Thérapie rationnelle émotive - Albert Ellis (1913-2007), "A Guide to Rational Living" (with Robert A. Harper, 1961), "How to Live with a Neurotic" (1957), "How to Stubbornly Refuse to Make Yourself Miserable About Anything – Yes, Anything !" (1988), "How to Keep People from Pushing Your Buttons"(1994), "How to control your anger before it controls you" (1997)...

Last update : 11/11/2022


Ce sont les pensées qui créent des sentiments, et non l'inverse ... - Au début des années 1960, la psychothérapie cognitivo-comportementale fait son apparition, c'est une de ses premières formes avec "A Guide to Rational Living" (Albert Ellis, Robert A. Harper, 1961). Aaron Beck pensait déjà que la dépression résultait de regards négatifs irréalistes sur le monde, et David D. Burns, en 1980, élaborera des stratégies d'adaptation portant sur les distorsions cognitives si changeantes que sont les pensées, les croyances et les attitudes, et leurs comportements connexes, afin d’améliorer la régulation émotionnelle...

En 1961, Albert Ellis est de ceux qui, après avoir pratiqué la psychanalyse, sous l'influence de personnalités comme Alfred Adler, Karen Horney, ou Erich Fromm, finissent par la rejeter pour une raison commune à cette génération de thérapistes des années 1950 : sonder les expériences traumatiques de l'enfance ne débouche sur rien d'immédiat et de tangible, autant oublier ce "passé traumatisant" et se concentrer sur les problèmes existentiels les plus concrets à résoudre.

Ellis va donc porter toute son attention sur la façon dont les individus peuvent s'embourber dans leurs problèmes par leurs propres pensées et représentations d'eux-mêmes, par exemple en se focalisant de façon irrationnelle sur des obligations qui n'en sont pas. Il théorise ainsi une nouvelle approche, la "psychothérapie rationnelle émotive", qui a pour finalité d'aider les individus à surmonter des attentes qui s'avèrent irréalistes et des croyances irrationnelles. Notre souffrance, notre un mal-être émotionnel ne sont pas provoquées par une situation ou par un destin contraire, mais s'ancrent dans nos croyances et nos pensées.

 

Avec Robert A. Harper, Albert Ellis écrit "A Guide to Rational Living", l’un des livres les plus durables de la littérature de psychologie populaire et qui se vend à plus d’un million d’exemplaires. Depuis sa publication il y a plus de 40 ans, des milliers de titres de la même veine ont été publiés, et, nous dit-on, ces livres continuent de changer la vie des gens. Tout un public s'est porté vers cette nouvelle forme de psychologie, la « thérapie émotionnelle rationnelle » ((RET, qui deviendra par la suite la thérapie rationnelle émotive et comportementale, REBT), qui allait à l’encontre de décennies d’orthodoxies. Que nous dit-on, encore et toujours, que les émotions ne naissent pas de désirs et de besoins refoulés, comme Freud l’a écrit, mais directement de nos pensées, de nos idées, de nos attitudes et de nos croyances. Ce n’est pas l’inconscient mystérieux qui compte le plus pour notre santé psychologique, mais les déclarations humoristiques que nous nous disons tous les jours et qui nous permet de tisser notre philosophie de vie : sans doute, avons-nous renoncer à tenter de raisonner pour fuir bien des enchevêtrements émotionnels. Dans un chapitre intitulé  "The art of never being desperately unhappy" (L’art de ne jamais être désespérément malheureux), Ellis et Harper soutiennent que la misère et la dépression ne sont que des états d’esprit, puisqu’ils se perpétuent sans cesse. Lorsque nous sommes découragés après la perte d’une relation ou d’un emploi, par exemple, c’est tout à fait compréhensible. Cependant, si nous laissons le sentiment s’attarder, il acquiert force et puissance, et tout s'enchaîne pour que nous devenions effectivement le plus malheureux des êtres humains : au lieu d’essayer de voir la situation de façon rationnelle. Il est en effet  «pratiquement impossible de soutenir une explosion émotionnelle sans la renforcer par des idées répétées ».  Et quelque chose ne restera « mauvais » dans notre esprit que si nous continuons à l'entretenir : aussi, la clé d’une bonne vie est d’appliquer la rationalité à la sphère la plus irrationnelle de la vie, les émotions...

