Personal development & Online Self-Help - Generation Z - WorkForce2015–2030 (en cours) / LeaderShip2035–2055 (prévisionnelle) - Âge approximatif en 2025 : 13-28 ans - Fragmenté, authenticité, déconstruction, écologie - Megan Devine, "It’s OK That You’re Not OK: Meeting Grief and Loss in a Culture That Doesn’t Understand" (2017) - Jordan B. Peterson, "12 Rules for Life: An Antidote to Chaos" (2018) - James Clear , "Atomic Habits: An Easy & Proven Way to Build Good Habits and Break Bad Ones" (2018) - Glennon Doyle, "Untamed" (2020) - ...
Last update: 2025
L'évolution du Développement personnel (DP) semble suivre une dynamique générationnelle cumulative et adaptative, ainsi que nous l'avons vu, reflétant les angoisses, les désirs et les stratégies d’adaptation de chacune de ces générations. Chaque cycle va reconfigurer les formes précédentes.
Au DP traditionnel (Boomers et X) qui privilégie contrôle de soi et discipline, culpabilité du mal-être et succès extérieurs, et pensée positive, le DP version génération Z répond acceptation et écoute de soi, légitimité de la souffrance, réalisme émotionnel et relation à soi dans un monde en crise permanente ...
Née avec Internet, réseaux sociaux, smartphones, entre 1997 et 2012, maîtrisant instinctivement les outils numériques, hyperconnectés, scolarisées entre 2003 et 2025 dans un monde numérisé et instable, destinée à entrer dans la vie active entre 2015–2030, et espérant accéder aux postes de décision entre 2035 et 2055, la Génération Z (ou "Gen Z", parfois appelée "post-millennials", "digital natives 2.0") semble marquer une rupture très nette avec les générations précédentes : à la fois sur le plan émotionnel, culturel, politique et existentiel.
Cette rupture est particulièrement marquée dans leur rapport à la souffrance, au travail, à la réussite, aux normes sociales, et se reflète clairement dans les œuvres de développement personnel qu’elle adopte ...
- Le mal-être ne semble plus un obstacle à dépasser, mais une expérience à reconnaître et à vivre, sans injonction de "guérison". La souffrance est un fardeau, et non une erreur à corriger.
- Réussir, n'est plus dominer, gravir, transformer, mais survivre, sentir, exister avec lucidité.
- Il n'y a plus guère de modèle auquel se plier par reconnaissance d'un savoir, mais seulement des compagnes ou des compagnes de route tout autant vulnérables
- Le langage directif et ses structure en étapes claires cèdent au fragmentaire, introspectif, proche des réseaux sociaux (tweets, reels, essays courts)
- Le développement personnel lui-même ne semble plus individuel et autonome mais collectif, intersectionnel, lié à des traumas sociaux (genre, race, classe, climat) partagés.
Si elle se confirme, il s'agit bien d'une rupture existentielle profonde dont nous ne connaissons pas encore les lignes de forces ...
(PIC : d'après Jacolby Satterwhite, un des pionniers de l'utilisation de la modélisation 3D en technologie numérique)
La généalogie générationnelle du développement personnel comme forme culturelle évolutive ...
Une génération se construit toujours dans un climat culturel, qui est déjà lui-même en mutation. Le changement culturel se cristallise principalement dans des objets intermédiaires, ce sont des livres, chansons, comptes TikTok, figures publiques vulnérables qui matérialisent le changement — non pas la génération elle-même comme entité abstraite. Un besoin social diffus peut ainsi émerger, s'imposer, et la Génération s'en saisir et la transformer en identité culturelle partagée. Globalement, une génération se définit moins par ce qu’elle produit que par ce qu’elle choisit de porter, de diffuser, de vivre comme vérité.
On remarquera que le développement personnel (DP) constitue aujourd’hui l’un des rares espaces discursifs transversaux où les évolutions culturelles profondes (émotionnelles, identitaires, sociales, spirituelles) s’expriment en temps réel et se transmettent de génération en génération (contrairement à la philosophie, à la politique ou à la sociologie académique, le DP s’adresse directement à la vie intérieure, dans des formes accessibles, et chaque grande vague de DP est marquée par un imaginaire générationnel).
On ainsi peut parler d’une boucle de résonance générationnelle, dans le sens où le Le DP réagit à un climat existentiel et social (trauma, désorientation, épuisement, quête de sens), va créer des discours adaptatifs, souvent intuitifs ou informels. Et ces discours seront ensuite adoptés, transformés, redéployés par des générations spécifiques, qui y trouvent un miroir de leurs tensions identitaires ...
Plus encore, le DP capte les tensions que ni la politique ni la religion ne traitent plus dans un monde où les institutions religieuses perdent leur pouvoir structurant, les grandes idéologies politiques sont épuisées ou disqualifiées, et les sciences humaines se raréfient dans l’espace public. Le développement personnel devient un laboratoire de recomposition symbolique, souvent confus, mais extraordinairement révélateur des désirs d’authenticité, des nouvelles spiritualités implicites, des blessures collectives, des tentatives de guérison culturelle.
D'autant que le DP traverse désormais les livres, les podcasts, les TikToks, les posts Instagram, les TED Talks et crée une culture émotionnelle fluide, transmédiatique et transgénérationnelle...
Peu d'ouvrages eux traitent à ce jour (juin 2025) directement du DP comme miroir générationnel (dans les termes précis que nous avons utilisé), mais certains d'entre eux l'abordent partiellement ou le suggèrent fortement, à travers des perspectives sociologiques, critiques ou culturelles ...
