Graham Sutherland (1903-1980) - Francis Bacon (1909-1992) - Lucian Freud (1922-2011) - Frank Auerbach (1931) - Leon Kossoff (1926)  - Lawrence Durrell (1919-1990), "The Alexandria Quartet" (1957) -  Iris Murdoch (1919-1999), "The Sea, The Sea" (1978) - Mervyn Peake (1911-1968) - Evelyn Waugh (1903-1966), "A Handful of Dust" (1934) - Malcolm Lowry (1909-1957), "Under the Volcano" (1947) - .....

Last update: 12/29/2016

 

La Figuration de l'après-guerre en Angleterre

La violence de la Seconde Guerre mondiale et l'angoisse qu'elle a entraînée se reflètent dans l'art. La peinture figurative recueille l'héritage de l'expressionnisme et du surréalisme, associant l'âpreté de l'un et l'ambiguïté de l'autre. Les artistes se tournent vers les aspects les plus sombres de l'existence humaine : les artistes représentatifs de la figuration ne peuvent pas retrouver le visage d'avant-guerre de ce mouvement. En Angleterre, Graham Sutherland, Francis Bacon, Lucian Freud manifestent, chacun dans son style propre, les ravages psychologiques provoqués par la guerre.

(Walter Nessler (1912-2001) - "Premonition", 1937, Royal Air Force Museum, Hendon) 

 

Graham Sutherland (1903-1980)

La Seconde Guerre mondiale semble avoir détruit tout espoir de représentation humaine, reste un cri de douleur à tenter de restituer dans les décombres de l'existence ...

Au sortir de la guerre, la figure humaine semble avoir disparu (The Laughing Woman, 1946, New Walk Museum & Art Gallery - Leicester) dans un  chaos organique aux couleurs éclatantes, une sorte de nature instable et menaçante impose ses entrelacs végétaux et animaux (Horned Forms, 1944, Tate Britain - London & Museum of Modern Art - New York) * Green Tree Form: Interior of Woods (1940, Tate Britain, London) * Horned Forms (1944, Tate Britain), Welsh Landscape with Roads (1936, Tate Britain),*  Devastation, 1941: East End, Wrecked Public House (Tate Britain), * Devastation, 1941: East End, Burnt Paper Warehouse (Tate Britain), * Tapping a Blast Furnace (1942, Tate Britain), Feeding a Steel Furnace (1942, Tate Britain), * Furnaces (1944, Tate Britain)...

 

A partir des années 1950, Graham Sutherland réalise de nombreuses œuvres religieuses, et la figure du Christ constitue pour ce catholique converti en 1926 une préoccupation de base :  "The Crucifixion" (1946, St Matthew's church,  Northampton), sorte d'interprétation moderne de la Crucifixion de Matthias Grünewald, dont elle rappelle les distorsions et les audaces de couleur, et une tapisserie, "Christ in Glory in the Tetramorph", dessinée pour la cathédrale de Coventry (1962).

Réapparaissent dans les années 1950 des portraits, œuvres de circonstance commandées par des personnalités célèbres, sobres, réalistes mais visant à restituer la vérité humaine à travers une intense pénétration psychologique : "Graham Vivian Sutherland" (1977, National Portrait Gallery - London; "Edward Sackville-West" (1954, coll. part.), "Helena Rubinstein" (1957, Museum of Modern Art, New York), "Cuthbert Aikman Simpson" (1967, University of Oxford - Christ Church College), "Milner Gray" (1979, National Portrait Gallery - London), "Lord Goodman" (1974, Tate Britain), "Portrait of Somerset Maugham" (1949, Tate Britain - London), "Sir Winston Churchill" (1954, destroyed)...

Les tableaux des années 1960 de Sutherland semblent enfin s'apaiser, la lumière estompe les contours heurtés d'hallucinations ou de formes inanimées restaurées dans un milieu naturel (Form over River, 1972, Tate Britain) . Néo-romantique, "War painter", Sutherland est alors l’un des artistes de l’ Ecole de Londres avec Lucian Freud, Ronald B. Kitaj , Michael Andrews , Frank Auerbach , Leon Kossoff et Francis Bacon.