Cette quête d’une voie médiane entre les émotions extrêmes, est surgie de la vie même d'Ellis, enfant : une mère bipolaire en difficulté, et un père souvent en voyage d’affaires, la nécessité de prendre sur lui la responsabilité de ses jeunes frères et sœurs, le tout conté dans un style direct, on peut comprendre l'engouement d'un certain public ..



INTRODUCTION TO THE REVISED EDITION - A NEW GUIDE TO RATIONAL LIVING (1961/1975)

"We view A Guide to Rational Living as a somewhat revolutionary book. When it first ppeared, in 1961, it presented to the reading public one of the first books by reputable, experienced psychotherapists that showed people how to deal effectively with their own problems. This occurred a few years before Eric Berne's Games People Play came out; and a long time before such popular books as I'm OK, You're OK and How to Be Your Own Best Friend. 

Even a little earlier, we had anticipated the trend to popular self-help books, since one of us (A.E.) had brought out How to Live with a Neurotic in 1957 and The Art and Science of Love in 1960, and we had jointly authored Creative Marriage-just before writing A Guide to Rational Living in 1961. These former books, however, only dealt with certain aspects of human disturbance and did not cover the wider range of emotional problems. Moreover, they only partly presented the new system of rational-emotive therapy (RET), which got started around the beginning of 1955. 

 

« Nous considérons A Guide to Rational Living comme un livre quelque peu révolutionnaire. Lorsqu'il a été publié pour la première fois, en 1961, il présentait au public l'un des premiers livres écrits par des psychothérapeutes réputés et expérimentés qui montraient aux gens comment gérer efficacement leurs propres problèmes. C'était quelques années avant la parution de Games People Play d'Eric Berne et longtemps avant des ouvrages aussi populaires que I'm OK, You're OK et How to Be Your Own Best Friend. Même un peu plus tôt, nous avions anticipé la tendance aux livres populaires de développement personnel, puisque l'un d'entre nous (A.E.) avait publié How to Live with a Neurotic en 1957 et The Art and Science of Love en 1960, et que nous avions écrit ensemble Creative Marriage - juste avant d'écrire A Guide to Rational Living en 1961. Toutefois, ces ouvrages ne traitaient que de certains aspects des troubles humains et ne couvraient pas l'éventail plus large des problèmes émotionnels. En outre, ils ne présentaient que partiellement le nouveau système de la thérapie rationnelle-émotive (RET), qui a vu le jour au début de l'année 1955. 

 

The Guide ( as thousands of readers and hundreds of therapists have affectionately come to call it during the last decade and a half) easily preempted our earlier writings and developed info the most authoritative and widely quoted work on RET for the general public. Along with Reason and Emotion in Psychotherapy (aimed largely at the professional therapist) it has evolved, we feel happy to state, into a classic in the field. Over the years, we have received literally thousands of letters and oral communications testifying to its helpfulness with many moderately and seriously disturbed individuals. Great numbers of psychotherapists seem to employ it as supplementary reading with their clients. Many of its main tenets and formulations have got copied or paraphrased with or without due acknowledgment, in others' writings. 

 

Le Guide (comme des milliers de lecteurs et des centaines de thérapeutes l'ont affectueusement appelé au cours de la dernière décennie et demie) a facilement devancé nos écrits antérieurs et est devenu l'ouvrage le plus autorisé et le plus largement cité sur la RET pour le grand public. Avec Reason and Emotion in Psychotherapy (destiné en grande partie aux thérapeutes professionnels), il est devenu, nous sommes heureux de l'affirmer, un classique dans le domaine. Au fil des ans, nous avons reçu littéralement des milliers de lettres et de communications orales témoignant de son utilité pour de nombreux individus modérément ou gravement perturbés. Un grand nombre de psychothérapeutes semblent l'utiliser comme lecture complémentaire avec leurs clients. Nombre de ses principes et formulations principaux ont été copiés ou paraphrasés, avec ou sans la reconnaissance qui s'impose, dans les écrits d'autres personnes.

 

Good! For our purpose continues: to take the best wisdom about "human nature" from the past and present-and particularly from the somewhat neglected philosophic writings of Epictetus, Marcus Aurelius, John Dewey, and Bertrand Russell-and to make it widely available, with suitable revisions and additions, to presentday troubled people. We also believe, as part of rational-emotive theory and practice, in the educative aspects of psychotherapy. RET doesn't exactly follow the usual medical model of disturbance, which essentially holds that emotional problems consist of diseases or aberrations, curable by an outside person's (a therapist's) authoritarianly telling people what they have to do to improve. 

