Film Noir  - Humphrey Bogart (1899-1957), Edward G.Robinson (1893-1973), James Cagney (188-1986), George Raft (1901-1980), Ray Milland (1905-1986), Cary Grant (1904-1986), Sterling Hayden (1916-1986), Robert Mitchum (1917-1997), ...

Lust update : 10/10/2017

Le Film Noir...

"You think you know something, don't you? You think you're the clever little girl that knows something. There's so much you don't know. So much. What do you know, really? You're just an ordinary little girl living in an ordinary little town. You wake up every morning of your life and you know perfectly well that there's nothing in the world to trouble you. You go through your ordinary little day and at night you sleep your untroubled, ordinary little sleep filled with peaceful, stupid dreams. And I brought you nightmares! Or did I, or was it a silly inexpert little lie? You live in a dream. You're a sleepwalker, blind. How do you know what the world is like? Do you know the world is a foul sty? Do you know if you rip the fronts off houses you'd find swine? The world's a hell. What does it matter what happens in it? Wake up, Charlie! Use your wits. Learn something...."

 (Shadow of a Doubt (1943) 

 

C'est au lendemain de de la Seconde Guerre mondiale que les critiques français découvrent un cinéma américain, caractérisé par une atmosphère de noirceur, de cynisme et de pessimisme. Les films les plus emblématiques ont pour titre "The Maltese Falcon" (1941), "Murder, My Sweet" (1944),  "Double Indemnity" (1944), "The Woman in the Window" (1944), "Laura (1944)". En 1946, en référence à la collection Série noire fondée l'année précédente par Marcel Duhamel, le critique et écrivain Nino Frank  crée l'expression "film noir" pour désigner cette toute nouvelle atmosphère qui transparaît alors dans la production cinématographique, à l'instar de l'expressionnisme allemand ou de la Nouvelle Vague française. D'une manière générale, la notion de "film noir" renvoie aux films hollywoodiens des années 1940 et du début des années 1950. Et pendant longtemps, ce sont les critiques européens qui se sont emparés de la remarquable créativité de ces films, les critiques américains semblant considérer comme une aberration ces films obsédés par la corruption, le désespoir, à l'esthétique ambiguë, à la frontière du bien et du mal.

C'est à partir des années 1930 que l'intrigue des films policiers va se charger d'une sorte de réalisme noir, qui englobe tant l'univers du criminel que celui du policier et du milieu qui sert de toile de fond au scénario : les détectives privés usent de la même violence que les gangsters qu'ils traquent, les uns et les autres interagissent dans un monde condamné aux ténèbres, sans illusion. Cette noirceur gagne jusqu'à l'âme des héros, détectives affrontant en eux-même le duel entre le Bien et le Mal, malfrats de la pègre mêlant hypersensibilité et cynisme cruel. Un érotisme latent est sans cesse suggéré par des plans, des symboles, des éclairages : les femmes y sont des victimes mais aussi des "tueuses".  Le film noir colle au roman de même couleur que consacre par exemple le fameux "Faucon maltais" de Dashiell Hammett et que porte à l'écran John Huston en 1941. Sous la double influence des bouleversements économiques et sociaux (la Grande Dépression, puis les désillusions de la guerre et de l'après-guerre) et des techniques cinématographiques (le suspense), l'intrigue se complexifie de péripéties violentes, engluant tant les personnages que les spectateurs dans une angoisse diffuse, un malaise qui ne repose plus tant dans une intrigue que dans dans une atmosphère dans laquelle transparaît la noirceur potentielle de notre réalité quotidienne. Et le héros, qu'il soit victime ou justicier, lutte contre le mal mais au bout du compte n'en triomphe pas nécessairement...