... at Wheeler's Old Compton Street, London, 1963, Lucian Freud, Francis Bacon, Frank Auerbach, Michael Andrews  (The John Deakin Archive)


Francis Bacon (1909-1992)

Les personnages de Bacon, à la limite de la désagrégation ou de la déformation d'un phénomène optique, incarnent des forces vitales invisibles à partir de postures paradoxalement quotidiennes...

Bacon peint d'étranges métamorphoses, préludant à l'apparition de quelque chose de monstrueux. Dans son "Etude d'après le portrait du pape Innocent X par Vélasquez" (1953, DesMoines, Art Center), la figure du pontife est comme traversée de courants d'énergie destructeurs qui semblent la promettre à la dissolution. C'est une composition d'esprit surréaliste, mais toute chargée d'une angoisse expressionniste poussée à l'extrême. Autant la douleur du cri du peintre Edvard Munch paraissait intériorisée, autant celle de Bacon est dotée d'une puissance sonore lancinante. "Ce pape, déclare-t-il au critique anglais D.Sylvester, me hante et m'ouvre à toutes sortes d'impressions et même, allais-je dire, de domaines de l'imagination. » Le pape, bizarrement affublé des lunettes de Pie XII est enserré à la fois par le dossier et les côtés rigides du siège pontifical et, comme souvent les sujets de Bacon, par une cage transparente. Ces cages sont destinées, selon le peintre lui-même, à « enfermer le modèle pour mieux le saisir ». 

Figures in a Garden (1936, Tate Britain - London), Painting (1946, Museum of Modern Art - New York), Study of a Dog (1952, Tate Modern - London), Study for Portrait VII (1953, Museum of Modern Art - New York), Figure with Meat (1954, Art Institute of Chicago), Seated Figure (1961, Tate Britain - London), Portrait of George Dyer in a Mirror (1968, Museo Thyssen-Bornemisza), Study for Bullfight No.1 (1971, Museo de Bellas Artes de Bilbao), Triptych - August 1972 (1972, Tate Britain - London), Three Figures and Portrait (1975, Tate Modern - London), Second Version of Triptych 1944 (1988, Tate Britain - London)...

Three Studies for the Portrait of Henrietta Moraes (1963, Museum of Modern Art - New York), Three Studies for a Self-Portrait (1979-1980, Metropolitan Museum of Art - New York, NY), Three Studies of Isabel Rawsthorne (1965, Sainsbury Centre for the Visual Arts (University of East Anglia) - Norwich) ...


Lucian Freud (1922-2011)

Lucian Freud semble esquisser un monde humain essentiellement érotique, mais ce qu'il restitue avec une puissance d'expression inégalable, c'est l'usure inexorable que produit le simple fait d'habiter son corps...
Dans de multiples portraits de Lucian Freud, des yeux effrayés animent des visages durs, comme façonnés par l'angoisse (John Minton, 1952, London, Royal College of Art; Girl with Roses, 1948, London, The British Council). "Je peins des gens non pas à cause de ce qu'ils sont, ni tout à fait en dépit de ce qu'ils sont, mais selon la manière dont ils sont." Visible dans ses tableaux, on prend souvent comme une forme de cruauté l'intensité du regard scrutateur du peintre anglais, petit-fils du fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud et dont le talent ne sera reconnu que dans les années 1970–1980 avec, en 1974, l'exposition rétrospective de ses œuvres à la Hayward Gallery (London). Au milieu des années 1960, c'est principalement le corps féminin qui anime ses nombreuses oeuvres, et ce sont plus des portraits dénudés que des nus que Freud exécute.

Girl with a White Dog (1951-1952, Tate Britain - London), Girl in a Dark Dress (1951), Francis Bacon (1952, Tate Modern - London), John Minton (1952, Royal College of Art), Painter Working, Reflection (1957), A Young Painter (1958), The Painter's Mother II (1972), Frank Auerbach (1976), Susie(1988, Museum of Fine Arts - Boston), Queen Elizabeth II (2000-2001, Royal Collection Trust, Buckingham Palace)...

Figure with Bare Arms (1962), Naked Portrait (1972-1973, Tate Modern - London), Portrait of Rose (1978-1979), Naked Girl with Egg (1980), Naked Portrait with Reflection (1980), Naked Portrait (1980-1981), Reflection (Self Portrait, 1985), Girl with Closed Eyes (1987), Blonde Girl on a Bed (1987), Naked Man Back View (1992, Metropolitan Museum of Art - New York), Evening in the Studio (1993), Small Naked Portrait (1993-1994, Ashmolean Museum - University of Oxford), Big Sue (1995), Naked Portait and a Green Chair (1995), Sleeping by the Lion Carpet (Sue Tilley, 1996), Night Portrait Face Down (1999-2000)...