Nor does it follow the somewhat similar conditioning model (held in common by both psychoanalysts and classical behaviorists), which claims that humans get made disturbed by early influences, and that they therefore have to get restructured or reconditioned by an outside, parentlike therapist who somehow forces them into new patterns of behaving. It follows, instead, the humanistic, educative model which asserts that people, even in their early lives, have a great many more choices than they tend to recognize; that most of their "conditioning" actually consists of self-conditioning; and that a therapist, a teacher, or even a book can help them see much more clearly their range of alternatives and thereby to choose to reeducate and retrain themselves so that they surrender most of their serious self-created emotional difficulties. In consequence, RET keeps trying to develop a wide range of educative methods of showing people how they behave self-defeatingly and how they can get themselves to change. 

 

C'est bien ! Car notre objectif reste le même : prendre la meilleure sagesse sur la « nature humaine » dans le passé et le présent - et en particulier dans les écrits philosophiques quelque peu négligés d'Épictète, Marc Aurèle, John Dewey et Bertrand Russell - et la rendre largement accessible, avec des révisions et des ajouts appropriés, aux personnes troublées d'aujourd'hui. Nous croyons également, dans le cadre de la théorie et de la pratique rationnelle-émotive, aux aspects éducatifs de la psychothérapie. La RET ne suit pas exactement le modèle médical habituel des troubles, qui considère essentiellement que les problèmes émotionnels sont des maladies ou des aberrations, guérissables par une personne extérieure (un thérapeute) qui dit autoritairement aux gens ce qu'ils doivent faire pour s'améliorer. 

Elle ne suit pas non plus le modèle de conditionnement quelque peu similaire (partagé par les psychanalystes et les comportementalistes classiques), qui prétend que les humains sont perturbés par des influences précoces et qu'ils doivent donc être restructurés ou reconditionnés par un thérapeute extérieur, semblable à un parent, qui les force d'une manière ou d'une autre à adopter de nouveaux modèles de comportement. Elle suit, au contraire, le modèle humaniste et éducatif qui affirme que les gens, même dans leurs premières années de vie, ont beaucoup plus de choix qu'ils n'ont tendance à le reconnaître ; que la plupart de leur « conditionnement » consiste en fait en un auto-conditionnement ; et qu'un thérapeute, un enseignant ou même un livre peut les aider à voir beaucoup plus clairement leur éventail d'alternatives et donc à choisir de se rééduquer et de se recycler de manière à ce qu'ils abandonnent la plupart des graves difficultés émotionnelles qu'ils se sont créées. En conséquence, la RET s'efforce de développer un large éventail de méthodes éducatives pour montrer aux gens comment ils se comportent de manière autodestructrice et comment ils peuvent se changer. 

 

From the start, it has employed the usual methods of individual, face-to-face, and small group therapy. But it also makes notable use of large workshops, lectures, seminars, public therapy demonstrations, tape recordings, films, stories, books, pamphlets, and other mass media presentations to teach people what they unfortunately do to needlessly upset themselves and what they can do, instead, to help themselves emotionally. Although hundreds of therapists in the United States and elsewhere now largely or partly employ RET methods with their clients, and although these therapists have helped benefit thousands of people during the last two decades, it seems likely that five or ten times this number of individuals have significantly changed during this same period of time by reading the Guide and other pamphlets and books on RET. Again: good! If we and other authors can keep up this helpful pace, and if we eventually put psychotherapists out of business (an unlikely result for the near future, as we indicate a little later on in this book), we would find that result great. Meanwhile, we intend to keep trying to contribute to it. 

 

Depuis le début, elle utilise les méthodes habituelles de thérapie individuelle, en face à face et en petits groupes. Mais elle fait également un usage notable de grands ateliers, de conférences, de séminaires, de démonstrations thérapeutiques publiques, d'enregistrements, de films, d'histoires, de livres, de brochures et d'autres présentations dans les médias de masse pour enseigner aux gens ce qu'ils font malheureusement pour se perturber inutilement et ce qu'ils peuvent faire, à la place, pour s'aider eux-mêmes sur le plan émotionnel. Bien que des centaines de thérapeutes aux États-Unis et ailleurs utilisent aujourd'hui largement ou partiellement les méthodes de l'EFR avec leurs clients, et bien que ces thérapeutes aient aidé des milliers de personnes au cours des deux dernières décennies, il semble probable que cinq ou dix fois plus de personnes aient changé de manière significative au cours de cette même période en lisant le Guide et d'autres brochures et livres sur l'EFR. Encore une fois, c'est une bonne chose ! Si nous et d'autres auteurs pouvons maintenir ce rythme utile, et si nous finissons par mettre les psychothérapeutes sur la paille (un résultat peu probable dans un avenir proche, comme nous l'indiquons un peu plus loin dans ce livre), nous trouverons ce résultat formidable. En attendant, nous avons l'intention de continuer à essayer d'y contribuer.