Le film noir est inspiré de l'expressionnisme du cinéma allemand de l'entre-deux-guerre. "M le maudit", premier film parlant de Fritz Lang en 1931 possède cette atmosphère oppressante, le fond et la forme que va emprunter le film noir. A partir de 1933, les réalisateurs allemands réfugiés aux Etats-Unis apportent plus de mystère et une analyse plus psychologique dans la peinture de la criminalité, et diffusent les techniques expressionnistes de clairs-obscurs et le tournage des scènes de nuit et la caméra excentrée. Et si le style émane de l'Europe, les thèmes sont bien ceux de la noirceur dans la société américaine, inspirée des auteurs de polars tels que James M.Cain, Raymond Chandler, Dashiell Hammett, Cornell Woolrich. Le Viennois Otto Preminger mêle, en  1944, dans "Laura", film noir et intrigue intimiste.  La même année, Billy Wilder, dans "Assurance sur la mort" (Double Indemnity), fait de Barbara Stanwick une "tueuse" victime de sa propre névrose. Fritz Lang évoque dans "La Femme au portrait" (The Woman in the Window, 1944) l'implacable destin d'un homme (Edward G. Robinson) condamné à devenir criminel et que rien ni personne ne pourra sauver. La psychanalyse s'introduit dans le film noir dans "Péché mortel" de John Stahl (Leave Her to Heaven, 1945), également premier film en Technicolor, qui utilise les effets angoissants de paysages estompés à l'aube ou au crépuscule, la nudité des espaces du Nouveau-Mexique, les inquiétants reflets de l'eau d'un lac. Charles Vidor, dans Gilda (1946), met en scène une psychologie tourmentée, celle de Rita Hayworth, femme-objet au centre d'un univers clos où le plaisir ne va jamais sans tragédie. Et c'est encore Rita Hayworth qui prête à Orson Welles, dans "The Lady from Shanghai" (1948) un charme ambigu qui se révèle non pas promesse d'amour mais de destruction...


Les années 1930 voient se multiplier les films de gangsters...

 

"Scarface" (1932) 

Réalisé par Howard Hawks, adapté d'un roman d'Armitage Trail, avec Paul Muni (Tony Camonte), Ann Dvorak (Cesca Camonte), Karen Morley (Poppy), Osgood Perkins (Johnny Lovo), Scarface s'inspire directement de la vie d'Al Capone et vaut pour ce mélange de fascination et de répulsion que peut inspirer un personnage aussi corrompu dans un univers qui ne l'est pas moins : les épisodes du massacre de la Saint-Valentin, du meurtre de Big Jim Colosimo, en fond d'un Chicago de la Prohibition, des flics brutaux et pourris, des journalistes cyniques mettent en exergue comme un paradoxe un Paul Muni d'une sincérité naïve dans sa quête de pouvoir : et c'est lorsqu'il ne raisonne en termes d'affaires mais se laisse gagner par les émotions, que débute sa descente aux enfers..

 

"Dead End" (Rue sans issue, 1937)

Réalisé par William Wyler, d'après une pièce de Sidney Kingsley, avec Sylvia Sidney (Drina Gordon), Joel McCrea (Dave Connell), Humphrey Bogart (Hugh dit "Baby Face") : dans un quartier populaire et misérable de New York, enclave dans une ville qui s'enrichit et s'embourgeoise, l'intrigue se déroule dans un climat qui annonce celui des films noirs, l'inexorable destins d'une petite bande de gosses livrés à eux-mêmes qui ne peuvent que marcher dans les traces de Baby Face, gangster notoire revenu dans le quartier, fortune faite. Après "The Petrified Forest" (1936), de Archie Mayo, avec Leslie Howard et Bette Davis, Humphrey Bogart installe ici parfaitement et dans toute sa complexité son personnage de gangster...

 

"Racket Busters" (Menaces sur la ville, 1938) 

Réalisé par Lloyd Bacon, sur un scénario de  Robert Rossen, avec Humphrey Bogart (John Martin), George Brent (Denny Jordan), Gloria Dickson (Nora Jordan) : le puissant gangster John Martin prend le contrôle d'un syndicat de camionneurs, et rencontre sur sa route Denny Jordan, qu'il parvient à réduire au silence, mais plus encore le procureur général Hugh Allison, dont la réputation dans le combat contre le racket organisé est solidement établi...