- Eva Illouz, "Saving the Modern Soul: Therapy, Emotions, and the Culture of Self-Help" (2008)
- Barbara Ehrenreich, " Smile or Die: How Positive Thinking Fooled America and the World" (2009)
- Emily Hund, "The Influencer Industry: The Quest for Authenticity on Social Media" (2023)
- Sarah Sharma, "In the Meantime: Temporality and Cultural Politics" (2023)
- Laurie Essig, "Love, Inc.: Dating Apps, the Big White Wedding, and Chasing the Happily Ever After" (2019)
S'il est besoin de décrire un point de bascule subtil entr deux générations, Y et Z, on cite généralement les livres de Mark Manson (The Subtle Art of Not Giving a Fck*, 2016, et Everything Is Fcked*, 2019) : ceux-ci (évoqués page précédente) s’adressent prioritairement à la génération Y (milléniaux), mais ils préfigurent déjà la sensibilité génération Z, sans en incarner pleinement les codes : déjà, pour lui, le développement personnel classique n'est que mensonge ..
Manson lui-même est né en 1984 et les milléniaux avaient entre 20 et 35 ans quand ses deux livres sont sortis - c’est le cœur de cible typique du développement personnel.
Les thèmes principaux évoqués par Manson sont ceux de la génération Y ..
- Fatigue du bonheur obligatoire : rejet du « mindset positif » des années 2000.
- Crise de sens malgré la réussite : sentiment de vide malgré une vie « réussie » (emploi, autonomie, réseau).
- Cynisme post-entrepreneurial : refus de devenir une start-up de soi-même.
- Néostoïcisme : retour aux limites, à l’acceptation du réel, à la responsabilité sans illusions.
Il critique justement le développement personnel façon génération X (Covey, Robbins, Johnson) avec humour noir - ce qui plaît aux Y qui ont grandi dans cette idéologie mais ne s’y reconnaissent plus.
Mais il anticipe (sans l'incarner) la culture génération Z,
- son malaise existentiel plus radical : éco-anxiété, effondrement des repères politiques, fatigue numérique native.
- son ironie plus fragmentaire, issue de TikTok, mèmes, shitposting.
- un rapport à soi plus fluide (genre, santé mentale, performativité).
Manson parle de chaos émotionnel, de vide existentiel, d’espoir impossible., mais il le fait avec des structures discursives linéaires, une voix d’auteur forte, une philosophie fondée sur la raison et le stoïcisme, là où la Gen Z préfère des formes plus fragmentées, incarnées, auto-dérisoires et parfois cryptiques (format thread, TikTok, Zizek remixé...)
En 2025, le DP survit donc en intégrant (partiellement) ses propres limites, mais il a changé insensiblement de nature : s'il reste un miroir des angoisses et des espoirs de chaque époque, c'est en s'imposant désormais, pour une grande part, implicitement (les séries) et explicitement, comme "développement personnel en ligne"(Online Self-Help), rapide, affectif, performatif, parfois creux, souvent apparemment superficiel, encore capable de porter des désirs de changement sincères — mais qu’il faut aujourd’hui recadrer, contextualiser, et politiser, pour tenter de continuer à nouer des fils entre générations ...
Depuis 2015, le développement personnel (Digital self-improvement) est devenu l’un des contenus les plus partagés et suivis sur
- YouTube : coachs, conférenciers, « motivational speakers », ex-psychologues devenus influenceurs (Jay Shetty, Mel Robbins…).
- Instagram : citations inspirantes visuellement mises en scène (quotes culture), récits personnels bruts, “micro-doses” de sagesse émotionnelle.
- TikTok (depuis 2019-2020) : conseils comportementaux ou psychologiques en 15 ou 60 secondes, format ultra-court, direct et émotionnellement accrocheur.
- Podcasts : multiplication d’émissions liées à la croissance personnelle, au leadership, à la résilience, à la gestion des émotions.
Ce qui rend le développement personnel immédiat, omniprésent, sans barrières culturelles ou institutionnelles. Tout le monde peut le consommer… ou en produire.
Les réseaux sociaux ont profondément transformé le format et le ton du développement personnel, qui est devenu :
- Fragmentaire et visuel
Préférence pour des formats courts, digestes, graphiquement attractifs (Reels, carrousels, shorts, infographies…). Le fond doit tenir en une phrase, quitte à simplifier ou caricaturer des concepts complexes (ex. : « tu es ton seul obstacle »).
- Narratif et émotionnel
Montée du storytelling personnel comme principal vecteur de vérité. L'expérience intime devient argument d’autorité : "J’ai souffert, donc je peux t’aider à guérir." Valorisation de la vulnérabilité performative, influencée par Brené Brown et Glennon Doyle, mais parfois vidée de sa profondeur critique.
Esthétique de la « self-empowerment culture » : glamour & développement intérieur. Les récits de transformation sont codifiés comme des scripts hollywoodiens : chute – révélation – ascension.
- Marchandisation et création d’une économie du soi
Les réseaux sociaux ont accéléré la commercialisation du développement personnel, en générant une véritable économie de la performance de soi : coachs et influenceurs créent des produits dérivés : ebooks, formations, masterclasses, retraites, programmes de transformation. Le modèle économique repose sur l’autorité émotionnelle & l'engagement algorithmique, le plus souvent, comme il va de soi, sans contrôle éthique ou validation scientifique. Le bien-être devient produit de consommation émotionnelle : on achète une image de soi plus forte, plus calme, plus productive. On passe ici du développement personnel comme introspection… à un développement personnel comme branding de soi.