 

Back to this new edition of the Guide. We have tried to add to it another notable, and we think highly revolutionary, aspect. From the start-as perusal of the first edition of the work will show-RET has emerged as a form of "semantic therapy." Dr. Donald Meichenbaum and other researchers have emphasized this aspect of it; and we agree. Uniquely, we have pointed out from the start that, unlike lower animals, people tell themselves various sane and crazy things. Their beliefs, attitudes, opinions, and philosophies largely (though hardly exclusively) take the form of internalized sentences or self-talk. Consequently, one of the most powerful and elegant modalities they can use to change themselves, and particularly to modify their self-defeating emotions and sabotaging behaviors, consists of their clearly seeing, understanding, disputing, altering, and acting against their internal verbalizations. This theory seemed most revolutionary when we  espoused it in the first edition of the Guide. Since that time, it has gotten confirmed by literally hundreds of research studies-largely by clinical, experimental, and social psychologists, many of whom have little to do with psychotherapy-almost all of which demonstrate that when we directly or indirectly induce people to change their beliefs or philosophies about something, their emotions and their behaviors also significantly change. 

 

« ... Revenons à cette nouvelle édition du Guide. Nous avons essayé d'y ajouter un autre aspect notable et, à notre avis, hautement révolutionnaire. Dès le début, comme le montre la première édition de l'ouvrage, l'ERT s'est imposée comme une forme de « thérapie sémantique ». Donald Meichenbaum et d'autres chercheurs ont insisté sur cet aspect, et nous sommes d'accord. Nous avons souligné dès le départ que, contrairement aux animaux inférieurs, les gens se racontent des choses saines d'esprit et d'autres qui le sont moins. Leurs croyances, attitudes, opinions et philosophies prennent en grande partie (mais pas exclusivement) la forme de phrases intériorisées ou de discours sur soi. Par conséquent, l'une des modalités les plus puissantes et les plus élégantes qu'ils peuvent utiliser pour se changer eux-mêmes, et en particulier pour modifier leurs émotions autodestructrices et leurs comportements de sabotage, consiste à voir clairement, à comprendre, à contester, à modifier et à agir contre leurs verbalisations internes. Cette théorie nous a semblé très révolutionnaire lorsque nous l'avons présentée dans la première édition du Guide. Depuis, elle a été confirmée par des centaines d'études, menées principalement par des psychologues cliniciens, expérimentaux et sociaux, dont beaucoup n'ont pas grand-chose à voir avec la psychothérapie. Ces études démontrent presque toutes que lorsque nous incitons directement ou indirectement les gens à changer leurs croyances ou leur philosophie sur un sujet, leurs émotions et leurs comportements changent également de manière significative...."

 

Fine! But after practicing RET for about a decade and after our friends in the general semantics movement pointed out to us that we had developed a technique of applying some of the teachings of Alfred Korzybski more effectively than others had done, we reread the leading general semanticists and quickly discovered the truth of this view. RET does take over where Korzybski left off and advocates that therapists (and writers on therapy) employ semantic methods that often prove most helpful in minimizing emotional disturbances. Once we discovered this, we increasingly and more consciously helped our clients to change their semantic usages so as to concomitantly change their thinking, emoting, and behaving. 

 

Mais après avoir pratiqué la RET pendant une dizaine d'années et après que nos amis du mouvement de la sémantique générale nous aient fait remarquer que nous avions développé une technique pour appliquer certains des enseignements d'Alfred Korzybski plus efficacement que d'autres ne l'avaient fait, nous avons relu les principaux sémanticiens généraux et nous avons rapidement découvert la vérité de ce point de vue. La RET prend le relais de Korzybski et préconise que les thérapeutes (et les auteurs sur la thérapie) utilisent les méthodes sémantiques qui s'avèrent souvent les plus utiles pour minimiser les troubles émotionnels. Une fois que nous avons découvert cela, nous avons aidé de plus en plus consciemment nos clients à modifier leurs usages sémantiques de manière à modifier concomitamment leur pensée, leurs émotions et leur comportement.

