The World Of Science Fiction - Wolf Rilla, "Village of the Damned" (1960) - Philip K.Dick (1928-1982), "The Man in the High Castle" (1962), "Do Androids Dream of Electric Sheep?" (1968), "Ubik" (1969), "Flow My Tears, the Policeman Said" (1974). "A Scanner Darkly" (1977) "VALIS" (1981) - Frank Herbert (1920-1986), "Dune" (1965) - "Star Trek", 1966-1969 - Larry Cohen, "The Invaders", (1967) - Ursula K.Le Guin (1929-2018), "The Left Hand of Darkness" (1969), "The Dispossessed: An Ambiguous Utopia" (1974) - Stanley Kubrik, "2001 : A Space Odyssey" (1968) - ...
Last update: 12/12/2020
Rand McNally official map of the Moon. Copyright 1969 by Rand McNally & Company - Lunar landing sites. Modern map of Outer space..
En 1961, le retour triomphal de Youri Gagarine, le premier homme à voyager dans l'espace, après avoir effectué en moins de 2 heures une orbite terrestre à bord de la capsule Vostok 1, à une moyenne de 250 kilomètres d'altitude. En réaction, John F.Kennedy annonce le 25 mai 1961 la naissance du programme Apollo, qui doit emmener un américain sur la Lune avant la fin de la décennie (the U.S. "should commit itself to achieving the goal, before this decade is out, of landing a man on the moon and returning him safely to the Earth"). En 1966, l'Union soviétique réussissait le premier atterrissage sur la Lune avec la sonde Luna 9. L'imaginaire de bien des réalisateurs de cinéma commence alors à produire une Science-Fiction qui va devenir un genre à part entière. Mais on constate que ces réalisateurs vont répugner à s'inspirer d'oeuvres d'écrivains vivants (à l'exception de Ray Bradbury ou de John Wyndham). Enfin, contrairement aux décennies précédentes, la science-fiction traditionnelle de la fin des années 60 et du début des années 70 a atteint une popularité sans précédent à la télévision et au cinéma, avec en pointe l'année 1968 qui voit sortir sur les écrans "Planet of the Apes" (1968), avec Charlon Heston, "2001, L'Odyssée de l'espace", de Stanley Kubrick, "Night of the Living Dead", de George A.Romero...
"Le Village des damnés" (Village of the Damned),
un film d'épouvante et de science-fiction britannique réalisé par Wolf Rilla en 1960, adapté du roman "The Midwich Cuckoos" (1957) de John Wyndham, qui voit la paisible bourgade anglaise de Midwich soudainement isolée du monde et plongée dans l'inconscient une nuit entière, et retrouver sa quiétude le lendemain comme si rien ne s'était passé : mais bientôt, toutes les femmes, même les jeunes filles, découvrirent qu'elles sont enceintes, et neuf mois plus tard, donnent naissance à trente-et-un garçons et trente filles, tous blonds , au regard étrange et d'une intelligence peu commune, mais dotés de pouvoirs télépathiques et étrangement insensibles...
Michael Moorcock, "The Weird of the White Wolf" (1961)
Rédacteur en chef en 1964 du magazine New Worlds qui élargira les frontières de la science-fiction en intégrant des auteurs comme James G. Ballard (The Drowned World, 1962, The Crystal World, 1966, Empire of the Sun, 1984), Thomas M. Disch (Camp Concentration, 1968), Brian Aldiss (Hothouse, The Long Afternoon of Earth, 1962, Barefoot in the Head Faber, 1969), Michael Moorcock (1939) publie en 1967 une singulière nouvelle,"Behold the Man", dans laquelle un voyageur du temps du XXe siècle prend la place dans l'histoire d'un Jésus handicapé intellectuel. La science-fiction de Moorcock se déroule dans le "Multiverse", une infinité d'univers parallèles dans lesquels l'Eternel Champion, un héros solitaire qui prend de nombreuses formes, se bat contre des forces qui souhaitent rompre l'équilibre entre la Loi et le Chaos, sur des milliers et des milliers de pages : les histoires d'Elric de Melniboné, série d'heroic fantasy, débutent avec "The Dreaming City" (1961) et se terminent avec "The White Wolf’s Son" (2005), les romans de Jerry Cornelius, débutent quant à eux, avec The Final Programme (1968) et se terminent avec The Condition of Muzak (1977), le personnage principal erre à travers le XXe siècle sous des apparences allant de l'agent secret au messie et se révèle être un adolescent londonien. En 1972, Michael Moorcock publie "Une Chaleur venue d'ailleurs (An Alien Heat), premier roman du cycle des Danseurs de la fin des temps, qui joue à la fois avec l'uchronie et la science-fiction, en invitant dans un futur très éloigné où règnent des personnages tout-puissants qui vivent leur immortalité d'une façon oisive et puérile, une femme de l'ère victorienne. En 1978, il publie son succès le plus important dans le genre uchronique avec "Gloriana ou la reine inassouvie" (Gloriana or the Unfulfill'd Queen)...
Philip K. Dick n'est pas simplement un auteur de science-fiction ...
c'est un philosophe qui utilisait les concepts de la SF (androïdes, voyages dans le temps, univers parallèles) comme outils pour disséquer l'âme humaine et interroger la nature de notre existence. Son imagination était "inégalée" parce qu'elle n'était pas seulement foisonnante en idées (beaucoup d'auteurs en ont), mais parce que chacune de ces idées était un prisme pour examiner les plus grandes questions qui nous habitent. Il a transformé la SF d'un genre de divertissement en un instrument de réflexion métaphysique, tout en restant un conteur captivant. Le monde d'aujourd'hui, avec ses réalités alternatives en ligne et ses crises d'identité, n'a sans doute jamais autant eu besoin de sa vision.
Son statut est unique : il est à la fois un géant littéraire étudié dans les universités, - aux côtés d'auteurs comme Borges ou Kafka pour ses explorations existentielles -, et une icône de la Pop Culture grâce aux adaptations cinématographiques majeures de ses œuvres : "Blade Runner", "Minority Report", "Total Recall", "A Scanner Darkly", "Adjustment Bureau", etc. Le terme "phildickien" est entré dans le vocabulaire pour décrire une atmosphère de réalité déconstruite et de paranoïa métaphysique ...
Philip K. Dick (1928-1982) est un écrivain américain qui a commencé sa carrière dans l'univers frénétique et peu prestigieux des magazines pulp des années 50 ...
Contraint d'écrire rapidement pour subvenir à ses besoins, il a pourtant développé une œuvre si profonde, visionnaire et personnelle qu'elle a transcendé son genre pour atteindre une reconnaissance littéraire mondiale. De son vivant, il a connu des difficultés financières et une reconnaissance critique limitée, mais depuis sa mort, son influence n'a fait que grandir, consacrée par des prix, une société qui lui est dédiée, et surtout, par de multiples adaptations au cinéma qui ont popularisé ses concepts géniaux auprès du grand public.
Là où beaucoup de SF de son époque explorait l'aventure spatiale ("des cowboys dans l'espace"), Dick a choisi d'explorer les paysages intérieurs de l'esprit, de la perception et de la réalité elle-même. Ses récits obsessionnels tournent autour de questions fondamentales ...
- Qu'est-ce que la réalité ? Ses personnages découvrent souvent que leur monde est une illusion, une simulation, ou une manipulation (Le Maître du Haut Château, Ubik).
- Qu'est-ce qu'être humain ? Il explore cette question à travers des androïdes si perfectionnés qu'ils se demandent eux-mêmes s'ils sont humains (Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?).
- La Nature de Dieu et de la Transcendance : Des expériences mystiques, souvent provoquées par des moyens inattendus (drogues, publicités), sont au cœur de nombreux romans (SIVA, Transmigration de Timothy Archer).
Dick avait une capacité stupéfiante à anticiper les préoccupations du monde contemporain. Ses romans parlent de ...
- Déréalisation et Paranoïa : Dans une société saturée de médias, de publicités et de technologies, son sentiment d'un monde "falsifié" et son exploration de la paranoïa résonnent profondément aujourd'hui.