Frank Auerbach (1931)

Peintre anglais appartenant au groupe de peintres dit de « l'École de Londres », avec Francis Bacon, Lucian Freud, Leon Kossoff et Michael Andrews, Auerbach pratique une technique de lourds empâtements pour peindre des portraits de relations très proches et des paysages urbains londoniens. 

Frank Auerbach - Self-portrait, 1958 (Daniel Katz Gallery, London and Marlborough Fine Art) - Half-length Nude (1963, Tate) - The Sitting Room (1964, Tate Modern - London) - The Origin of the Great Bear (1967-1968, Tate Modern - London) - Bacchus and Ariadne (1971, Tate Modern - London) - Rimbaud (1976, Tate Modern - London) - JYM1 (1981, Southampton City Art Gallery) - Interior Vincent Terrace (1982-1984, Tate) - Hampstead Road, High Summer (2010, Tate) - Head of William Feaver (2003 - Tate)...


Cette période d'après-guerre est incontestablement une nouvelle période pour la littérature anglaise, l'école dite moderniste anglaise qui rassemblait les écrivains de Conrad à Woolf, cède à de nouvelles techniques d'écriture, plus proches du cinéma, moins indifférentes à la réalité sociale, plus engagées à tenter de comprendre le désastre moral et existentiel qui s'empara graduellement des esprits les plus éclairés à l'issu de la Seconde Guerre mondiale. Evelyn Waugh, Graham Greene, George Orwell, Anthony Burgess, Malcolm Lowry sont aux antipodes les uns des autres, mais tous posent désormais au centre de leurs interrogations la question du libre-arbitre dans une société qui semble par nature annuler toute possibilité de choix des individus .. "What's it going to be then, eh?"


Lawrence Durrell (1919-1990)

L'une des finalités de l'écriture est pour Durrell de "résumer par une sorte de métaphore la cosmologie de l'instant particulier dans lequel nous vivons." Né en 1912 aux Indes coloniales, au pied de l'Himalaya, citoyen anglais d'ascendance irlandaise, élevé à Canterbury, il entreprend en 1935 une correspondance avec Henry Miller après le choc du "Tropique du cancer", se réfugie à Corfou et y écrit son grand livre de la révolte absolue, "Le Carnet noir" (The Black Book, 1938), sous l'influence de Shakespeare et de D. H. Lawrence. De cette Grèce qu'il aime à en mourir, avec "la pauvreté nue qui donne la joie sans l'humiliation", il part pour rejoindre l'Égypte, en pleine Seconde Guerre mondiale, Alexandrie, ce "grand pressoir de l'amour". C'est à partir de là qu'il va privilégier désormais l'espace sur le temps: "tout ce qui sort de moi est un paysage."  Dès lors, employé par le Foreign Office et le British Council, Durrell, il retrouve la Grèce, à Rhodes, , puis Bel­grade,  Chypre;  et c'est en France, dans le Gard, à Sommières, qu'il achève "Le Quatuor d'Alexandrie" et se consacre entièrement à l'écriture. Les cycles romanesques comportent "The Revolt of Aphrodite" (Tunc, 1968 - Nunquam, 1970) et "The Avignon Quintet" (Monsieur, or The Prince of Darkness , 1974 - Livia, or Buried Alive, 1978 - Constance, or Solitary Practices, 1982 -Sebastian, or Ruling Passions, 1983 - Quinx, or The Ripper's tale, 1985)

 

Le Quatuor d'Alexandrie, 1957 (The Alexandria Quartet)