 

For example? Well, let us present a few common cases in point. When clients (in individual or group therapy) state, "I must work harder at the office," or "I should not hate my mate," we frequently interrupt them with: "You mean, "It would prove better if you worked harder at the office," or "You preferably should not hate your mate." - When clients state, "I can't stop worrying," or "I find it impossible to diet," we try to get them to change their sentences to "I can stop worrying, but so far I haven't," and "I find it exceptionally difficult to diet-but hardly impossible!" - When people say "I always do badly every time I go to a social affair," we try to get them to change this to "I usually [or often] do badly most of the time I go to a social affair." - When individuals insist, "It would prove awful if I lost my job!" or "How terrible to get rejected!" we try toge them to say and think, instead, "I would find it highly inconvenient if I lost my job," or "I view it as distinctly disadvantageous when I get rejected." - When clients state that "I am a bad person for acting so incompetently," or "I am a worthless individual for treating Smith so badly," we help them to say, instead, "It remains highly unfortunate when I act incompetently but it does not make me a bad person." And: "I behave immorally and badly when I treat Smith so badly, but I cannot get legitimately rated, as either a worthwhile or a worthless individual for any of my actions." 

 

Par exemple ? Eh bien, présentons quelques cas courants. Lorsque des clients (en thérapie individuelle ou de groupe) déclarent : « Je dois travailler plus dur au bureau » ou « Je ne devrais pas haïr mon compagnon », nous les interrompons souvent en disant : « Vous voulez dire : “Il serait préférable que vous travailliez plus dur au bureau” ou “Vous ne devriez pas haïr votre compagnon” : « Vous voulez dire : « Il serait préférable que vous travailliez plus dur au bureau » ou « Il est préférable que vous ne haïssiez pas votre compagnon ». - Lorsque les clients déclarent : « Je n'arrête pas de m'inquiéter » ou « Je n'arrive pas à suivre un régime », nous essayons de les amener à modifier leurs phrases en disant : « Je peux arrêter de m'inquiéter, mais jusqu'à présent, je n'y arrive pas » et « Je trouve le régime exceptionnellement difficile, mais pas impossible ». - Lorsque les gens disent « Je me débrouille toujours mal chaque fois que je vais à une soirée », nous essayons de les amener à modifier leur phrase en « Je me débrouille généralement [ou souvent] mal la plupart du temps lorsque je vais à une soirée ». - Lorsque des personnes insistent sur le fait que « ce serait terrible si je perdais mon emploi » ou que « c'est terrible de se faire rejeter », nous essayons de les amener à dire et à penser plutôt « je trouverais très gênant de perdre mon emploi » ou « je considère comme nettement désavantageux de se faire rejeter ». - Lorsque les clients déclarent : « Je suis une mauvaise personne pour avoir agi de manière aussi incompétente » ou « Je suis une personne sans valeur pour avoir si mal traité Smith », nous les aidons à dire plutôt : « Il est très regrettable que j'agisse de manière incompétente, mais cela ne fait pas de moi une mauvaise personne ». Et : « J'ai un comportement immoral et mauvais lorsque je traite Smith si mal, mais je ne peux pas être légitimement évalué, que ce soit comme un individu valable ou comme un individu sans valeur pour n'importe laquelle de mes actions ».

 


Albert Ellis (1913-2007) 

Né à Pittsburgh, en Pennsylvanie, Albert Ellis étudie à l'université Columbia, où obtient un doctorat en psychologie en 1947 et fait paraître en 1950 son premier ouvrage, "An Introduction to the Principles of Scientific Psychoanalysis".  En 1955, Ellis théorise donc la fameuse "Rational Emotive Behavior Therapy" (REBT), première élaboration de la "thérapie cognitive" (cognitive behavior therapy) qui apprend aux patients à évacuer les pensées qui s'avèrent autodestructrices et se concentrer sur celles qui s'avèrent les plus bénéfiques et permettent d'atteindre l'acceptation de soi ("an action-oriented psychotherapy that teaches individuals to identify, challenge, and replace their self-defeating beliefs with healthier ones that promote emotional well-being and goal achievement").