 

"Angels with Dirty Faces" (Les Anges aux figures sales, 1938)

Réalisé par Michael Curtiz, sur un scénario de Rowland Brown, avec James Cagney (Rocky Sullivan), Pat O'Brien (Jerry Connolly), Humphrey Bogart (James 'Jim' Frazier), Ann Sheridan (Laury Ferguson) : Rocky et Jerry, deux copains issus d'un quartier difficile de New York, Hell's Kitchen, deviennent, le premier un gangster célèbre, l'autre un prêtre qui tentent de réhabiliter les jeunes délinquants. Un gang d'adolescents idolâtre Rocky, jusquà ce que le père Jerry parvienne à persuader son ami, qui vient d'être condamné à mort, de feindre la lâcheté avant d'être exécuté. Avec un James Cagney qui a tendance à surjouer, Curtiz défend le Bien en accentuant les gémissements du condamné conduit à la chaise électrique. 

 

"Invisible Stripes" (1939)

Réalisé Lloyd Bacon, inspiré d'Invisible Stripes de Lewis E. Lawes, avec George Raft  (Cliff Taylor), Jane Bryan (Peggy), William Holden (Tim Taylor), et Humphrey Bogart (Chuck Martin) : la prison et ses conséquences en terme d'insertion est le sujet de l'intrigue qui voit Cliff Taylor (George Raft), qui vient de quitter la prison de Sing Sing, tenter de mener une vie normale, mais rencontre sur son chemin un Chuck Martin (Humphrey Bogart), qui l'entraîne à nouveau vers le crime...

 

"They Drive By Night" (Une femme dangereuse, 1940)

Réalisé par Raoul Walsh, d'après le roman "Long Haul" d'Albert Isaac Bezzerides, avec George Raft (Joe Fabrini), Ann Sheridan (Cassie Hartley), Ida Lupino (Lana Carlsen), Humphrey Bogart (Paul Fabrini) : Joe Fabrini et son frère Paul, tous deux à la tête d'une petite entreprise de transports, dans la région de San Francisco, tentent de subsister, mais la chronique qui relate les difficultés quotidiennes du monde des routiers, difficultés sociales et amoureuses, plonge soudainement les deux protagonistes dans le drame, scènes d'accidents, filmées à la lumière des phares et emprise de la femme fatale et dangereuse qu'incarne Ida Lupino...


Le film noir, né de la crise américaine et du roman policier américain, s'est incarné dans d'inoubliables acteurs de Hollywood. Le film policier avait commencé par peindre des gangsters sortant de l'ordinaire et auxquels quelques acteurs prêtant leur personnalité : James Cagney, dans "L'Ennemi public" (1931, "The public enemy", William A. Wellman), Edward G.Robinson dans "Le Petit César" (1931, "Little Caesar", Mervyn LeRoy), Paul Muni dans "Scarface" (1932, H.Hawks). Le film noir va se focaliser sur le détective, le plus souvent privé, qui navigue à mi-chemin entre l'ordre et le crime et risque à tout instant d'être absorbé par les bas-fonds.

L'acteur qui incarne toute cette ambiguïté est Humphrey Bogart (1899-1957). Il débute par une série de rôles de gangsters de second plan, souvent dans l'ombre d' Edward G.Robinson, de James Cagney et de George Raft : "Guerre au crime (Bullets or Ballots, William Keighley, 1936), "Menaces sur la ville" (Racket Busters, Lloyd Bacon, 1938)," Une femme dangereuse" (They Drive By Night, Raoul Walsh, 1940).