Lawrence Durrell  rencontre sa nouvelle femme, Eve Cohen, à Alexandrie, et toutes deux nourriront le roman par lequel il accédera à la postérité, "Le Quatuor d’Alexandrie". Ecrits entre 1957 et 1960, les quatre romans qui constituent ce Quatuor allie donc une histoire d’amour sur fond d'une ville éclatée entre communautés et en équilibre précaire,  composée comme une symphonie à quatre mouvements, chaque mouvement correspondant au point de vue d'un personnage différent, tout en contribuant à la compréhension de l'ensemble de l'oeuvre. Dans "Justine" (1957), le narrateur, Darley, tente d'organiser les souvenirs de son aventure amoureuse avec Justine et de son amitié avec son mari Nessim : les deux amants affrontent une angoisse progressive face à la jalousie de Nessim. Le deuxième volume, "Balthazar" (1958), dévoile les corrections apportées par Balthazar au premier récit et semble dégager une dimension politique. Le troisième volume, "Mountolive" (1958) semble vouloir refaire un point sur l'histoire initiale mais en jouant la carte de l'objectivité ou de la réalité officielle. Avec "Clea" (1960), tout est remis en question, Darley retourne à Alexandrie pour une dernière rencontre avec ses personnages, le temps a passé et sa passion pour Justine semble morte. Le lecteur est ainsi dans l'obligation de réorganiser constamment son appréhension du texte, comblant les vides, réajustant les perspectives, tout en plongeant, non sans plaisir, dans des trames et des intrigues qui semblent s'emboiter constamment.

"Heed me, reader, for the artist is you, all of us - the statue which must disengage itself from the dull block of marble which houses it, and start to live.." ("Ecoute-moi lecteur, car l'artiste c'est toi, c'est nous tous : nous sommes cette statue qui doit se dégager du triste bloc de marbre qui l'enferme et commencer à vivre").

 


Iris Murdoch (1919-1999)
Née à Dublin dans une famille anglo-irlandaise, Iris Murdoch a vécu en Angleterre, à Oxford, où elle enseigne la philosophie dès 1948 et publie en 1953 un ouvrage sur Sartre ("Sartre : Romantic Rationalist"). Elle aborde ensuite le roman : c'est en 1954 qu'elle publie son premier roman, "Under the net", puis  s'enchaînent "The Bell" (1958), "A Severed Head" (1961)," The Red and the Green" (1965), "The Nice and the Good" (1968), "The Black Prince" (1973), "Henry and Cato" (1976), "The Sea, the Sea" (1978, Booker Prize), "The Philosopher’s Pupil"v(1983), "The Good Apprentice" (1985), "The Book and the Brotherhood" (1987), "The Message to the Planet" (1989), "The Green Knight" (1993). Le grand amour de sa vie, Franz Steiner, mourut dans ses bras en 1952, et épousa John Bayley, plus jeune qu'elle et professeur à Oxford.

Ses romans ont tous une dimension philosophique, analysant comment les tendances profondes des individualités se dévoilent dans les contradictions des jeux de rencontres, comment les relations qui s'établissent portent en elles le rapport dangereux, à la fois désirable et incertain,  de toute-puissance et d'abandon : il faut, semble-t-il, le plus souvent échapper aux sentiments de fascination  et d'illusion que portent en eux ces personnages auxquels on s'attache, pour devenir enfin soi-même. Fascination amoureuse, mais aussi intellectuelle ou affective : "L'art est une tentative pour atteindre la toute-puissance par le moyen de la fantaisie personnelle", écrira-t-elle. Cette grande dame de la littérature britannique qui fascinera bien des lecteurs succombera avec douleur à la maladie d'Alzheimer.

 

Sous le filet (Under the Net, 1954)
Irish Murdock, au lendemain de la Seconde mondiale et dans ce sentiment de liberté qui semble s'emparer de tous les esprits, s'interroge sur nombre de questions existentielles, notamment à propos d'un thème qui lui est cher, la contestation de la conception existentialiste de la liberté. C'est dans ce contexte que nous suivons ici les aventures de Jack Donaghue, jeune écrivain déraciné et pauvre, sans domicile ni obligation, qui savoure enfin sa liberté, s'engage dans une relation pour obtenir un toit et un lit; mais une suite de malentendus l'obligent à se rendre compte que les autres possèdent une existence en dehors de sa seule perception..

 

Les Cloches (The Bell, 1958)
C'est, au dire de la critique, l'un des meilleurs premiers romans d'Iris Murdoch. Le roman met en scène des personnages représentatifs d'une humanité déconcertée, retirée dans une abbaye bénédictine, Imbert Court. Ils n'ont pu s'intégrer à la société compte tenu de leurs attentes spirituelles, mais leur soif de vie ne leur permet pas non plus de s'adonner à une existence purement contemplative. Le groupe se désagrège progressivement avec l'arrivée de deux autres personnages, Dora Greenfield et Toby Gashe, qui portent eux le jeu subtil du désir et du renoncement.