Cette approche s'applique notamment dans le traitement des individus souffrant d'angoisse et de dépression. Nombre d'ouvrages et d'interventions jalonnent son parcours : "How to Live with a Neurotic" (1957, Comprendre la névrose et aider les névrosés), "How to Stubbornly Refuse to Make Yourself Miserable About Anything – Yes, Anything !" (1988), "How to Keep People from Pushing Your Buttons"(1994), "How to control your anger before it controls you" (1997).

 

Ellis fonde en 1959 l' "Institute for Rational Living" mais c'est le psychiatre Aaron Temkin (1921) qui par la suite, dans les années 1960, fonde véritablement la "thérapie cognitive" ( cognitive behavioral therapies, CBT)et diffuse dans le monde entier ces fameux critères d'une approche qui vise à identifier et remettre en cause des pensées automatiqus mais dysfonctionnelles : se basant pour se faire sur un modèle cognitif à trois niveaux, "Automatic thought", "Intermediate belief", "Core belief or basic belief"...

 

Ellis travailla dès le début de son parcours sur la sexualité humaine, et quelque part, les thérapies cognitives s'appliqueront aux problèmes de couples. En lien avec le fameux zoologiste Alfred Kinsey (1894-1956), - spécialiste pour la postérité des habitudes sexuelles et auteurs des deux livres les plus polémiques dans l'histoire des Etats-Unis, "Sexual Behavior in the Human Male" (1948), "Sexual Behavior in the Human Female" (1953) - Ellis publiera deux ouvrages à succès, "The American Sexual Tragedy" (1954) et "Sex Without Guilt" (1958). Se basant sur des entretiens, Kinsey remet en cause le discours de la middle class sur la sexualité en banalisant un comportement sexuel qui met en jeu d'autres pratiques comme l'homosexualité et la masturbation. C'est une étape fondamentale dans la fameuse révolution dite sexuelle des années 1960. Si Ellis évolua fortement, et très tardivement, dans sa façon d'appréhender l'homosexualité ("Sex and the Liberated Man", 1976), il défendit fortement par ailleurs une attitude très libérale, trop, écriront certains, sur la sexualité.

C'est toujours dans cette même décennie, en 1957, que la psychologue Evelyn Gentry Hooker (1907-1996) présente au congrès de l'American Psychological Association ses travaux sur le fait que les hommes homosexuels ne peuvent être distingués des hommes hétérosexuels sur le critère dit de l'ajustement psychologique ("The Adjustment of the Male Overt Homosexual"). Mais l'homosexualité ne sera retiré de l' "American Psychiatric Association's Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders" que dans les années 1970... 


"How to Stubbornly Refuse to Make Yourself Miserable About Anything: Yes, Anything", written by Albert Ellis (1990)

Écrit par Albert Ellis, fondateur de la thérapie comportementale émotionnelle rationnelle (REBT), "How to Stubbornly Refuse to Make Yourself Miserable About Anything" soutient  l'idée que nos émotions négatives (anxiété, colère, dépression) ne sont pas causées directement par les événements extérieurs, mais par nos croyances irrationnelles à leur sujet.  Ellis propose une méthode pratique pour identifier et contester ces pensées autodestructrices, en les remplaçant par des attitudes rationnelles.

Bien que publié il y a plus de 20 ans, cet ouvrage reste un guide pertinent pour naviguer dans un monde complexe. Il rappelle que la liberté émotionnelle commence par un travail sur soi, un message résonnant particulièrement dans une ère où l'autogestion du mental est à la fois un défi et une nécessité.

 

On rappelle que dans les années 1950, la psychologie était dominée par la psychanalyse (Freud) et le béhaviorisme (Skinner). Ellis, critique envers ces approches, a proposé une alternative axée sur le présent (plutôt que l’exploration du passé), la rationalité (identifier les pensées illogiques),l'action (changer activement ses croyances).

"How to Stubbornly Refuse…" se veut un guide pratique destiné au grand public, où Ellis réexplique et approfondit le modèle ABC de manière accessible. Il y intègre des exemples concrets, des exercices et des conseils pour appliquer le modèle au quotidien....

 

Le modèle ABC (ou ABC de la REBT) a été développé par Albert Ellis lui-même dans les années 1950, dans le cadre de sa thérapie comportementale émotionnelle rationnelle (REBT), une des premières formes de thérapie cognitivo-comportementale (TCC). 