Mais en 1941, en incarnant Sam Spade, le privé du "Faucon maltais" (The Maltese Falcon, John Huston), Humphrey Bogart personnifie le film noir, le justicier cynique sans illusion sur les lois de la société comme sur celles de la pègre. Après "La mort n'était pas au rendez-vous" (Conflict, Curtis Bernhardt, 1945), il prendra encore plus d'ampleur avec son interprétation de Philip Marlowe, dans "Le Grand Sommeil" ("The Big Sleep", Howard Hawks, 1946). Inébranlable, narquois, dur, il est capable d'abattre brusquement son jeu dans une partie dont il a fixé lui-même les règles. 


On distingue en général, dans le film noir, une première période, celle de la guerre, entre 1941 et 1946. Le personnage du détective privé domine, solitaire, l'action est le plus souvent cantonnée à des décors de studio.

 

Le Faucon maltais (The Maltese Falcon, 1941)

Réalisé par John Huston, sa première mise en scène, troisième adaptation du roman de Dashiell Hammett, avec Humphrey Bogart (Sam Spade), Mary Astor (Brigid O'Shaughnessy), Gladys George (Iva Archer), Peter Lorre (Joel Cairo), Elisha Cook (Wilmer Cook), Barton MacLane, Sydney Greenstreet...

"When a man's partner is killed, he's supposed to do something about it. It doesn't make any difference what you thought of him. He was your partner and you're supposed to do something about it. And it happens we're in the detective business. Well, when one of your organization gets killed, it's-it's bad business to let the killer get away with it, bad all around, bad for every detective everywhere." - "Sam Spade et Miles Archer dirigent une agence de police privée. Miles est assassiné au cours d'une enquête et Sam Spade commence à soupçonner Brigid O'Shaughnessy, qui était à l'origine de celle-ci. Brigid demande à Sam de ne pas révéler son nom et de l'aider. Intéressé tout autant par la beauté de la jeune femme que par son argent, Sam accepte et il reçoit la visite d'un étranger nommé Joel Cairo qui lui offre 5 000 dollars en échange d'une statuette représentant un faucon..." Chef d'oeuvre du film noir, la plupart des personnages sont devenus des archétypes du genre, on n'y conspire et on s'y tue pour une cible qui s'avère un leurre et l'amour que Sam Pad déclare à Miss O' ne l'empêche pas de la livrer à la police.. Dashiell Hammett et John Huston partageaient un même vécu avant de débuter leurs carrières de scénariste ou de réalisateur, ayant exercés l'un et l'autre de nombreux métiers, boxeur, détective, soldat, vendeur de journaux, etc... Le livre de Hammett avait déjà été adapté par Roy Del Ruth, en 1931, et William Dieterle, en 1936, mais c'est la version de Huston qui restera gravée dans les mémoires, pour son découpage très précis, pour son casting à la tête duquel Bogart connaît enfin son heure de gloire...

Bryan: Who killed Thursby?

Sam Spade: I don't know.

Bryan: Perhaps you don't, but you could make an excellent guess.

Sam Spade: My guess might be excellent or it might be crummy, but Mrs. Spade didn't raise any children dippy enough to make guesses in front of a district attorney, and an assistant district attorney and a stenographer.

Bryan: Why shouldn't you, if you have nothing to conceal?

Sam Spade: Everybody has something to conceal.

Bryan: I'm a sworn officer of the law, 24 hours a day, and neither formality nor informality justifies you withholding evidence of crime from me. Except, of course, on constitutional grounds.

Sam Spade: [ranting] Now, both you and the police have as much as accused me of being mixed up in the other night's murders. Well, I've had trouble with both of you before. And as far as I can see my best chance of clearing myself of the trouble you're trying to make for me, is by bringing in the murderers all tied up. And the only chance I've got of catching them, and tying them up, and bringing them in, is by staying as far away as possible from you and the police, because you'd only gum up the works.

[turns to stenographer]

Sam Spade: You getting this all right, son, or am I goin' too fast for ya?