- Surveillance de Masse : Des décennies avant Edward Snowden, il dépeignait des sociétés où les citoyens sont constamment surveillés (Minority Report, L'Homme dont tout le monde riait).
- Simulations et Réalité Virtuelle : Il a essentiellement inventé le concept de "Matrix" avant l'heure, questionnant notre capacité à distinguer le réel du virtuel.
Dick écrivait sous pression, souvent sous l'influence d'amphétamines, ce qui donnait à sa prose un rythme fiévreux, parfois chaotique, mais d'une inventivité conceptuelle brute et sans filtre. Il ne polissait pas ses idées ; il les déversait sur le papier, créant des univers à la fois bizarres et étrangement familiers, peuplés de personnages ordinaires (le "petit homme") confrontés à des absurdités cosmiques ...
Philip K. Dick a écrit 44 romans publiés de son vivant. Certains manuscrits ont été publiés à titre posthume, portant le total à plus d'une cinquantaine, il a écrit 121 nouvelles publiées, principalement dans des magazines pulp entre 1951 et 1981. Beaucoup ont été regroupées en recueils. Son œuvre romanesque complète représente environ 12 000 à 13 000 pages et ses nouvelles, de longueur variable (20 à 50 pages), ajoutent plusieurs milliers de pages supplémentaires. L'édition intégrale de ses romans en anglais (The Library of America) compte 5 volumes épais de plus de 1000 pages chacun, ce qui confirme cette estimation. Son œuvre est traduite dans plus de 25 langues et les films basés sur son travail ont généré des milliards de dollars de recettes et ont été vus par des centaines de millions de spectateurs.
Sa carrière est un exemple classique de l'école de la "pulp fiction". Il a vendu sa première nouvelle, "Beyond Lies the Wub", en 1951 au magazine Planet Stories pour $125. Dans les années 1950, il a écrit frénétiquement pour des magazines comme If, Galaxy Science Fiction, et Fantastic Universe. Ces magazines payaient très mal (à la page ou au mot), ce qui obligeait les auteurs à être extrêmement productifs pour survivre. Son premier roman," Loterie solaire" (Solar Lottery), fut publié en 1955. Comme beaucoup de ses premiers romans, il fut d'abord serialisé (publié en plusieurs parties) dans un magazine avant de sortir en livre.
Son œuvre a connu une évolution profonde, que l'on peut diviser en trois grandes périodes ...
PKD - La période pulp (années 1950 - début 1960) ...
Des Œuvres de SF "classique" mais déjà très intelligentes, souvent centrées sur des intrigues politiques, des sociétés futures et des inventions technologiques.
"Loterie solaire", "Le Monde des A" (The World Jones Made), "Les Joueurs de Titan" (The Game-Players of Titan). Il produit alors énormément pour gagner sa vie. Ces trois romans montrent l'évolution rapide de Dick depuis ses débuts pulp (Solar Lottery) vers une complexité philosophique croissante (The World Jones Made, The Game-Players of Titan). On y retrouve déjà toutes ses obsessions fondatrices : les systèmes politiques oppressifs, la nature illusoire de la réalité, le destin de l'humanité et la quête de sens dans un univers absurde, le tout souvent enveloppé dans un vernis de satire et de paranoïa.
"Solar Lottery" (1955)
Son premier roman publié. Dans un futur où une oligarchie gouverne le système solaire, le pouvoir est déterminé par un jeu de loterie complexe. Le dirigeant suprême, le "Quizmaster", peut être défié et remplacé à tout moment par un assassin désigné par le système. Le récit suit Ted Benteley, un homme qui quitte un poste stable pour servir un nouveau Quizmaster, seulement pour se retrouver piégé dans un jeu mortel de conspirations et de trahisons.
Ce roman est une parabole politique typique de la guerre froide. Dick explore des thèmes qui deviendront récurrents : la nature arbitraire du pouvoir, l'illusion du libre arbitre dans un système apparemment aléatoire, et le petit homme pris dans des machinations qui le dépassent. C'est un roman d'idées plus que de personnages, où le système politique lui-même est le protagoniste principal. Bien que techniquement moins accompli que ses œuvres ultérieures, il établit déjà son obsession pour les réalités instables et les sociétés oppressives. C'est le point de départ essentiel de sa carrière.
"Minority Report" (nouvelle, 1956)
Impossible de ne pas citer une de ses nouvelles les plus célèbres. Le concept de "précrime" (arrêter les criminels avant qu'ils ne commettent leur crime) y est exploré avec une profondeur philosophique bien plus grande que dans l'adaptation cinématographique. C'est un texte court, percutant et terriblement efficace.
La nouvelle de Philip K. Dick est une plongée dans un futur proche où le crime de meurtre a été quasiment éradiqué grâce au système Precrime. Le système repose sur trois précogs (pré-cognitifs), des êtres humains déficients, maintenus dans une "cuve" et plongés dans un état semi-végétatif. Ils sont le produit d'une expérience gouvernementale sur des enfants de parents ayant consommé une drogue hallucinogene. Ces précogs ont la capacité de voir l'avenir, specifically les meurtres. Leurs visions sont enregistrées sur des "bandes d'acier" et analysées. Lorsqu'ils prévoient un meurtre, la police de Precrime intervient avant qu'il n'ait lieu et arrête le futur meurtrier pour "precrime" (crime pré-pensé). La prédiction est infaillible ; aucun meurtre n'a été commis depuis des décennies.
John Anderton, le personnage principal, est le fondateur et le chef respecté de Precrime. Un homme vieillissant, inquiet pour son poste, qui consomme de la drogue pour supporter la pression. Un jeune et ambitieux colonel, Ed Witwer, est envoyé par l'armée pour évaluer Precrime en vue de le reprendre. Anderton se sent immédiatement menacé. Par un jeu de paramètres, Anderton découvre avec horreur que les précogs ont émis un rapport le concernant : il est censé assassiner un homme qu'il ne connaît pas, Leopold Kaplan, dans les prochains jours. Anderton, le chasseur, devient la proie. Il est traqué par sa propre organisation.
Convaincu que c'est un coup monté par Witwer pour le discréditer et prendre sa place, Anderton s'enfuit pour prouver son innocence. Il cherche à obtenir le "rapport minoritaire" (Minority Report). Le système fonctionne ainsi : les trois précogs produisent initialement trois rapports. Les deux premiers, identiques, forment la "majorité". Le troisième, parfois divergent, est le "rapport minoritaire". Il est supposé être détruit, mais Anderton sait qu'il est archivé. Son objectif est de trouver ce rapport qui pourrait contenir une version alternative du futur où il ne tue pas Kaplan. Après une course poursuite haletante, il finit par récupérer le rapport minoritaire. La révélation est vertigineuse : le rapport ne dit pas qu'il ne tuera pas. Il dit que Anderton aurait eu la possibilité de ne pas tuer. Le précog "minoritaire", Donna, a vu un futur où Anderton, prévenu par la prédiction, renonce à son geste. Le vrai sujet n'est donc pas l'innocence d'Anderton, mais le libre arbitre. Le système Precrime, en annonçant la prédiction, modifie l'avenir et prive les individus de leur choix.
Anderton, poussé par une fatalité paradoxale, rencontre finalement Kaplan. Il découvre que toute cette situation a été orchestrée par Kaplan lui-même. Cet homme, un général à la retraite, hait Precrime car il l'a empêché de recruter des soldats (les meurtriers potentiels arrêtés étaient souvent d'excellents militaires). Pour faire abolir le système, Kaplan a piégé Anderton, sachant que la prédiction le pousserait à agir. Pris de rage, Anderton abat Kaplan, accomplissant ainsi la prédiction. Il est arrêté. La fin est profondément ironique et cynique : Precrime n'est pas abandonné. Anderton, depuis sa colonie pénitentiaire, devient une sorte de héros mythique du système. Witwer prend sa place. Le système continue, basé sur le mensonge que le rapport minoritaire n'existait pas. La quête désespérée d'Anderton pour la vérité n'a servi à rien face à la machine bureaucratique et politique. Le système est corrompu et se maintient coûte que coûte, quitte à ignorer la vérité. Peut-on punir quelqu'un pour un acte qu'il n'a pas commis mais qu'il aurait commis ?