Un modèle qui se présente comme une simplification pédagogique pour illustrer le processus émotionnel :

- A (Activating event) : Événement déclencheur (ex. un échec, une critique).

- B (Beliefs) : Croyances irrationnelles (ex. « Je DOIS toujours réussir »).

- C (Consequences) : Conséquences émotionnelles (anxiété, colère).

Ellis souligne que ce sont les B, et non les A, qui créent la souffrance.

Ellis  ajoute à ce modèle un D (Dispute) et un E (Effective new belief) pour montrer comment contester (D) les croyances irrationnelles et les remplacer par des pensées saines (E).

 

Ellis s’est inspiré de philosophes stoïciens, notamment Épictète (Ier siècle), qui affirmait :

« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur les choses. » L'idée centrale au cœur du modèle ABC est que ce ne sont pas les événements, mais nos interprétations qui déterminent nos émotions ....

 

Le modèle ABC a inspiré Aaron Beck (développeur de la thérapie cognitive) et reste un pilier des thérapies cognitives modernes. Certains reprochent au modèle ABC de simplifier excessivement les émotions humaines (en négligeant les facteurs biologiques ou contextuels). D'autres soulignent que la REBT peut minimiser les facteurs systémiques (inégalités, discriminations) affectant le bien-être. Cependant, son message central, agir sur ses pensées pour ne pas subir ses émotions, reste un pilier de l'empowerment personnel. Son but est avant tout pragmatique : offrir un outil accessible pour agir sur sa souffrance. 


"How to Keep People from Pushing Your Buttons"(1994)

Un ouvrage qui complète et approfondit les principes de la thérapie comportementale émotionnelle rationnelle (REBT) d’Albert Ellis, en se concentrant spécifiquement sur les relations interpersonnelles et les déclencheurs émotionnels provoqués par les autres ...  

 

Alors que "How to Stubbornly Refuse…" traite de la gestion générale des émotions, "How to Keep People from Pushing Your Buttons" se focalise sur les conflits relationnels ..

Les thèmes évoqués, toujours éminemment pratiques  ....

- Comment réagir face aux critiques, aux manipulations, ou aux comportements irritants des autres (collègues, famille, partenaires). Des exemples concrets : un patron exigeant, un partenaire jaloux, un ami négatif.

- Nécessité d'identifier nos « boutons émotionnels »

Ellis décrit comment certaines personnes activent nos croyances irrationnelles (nos « boutons »). Ainsi « Je DOIS être approuvé par tous » (Le Bouton de la peur du rejet) ou « Les autres DOIVENT me traiter équitablement » (celui de la colère face à l’injustice perçue). Le livre nous explique comment désamorcer ces déclencheurs en travaillant sur ses propres exigences rigides.

 

L’ouvrage propose des techniques pour :

- Ne pas internaliser les provocations : « C’est SON problème, pas le mien ».

- Répondre avec calme plutôt que réagir impulsivement (ex. face à une critique agressive).

- Fixer des limites sans culpabilité, en refusant de se laisser contrôler par les attentes des autres.

 

Contrairement au livre de 1990 (axé sur la gestion de soi), celui de 1994 enseigne à anticiper les situations conflictuelles (ex. réunions de famille tendues), à préparer des réponses rationnelles à l’avance pour éviter les réactions émotionnelles excessives.

 

Un concept clé apparaît ici : l’acceptation inconditionnelle des autres (Unconditional Other-Acceptance, UOA), même lorsqu’ils sont irritants ou toxiques. Ellis explique en effet que, 

- « Les gens ne sont PAS OBLIGÉS de se comporter comme vous le voulez ».

- Plutôt que de chercher à changer les autres, il faut agir sur ses propres attentes.

 

Le livre inclut des questionnaires et mises en situation pour identifier vos « boutons » personnels, travailler sur des scénarios relationnels précis (ex. un conjoint passif-agressif, un enfant rebelle).


"How to control your anger before it controls you" (1997)

Ce livre est souvent cité comme une référence en thérapie et en développement personnel, aux côtés d’ouvrages comme "Anger: Handling a Powerful Emotion in a Healthy Way" de Gary Chapman.

Coécrit par Albert Ellis et Raymond Chip Tafrate, cet ouvrage est l’un des plus connus d’Ellis sur la gestion des émotions, et il a inspiré de nombreuses approches modernes de la régulation de la colère.  