Stenographer: No, sir, I'm getting it all right. 

Sam Spade: Good work.


La grande évasion (High Sierra, 1941)

Réalisé par Raoul Walsh, scénario de John Huston et William Riley Burnett, avec Ida Lupino, Humprey Bogart, Alan Curtis..

C'est le film qui va hisser Humphrey Bogart au rang de star. "Condamné à perpétuité mais libéré après huit ans de prison, Roy Earle se rend en Californie pour retrouver deux amis : Babe et Red avec qui il doit mettre au point une " affaire". Il doit sa libération à son associé Big Mac qui, très malade, a préparé pour lui le hold-up d'un hôtel de luxe à Palm Springs. En cours de route il rencontre la famille Goodhue et leur petite fille Velma dont il s'éprend. Roy retrouve ses complices. Ces derniers sont accompagnés d'une chanteuse de cabaret, Marie. Roy, après réticences, accepte la présence de Marie. La bande effectue un hold-up qui échoue. Traqués par la police ils fuient. ..."  

"- I was getting nervous, waiting over an hour. I've been waiting too, over eight years. The park's down there, ain't it? Yeah. The park?

- Say, Earle, you feeling all right? I will be. Just as soon as I make sure that grass is still green... ...and trees are still growing.

- Pass me the ball, there, mister!

- He ought to be here now. When he comes, stay in the bedroom till he's gone. I been hearing about Roy Earle for years. He's a real big shot, and I wanna see him!

- Okay, okay.

- Here they are now. Wally's brought him.

- All right, scram! Come in..." 


C'est avec "High Sierra" que Humphrey Bogart (1899-1957) va entrer dans sa légende : il a presque 40 ans lorsqu'il commence à se faire un nom d'acteur, il a passé auparavant quelque temps dans la Marine, a tenté l'art dramatique et goûté la vie de noctambule. Dans les années 1930, il participe à plus d'une trentaine de films de série B, incarne des durs ou des gangsters, parvient toutefois à émerger dans "Dead End" (Rue sans issue, 1937), de William Wyler, "Angels with Dirty Faces" (Les Anges aux figures sales , 1938) de Michael Curtiz, "They Drive By Night" (Une femme dangereuse, 1940), de Raoul Walsh, et gravit une première marche vers les sommets de sa renommée avec "The Maltese Falcon" (1941). C'est alors "Casablanca", un mélodrame devenu culte qui se déroule pendant la guerre, qui voit Humphrey Bogart confronté à Ingrid Bergman, et prendre une dimension charismatique qui s'impose d'emblée : Rick Blaine, le patron du club américain et expatrié, lui offre la possibilité de dresser le portrait d'un homme cynique qui découvre l'amour et l'honneur, le "dur" acquiert de la profondeur, doit apprendre à jouer avec ses sentiments et rencontre ainsi un public qui partage les mêmes dilemmes. Les deux films qui suivent unissent Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Howard Hawks dans des archétypes absolus du film noir, "Le Port de l'angoisse" (To have and have not, 1945) et "Le Grand Sommeil" (The Big Sleep, 1946). L'alchimie passionnelle qui noue Humphrey Bogart et Lauren Bacall, et qui transparaît à l'écran, est connue et maintes fois commentée. "For my first scene, I had to lean against the door of Bogart’s room and light a cigarette. But my head and hand were shaking too much to get it lit. Bogart tried to joke me out of it: he was quite aware that I was new and scared to death. By the end of the fourth take, I realised that one way to hold my trembling head still was to keep it down, chin low, almost to my chest, and eyes up at Bogart. It worked, and turned out to be the beginning of ‘The Look’. I found out very quickly that first day what a terrific man Bogart was. He did everything possible to put me at ease. He was not even remotely a flirt. I was, but I didn’t flirt with him. There was much kidding around — our senses of humour went well together. Bogie’s idea, of course, was that laughing would relax me. Our jokes were total corn: ‘What did the ceiling say to the wall?’ ‘Hold me up, I’m plastered!’ What happened next developed almost imperceptibly. About three weeks into the picture, I was sitting in the dressing room at the end of the day, combing my hair. Bogie came in to bid me good night. He was standing behind me, and we were joking as usual, when suddenly he leaned over, put his hand under my chin, and kissed me. It was impulsive. He took a worn pack of matches out of his pocket and asked me to put my phone number on the back. I did. I don’t know why I did, except it was part of our game. Bogie was known for never fooling around with women at work. He was not that kind of man. Also, he was married to Mayo Methot, his third wife and a woman who was a notorious drinker and fighter. A tough lady who would hit you with an ashtray, lamp, anything, as soon as not...", écrira-t-elle. Puis Humphrey Bogart retrouve John Houston, avec "The Treasure of the Sierra Madre", 1948,  "Key Largo", 1948, "The African Queen", 1951, "Beat the Devil" (1953), Nicholas Ray, avec "Knock on Any Door" (1949) et "In a Lonely Place" (1950, le personnage de Dixon Steele est un de ses plus beaux rôles)...