Ce qui domine, au final, c'est la superficialité et la simplification. La plus grande part des concepts concepts psychologiques ou philosophiques sont réduits à des slogans motivationalistes, la rigueur méthodologique a disparu et l'on est souvent aux limites de la diffusion d'une pseudo-sciences. Une idéologie de base demeure pourtant, implicite : « si tu échoues, c’est que tu ne veux pas assez réussir ». Les facteurs sociaux, économiques, structurels (racisme, classe, trauma, santé mentale, etc.) ne sont jamais évoqués.
"Mind the Science: Saving Your Mental Health from the Wellness Industry", de Jonathan N. Stea (2024), l’une des très rares analyses universitaires rigoureuses du discours des “TikTok therapists”, carrousels Instagram et contenus podcast.
Il n’y a pas de critère unique qui trace une ligne de démarcation claire entre la science et la pseudoscience. Ce serait trop simpliste. Tout comme la science est une construction complexe et multiforme, il en va de même pour son mimétisme par pseudoscience. L'auteur, psychologue et professeur adjoint à l’Université de Calgary, démasque les mécanismes par lesquels les contenus viraux créent une pseudo-crédibilité (micropédagogie, testimonials, auto-médication émotionnelle), repositionne le contenu “psy” en ligne dans son contexte (enjeux économiques, marketing, lectures de bien-être) et offre une grille de lecture utile pour les consommateurs et professionnels (thérapeutes ou formateurs DP) ...
Ainsi Jonathan N. Stea identifie-t-il, par exemple, neuf "red flags" (signaux d’alerte) qui permettent de repérer un contenu douteux, manipulateur ou pseudo-scientifique dans le domaine de la santé mentale et du bien-être, notamment sur TikTok, Instagram et les podcasts : l'ajout constant d'explications non testées pour sauver une théorie contredite par les faits, l'absence d'autocorrection, la cueillette sélective des données, la surinterprétation des résultats anecdotiques, l'évitement de l'évaluation par les pairs, la dépendance excessive à l'autorité ou au charisme d'une seule personne, l'utilisation d'un jargon obscur ou peu trop vague, ...
Comprendre la nature de la pseudoscience implique plus que simplement être capable d’identifier ses signaux d’alarme. Nous devons également prendre en compte le contexte psychologique et social. Comme la science, la pseudoscience ne se produit pas dans le vide mais émerge plutôt des mains faillibles et de l’esprit des personnes qui vivent dans des environnements historiques et culturels particuliers ...
Lorsqu’on regarde rétrospectivement, en 2025, la production de livres de développement personnel et de psychologie populaire depuis 2000, on constate une impressionnante inflation quantitative, mais très peu d’innovations intellectuelles ou conceptuelles majeures ...
Ce qui domine, ce n’est pas la créativité radicale, mais :
- Des redites bien emballées ...
Beaucoup de livres récents reprennent des idées déjà formulées dans les années 1960–1990 (Carl Rogers, Viktor Frankl, Albert Bandura, Aaron Beck, etc.) en les adaptant à un nouveau langage (plus émotionnel, plus instagrammable), à un nouveau public (plus jeune, plus féminisé, plus connecté), à un nouveau canal de diffusion (TikTok, YouTube, newsletters Substack…). La "résilience", la "pleine conscience", "l’intelligence émotionnelle", ou "le pouvoir des habitudes" sont des concepts anciens recyclés en formats courts, lifestyle ou neuroscientifiques.
- Un habillage neuroscientifique comme autorité ...
Depuis les années 2000, et surtout à partir de 2010, on observe une instrumentalisation constante des neurosciences dans le champ du développement personnel. Les IRM, les circuits dopaminergiques, le cortex préfrontal, l’amygdale, etc. sont souvent cités de manière décorative, pour donner un vernis scientifique à des affirmations souvent banales. Cela renforce l’illusion de scientificité sans réel apport explicatif. De fait, les neurosciences sont rarement mobilisées de façon rigoureuse, mais plutôt comme mythologie contemporaine du "vrai".
- Des micro-innovations formatées par le marché ...
Ce qu’on appelle « nouvelles idées » depuis 2000 relève souvent, soit de micro-ajustements comportementaux (habits stacking, journaling, cold exposure, etc.) ; soit d’innovations de packaging narratif (ex. : la « vulnérabilité » popularisée par Brené Brown, l’« identité atomique » chez James Clear). Ce sont des variations stylistiques et méthodologiques, pas des ruptures conceptuelles. Elles s’adaptent à l’évolution des formats de consommation : 200 pages lisibles en avion, podcasts de 15 min, vidéos de 60 secondes.
- Le poids de l'air du temps (Zeitgeist)
Les grandes tendances sociétales (burn-out, féminisme post-#MeToo, écologie, post-pandémie, anxiété de la performance) ont donné lieu à des inflexions dans les thèmes abordés : on peut noter plus d’attention à la santé mentale, aux traumas, à l’intersectionnalité, à la diversité des expériences humaines. Mais ces thématiques sont souvent traitées sous forme de récits personnels et affectifs, sans grande innovation théorique. Le fond évolue moins par invention que par réorientation morale ou culturelle.
On attend, on espère, de nouveaux paradigmes explicatifs (on n’a pas vu émerger de modèle aussi structurant que la psychanalyse, les TCC, ou même la psychologie humaniste), des interrogations existentielles de fond (la question du sens, de la liberté, de la mort, de l’histoire, de l’éthique est souvent évacuée au profit du "bien-être fonctionnel"), et une pensée critique forte sur les conditions collectives du mal-être (trop d’ouvrages traitent les souffrances systémiques comme des problèmes individuels).