Contrairement à ses livres plus généraux sur la REBT, celui-ci se concentre sur la colère, une émotion destructrice souvent liée à des croyances rigides telles que « Les autres DOIVENT agir comme je l’exige ! », ou « C’est INTOLLÉRABLE qu’ils me traitent ainsi ! » ...

Ellis démontre que la colère naît de l’exigence irrationnelle que le monde doive correspondre à nos attentes, et propose des outils pour la désamorcer...

 

Albert Ellis décompose donc les déclencheurs de la colère en analysant comment nos croyances irrationnelles transforment des situations objectives en sources de rage. De là une analyse détaillée des trois principaux déclencheurs qe sont injustices perçues, frustrations et critiques (selon sa perspective REBT) ...

 

1. Injustices perçues : « Ce n’est pas juste ! »

Mécanisme émotionnel mis en oeuvre : la colère surgit quand une situation est interprétée comme une violation de nos règles morales ou sociales. Ellis souligne que ce n’est pas l’injustice elle-même, mais notre exigence absolutiste (« Le monde DOIT être juste ! ») qui crée la réaction explosive. 

Quelques exemples concrets, un collègue est promu alors que vous estimez mériter le poste, un politique corrompu reste impuni, un frère reçoit un héritage jugé disproportionné.

Les croyances irrationnelles sous-jacentes sont les suivantes : « Les gens DOIVENT toujours être équitables envers moi. » ou « C’est INSUPPORTABLE que l’injustice existe. »

La solution REBT va conduire à un recadrage rationnel (« Je préférerais que le monde soit juste, mais il ne DOIT pas l’être. L’injustice est malheureusement une réalité, et ma colère ne la corrigera pas. »), suivi d'une action constructive (Agir pour défendre ses droits (via des canaux légaux, par exemple) plutôt que ruminer) ...

 

2. Frustrations : « Pourquoi ça n’arrive pas COMME JE VEUX ?! »

Mécanisme émotionnel mis en oeuvre : la frustration devient colère quand nous catastrophisons un obstacle (« C’est HORRIBLE que mes plans échouent ! ») et adoptons une mentalité de droit acquis (« Je MÉRITE que tout aille selon mes désirs ! »).

Des exemples concrets, être pris dans un embouteillages (vous ragez contre les autres conducteurs) , avoir des projets bloqués (un client annule une commande importante au dernier moment), ou des attentes non comblées (votre partenaire oublie votre anniversaire).

Les croyances irrationnelles sous-jacentes : « Mes objectifs DOIVENT être réalisés sans entraves. » ou « Si je suis frustré, c’est INTOLÉRABLE, donc je DOIS réagir violemment. »

La Solution REBT va consister à distinguer désir et exigence (« Je préfère que cela se passe comme prévu, mais ce n’est pas une obligation. »), avec une technique d'acceptation radicale (« Le monde est chaotique ; les obstacles font partie de la vie. Ma colère ne résoudra rien. »)

 

3. Critiques : « Comment osent-ils me juger ?! »

Le Mécanisme émotionnel mis en oeuvre : les critiques déclenchent de la colère quand nous les percevons comme une attaque contre notre valeur personnelle, alimentée par des croyances comme « Je DOIS être approuvé par tous ! ».

Des exemples concrets : un manager vous reproche publiquement une erreur, un ami vous dit que vous êtes égoïste, des commentaires négatifs sur vos posts en ligne.

Les Croyances irrationnelles sous-jacentes associées : « Les autres NE DOIVENT PAS me critiquer, sinon cela prouve que je suis nul. » ou « Si quelqu’un me désapprouve, c’est INSUPPORTABLE. »

La Solution REBT consiste en une décentration émotionnelle (« Leur critique ne définit pas ma valeur. Je peux être imparfait sans être inacceptable. ») relayée par un questionnement actif (« En quoi cette critique est-elle utile ? Puis-je en tirer quelque chose, ou est-ce juste une attaque gratuite ? »).

 

Parmi les critiques ou limites de la démarche du contrôle rationnel, on remarquera que les neurosciences montrent que la colère a aussi des bases biologiques (amygdale, cortisol), que la seule cognition ne suffit pas toujours à réguler, et qu'il est des colères légitimes : Ellis reconnaît que certaines colères sont saines (ex. : face à une agression), mais insiste sur la nécessité de les exprimer sans irrationalité destructrice....