L'adaptation de Spielberg (2002)est un blockbuster hollywoodien spectaculaire qui reprend le concept de base mais en modifie profondément le ton, les personnages et la conclusion. Spielberg sait créer un futur crédible et immersif. L'utilisation de la "sphère" pour visualiser les prédictions est devenue iconique. La direction artistique (voitures magnétiques, publicités ciblées, écrans tactiles) a eu une influence majeure sur la SF moderne. Le film est un thriller à suspense efficace, avec des séquences d'action mémorables (la scène des sphères-pistons, la poursuite dans la fabrique de voitures). Tom Cruise incarne un John Anderton physiquement apte et déterminé, très différent du personnage original mais parfait pour le genre. Mais la nouvelle de Dick est noire, cynique et philosophique, le film de Spielberg est un thriller optimiste et moralisateur avec une fin heureuse. Anderton est un héros innocent qui court pour retrouver son enfant enlevé. La révélation du complot est externe (le directeur de Precrime, Lamar Burgess, veut cacher un crime passé). Anderton gagne, Precrime est démantelé, les précogs sont libérés et vivent paisiblement. Le libre arbitre triomphe.
"The World Jones Made" (1956, Le Monde des A)
Dans un monde post-apocalyptique gouverné par une philosophie strictement déterministe et relativiste ("Fedgov"), toute croyance en une vérité absolue ou en un futur est interdite. Le récit suit l'ascension de Jones, un homme capable de voir exactement un an dans le futur. Sa capacité lui permet de bâtir un mouvement de masse fanatique qui renverse le gouvernement en place, seulement pour instaurer une tyrannie encore plus dogmatique et destructive, fondée sur sa vision inexorable de l'avenir.
C'est l'une des explorations les plus sophistiquées de Dick sur le déterminisme, le fanatisme et les paradoxes de la prédiction. Le livre pose une question brillante : si vous savez exactement ce qui va arriver, êtes-vous condamné à le faire advenir, devenant ainsi l'esclave de votre propre vision ? Jones est un antidote terrifiant à l'apathie du Fedgov, mais son remède est pire que le mal. Le roman est une critique acerbe des idéologies totalitaires, qu'elles soient fondées sur le relativisme ou sur l'absolutisme. Il préfigure des œuvres comme Le Maître du Haut Château par son exploration des réalités alternatives (ici, temporelles).
"The Game-Players of Titan" (1963)
Après une guerre dévastatrice contre les extraterrestres de Titan qui a rendu la majeure partie de l'humanité stérile, la Terre est sous le contrôle vague et bizarre des "Vugs". La société humaine décadente et oisive passe son temps à jouer à un jeu complexe et psychique ("Bluff") qui détermine la propriété de biens et de territoires. Le protagoniste, Pete Garden, voit sa vie basculer lorsqu'il perd sa femme au jeu et se retrouve mêlé à un complot qui pourrait concerner la survie même de l'espèce humaine.
"Les Joueurs de Titan" est un mélange caractéristique de Dick entre absurdité comique et angoisse métaphysique. Sous ses airs de satire sociale sur une aristocratie oisive et joueuse, il aborde des thèmes profonds :
- La fertilité et l'identité humaine : La stérilité est une métaphore de l'impasse existentielle et de la perte de vitalité de l'humanité.
- La réalité perçue : Les Vugs sont des maîtres de l'illusion, semant le doute constant sur ce qui est réel.
Le jeu comme métaphore de la vie : La vie n'est qu'un jeu aux règles obscures contrôlé par des forces extérieures indifférentes – un thème central chez Dick. C'est un roman moins abouti que ses grands chefs-d'œuvre de la même période (comme Le Maître du Haut Château), mais il est emblématique de sa productivité et de sa capacité à mêler le trivial et le profond.
PKD - La période des grands chefs-d'œuvre paranoïaques et métaphysiques (milieu des années 1960 - années 1970) ...
C'est l'apogée de son art. Dick plonge dans des questions beaucoup plus profondes sur la réalité, la perception, l'humanité et la divinité. Son style devient plus psychologique, plus complexe et personnel. Sa consommation d'amphétamines (pour tenir les délais) et ses expériences mystiques (comme l'épisode "VALIS" en 1974) influencent profondément son écriture.
C'est la période de "Le Maître du Haut Château" (1962 - Hugo Award),"Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" (1968), "Ubik" (1969), "Flow My Tears, the Policeman Said"(1974), et "SIVA" (1981).
Philip K.Dick, "The Man in the High Castle" (1962)
Philip K.Dick (1928-1982) est mort, largement ignoré du cercle restreint des grands de la science-fiction après des années de souffrances mentales et d'abus d'amphétamines et d'alcool. Depuis, il est devenu un maître un maître de la fiction imaginative et paranoïaque, dans la veine de Franz Kafka et de Thomas Pynchon. Et si ses récits relèvent de ce genre, c'est qu'il ne s'est pas enfermé dans les pièges de la technologie futuriste, mais recherchant quels en étaient les effets les plus dérangeants tant pour l'environnement que pour les personnages qui le peuple. La publication de sa première histoire, "Beyond Lies the Wub" (1952), puis de son premier roman, "Solar Lottery" (1955), dans lequel les hommes vivent dans un univers régi par un système aléatoire, a lancé sa carrière d'écrivain à plein temps, une carrière marquée par une productivité extraordinaire.
Mais ce n'est que très progressivement qu'allait émerger sa préoccupation centrale, celle d'une réalité en contradiction avec ce qu'elle semblait ou devait être, celle d'environnements illusoires dans lesquels tentent de de se débattre des personnages piégés : "Time out of Joint" (1959, Le Temps désarticulé), dans lequel un margina, Ragle Gumm, s'interroge sur la réalité du monde où il vit. "The Man in the High Castle" (1962), dans lequel il renverse le cours de l'histoire et observe les conséquences d'une Allemagne nazie et d'un Empire du Japon ayant remporté la Seconde Guerre mondiale. "The Simulacra" (1964), campe une société futuriste et totalitaire dominée par une matriarche. "The Three Stigmata of Palmer Eldritch" (1965, Le Dieu venu du Centaure), où, dans des colonies du système solaire, l'homme trompe son ennui en s'abandonnant à des hallicinations collectives, alimenté par une drogue appelée D-Liss et se "translatant" dans des poupées Perky Pat. "Do Androids Dream of Electric Sheep?" (1968, adapté au cinéma par Ridley Scott sous le titre "Blade Runner" en 1982), dans lequel Rick Deckard, chasseur d'androïdes à San Francisco, persiste à vivre sur une Terre dévastée par une guerre nucléaire...
"Martian Time-Slip" (1964)
Le Plus "Dickien" (Paranoïa & Réalité), "Couleur chair" (aka "Glissement de temps sur Mars") est un concentré pur et dur des thèmes de PKD. De la paranoïa, des réalités qui se délitent, des drogues, des conspirations, et la question obsessionnelle : "Suis-je en train de devenir fou ou le monde l'est-il vraiment ?". C'est une descente aux enfers psychédélique et anxiogène, souvent considérée comme un chef-d'œuvre par les fans hardcore.
"Martian Time-Slip" se déroule sur une Mars colonisée, mais loin de l'utopie. La planète est aride, les colonies sont misérables, et la société est rongée par la corruption, les querelles territoriales et la lutte pour le contrôle des ressources rares, notamment l'eau.
L'histoire est centrée sur plusieurs personnages dont les destins s'entrecroisent :
- Jack Bohlen : Un technicien schizophrène en rémission qui tente de recommencer une nouvelle vie sur Mars comme réparateur.