Le self-help numérique global (coaching en ligne, podcasts, vidéos TikTok/YouTube, formations) touche plus de 2 milliards d'utilisateurs actifs mensuels en 2024, et plus de 500 millions concernent uniquement les apps de méditation & mindfulness.
Le rapport iconoclaste "Digital Wellness Industry: The New Opium of the People?" (Oxford Internet Institute, 2024) a démystifié la "révolution bien-être", en révélant une industrie qui bénéficie du chaos socio-écologique, naturalise la souffrance comme problème individuel et verrouille le statu quo en faisant du bonheur une marchandise (5 groupes (dont Google/Apple) contrôlent 70% des apps "wellness"). Le "bien-être numérique" fonctionne comme un nouvel opium du peuple au sens marxiste, il apaise artificiellement les souffrances produites par le capitalisme tardif, tout en détournant l'énergie politique nécessaire à sa transformation. On peut désormais se demander si, en fin de compte, et sans que l'on ait véritablement conscience, "prendre soin de soi" est devenu un acte profondément politique...
L'Online Self-Help (OSH) est devenu indiscutablement dominant dans le paysage culturel des années 2020, mais son importance tient moins à sa taille qu'à son rôle de courroie de transmission, car il permet, tout simplement,
- de normaliser la gestion individuelle des souffrances sociales.
- de légitimer l'économie de l'attention et la surveillance émotionnelle.
- d'incarne le tournant comportemental du capitalisme (Davies), où le bonheur devient une KPI (Key Performance Indicator).
Et de plus,
- il donne accès à des savoirs psychologiques autrefois réservés aux élites (certes sous forme de "snack content" qui évacue la complexité)
- et crée des communautés de sens immédiates (ex : #MentalHealth sur TikTok), quand bien même ces communautés seraient algorithmiquement enfermantes
L'OSH semble ainsi s'imposer comme une "culture de substitution",
1 - par son format adapté aux nouveaux réflexes cognitifs ...
- Micro-contenus : Vidéos TikTok < 60s, infographies Instagram, citations virales → répondent à la désertion des formats longs.
- Passivité apparente : Podcasts/audiobooks permettent une consommation "culturelle" sans effort de lecture (40% des 18-34 ans écoutent du développement personnel en podcast, Edison Research 2023).
-Langage algorithmique : les jeunes maîtrisent mieux les codes de viralité que l'analyse textuelle.
2 - la réponse qu'il semble à l'urgence émotionnelle ...
Dans un monde anxiogène (crise climatique, précarité), l'OSH offre des solutions immédiates : "3 exercices pour calmer une crise d'angoisse" (TikTok) vs. la lecture longue et patiente d'un manuel de psychologie (ou même les longues pages de notre site ...)
3 - Il comble un vide institutionnel très réel, qui ose et surtout, qui "sait" parler "santé mentale" dans nos sociétés? Ton anxiété est ton choix, nous dit-on, aussi, viens rejoindre en live nos rituels communautaires modernes ..
Mais ce substitut culturel n'est pas sans limite,
- L'appauvrissement sémantique est bien réel, les "5 secrets du bonheur" permet d'évacuer bien des nuances et tout les racines socio-politiques des souffrances (cf. Illouz/Davies).
- L'illusion d'accéder à un savoir : une étude de l'Université de Cambridge (2024) montre que 68% des jeunes citent l'OSH comme source "fiable" sur la santé mentale... mais 92% ne vérifient pas les qualifications des influenceurs.
- La grande dépendance à l'émotion immédiate : l'OSH privilégie le choc émotionnel (témoignages dramatiques, musique poignant) sur l'argumentation construite ...
Quelle culture critique construire face à un système qui transforme le savoir en contenus consommables, et les émotions en data ?
"It’s OK That You’re Not OK: Meeting Grief and Loss in a Culture That Doesn’t Understand" (2017), de Megan Devine, est devenu emblématique pour une partie importante de la génération Z dans le champ du développement personnel (DP) pour sa rupture avec une positivité jugée toxique. La génération Z rejette en effet de plus en plus les injonctions à la « pensée positive » permanente, typiques des générations précédentes (notamment les boomers et la génération X dans le DP). Le livre de Megan Devine critique frontalement cette approche en refusant les promesses de transformation rapide et de contrôle émotionnel, au profit d’une vision honnête, douloureuse mais profondément humaine de l’existence. Cela en fait un texte de résonance générationnelle, adapté aux anxiétés, au scepticisme et aux besoins émotionnels de la Gen Z.
" Grief and loss happen to everyone...
".. Le chagrin et la perte touchent tout le monde. Nous nous sommes tous sentis incompris dans les moments de grande souffrance. Nous sommes aussi restés impuissants face à la douleur des autres. Nous avons tous cherché nos mots, sachant qu'aucun mot ne peut arranger les choses. Personne n'y gagne : les personnes en deuil se sentent incomprises, et leurs proches se sentent impuissants et maladroits. Nous savons que nous avons besoin d'aide, mais nous ne savons pas vraiment quoi demander. En essayant d'aider, nous aggravons souvent la situation pour ceux qui traversent le pire moment de leur vie. Nos meilleures intentions se transforment en maladresse.
Ce n'est pas de notre faute. Nous voulons tous nous sentir aimés et soutenus dans notre chagrin, et nous voulons tous aider ceux que nous aimons. Le problème, c'est qu'on nous a enseigné la mauvaise manière de le faire.