 

Une tête coupée (A Severed Head, 1961)
Ce roman satirique anticipe la révolution sexuelle qui s'abattit sur la Grande-Bretagne des annés 1960 et 1970. Le mariage, l'adultère, l'inceste, l'avortement agitent les relations de pouvoir d'un groupe de personnages issus de la classe moyenne et se pensant au-dessus de tout problème vital ou moral. "Martin Lynch-Gibbon, qui se prélasse un après-midi dans l'appartement de sa maîtresse, réfléchit à sa vie. Il n'a aucune intention de quitter sa femme, Antonia, plus âgée que lui, mais se délecte de sa liaison avec Georgie. Vaguement conscient des besoins affectifs de sa maîtresse, Martin est un personnage obtus et suffisant, qui a grand besoin d'une éducation morale. Celle-ci se présente sous la forme de Honor Klein, anthropologue fascinante et démoniaque ..."

 

La Mer, la mer (The Sea, The Sea, 1978)
C'est le roman qui lui apporta la célébrité. Alternativement pathétique et absurde, le roman tourne en ridicule l'égocentrisme du personnage principal, après la mer, Charles Arrowby, vieil acteur fatigué, retiré dans une maison délabrée pour écrire ses mémoires, dont le point central doit être sa liaison avec une célèbre actrice, Clement Makine. Il ne parvient pas à échapper à son passé et doit ainsi affronter une douloureuse découverte de soi, quant au projet autobiographique, il n'aboutira pas.

 


Mervyn Peake (1911-1968)

Mervyn Peake est né et a vécu en Chine jusque dans les années 1920. Il poursuit à partir de 1939, en Angleterre, une activité d'illustrateur tant d'ouvrages qu'il rédige lui-même (Captain Slaughterboard, Rhymes without Reason) que de classiques de la littérature (Les contes de Grimm, Alice au Pays des Merveilles, L’Île au trésor). En 1945, alors qu'il est peintre de guerre pour une revue anglaise, il est un des premiers à découvrir l'horreur des camps de concentration en Allemagne et cette expérience ne sera pas sans influence sur ces oeuvres à venir. Il débute véritablement en 1946  sa carrière d'écrivain et rejoint le courant littéraire de la "fantasy" dont J. R. R. Tolkien sera dans les années 1950 le représentant le plus connu (Le Seigneur des anneaux, archétype du roman médiéval-fantastique). Il publie "Titus Groan" (Titus d'Enfer), puis "Gormenghast", en 1950, Boy in Darkness (Titus dans les ténèbres) en 1956.  


Evelyn Waugh (1903-1966)
Né à Londres dans une famille de classe moyenne, Evelyn Waugh vit successivement trois tranches de vie très différentes. La première le voit quitter Oxford sans diplôme, mener, de 1922 à 1924, une vie dissolue d'esthète, épouser Evelyn Gardner et publier son premier roman, "Decline and Fall", satire de l'Angleterre des années vingt et jeu de massacre de l'establishment britannique dans ce qu'elle a de plus représentatif, l'éducation, l'aristocratie, la religion, le sport : le succès est énorme, il devient le représentant attitré du nonsense et inconditionnel des fêtes les plus débridées qu'organisent les fameux "Bright Young Things" qui sévissent dans le Londre aristocrate ( Stephen Tennant, Brian Howard, les soeurs Mitford). Avec son divorce en 1930, une seconde période débute : il publie deux romans particulièrement sarcastiques, "Vile Bodies" (1930, Ces Corps vils), puis "Black Mischief" (1932, Méchanceté noire), et surprend tout le monde en se convertissant au catholicisme : le voici défendant désormais les valeurs éternelles de la vieille Angleterre. Une troisième période le voit gagner en maturité, voyager énormément (Méditerranée, Brésil, Éthiopie, Mexique), et en 1939, il est engagé volontaire dans les Commandos. La publication de "Brideshead Revisited" (1945) confirme son adhésion au conservatisme et lui permet d'acquérir une stature internationale, parfois discutée.  Suivent "The Loved One" (1948, Le Cher Disparu), "The Ordeal of Gilbert Pinfold" (1957) et l'ultime "Sword of Honour".