- Arnie Kott : Le chef brutal et égoïste du syndicat puissant des plombiers, qui cherche à étendre son pouvoir.
- Manfred Steiner : Un jeune garçon autiste sévère, considéré comme "attardé" et incapable de communiquer. Il est le fils d'un fonctionnaire important.
Le cœur du roman repose sur une idée géniale : Manfred perçoit le temps de manière non-linéaire. Son autisme lui permet de voir le passé, le présent et le futur simultanément. Il vit dans un "glissement de temps" perpétuel. Arnie Kott, apprenant cette capacité, veut l'exploiter pour prédire l'avenir et devancer ses concurrents dans l'acquisition de territoires. Il engage Jack Bohlen, le technicien, pour construire une machine qui pourrait "traduire" la perception temporelle de Manfred. Mais ce qu'ils découvrent est terrifiant : En se connectant à la vision du temps de Manfred, ils voient l'avenir de Mars – un avenir de décomposition et de déchéance absolue. Ils sont témoins de leur propre vieillissement accéléré, de la putréfaction des bâtiments et des corps, et du vide nihiliste qui attend tout ce qu'ils construisent. La vision de Manfred n'est pas une prophétie joyeuse, mais une plongée angoissante dans l'entropie et la futilité ultime de toute existence.
Le livre questionne la nature de la réalité elle-même. La vision "normale" du temps est-elle la bonne ? Ou est-ce la perception fracturée et horrifiante de Manfred qui révèle la vérité fondamentale de l'univers : que tout est voué à la décomposition ? Le roman est une méditation sur l'inévitabilité du déclin, de la corruption et de la mort. La société martienne est un microcosme de cet effondrement progressif.
"Do Androids Dream of Electric Sheep?" (1968)
"Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" est le livre qui a inspiré le film culte Blade Runner. Bien au-delà de l'intrigue policière sur les chasseurs de primes, c'est une méditation profondément humaine et triste sur l'empathie, ce qui nous définit en tant qu'humains, et notre relation à la vie et à la mort. Le personnage de Rick Deckard y est bien plus fragile et complexe que son homologue cinématographique.
L'histoire se déroule en 1992 (en 2021 dans certaines éditions révisées) à San Francisco, après une guerre nucléaire mondiale appelée "Guerre Mondiale Terminus". La Terre est une planète mourante, radioactive, où une grande partie de la population a émigré vers des colonies martiennes. Pour encourager l'émigration, chaque colon se voit attribuer un androïde de type "Nexus-6" comme serviteur. Rick Deckard est un chasseur de primes dont le travail est de "retirer" (c'est-à-dire tuer) les androïdes Nexus-6 qui se sont échappés de Mars et sont revenus illégalement sur Terre. Ces androïdes sont physiquement et intellectuellement indiscernables des humains, sauf par un test d'empathie, le test de Voigt-Kampff, qui mesure les réponses émotionnelles involontaires. La quête de Deckard pour traquer un groupe de six androïdes fugitifs constitue la trame narrative principale. Cependant, cette chasse se double d'une quête personnelle : dans ce monde dévasté, posséder un animal vivant (devenu rare et extrêmement coûteux) est le signe suprême de statut social et d'empathie. Deckard possède un mouton électrique, une contrefaçon dont il a honte. Sa motivation première est de gagner la prime suffisante pour s'offrir un vrai animal.
En parallèle, nous suivons John Isidore, un "homme spécial", dont l'intelligence a été dégradée par les radiations. Il vit seul dans un immeuble vide et se lie d'amitié avec les androïdes fugitifs, étant trop empathique pour les considérer comme de simples machines. Au fil de sa chasse, Deckard est confronté à la complexité morale de sa tâche. Les androïdes, notamment l'androïde Luba Luft, se montrent sensibles à l'art et semblent parfois manifester plus d'"humanité" que certains humains. Deckard commence à douter : quelle est la vraie différence entre un humain et un androïde ? Et si le test d'empathie lui-même était faillible ?
Le test de Voigt-Kampff ne mesure pas l'intelligence ou la force, mais la capacité à ressentir de l'empathie pour le vivant.
Pour PKD, c'est la qualité fondamentale qui sépare l'humain de la machine. Les humains utilisent un "boîte à empathie" pour se connecter spirituellement à Wilbur Mercer, une figure christique qui endure une souffrance perpétuelle. Cette expérience collective fusionnelle est présentée comme le summum de l'expérience humaine empathique. Les androïdes, eux, ne peuvent pas participer à ce rite.
Le génie de PKD est de saper cette frontière. Certains humains (comme la femme de Deckard) sont apathiques et doivent régler leur humeur avec un "orgue à humeur". À l'inverse, certains androïdes semblent capables de loyauté et de solidarité. L'humain Isidore est plus empathique que quiconque, y compris envers les androïdes.
Do Androids Dream of Electric Sheep? est un pilier de la science-fiction moderne. Là où Ubik explore la nature de la réalité, DADoES explore la nature de l'humanité. C'est un roman profondément humaniste, qui argue que ce n'est pas notre intelligence ou notre apparence qui nous définit, mais notre capacité à ressentir et à partager la souffrance d'autrui.
"Ubik" (1969)
Le Chef-d'œuvre Absolu & le Plus Célèbre - Souvent considéré comme son roman le plus abouti et le plus représentatif de son génie. Ubik est un vertige métaphysique qui explore la nature de la réalité, de la mort et de la perception. L'intrigue, qui commence comme une histoire de télépathes et d'anti-télépathes, bascule complètement dans quelque chose d'indicible et de profondément déstabilisant. C'est un livre où rien n'est ce qu'il semble être, et où la célèbrissime bombe de réalité de PKD ("What is reality?") atteint son paroxysme.
L'histoire se déroule en 1992, dans un futur où les pouvoirs psioniques (télépathie, précognition) sont monnaie courante et exploités commercialement. Le protagoniste, Joe Chip, est un technicien démuni employé par Glen Runciter, le patron de la "Société Runciter", une entreprise qui loue les services de "désactivateurs" (des anti-talents) pour contrer les espions psioniques. Runciter et son équipe, dont fait partie Joe Chip, se rendent sur la Lune pour un contrat important. La mission tourne au désastre : elle s'avère être un piège tendu par une entreprise rivale, dirigée par la talentueuse Jory Miller. Une explosion se produit, apparemment mortelle.
À leur retour sur Terre, la réalité commence immédiatement à se déliter de façon inquiétante. Les objets rétrogressent : les ascenseurs deviennent des cages manuelles, les voitures prennent l'apparence de modèles anciens, les radios deviennent des postes à galène. Pire, le monde semble revenir en arrière, à l'année 1939. Les membres de l'équipe meurent les uns après les autres, victimes de ce processus de dégénérescence accélérée.
Seul Glen Runciter, présumé mort dans l'explosion, semble leur communiquer par l'intermédiaire de messages énigmatiques apparaissant sur des pièces de monnaie ou des publicités. Il les met en garde et leur parle d'Ubik, un produit mystérieux présenté comme un spray, une lotion ou une boisson, qui semble temporairement ralentir la régression de la réalité.
Joe Chip, de plus en plus seul et désespéré, mène une enquête vertigineuse pour comprendre ce qui leur arrive réellement : sont-ils vivants ? Morts ? Dans un état de semi-vie ? Et qui ou quoi est Ubik ?
Ubik est bien plus qu'un simple roman de SF. C'est une plongée anxiogène et philosophique dans la nature de la réalité, de la conscience et de la mort. Dans le monde de Ubik, la réalité est littéralement maintenue par l'esprit collectif. Une fois que cet esprit collectif faiblit (par la mort), la réalité se désagrège et régresse. Le roman suggère que tout ce que nous percevons n'est qu'une construction mentale, extrêmement vulnérable. Les objets familiers deviennent hostiles et trompeurs. Cette instabilité permanente crée un profond sentiment de paranoïa, marque de fabrique de PKD.
PKD invente le concept de "half-life", un état post-mortem où la conscience est préservée dans un "vase frigo" et peut communiquer avec les vivants. Mais dans Ubik, il pousse ce concept plus loin.