Our culture sees grief as a kind of malady: a terrifying, messy emotion that needs to be cleaned up and put behind us as soon as possible. As a result, we have outdated beliefs around how long grief should last and what it should look like. We see it as something to overcome, something to fix, rather than something to tend or support. Even our clinicians are trained to see grief as a disorder rather than a natural response to deep loss. When the professionals don’t know how to handle grief, the rest of us can hardly be expected to respond with skill and grace.
There’s a gap, a great divide between what we most want and where we are now. The tools we currently have for dealing with grief are not going to bridge that gap. Our cultural and professional ideas about what grief should look like keep us from caring for ourselves inside grief, and they keep us from being able to support those we love. Even worse, those outdated ideas add unnecessary suffering on top of natural, normal pain.
There is another way.
Notre culture considère le deuil comme une sorte de maladie : une émotion terrifiante et désordonnée qu'il faut nettoyer et laisser derrière nous au plus vite. Résultat, nous avons des croyances dépassées sur la durée "normale" du deuil et sur son apparence. Nous le voyons comme un obstacle à surmonter, un problème à résoudre, plutôt que comme quelque chose à accompagner ou à soutenir. Même nos cliniciens sont formés à voir le deuil comme un trouble plutôt que comme une réponse naturelle à une perte profonde. Quand les professionnels ne savent pas gérer le deuil, comment pourrions-nous, simples humains, réagir avec compétence et grâce ?
Il existe un fossé, un grand abîme entre ce que nous désirons le plus et là où nous en sommes. Les outils dont nous disposons actuellement pour faire face au deuil ne combleront pas ce fossé. Nos idées culturelles et professionnelles sur ce que "devrait" être le deuil nous empêchent de prendre soin de nous-mêmes en son sein, et nous empêchent de pouvoir soutenir ceux que nous aimons. Pire encore, ces idées dépassées ajoutent une souffrance inutile à la douleur naturelle et normale.
Il existe une autre voie.
Depuis la mort de Matt, j'ai accompagné des milliers de personnes endeuillées via mon site, Refuge in Grief. J'ai passé ces dernières années à acquérir une expertise sur ce qui aide vraiment durant le long chemin du deuil. Sur cette voie, je suis devenue une voix nationale reconnue et leader, non seulement dans le soutien en deuil, mais aussi dans une manière plus compatissante et habile d'être en relation les uns avec les autres.
Ma réflexion sur le deuil, la vulnérabilité et l'intelligence émotionnelle s'inspire de ma propre expérience et des récits de milliers de personnes faisant de leur mieux pour traverser le paysage du deuil. Auprès des personnes en deuil elles-mêmes, et des proches qui luttent pour les soutenir, j'ai identifié le vrai problème : notre culture ne nous a tout simplement pas appris à aborder le deuil avec les compétences nécessaires pour être vraiment utiles.
Si nous voulons mieux prendre soin les uns des autres, nous devons réhumaniser le deuil.
Nous devons en parler. Nous devons le comprendre comme un processus naturel et normal, plutôt que comme quelque chose à éviter, à précipiter ou à diaboliser. Nous devons commencer à parler des véritables compétences nécessaires pour affronter la réalité d'une vie entièrement changée par la perte.
Ça va si vous n'allez pas bien propose une nouvelle manière de regarder le deuil — un nouveau modèle proposé non par un professeur enfermé dans son bureau à étudier le deuil, mais par quelqu'un qui l'a vécu. J'ai été au cœur de ce deuil. J'ai été cette personne hurlant par terre, incapable de manger ou de dormir, incapable de supporter de quitter la maison plus de quelques minutes. J'ai été de l'autre côté du divan du clinicien, recevant des discours dépassés et totalement inadaptés sur les "stades" et le pouvoir de la pensée positive. J'ai lutté contre les aspects physiques du deuil (perte de mémoire, troubles cognitifs, anxiété) et j'ai trouvé des outils qui aident. Grâce à une combinaison de mes compétences cliniques et de ma propre expérience, j'ai appris la différence entre "soulager" la douleur et "prendre soin" de la douleur. J'ai appris, par expérience directe, pourquoi essayer de dissuader quelqu'un de son chagrin est à la fois blessant et totalement différent de l'aider à vivre avec son chagrin...."
Devine ne médicalise pas le chagrin : elle affirme que la douleur émotionnelle n’est pas un dysfonctionnement, mais une réponse humaine normale à une perte. Cette approche rejoint les critiques que la Gen Z adresse à la psychiatrisation systématique des émotions : on ne cherche pas à « réparer » mais à accompagner, l’accent est mis sur l’écoute, et non sur la « solution ».
Devine emploie d'autre part un ton empathique, non moralisateur, qui contraste fortement avec le langage injonctif typique de certains classiques du développement personnel ("Réveillez le géant en vous", "Pensez et devenez riche", etc.). Son style correspond au climat émotionnel et social de la Gen Z, très sensible aux problématiques de santé mentale, d’authenticité, de vulnérabilité et de safe space.
Des extraits du livre — comme “Grief is love with nowhere to go” — sont souvent partagés sur Instagram, TikTok et Pinterest, où la génération Z exprime ses états d’âme. Le ton introspectif et poétique du livre en fait un objet hautement partageable, contribuant à sa notoriété virale.
Le livre "12 Rules for Life: An Antidote to Chaos" de Jordan B. Peterson (2018) est une œuvre à la fois influente et controversée, mêlant psychologie clinique, philosophie morale, mythologie, biologie évolutive et critique sociétale.
Il s’agit d’un guide de vie structuré autour de douze principes censés offrir des repères dans un monde que Peterson juge désorienté, chaotique et moralement relativiste.