 

"Decline and Fall" (1928, Evelyn Waugh, Grandeur et décadence)
 "C'est l'histoire de Paul Pennyfeather, un jour déculotté par ses camarades d'Oxford et injustement renvoyé de son université pour indécence... Le chemin de Pennyfeather, devenu professeur au pays de Galles, va croiser celui d'une aristocrate qui dirige (sans qu'il le sache) une chaîne de bordels en Amérique du Sud. Alors qu'il est sur le point d'épouser la fille de cette dernière, la vérité éclate sur l'affaire de traite des blanches, et Pennyfeather se retrouve – injustement, à nouveau ! – dans le box des accusés, puis en prison. À sa sortie, il s'invente un nouveau personnage, cousin de lui-même, et reprendra une vie de méditation. Placé sous le signe de ses grands prédécesseurs : Saki, Firbank et Oscar Wilde, le premier roman d'Evelyn Waugh est aussi son premier chef-d'oeuvre. Grandeur et décadence, satire hilarante de l'Angleterre des années 1920, est une parodie du roman d'apprentissage et du récit picaresque. Car si Evelyn Waugh est considéré avec Graham Greene comme l'un des plus grands écrivains catholiques anglais, il est aussi l'un des humoristes les plus féroces du siècle dernier. Institution britannique par excellence, l'humour décapant dont il use sans parcimonie lui permet de laisser libre cours à une satire parfois méprisante, toujours acerbe, d'une civilisation ou les valeurs fondamentales ont depuis longtemps fait naufrage. Ainsi ce roman n'épargne-t-il rien ni personne. Éducation, aristocratie, religion, sport : aucun des fleurons de l'Empire n'échappe au jeu de massacre.." (Editions Robert Laffont)

 

"A Handful of Dust" (1934, Evelyn Waugh, Une Poignée de cendres)
"Une satire formidable et irrévérencieuse de la bonne société anglaise et de ses travers les plus conservateurs. Tony Last est le propriétaire heureux et fier de Hetton, un domaine campagnard néogothique, et le mari moins heureux, quoique toujours épris, de Lady Brenda. La vie de Tony, avec sa femme et leur fils John Andrew, semble parfaite, jusqu'au jour ou Brenda rencontre John Beaver, un jeune mondain ambitieux et avide d'argent, et le prend comme amant. Après la mort accidentelle de John Andrew, propice à un quiproquo des plus tragiques, Brenda et Tony s'accordent sur un divorce qui ressemble fort à un jeu de dupe. Mais quand il comprend que le divorce lui coûterait la perte de Hetton, Tony fait volte-face et décide de s'embarquer aux côtés d'un explorateur douteux pour l'Amérique latine. Fatalement, l'expédition tourne à la catastrophe, et, alors qu'à Londres Brenda est abandonnée par son jeune amant, le pauvre Tony tombe malade, manque de mourir, puis est capturé dans la jungle par un ermite fou, qui l'oblige à lui lire à haute voix les oeuvres complètes de Charles Dickens jusqu'à la fin de ses jours. Sous la plume acérée de Waugh, toujours juste et pleine d'humour, la bonne société anglaise des clubs, des châteaux et des soirées mondaines en prend pour son grade et se révèle dans toute son inauthenticité : alors que tous les personnages sont caractérisés par une évidente inadéquation de leur vie à leur être, Waugh désigne le seul et unique moteur qui fait se mouvoir toutes choses : l'argent." (Editions Robert Laffont)

 

"Brideshead Revisited" (1945, Evelyn Waugh, Retour à Brideshead)
La guerre a changé Waugh : le monde est inacceptable en l'abscence de Dieu. "C'est au-travers d'une grande fresque, enluminée de personnages plus excentriques les uns que les autres, sur les moeurs et l'art de vivre de l'aristocratie anglaise qu'Evelyn Waugh s'était juré de «suivre les cheminements de la volonté divine au sein d'un monde païen». Humour, cynisme et gravité mêlés font de ce roman le plus célèbre de l'auteur." (Editions Robert Laffont)

 