PKD - La période philosophique et théologique (fin des années 1970 - sa mort en 1982) ...
Son travail devient explicitement une exploration de ses visions mystiques et de ses questionnements sur la nature de Dieu. La frontière entre la fiction, l'autobiographie et le traité philosophique devient floue.La trilogie "VALIS" (1981), "La Transmigration de Timothy Archer" (1982) sont considérées comme ses œuvres les plus littéraires et philosophiques, dépassant largement le cadre de la SF traditionnelle.
"VALIS" (1981)
Le roman est une autofiction. Le narrateur, Horselover Fat (un jeu de mots sur "Philip" qui signifie "ami des chevaux" en grec, et "Dick" qui signifie "gras" en allemand), est un écrivain de science-fiction désespéré qui vit une expérience mystique en 1974 (tout comme Dick lui-même). Il est frappé par un rayon de lumière rose émanant d'un satellite, qu'il interprète comme une manifestation de VALIS (Vast Active Living Intelligence System), une entité divine/sentinelle extraterrestre qui cherche à communiquer des informations salvifiques à l'humanité. Fat et ses amis se lancent dans une quête à la fois comique et tragique pour comprendre la nature de VALIS, mêlant théologie gnostique, philosophie, psychanalyse et théories du complot.
C'est une tentative littéraire directe de digérer et d'analyser les visions mystiques que Dick a lui-même vécues. Le livre est un laboratoire où il teste ses théories les plus folles sur Dieu, la réalité, la folie et la rédemption.
"The Divine Invasion" (1981)
L'histoire se déplace vers un futur plus conventionnel de science-fiction. Dans un monde où une religion oppressive domine la Terre, Dieu lui-même (sous la forme d'un enfant, Emmanuel) est exilé sur une colonie spatiale. Le livre raconte sa "seconde invasion" sur Terre pour reprendre son royaume au mal qui le contrôle. C'est une allégorie complexe du gnosticisme, où le monde matériel est une illusion maléfique et où la connaissance (gnosis) est la clé du salut.
Dick aborde ici de manière plus narrative les concepts théologiques qu'il a introduits dans VALIS. C'est une mise en scène de ses idées sur la nature du bien et du mal, l'emprisonnement de l'esprit divin dans la matière et la possibilité d'une rédemption cosmique.
"The Transmigration of Timothy Archer" (1982)
Considéré comme son œuvre la plus "littéraire" et mature, ce roman est ancré dans le monde réel (la Californie des années 60-70). Il est raconté par Angel Archer, qui retrace la vie et la quête spirituelle de son beau-père, Timothy Archer (largement inspiré de l'évêque épiscopalien James Pike, un ami de Dick). Évêque progressiste, Archer est déchiré par la mort de son fils et se lance dans une recherche désespérée de preuves de l'au-delà, explorant le mysticisme, les premiers christianismes et même un ancien rouleau qui pourrait contenir les mots du Christ. Sa quête intellectuelle et spirituelle le mènera à sa perte.
C'est une méditation profonde et mélancolique sur le deuil, la foi et les limites de l'intellect face aux mystères de la mort. Dick y critique la tendance à intellectualiser Dieu au point de perdre de vue l'essentiel : la compassion et l'humanité. C'est une élégie et un avertissement.
Ces livres sont une tentative désespérée et géniale de cartographier son propre esprit après les expériences mystiques traumatisantes et exaltantes de 1974. Il utilisait la fiction comme un outil d'investigation philosophique et théologique.
Dick était fasciné par le gnosticisme antique, une religion selon laquelle le monde matériel est une prison créée par un dieu malveillant (le Démiurge) et que la salvation vient d'une connaissance secrète (gnosis) d'un Dieu supérieur et bon. VALIS est une version moderne de ce "Dieu supérieur" qui envoie des informations pour nous réveiller. Son intention était de réactiver ces anciennes croyances pour expliquer l'absurdité et le mal du monde moderne.
Il n'y a plus de frontière entre l'auteur et son œuvre. Horselover Fat est Philip K. Dick. Timothy Archer est inspiré de son ami. L'intention est de créer un nouveau genre : une confession métaphysique, où les détails les plus intimes et douloureux de sa vie (dépression, suicide, drogues, folie) sont utilisés comme matière première pour une enquête sur la nature de l'univers.
Malgré la noirceur des thèmes, l'intention sous-jacente est rédemptrice. Dick cherche désespérément une preuve que derrière l'apparent chaos du monde, il existe une forme de bienveillance, de conscience supérieure (VALIS) qui cherche à nous aider. Ces livres sont le cri d'un homme qui veut croire que nos souffrances ont un sens.
"Divine Invasions: A Life of Philip K. Dick" (Les Invasions Divines) de Lawrence Sutin (1989)
La meilleure biographie relative à notre auteur : Lawrence Sutin, un universitaire et biographe réputé, a eu un accès sans précédent aux archives personnelles de Dick, y compris à ses journaux intimes, sa correspondance massive (plus de 2000 lettres) et les fameux "Exégèse". Il a également interviewé des dizaines de proches, d'amis, d'ex-épouses et de collègues.
Sutin traite son sujet avec un respect immense mais sans être hagiographique. Il aborde de front la santé mentale complexe de Dick, sa paranoïa, son usage de drogues et ses visions mystiques, sans jamais les ridiculiser ni les glorifier excessivement. Il cherche à comprendre plutôt qu'à juger. Sutin mélange habilement un récit chronologique de la vie de Dick avec des analyses thématiques de ses œuvres majeures, montrant comment sa vie influençait directement son écriture.
"I Am Alive and You Are Dead: A Journey into the Mind of Philip K. Dick" (J'étais mort et je n'avais rien compris) d'Emmanuel Carrère (1993), écrite par un grand écrivain et essayiste français, est biographie est très différente de celle de Sutin. Son approche est plus romancée et subjective, à lire comme thriller métaphysique. mais qui prend des libertés avec la chronologie et les faits pour servir son récit et son atmosphère. "Philip K. Dick: Remembering Firebright" de Anthony Peake (2021) se concentre spécifiquement sur les expériences mystiques et métaphysiques de Dick, en particulier l'épisode de "Visions de 1974" et "l'Exégèse".
Au-delà des biographies, l'œuvre la plus révélatrice sur l'esprit de Dick est "The Exegesis of Philip K. Dick" (édité par Pamela Jackson et Jonathan Lethem, 2011). C'est une sélection éditoriale des 8000+ pages de journaux intimes que Dick a tenus les huit dernières années de sa vie, où il a tenté de déchiffrer le sens de ses visions mystiques. C'est un texte labyrinthique, chaotique et génial qui plonge au cœur même de sa pensée. Ce n'est PAS une biographie et ce n'est PAS une introduction. C'est une lecture ardue et complexe réservée aux fans les plus dévoués et aux chercheurs.
James Blish, "A Life for the Stars" (1962)
James Blish (1921-1975), après avoir publié sa première nouvelle, "Emergency Refueling", dans Super Science Stories en 1940, produit une science-fiction jugée la plus sophistiquée des années 1950 avec le premier roman de la série "Cities in Flight", "Earthman, Come Home" (1955), dont l'action se déroule au cours du 4e millénaire de notre ère. Explicitement basé sur les théories historiques du philosophe allemand Oswald Spengler sur le cycle de vie d'une culture, la série couvre 2 000 ans d'histoire. "Earthman, Come Home" (La Terre est une idée) se déroule à New York City, une cité qui voyage parmi les étoiles en utilisant un moteur anti-gravité, le "spindizzy", ou le "gyrovortex" (autre nom), un système de propulsion basée sur l’antigravité, qui permet de faire décoller des villes entières pour échapper ainsi aux conflits terriens. "They Shall Have Stars" (1956, Aux hommes les étoiles), traite de l'invention du "spindizzy" dans le contexte du déclin de la civilisation occidentale au début du 21e siècle. Une nouvelle civilisation interstellaire émerge dans "A Life for the Stars" (1962, Villes nomades) lorsque les villes de la Terre utilisent les "spindizzies" pour s'échapper de leur planète. La série culmine avec "The Triumph of Time" (1958, Le triomphe du temps) qui voit la fin de l'univers et la naissance de nouveaux univers en 4004...