".. How could the world be freed from the terrible dilemma of conflict, on the one hand, and psychological and social dissolution, on the other? The answer was this: through the elevation and development of the individual, and through the willingness of everyone to shoulder the burden of Being and to take the heroic path. We must each adopt as much responsibility as possible for individual life, society and the world.
"... Comment le monde pourrait-il être libéré du terrible dilemme entre le conflit, d'une part, et la dissolution psychologique et sociale, d'autre part ? La réponse était celle-ci : par l'élévation et le développement de l'individu, et par la volonté de chacun d'assumer le fardeau de l'Être et d'emprunter le chemin héroïque. Nous devons chacun endosser autant de responsabilité que possible envers notre vie individuelle, la société et le monde. Nous devons chacun dire la vérité, réparer ce qui est délabré, et déconstruire puis recréer ce qui est ancien et dépassé. C'est ainsi que nous pouvons et devons réduire la souffrance qui empoisonne le monde.
C’est exiger beaucoup. C’est exiger tout. Mais l'alternative — l'horreur de la croyance autoritaire, le chaos de l'État effondré, la catastrophe tragique d'un monde naturel déchaîné, l'angoisse existentielle et la faiblesse de l'individu sans but — est clairement pire.
Je réfléchis et donne des conférences sur ces idées depuis des décennies. J'ai constitué un vaste ensemble d'histoires et de concepts qui s'y rapportent. Je ne prétends cependant pas un instant que ma pensée soit entièrement correcte ou exhaustive. L'Être est bien trop complexe pour qu'une seule personne puisse le saisir, et je n'en détiens pas la compréhension totale. Je propose simplement le meilleur que je puisse offrir..."
Jordan B. Peterson, psychologue clinicien, professeur de psychologie à l’Université de Toronto, propose, dans un monde moderne perçu comme dominé par le désordre, le relativisme moral et la perte de repères, une philosophie du redressement personnel fondée sur la responsabilité individuelle, la discipline, l’ordre et le sens.
Le chaos, pour Peterson, est le prix d’une société qui a abandonné les structures traditionnelles (religieuses, hiérarchiques, biologiques) — et ses 12 règles visent à restaurer une verticalité morale, à l’échelle individuelle et culturelle (Tenez-vous droit, les épaules en arrière, Prenez soin de vous comme de quelqu’un dont vous êtes responsable, Choisissez des amis qui veulent le meilleur pour vous, Comparez-vous à vous-même, pas aux autres, N’élevez pas vos enfants de manière à les rendre détestables, Avant de critiquer le monde, mettez de l’ordre dans votre vie, Poursuivez ce qui a du sens, pas ce qui est utile, Dites la vérité – ou au moins ne mentez pas, Supposez que la personne à qui vous parlez sait quelque chose que vous ignorez, Soyez précis dans votre discours, etc).
Contre la victimisation, l’indifférenciation ou le relativisme moral, il appelle chaque individu à prendre la responsabilité de sa propre vie, en rétablissant un ordre intérieur et comportemental, et utilise son expérience de thérapeute pour donner des conseils concrets sur la santé mentale, les habitudes, le langage, la posture morale.
Le livre a connu un immense succès dans des milieux (souvent masculins, jeunes, occidentaux) en quête de structure, de sens et de rôle dans une société perçue comme fluide et incertaine : et son impact est important dans les sphères éducatives, thérapeutiques, masculines et conservatrices ..
Le livre est un best-seller international (plus de 5 millions d’exemplaires vendus) et a fait de Peterson une figure publique majeure, souvent associée à la « guerre culturelle » anglo-saxonne. Il a donné lieu à une suite : "Beyond Order: 12 More Rules for Life" (2021), plus introspectif et moins polémique.
Le livre "Atomic Habits: An Easy & Proven Way to Build Good Habits and Break Bad Ones", de James Clear (2018) est devenu un manuel de référence mondial sur la formation des habitudes.
Un énorme best‑seller anglo-saxon. Son apport réside dans une approche extrêmement pragmatique, systématique et comportementaliste, qui vise à améliorer durablement la vie quotidienne à travers des changements minuscules mais cumulés.
James Clear, écrivain et conférencier américain spécialisé en comportement humain, performance et productivité, nous explique que les petits changements quotidiens (habitudes “atomiques”) ont un effet exponentiel sur nos résultats à long terme.
Ce ne sont pas les objectifs qui mènent au changement durable, mais le système quotidien que nous mettons en place. Le changement d’habitude durable passe par un changement d’identité : “Je suis une personne qui…”
Ce sont les comportements répétés qui construisent l’identité, et non l’inverse.
Clear s’appuie sur des travaux de psychologie comportementale (B.F. Skinner, BJ Fogg, Charles Duhigg), de neurosciences et d’économie comportementale, tout en évitant le jargon académique. Il met en valeur la plasticité du comportement humain, en lien avec les environnements, les déclencheurs et les micro-ajustements.
Bien que le livre soit très peu réflexif sur les finalités profondes du changement en insistant trop sur la mécanique comportementale, le succès international fut massif : plus de 15 millions d’exemplaires vendus, traduit dans plus de 50 langues. Il est devenu une référence dans la productivité, le sport, l’entreprise, l’éducation, et même la santé mentale, et a largement influencé la culture de la micro-optimisation quotidienne (journaling, bullet journals, habit tracking, etc.). Il constitue un excellent manuel d’ingénierie du quotidien, mais ne sait pas répondre pas aux questions de sens ou de finalité ...
Le livre "The Body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma" de Bessel van der Kolk (2014) est une œuvre fondatrice dans la compréhension moderne du traumatisme psychique.