"The Loved One" (1948,  Evelyn Waugh, Le Cher Disparu)
"Hollywood, fin des années 1940. Lorsque Francis Hinsley, un employé modèle des studios Megalopolitain apprend son licenciement en découvrant un inconnu assis à son bureau, il ne voit qu'une seule issue possible : la pendaison. Son jeune ami et poète, Dennis Barlow, est chargé par la communauté anglaise d'organiser les obsèques, qui devront être assez grandioses pour pouvoir accueillir tout le gratin hollywoodien. Barlow abandonne donc un temps son poste aux Bienheureux Halliers, une entreprise de pompes funèbres animalières, pour Los Angeles. Il se rend aux Célestes Pourpris, les spécialistes du rite funéraire pour célébrités et découvre un monde ou la devise est « Entre étranger, et sois heureux », ou la mort est vendue comme des vacances de luxe, ou les clients sont appelés les « Chers disparus » et les proches les « Délaissés ». Spectateur incrédule, il suivra également les périgrinations de Mr. Joyboy, un embaumeur de génie et de Aimee Thanatogenos, une cosméticienne qui règle sa vie sur les conseils du journal local. Bijou d'humour noir, Le Cher disparu dépeint avec une certaine cruauté l'Amérique et ses travers. Cette satire originale des milieux funéraires donne le ton d'une oeuvre dédiée à la critique cynique de notre civilisation." (Editions Robert Laffont)


Malcolm Lowry (1909-1957)

Né dans le port anglais de Birkenhead, Malcolm Lowry s'engage à dix-huit ans comme steward pour aller jusqu'en Chine, puis comme chauffeur sur un cargo, d'où il ramène un roman, "Ultramarine" (1933) et son alcoolisme. C'est au Mexique, en 1939,  qu'il débute son roman "Au-dessous du volcan" (Under the Volcano, 1947), roman qu'il remanie pendant dix ans, et qui décrit sur onze chapitres la dernière journée du consul anglais Geoffrey Firmin et de sa femme, Yvonne, qu'il retrouve après une pénible séparation, et ce jusqu'au terrible ravin de Parián où il meurt. Entretemps, il a fréquenté un hôpital psychiatrique, vu sa première femme, Jan Gabrial, le quitter, et rencontré Margerie Bonner (1939), actrice et écrivain elle-même, qui le stabilise un peu et avec qui il vit dans une cabane, sur un bras de mer non loin de Vancouver. En 1955, ils quittent le Canada pour l'Europe, mais son alcoolisme devient dipsomanie, et le 27 juin 1957, à 46 ans, il est retrouvé mort dans la maison que le couple occupait dans le Sussex.

 

"Au-dessous du volcan" (Under the Volcano, 1947)

C’est la vie d’un homme en perdition, celle d’un alcoolique, d’un Consul britannique démissionnaire, Geoffrey Firmin, exilé au Mexique. C'est un roman maintes fois révisé et qui s'est ainsi enrichi de mille pensées et correspondances symboliques. C'est aussi une histoire d'amour désespérée,  Yvonne, sa femme,  et Geoffrey s’aiment encore, et n’ont jamais cessé de s’aimer mais ne parviennent pas à se rejoindre, ils s'aiment, se trahissent, se détestent, se retrouvent, se perdent : la séparation n’est pas entre eux, elle est en chacun d’eux... Se déroulant entre le lever et le coucher du soleil, le roman est divisé en douze chapitres, comme les douze heures d'un cadran d'horloge, et se déroule simultanément à Quauhnahuac, au Mexique, sur la route menant à Tomalin, sur le chemin de Parian, et dans un bar mal famé. Le premier chapitre est à la fois prologue et épilogue. Le roman débute véritablement au deuxième chapitre, le jour de la fête des morts en 1938. Le consul retrouve sa femme, qui l’avait quitté neuf mois plus tôt et avec qui il est en instance de divorce. Yvonne a trompé Firmin il y a un an avec Jacques Laruelle, un résident de Quauhnahuac. Pendant toute une année, elle n'a cessé de lui écrire, et elle revient au Mexique au moment même sa première lettre arrive à  Quauhnahuac...  John Huston réalisa en 1984 une adaptation du roman, "Under the Volcano", avec Albert Finney, Jacqueline Bisset et Anthony Andrews.

 

«Aussi quand tu partis, Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d'une banquette de troisième classe, l'enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m'en allant dans ma chambre en l'hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d'égorgement en bas dans la cuisine me chassa dans l'éblouissement de la rue, et plus tard, cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? Horreur à la mesure de nerfs de géant !»