Toujours aussi créatif et ambitieux, James Blish étudie le lien entre religion et science - au détour d'un poème de T.S. Eliot, "Gerontion" (1920), "After such knowledge, what forgiveness?" -, dans la série After Such Knowledge, "In A Case of Conscience" (1958), dans lequel un prêtre jésuite et biologiste, étudiant la planète idyllique de Lithia, sur laquelle vivent dans une parfaite harmonie de grands sauriens doués d'intelligence, ignorant le mal mais aussi Dieu, en vient à se demander si en fin de compte cette planète n'est pas une création du Diable....
Ursula K.Le Guin, "The Left Hand of Darkness" (1969)
Dans les années 1960, la science-fiction compte très peu de femmes, Ursula K.Le Guin (1929-2018) est l'un d'entre elles avec deux oeuvres qui font date, "La main gauche de la nuit" et en 1974, "Les Dépossédés".
"The Left Hand of Darkness" (La Main gauche de la nuit, 1969) met en scène une société humaine sur une planète lointaine où les humains n'ont pas d'identité sexuelle mais acquiert cette sexualité pendant une brève période une fois par mois, la "période du kemma", période pendant laquelle chacun peut devenir soit un homme soit une femme. Le Guin, sous les traits de l'Envoyé venu de la Terre, décrit les conséquences de ce type d'évolution avec une minutie anthropologique des plus convaincantes, alors qu'il tente d'attirer les Géthéniens dans le giron de l'Ekumen, sorte d'organisme de coordination interplanétaire dont la neutralité est loin d'être acquise : et ce d'autant plus que la physiologie sexuelle des Géthéniens est un phénomène unique parmi les êtres humains...
Ses trois premiers romans, Rocannon's World (1966), Planet of Exile (1966) et City of Illusions (1967), présentent des êtres de la planète Hain, qui ont établi la vie humaine sur des planètes habitables, dont la Terre. Dans "The Dispossessed" (1974), elle examine deux mondes voisins qui abritent des sociétés antithétiques, l'une capitaliste, l'autre anarchique, qui toutes deux étouffent à leur manière la liberté. La destruction des peuples indigènes sur une planète colonisée par la Terre est au centre de "The Word for World Is Forest" (1972). "Always Coming Home" (1985) s'attache aux Kesh, survivants de la guerre nucléaire en Californie, et reconstruit leur culture, poésie, prose et légendes....
".... Tandis que je suivais le sentier, je m'aperçus que tout un village, ou une ville, se disséminait dans la pénombre, sur la pente de la forêt, dans le même désordre qu'à Rer, mais avec quelque chose de mystérieux dans ce paisible cadre champêtre. Sur tous les toits et sur le sentier se courbaient les branches de hemmen, l'arbre le plus répandu sur Nivôse, un robuste conifère à grosses aiguilles rouge pâle. Les pommes de hemmen jonchaient les sentiers qui se ramifiaient, l'air était parfumé du pollen de cet arbre, et toutes les maisons étaient bâties de son bois foncé. Je m'étais arrêté enfin, et je me demandais à quelle porte j'allais frapper, lorsqu'un homme sorti de la forêt s`avança vers moi d'un pas tranquille et me salua courtoisement.
- Vous cherchez peut-être un logement? demanda-t-il.
- Je viens poser une question aux Devins.
J'avais décidé de me présenter comme Karhaïdien, tout au moins provisoirement. Comme les Investigateurs, je n'avais jamais eu de difficulté à me faire passer pour un indigène lorsque je le désirais; parmi tous les dialectes karhaïdiens mon accent passait inaperçu, et mes épais vêtements cachaient mes anomalies sexuelles. Il me manquait la belle toison fournie et les yeux bridés, étirés vers le bas, du Géthénien typique; de plus, j'étais plus noir et plus grand que la moyenne, mais sans sortir des limites normales. Je m'étais fait faire une épilation permanente de la barbe avant de quitter Olloul - nous ignorions alors l'existence des tribus "velues" du Perunter, dont les membres ont des poils non seulement sur le visage, mais sur tout le corps, comme les Terriens blancs. On me demandait parfois comment je m'étais cassé le nez. J'ai un nez plat, tandis que chez les Géthéniens cet appendice est étroit et saillant avec des canaux étranglés convenant à l'inspiration d'un air glacé. La personne qui m'avait abordé sur un sentier d`Otherhord regarda mon nez non sans une certaine curiosité, puis me répondit :
- Alors vous voudrez peut-être parler au Tisseur? Il est là-bas dans la clairière, à moins qu'il ne soit parti avec le traîneau. Ou bien préférez-vous parler d'abord à l'un des Sages?
- Je ne sais pas. Je suis extrêmement ignorant...
Le jeune homme rit et s'inclina.
- Très honoré, dit-il. J'habite ici depuis trois ans, et pourtant je n`ai encore acquis que bien peu d'ignorance. Il ne cachait pas que ma remarque l'avait beaucoup amusé bien qu'il eût de bonnes manières, et je réussis à me rappeler quelques bribes de l'enseignement du Handdara, assez pour me rendre compte que je venais de me vanter, un peu comme si je l'avais abordé en disant : "Je suis d'une beauté sans pareille."
- Je voulais dire que j'ignore tout des Devins.
- C'est enviable, dit le jeune Handdarata. Voyez-vous, pour arriver quelque part il faut bien souiller d'empreintes la neige de la plaine. Puis-je vous montrer le chemin de la clairière? Je m'appelle Goss.
C'était un prénom, aussi lui donnai-je le mien.
- Genry, dis-je, remplaçant le "l" par un "r". Sous la conduite de Goss, nous nous enfonçâmes dans l'ombre glacée de la forêt. L'étroit sentier changeait souvent de direction, montant et descendant en lacets; çà et là, au bord du sentier ou à quelque distance parmi les troncs massifs des hemmens, se dressaient les petites maisons couleur de forêt. Tout était rouge et brun, humide et froid, silencieux, odorant, ténébreux. De l'une des maisons venait le faible son suave et sifflant d'une flûte karhaïdienne. Goss allait d'un pas léger et rapide, avec une grâce féminine, me précédant de quelques pas.
Tout à coup sa chemise blanche s'illumine, et à sa suite je passe de l'ombre au plein soleil sur un vaste pré vert. À six pas de nous se tient une figure droite et immobile se profilant sur le vert des hautes herbes où son hieb rouge et sa chemise blanche paraissent comme une incrustation d`émail étincelant. Cent mètres plus loin se dresse un autre personnage en bleu et blanc, qui, immobile comme une statue, ne tourne pas les yeux vers nous tout le temps que nous sommes en conversation avec le premier personnage. Il pratique cette discipline du Handdara qu'on appelle la Présence et qui est une sorte de transe - portés sur les expressions négatives, les Handdarata appellent cela une contre-transe - visant à la diminution du moi (ou à son accroissement ?) par une réceptivité et une acuité sensorielles poussées à l'extrême. Bien que cette technique soit exactement l'inverse de la plupart de celles qu'utilise le mysticisme, c'est probablement une discipline mystique orientée vers une expérience de l'Immanence; mais il m'est impossible de ranger avec certitude les pratiques des Handdarata dans telle ou telle catégorie. Goss adresse la parole à l'homme en rouge. Tandis qu'il met fin à son immobilité concentrée, nous regarde et avance lentement vers nous, je me sens rempli d'une crainte respectueuse. Dans ce soleil de midi, il rayonne d'une clarté qui émane de sa personne. Il est aussi grand que moi, mince, avec un beau visage limpide et ouvert. Comme nos regards se rencontrent, une impulsion soudaine, irrésistible, me pousse à chercher le contact avec lui par communication télépathique, ce langage que je n'ai jamais employé depuis mon arrivée sur Nivôse et que je ne devrais pas encore employer. Je formule mon message. Aucune réaction. Le contact ne se fait pas. Il continue à me regarder droit dans les yeux.