Il marque une rupture décisive avec les approches classiques de la psychologie et de la psychiatrie, en montrant que le traumatisme ne se loge pas seulement dans l'esprit, mais aussi dans le corps, la mémoire implicite et les circuits neurobiologiques.
Bessel van der Kolk, psychiatre néerlandais-américain, spécialiste du stress post-traumatique, fondateur du Trauma Research Foundation, nous explique que le traumatisme laisse des traces durables dans le cerveau, le système nerveux et le corps. Ce n’est pas seulement une blessure psychologique abstraite ou verbalisable : le corps "garde le score", c’est-à-dire continue d’exprimer les effets du traumatisme sous forme de tensions physiques, d’hypervigilance, de dissociation, de douleurs chroniques, ou de dérégulation émotionnelle.
Van der Kolk plaide pour une approche intégrative, corporelle et neuropsychologique du soin des personnes traumatisées.
1. - Le trauma comme blessure neurobiologique - Le traumatisme perturbe les circuits cérébraux (amygdale, hippocampe, cortex préfrontal), entraînant une réactivation incontrôlable de souvenirs ou d’états émotionnels passés. Le cerveau traumatisé reste « en alerte », piégé dans un état de menace chronique, même après la fin de l’événement traumatique.
2. La mémoire traumatique - Contrairement aux souvenirs classiques, les souvenirs traumatiques sont fragmentés, non verbalisés, et souvent encodés sous forme de sensations physiques, d’images ou de gestes. C’est pourquoi les approches purement verbales (comme la psychanalyse ou les TCC standard) peuvent échouer.
3. - Le corps comme voie de guérison - Van der Kolk propose une thérapie du trauma orientée vers le corps, avec des techniques alternatives comme l'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), le Yoga (reconnexion corporelle, respiration, ancrage), le Théâtre et jeu de rôle (reconstruction du récit, réintégration de l'identité), le Neurofeedback (régulation cérébrale par rétroaction); les Thérapies d'attachement (sécurisation relationnelle)
Van der Kolk remet en cause la psychiatrie centrée sur le diagnostic et la médication, qui échoue à comprendre la complexité du traumatisme, et renouvelle la pratique thérapeutique en insistant sur le rôle du corps, du mouvement, de la respiration, du toucher, en complément de la parole.
Un livre qui s’appuie sur des décennies de recherche clinique, de neuro-imagerie, et de pratique thérapeutique, ce qui le distingue des ouvrages plus anecdotiques. Best-seller mondial, traduit dans plus de 35 langues, et devenu une référence dans les milieux cliniques, éducatifs, et judiciaires. Il a inspiré une nouvelle génération de thérapeutes du trauma, plus sensibles au corps, à la culture et à la neuroplasticité.
Le livre "Untamed" (2020) de Glennon Doyle est un manifeste personnel, féministe et spirituel qui mêle autobiographie, essai, développement personnel et récit de transformation.
Il s’inscrit dans la tradition des récits d’émancipation individuelle mais avec une dimension collective et politique assumée, en particulier pour les femmes et les personnes marginalisées par les normes sociales dominantes.
"... comfort zones
I used to stay brokenhearted like it was my job and destiny. Like pain was what I owed to the world and staying sad was how I stayed safe. Self-denial was how I earned my worthiness, my goodness, my right to exist. Suffering was my comfort zone. I decided, at forty years old, to try a new way..." (Avant, je restais le cœur brisé, comme si c’était ma mission et ma destinée. Comme si la souffrance était ce que je devais au monde, et me complaire dans la tristesse ma manière d’être en sécurité. Me sacrifier était ma façon de prouver ma valeur, ma bonté, mon droit à exister. La souffrance était ma zone de confort. À quarante ans, j’ai décidé de tenter une nouvelle approche.)
Glennon Doyle, écrivaine, militante féministe et LGBTQ+, ancienne blogueuse chrétienne, désormais figure majeure du développement personnel américain, soutient que les femmes (et plus largement tous les individus conditionnés par les normes patriarcales, religieuses ou sociales) doivent se libérer de la "domestication" (taming) imposée par la société : attentes d’obéissance, de perfection, de sacrifice, d’hétérosexualité normative, de maternité sacrificielle, de docilité morale ou religieuse. Elle propose une alternative : redevenir "indomptée", sauvage, vraie, incarnée.
1. Conditionnement et désobéissance - Doyle décrit comment la société, la religion, la famille, la culture pop, l’éducation nous enseignent à nous "apprivoiser", c’est-à-dire à réprimer nos désirs, nos instincts, nos colères, notre créativité. Elle prône une désobéissance intérieure radicale : écouter son corps, son intuition, ses émotions brutes comme boussole morale.
2. L’identité comme construction active - L'autrice se raconte en tant qu’ancienne épouse chrétienne, mère de trois enfants, alcoolique en rémission, puis amoureuse d'une femme (Abby Wambach). Elle redéfinit son identité à travers une série de ruptures avec les rôles traditionnels — montrant que l’authenticité demande du courage, pas du confort.
3. Spiritualité post-religieuse - Le livre valorise une spiritualité intérieure et incarnée, distincte des dogmes religieux. Dieu, s’il existe, se trouve dans le désir authentique, la vérité intime et la force féminine, et non dans l’obéissance ou l’annulation de soi.
Glennon Doyle fait entendre une parole à la fois personnelle, politique et poétique, qui touche des millions de lectrices (et lecteurs) à travers le monde. Elle rejoint le féminisme de la subjectivité (bell hooks, Audre Lorde, Adrienne Rich) : le corps, la voix, l’émotion comme lieux de transformation.
