont leur hymne correspondant, et la campagne possède aussi sa propre musique. Le concert commence à l'aube.
Dorita ne perçoit pas cette musique car sa journée commence tard et se termine tard. Maintenant, elle a hâte de rentrer chez elle. Elle vit dans un petit appartement, clair, joli. De la large baie vitrée de sa chambre, on aperçoit les toits de la ville, et au loin, la mer ; une mer d'un bleu merveilleux, la mer du Monde. Au sud, Montjuic ; au nord, les jours de ciel clair, la vue se perd dans une belle lointain.
Dans un village quelconque, elle a une mère renfrognée qui vit avec un homme qui n'est pas son père. Elle sera mariée avec tous les requis religieux et légaux, mais pour Dorita, elle vit avec un homme qui n'est pas son père. La vie de cette fille est relativement facile parce qu'elle a vingt-trois ans et des jambes magnifiques, des jambes véritablement extraordinaires. Les bonnes choses se paient, et dans cette ville, il y a des gens qui ont beaucoup d'argent ; un argent facile et propre. Pour Dorita, tout argent est toujours propre.
Le taxi a tourné à gauche. La ville ne cesse de s'agrandir par ici ; on voit toujours des maisons nouvelles et quand on finit d'en construire une, d'autres montent déjà étage par étage. Ce sont de grandes et belles maisons ; avant, il y avait des propriétés, des mas, de petites tours. Ce quartier a subi une grande transformation, bien que Dorita l'ignore, car elle n'est arrivée de son village il y a seulement cinq ans. Elle est contente d'avoir eu la chance de trouver cet appartement, il y a relativement peu de temps. Sixième étage, troisième porte. Sept cents pesetas par mois, sans droit d'entrée, eau et chauffage en plus, et puis la concierge, le gaz, et l'électricité, bien sûr. Elle a réussi à le meubler correctement. Comment a-t-elle fait ? Ce serait là une autre histoire, et certainement pas des plus édifiantes ; mais il ne faut pas s'en scandaliser, car après tout, c'est assez courant, presque normal, sous ce climat..."
(...)
La "noria" signifie "La Roue à eau" ou "Le Manège", le roman saisit une journée dans le Barcelone des années 1950, une période marquée par l'après-guerre civile espagnole et la pauvreté sous le régime franquiste : 37 courts chapitres, chacun centré sur un personnage différent. La transition entre ces chapitres ne se fait pas par un saut arbitraire, mais par une passe-relais narrative : un personnage secondaire d'un chapitre devient le protagoniste du suivant, une noria, où les godets se vident et se remplissent les uns après les autres, créant un mouvement continu. De la même manière, les histoires et les vies des personnages s'entrelacent et se succèdent sans interruption, une femme prend un taxi, le chauffeur de taxi qui vient de la déposer a des soucis d'argent, on passe à sa fille, qui travaille dans une librairie, puis l'on suit un client de la librairie, et ainsi de suite. La caméra narrative se promène à travers toutes les couches de la société : de l'aristocrate déchu à l'ouvrier en passant par la prostituée, le petit commerçant, le prêtre, l'artiste ou le policier. La Misère et la Lutte pour la Survie, tel est le thème dominant qui va rythmer la vie de la majorité des personnages. Chaque personnage est enfermé dans ses propres problèmes, mais la structure du roman montre à quel point leurs vies sont secrètement liées, même s'ils l'ignorent. Ils forment un tout organique : la ville, et son atmosphère de résignation, de peur et de nostalgie d'un passé révolu.