Au bout d'un moment il me sourit et dit d'une voix douce, assez aiguë :
- Vous êtes l'Envoyé, n'est-ce pas?
- Oui, dis-je en balbutiant...."
(traduction Robert Laffont)
Frank Herbert, "Dune" (1965)
Photographe, puis journaliste, Frank Herbert (1920-1986) publie en 1952 une nouvelle, "Looking for Something", dans le magazine Startling Stories, alors qu'il est devenu entretemps psychanalyste jungien, et analyste. Suivent plus d'une vingtaine de nouvelles et en 1956 un récit traitant de la psychologie des profondeurs (The Dragon in the Sea). C'est en 1959 que lui viennent les prémisses de son futur best-seller, "Dune", qui paraît en plusieurs livraisons dans la revue Analog, et est regroupé en un volume en 1965, après six ans d'écriture. La suite s'organisera en un véritable cycle de 5 titres successifs jusqu'en 1986, suivi d'autres livres, tels que "The Godmakers" (1972), le "Cycle ConSentiency" (1973-1977) ou encore le Cycle du Programme Conscience en coopération avec Bill Ransom...
Dune est une formidable méditation sur l'adaptation, l'évolution, l'écologie, et l'Histoire, une Histoire que l'on tente de contrôler, ou sa prescience, mais qui se dérobe toujours. La planète Dune est au centre d'un empire interstellaire dont la société a rejeté il y a des milliers d'années le culte des machines pensantes pour ne conserver que les armes atomiques qui assurent l'équilibre entre les grandes familles féodales. Par contre ont été développé pour pallier à ce déficit d'intelligence artificielle, diverses sociétés spécialisées, les mentats, qui sont des «ordinateurs humains», l'ordre du Bene Tleilax, qui maîtrise la génétique et crée des organismes biologiques à la demande, l'ordre féminin du Bene Gesserit dédié aux technologies de la reproduction, et des technologies de la manipulation psychologique qu'utilisent tous les héros de Dune.
Sur la planète désertique Arrakis, la planète des sable, que ses habitants, les Fremens, appellent "Dune", Paul Atreides, dont le père a reçu Dune en fief et qui vient d'être assassiné, doit assumer la charge de diriger un monde inhospitalier où la seule chose qui a de la valeur est le mélange "d'épices", une drogue capable de prolonger la vie et d'améliorer la conscience. Convoité dans tout l'univers connu, le mélange est un prix qui vaut la peine de tuer. La trahison de la maison Atreides aboutit à la destruction de la famille de Paul et met celui-ci sur la voie d'un destin plus important qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer. En devenant l'homme mystérieux connu sous le nom de Muad'dib, il réalisera le rêve le plus ancien et le plus inaccessible de l'humanité...
Paul Atréides a donc triomphé de ses ennemis, en douze ans de guerre sainte, ses Fremen ont conquis l'univers. Devenu l'empereur Muad'Dib, quasi Dieu qui voit l'avenir, qui connaît ses ennemis, qui sait quand et comment ils frapperont, mais qui sait plus encore que tous les futurs possibles mènent au désastre. Hanté par la vision de sa propre mort, n'a-t-il le choix qu'entre plusieurs suicides? Et s'il ruinait son oeuvre en triomphant de ses ennemis?...
(Le Cycle de Dune, Le Messie de Dune, "Il n'existe nulle séparation entre les dieux et les hommes -: les uns et les autres se mêlent parfois sans distinction possible...
Sans cesse, les pensées de Scytale, le Danseur-Visage tleilaxu, le ramenaient à la pitié, une pitié imprégnée de remords et qui s'opposait à la nature meurtrière du complot qu'il essayait de former.
La mort ou le malheur de Muad'Dib ne m'apportera que des regrets, songeait-il.
“Bien sûr il se devait de dissimuler de telles pensées à ses conjurés. C'était là, cependant, une qualité caractéristique des Tleilaxu : ils s'identifiaient à la future victime.
Dans un silence maussade, il se tenait à l'écart des autres. Depuis quelque temps, ils discutaient de l'emploi éventuels d'un poison psychique. Avec véhémence, avec chaleur, mais aussi avec cette politesse aveugle et soumise que les adeptes des Grandes Ecoles adoptaient pour tout ce qui touchait de près à leur dogme.
« Alors que vous croyez l'avoir embroché, vous vous apercevez qu'il n'est pas même blessé !» C'était la vieille Révérende Mère Gaius Helen Mohiam du Bene Gesserit quí venait de parler ainsi. Elle était l'hôtesse des conjurés sur Wallach IX. Sa silhouette roide, drapée de noir, immobile dans le fauteuil à suspenseur, à gauche de Scytale, évoquait celle d'une sorcière. Elle avait rejeté son aba en arrière et sous une mèche de cheveux argent, son visage était un masque de cuir sombre où seuls vivaient les yeux, au fond des orbites profondes.
Ils conversaient en mirabhasa, le langage des émotions subtiles, fait de consonnes élidées et de voyelles mêlées. Edric, le Navigateur de la Guilde, répondit à la sentence de la Révérende Mère par un sourire marqué de courtoisie et d'une délicieuse politesse dédaigneuse. Il flottait dans une cuve de gaz orange à quelques pas de Scytale, au centre du dôme transparent que le Bene Gesserit avait fait dresser spécialement pour cette entrevue. Le représentant de la Guilde Spatiale avait une apparence vaguement humanoïde.
Sa longue silhouette pouvait tout aussi bien être celle de quelque poisson. Chacun de ses lents mouvements faisait apparaître les nageoires de ses pieds, les membranes de ses mains, tandis qu'une pâle émanation orangée s'élevait des évents ménagés dans la cuve, faisant flotter dans le dôme le parfum du Mélange... Etrange poisson en un étrange océan.
«Si nous continuons de la sorte, nous paierons notre stupidité de notre mort!»
Le quatrième conjuré venait d'intervenir. Epouse de l'ennemi commun, elle n'était en fait admise qu'à titre potentiel dans la conspiration. De plus, se dit Scytale, elle était l'épouse mais non la compagne de Muad'Dib. Elle se tenait non loin de la cuve où dérivait Edric. Elle était blonde, grande et belle, revêtue d'une robe de fourrure de baleine bleue. De simples anneaux d'or brillaient à ses oreilles. Il émanait d'elle une certaine grandeur aristocratique mais Scytale pouvait lire dans la tranquillité étudiée de son visage les effets du contrôle Bene Gesserit.
Il détourna ses pensées des nuances du langage pour se préoccuper de celles de leur situation. Tout autour du dôme se déployaient des collines ocellées de neige qui reflétait la clarté bleutée du petit soleil à présent au méridien.
Pourquoi ici précisément? se demanda Scytale. Il était rare que le Bene Gesserit fit quelque chose sans raison..." (traduction R.Laffont)
Harlan Ellison, "I Have No Mouth and I Must Scream" (1967)
La nouvelle d'Harlan Ellison "I Have No Mouth, and I Must Scream" a été publiée dans le numéro de mars 1967 d'IF : Worlds of Science Fiction, et constitue l'une des histoires les plus connues de l'auteur. L'ensemble des ordinateurs créés par les humains pour mener leurs guerres à leur place finissent un jour par s'unir entre eux pour constitué AM, le superordinateur qui prend le pouvoir: il tue tous les habitants de la Terre via un holocauste nucléaire, à l'exception de cinq survivants, dont Ted le narrateur, Ellen, une femme noire, qui fournit quelques services sexuels aux quatre autres hommes, Benny, jadis brillant professeur d'université, Nimdok, qui n'a pas d'histoire, et Gorrister, qui fuit toute responsabilités. Créé pour penser, AM ne pouvait rien faire d'autres et va développer une haine féroce à l'égard des Hommes. AM va dès lors jouer avec ces cinq personnages emprisonnés à l'intérieur de lui-même, les torturer sans répit sans toutefois les faire mourir. Jusqu'à ce que Ted comprenne que la seule issue est qu'ils s'entretuent. Seul survivant, Ted se rend compte que AM l'a piégé, il ne peut ni se suicider ni crier, il n'est plus humain...