("Indomptée", traduction française Éditions Leduc 2021- Comment être soi-même dans une société qui nous conditionne, qui nous inculque notre manière d’être, de nous comporter et de penser ?) - Best-seller immédiat du New York Times et vendu à plusieurs millions d’exemplaires, le récit reste toutefois centré sur une femme blanche, américaine, aisée, avec des ressources psychologiques, économiques et sociales qui ne sont pas accessibles à toutes.
"The Mountain Is You: Transforming Self-Sabotage Into Self-Mastery" (2020, Brianna Wiest)
Brianna Wiest est une autrice américaine, conférencière et essayiste contemporaine, principalement connue pour ses travaux sur le développement personnel, la psychologie pratique et la transformation intérieure. Née en 1993 dans le Maryland (États-Unis), elle a commencé à écrire à 19 ans sur des plateformes digitales (Medium, Thought Catalog). Dépourvue de tout diplôme en psychologie, autodidacte s'appuyant sur Jung, la psychologie des profondeurs, les neurosciences, elle est devenue la voix d'une génération cherchant un développement personnel ancré dans le réalisme et la vulnérabilité.
Parmi ses best-sellers internationaux, "The Mountain Is You" (2020) est son livre le plus célèbre (l'auto-sabotage et la transformation personnelle), "101 Essays That Will Change The Way You Think" (2016), un recueil d'essais philosophiques et psychologiques, "Ceremony" (2022), sur la reconnexion à soi-même.
On peut observer au passage une transformation majeure dans la diffusion des savoirs psychologiques, un phénomène qui s'est accentué entre 2020 et 2025 : Brianna Wiest, Jay Shetty (un ancien moine hindou védique (3 ans en Inde), devenu conférencier, auteur et entrepreneur : "Think Like a Monk" (2020) applique la philosophie monastique au quotidien.) ou Mel Robbins (une ancienne juriste qui transforme sa dépression en empire médiatique : son "5 Second Rule", - la "règle des 5 secondes" ou agir avant que le cerveau ne sabote l'action -, fonctionne comme un placebo comportemental, scientifiquement discutable mais culturellement efficace) ont construit leur légitimité par l'audience, non par des titres universitaires. C'est que les plateformes permettent en effet à des non-diplômés (coachs, influenceurs) de partager leur vécu ou synthèses de lectures (de 30 à 50 millions d'abonnés), ne serait-ce que parce que ces mêmes réseaux sociaux (TikTok, Instagram) privilégient des formats courts, émotionnels et pratiques et que les autodidactes maîtrisent souvent parfaitement ces codes ...
"The Mountain Is You" est à la fois un diagnostic des mécanismes d'auto‑sabotage qui nous menacent constamment et une méthode de transformation douce et progressive (via micro‑changements et bienveillance), une incitation à l’autodétermination : transformer la montagne en chemin vers plus d’authenticité, de paix et de maîtrise de soi.
Qu’est‑ce que l’auto‑sabotage ? Des comportements comme la procrastination, le perfectionnisme, l’évitement… sont des mécanismes de défense inconscients, pas un manque de volonté. Ils naissent de peurs profondément ancrées : peur de l’échec ou du succès, croyances d’indignité, besoin de confort : autant de réactions automatiques pour échapper à l’inconfort. Tirés notamment d’expériences passées, de traumatismes ou de schémas parentaux imposés, ces comportements sont des réponses émotionnelles déformées. Et le fonctionnement automatique du cerveau et sa résistance au changement renforcent ces patterns. Comment nous reconstituer si ce n'est en reconnaissant et nommant ses émotions, en repérant les déclencheurs émotionnels, en explorant notre histoire personnelle, blessures, nostalgies, mémoires émotionnelles non traitées. À travers journaling, méditation, visualisation, on décharge les traumas "cellulaires" et on réécrit des croyances limitantes (on les remplacer par des affirmations réalistes et constructives). Plutôt que forcer des révolutions, Wiest promeut les micro-shifts : petits ajustements quotidiens, plus durables que les efforts intenses et brefs. L’action, même imparfaite, vaut mieux que la passivité, l’objectif n’est pas une perfection extérieure, mais une maîtrise intérieure : pouvoir s’orienter malgré peurs et fatigue ...
Et pour ne pas conclure - Alors que la psychiatrie, aujourd’hui plus que jamais, s’interroge sur, par exemple, ce qu’est vraiment un "soi", et que nous vivons une phase de "décalage épistémologique", qui pourrait aller croissante, entre
- L’infrastructure (imagerie, IA, bases de données massives), qui évolue à grande vitesse,
- et une superstructure théorique (manières de penser la souffrance psychique, modèles de soi, cartographies de la conscience) qui reste tributaire de grilles anciennes.
... en l’absence de cette refondation conceptuelle en psychiatrie, le développement personnel (DP) occupe un espace vacant – et parfois nécessaire – en répondant à des besoins que la psychiatrie académique peine encore à saisir pleinement.
Là où la psychiatrie hésite, le DP affirme et raconte ..
Et même si la cartographie cérébrale s’affine, on ne relie pas encore systématiquement ces données à des mécanismes cognitifs précis (e.g., quels circuits pour quel type de déréalisation ?). On cumule les approches sans véritable synthèse : la neuroimagerie d’un côté, les approches phénoménologiques de l’autre. Le pont entre les dimensions subjectives vécues (le "je ne me sens pas moi") et les données biologiques reste fragile, voire inexistant.
Des auteurs ou centres travaillent encore à tenter de refonder ce corpus..