Jesús Fernández Santos (1926-1988)
Né à Madrid, licencié en philosophie, auteur et metteur en scène associé au Teatro Español Universitario, critique de cinéma et réalisateur de documentaire,
Jesus Fernadez Santos est considéré comme l'un des promoteurs du "realismo social" dès son premier roman, "Los bravos" (les Fiers), publié en 1952. Il n'entend pas dénoncer mais dresser un
constat avec une précision souvent diabolique sur la société qui l'entoure. Dans nombre de ses romans, l'individu semble engagé dans une impasse quasi infranchissable, sa réflexion emprunte les
chemins du collectif humain, un personnage s'y distingue et l'intrigue débute au moment où il peut encore réfléchir sur son passé et espérer une vie meilleure: mais aucun de ses
protagonistes ne semble en mesure de surmonter les quelques perspectives que les retours arrières pouvaient permettre d'espérer. Cette exploration du collectif dans lequel les individus
s'efforcent, en vain, de surmonter leurs nostalgies, se retrouve dans "En la hoguera" (1957), centrée sur une communauté villageoise, et dans "Libro de las memorias de las cosas" (1970) dont le
récit prend naissance dans une communauté évangélique.La technique narrative déployée dans sa nouvelle "Cabeza rapada" est connue pour être un modèle du genre: ""Todos miraron las baldosas, como
si cada cual no pudiera soportar la mirada de los otros, y un hombre joven, de cara macilenta, maldijo muchas veces en voz baja.."
"Los bravos" (1952, Les Fiers)
"Aunque él hubiera pensado en marcharse, en acceder, ella quedaría allí desamparada un tiempo, sin un solo pariente, en situación más apurada que antes.
Y aquél modo sumiso de hacerse culpable, de aceptar voluntariamente su pena... Se veía metido en un extraño empeño. Aquella gente creía odiarle; pensaba que les había perjudicado, y sin embargo,
nunca había estado su corazón más cerca de ellos...En aquel momento se negaba a dejarlos. No iba su orgullo en ello. Podían huirlo, murmurarlo, vejarlo. Un amor animal le atraía a su vida como al
río, a la tierra, a los vecinos..."
Un village isolé entre Asturias et Léon où vivent dans une atmosphère étouffante une cinquante de personnes, les femmes à l'ombre des hommes, les hommes en
quête de survie, - un village perdu et arriéré où Fernández Santos a lui-même vécu quelque temps -, et dont l'équilibre est progressivement perturbée par l'arrivée de deux étrangers, un
médecin et un vendeur ambulant. Avec une technique narrative éprouvée, quasi cinématographique, on suit ainsi les intrigues nouées et dénouées derrière les portes closes jusqu'à la découverte du
protagoniste principal qui exerce sur l'ensemble de la population une tyrannie inexpugnable..
Fragmento: “Este Cecilio salió y le dijo al chofer: ‘¡Eh, compañero! ¿Qué te pasa?’, y el chofer le preguntó quién podría por allí hacerle una
chapuza, pero ¡qué chapuzas ni que historias si tenía el palier roto! Le contestó: ‘Compañero, como no te traigan un palier nuevo te haces viejo en este pueblo’. Entonces le preguntó a cuánto de
allí estaba el control. Estaba a unos treinta kilómetros –estalló en un golpe de risa. ¡No quieres saber cómo se puso el tío! Empezó a soltar injurias que no paraba. Creo que decía: ‘¿Y tú crees
que me voy a andar treinta kilómetros con el palier a cuestas como un burro?’, y sacó la pistola. Entonces, éste se dio cuenta de que iba a quemarlo y le ofreció la burra para que trajese el
palier si quería.
- La burra por el carro, ¡menudo cambio! –dijo Pepe que, oyendo hablar de camiones, había salido de la cocina.
- El otro dudaba todavía y le tuvo que invitar a unos blancos. Total: que a la media hora se marchaba el chofer con la burra, y… ¡hasta
ahora!"
Extramuros (1977)
Roman historique dont la trame principale relate la relation amoureuse passionnée, et coupable, de deux religieuses, et qui révèle, dans un couvent reculé
de l’Espagne du début du XVIIe siècle, toute la violence contenue, la sexualité réprimée et le mysticisme théologique omnipotent promu par Fray Luis de León, saint Jean de la Croix et sainte
Thérèse de Jésus. La détérioration morale du couvent est telle que les deux religieuses imagineront alors un faux miracle pour ramener la communauté à la quiétude.