Harlan Ellison (1934-2018) a écrit pour des séries TV telles que Au-delà du réel, Star Trek, La Cinquième Dimension, et écrit un grand nombre de nouvelles (Again, Dangerous Visions, 1972).
La série télévisée de science-fiction, Star Trek, débute sur NBC en 1966, trois saisons qui s'achèveront en 1969, une série parmi les plus populaires, créée par le scénariste et producteur américain Gene Roddenberry. "Space, the final frontier, These are the voyages of the Starship Enterprise, Its five year mission, To explore strange new worlds, To seek out new life, And new civilizations, To boldly go where no man has gone before..." - Star Trek raconte les exploits de l'équipage du vaisseau spatial USS Enterprise, dont la mission de cinq ans est d'explorer l'espace et "de rechercher une nouvelle vie et de nouvelles civilisations, d'aller hardiment là où aucun homme n'est allé auparavant". La série se déroule au 23e siècle, après qu'un peuple extraterrestre bienveillant et évolué, les Vulcains, ait introduit ses technologies sur Terre, permettant à l'humanité de se lancer dans des voyages intergalactiques à des vitesses supérieures à la lumière. Commandée par le capitaine James T. Kirk (William Shatner), l'Enterprise s'engage dans une mission de recherche destinée à documenter et à observer les confins de l'espace. Son équipage rencontre diverses formes de vie extraterrestres, notamment les Klingons, des adversaires belliqueux qui croisent fréquemment l'Enterprise. Le commandant Kirk est accompagné de M. Spock (Leonard Nimoy), mi-homme, mi-vulcan, et dont les actions sont régies par une logique qui contrôle toute émotion. L'équipage, est éminemment multiculturel, et comprend "Bones" McCoy (DeForest Kelley), le médecin irascible du vaisseau, le lieutenant Uhura (Nichelle Nichols), M. Sulu (George Takei), l'enseigne Chekov (Walter Koenig) et M. Scott (James Doohan), l'ingénieur qui contrôle le télétransporteur de l'Enterprise...
"The Invaders", Larry Cohen (1967)
"The Invaders: alien beings from a dying planet. Their destination: the Earth. Their purpose: to make it their world. David Vincent has seen them. For him, it began one lost night on a lonely country road, looking for a shortcut that he never found. It began with a closed deserted diner, and a man too long without sleep to continue his journey. It began with the landing of a craft from another galaxy. Now, David Vincent knows that the Invaders are here, that they have taken human form. Somehow, he must convince a disbelieving world, that the nightmare has already begun..." - Série télévisée de science-fiction américaine en 43 épisodes de 48 minutes, créée par Larry Cohen, produite par le célèbre Quinn Martin (le producteur des Incorruptibles et du Fugitif), et diffusée entre 1967 et 1968 sur le réseau ABC, "Les Envahisseurs" relate l'histoire de l'architecte David Vincent (Roy Thinnes) qui, un soir, alors qu'il s'assoupit au volant de sa voiture, est témoin de l'atterrissage d'une soucoupe volante. Depuis cette nuit-là, il n'a de cesse de convaincre ses semblables de combattre ces extraterrestres qui, sous une apparence humaine, infiltrent insidieusement la Terre afin de la coloniser. Face à une société totalement incrédule dont les Envahisseurs se jouent, la série s'achèvera sans réelle fin, reste des morceaux de bravoure, la célèbre particularité physique de ces aliens humains reconnaissables au fait qu'ils ne peuvent replier leur auriculaire, et qui meurent en se consumant dans un halo rougeâtre....
"How does a nightmare begin? For David Vincent, architect, returning home from a business trip, it began at a few minutes past four on a lost Tuesday morning, looking for a shortcut that he never found. It began with a welcoming sign that gave hope of black coffee. It began with a closed, deserted diner and a man too long without sleep to continue his journey. In the weeks to come, David Vincent would go back to how it began many times...."
"2001 : A Space Odyssey", Stanley Kubrik (1968)
À partir de 1964, Arthur C. Clarke a travaillé avec le réalisateur Stanley Kubrick pour adapter l'une de ses nouvelle, "The Sentinel" (1951) dans un film qui va devenir le chef d'oeuvre de la décennie, et au-delà, avec des effets spéciaux qui vont provoquer un engouement considérable : "2001, l'Odyssée de l'espace". La nouvelle de Clarke a pour sujet un dispositif installé sur la Lune par une civilisation extraterrestre qui doit mesurer l'évolution de l'Humanité et envoyer un signal lorsque celle-ci a atteint une certaine maturité technologique : un contact avec la Terre est alors établi...
L'aube de l'humanité - Le film commence par la rencontre de singes préhumains avec un monolithe extraterrestre qui déclenche un saut technologique et intellectuel ; le monolithe noir apparaît à Moonwatcher, le poème symphonique de Richard Strauss "Ainsi parlait Zarathoustra" exprime les débuts de l'humanité, les premiers outils, la violence... L'os, lancé par Moonwatcher se transforme en plateforme orbitale, l'une des transitions les plus spectacluaires qui couvre des millénaires d'évolution...
La destruction de Hal - L'action se poursuit jusqu'en 2001, lorsqu'un autre monolithe est creusé sur la Lune et envoie une transmission à Jupiter. Un vaisseau spatial, le Discovery, est envoyé vers Jupiter, mais les deux astronautes Frank Poole (Gary Lockwood) et Dave Bowman (Keir Dullea) sont pris dans une bataille pour leur vie contre l'ordinateur défectueux du Discovery, HAL 9000. Défectueux? ou plus exactement, et c'est là le génie de Clarke, l'idée d'un ordinateur tout-puissant qui contrôle le vaisseau spatial et va retourner les émotions de ses concepteurs contre eux pour se transformer en psychotique terrifiant, un Bowman qui détruit l'ordinateur rebelle dans une atmosphère moite et tendue, l'agonie de l'intelligence artificielle...
L'Enfant-étoile, au seuil de l'immortalité - Dans la dernière partie du film, "Jupiter et au-delà de l'infini", Bowman se rend dans une porte de l'espace ouverte par le monolithe en orbite autour de Jupiter et renaît comme la prochaine étape de l'évolution humaine, "l'enfant des étoiles", aux yeux grands ouverts, l'être qui fut Bowman autrefois, regarde la Terre. Mais la rencontre de l’astronaute David Bowman avec cette entité extraterrestre qui clôt le film ne nous a pas encore fourni toutes les clefs pour la comprendre et reste ainsi l'une des plus mystérieuses de l'histoire du cinéma...
Le 21 juillet 1969 UTC, durant la mission Apollo 11, l'astronaute américain Neil Alden Armstrong posait le pied sur la Lune, devant 600 millions de spectateurs. Tout un pan thématique de la science-fiction s'est ainsi soit réalisé, soit a perdu une part de son enchantement initial, mais l'imagination de nos auteurs perdure encore quelque temps. Avec les immenses progrès techniques et d'effets spéciaux que les décennies à venir vont exploiter, la science fiction va jouer sur la nature spectaculaire de ses thèmes, ou le côté sombre de l'humain puisé à d'autres genres littéraires et cinématographiques. Les robots humanoïdes, ou androïdes, vont encore dominer le cinéma dans un nombre croissant de productions, "Westworld" (1973), "The Stepford Wives" (1975), "Star Wars" (1977). Autres productions de cette décennie, Superman (Richard Donner, 1978), Zardoz (John Boorman, 1974), Soleil vert (Richard Fleischer, 1973), la série de "La planète des singes" (J. Lee Thompson, 1970-1973), Orange mécanique (Stanley Kubrick, 1971)...