Casablanca (Casablanca, 1943)

Réalisé par Michael Curtiz, avec Humphrey Bogart (Rick Blaine), Ingrid Bergman (Ilsa Lund), Paul Henreid (Victor Laszlo), Claude Rains (Capitaine Louis Renault), Conrad Veidt, Sydney Greenstreet, Peter Lorre..

Dans un monde créé de toutes pièces, l'Amérique a pu se reconnaître dans un Bogart qui, sous une apparence cynique, est au fond un idéaliste pragmatique. - "1942, en pleine tourmente de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de réfugiés fuyant le joug hitlérien en Europe affluent à Casablanca dans l’espoir d’obtenir un visa pour les Etats-Unis et la liberté. Le Major Strasser, important dignitaire allemand, arrive en ville pour enquêter sur l’assassinat de deux émissaires nazis ; il demande pour son investigation l’aide du capitaine Renault, chef de la police locale vichyssoise. La solution de cette énigme ne peut se trouver qu’au Café Américain où se presse chaque soir une foule cosmopolite et bigarrée, et dont le propriétaire est un ancien opposant aux fascistes en Ethiopie et en Espagne. Miné par un chagrin d’amour, Rick est devenu un homme amer,  qui affecte désormais un complet détachement vis-à-vis de la situation internationale : l'arrivée d’Ilsa, la femme qu’il avait aimée avant l’occupation de Paris par l’armée ennemie et qui l’avait quitté brusquement, va modifier son comportement ..." C'est dans Casablanca que l'on prononce quelques-unes des répliques les plus célèbres de l'histoire du cinéma ("Of all the gin joints in all the towns in all the world, she walks into mine", " I stick my neck out for nobody",...) 

Rick: Last night we said a great many things. You said I was to do the thinking for both of us. Well, I've done a lot of it since then, and it all adds up to one thing: you're getting on that plane with Victor where you belong.

Ilsa: But, Richard, no, I... I...

Rick: Now, you've got to listen to me! You have any idea what you'd have to look forward to if you stayed here? Nine chances out of ten, we'd both wind up in a concentration camp. Isn't that true, Louie?

Captain Renault: I'm afraid Major Strasser would insist.

Ilsa: You're saying this only to make me go.

Rick: I'm saying it because it's true. Inside of us, we both know you belong with Victor. You're part of his work, the thing that keeps him going. If that plane leaves the ground and you're not with him, you'll regret it. Maybe not today. Maybe not tomorrow, but soon and for the rest of your life.

Ilsa: But what about us?

Rick: We'll always have Paris. We didn't have, we, we lost it until you came to Casablanca. We got it back last night.

Ilsa: When I said I would never leave you.

Rick: And you never will. But I've got a job to do, too. Where I'm going, you can't follow. What I've got to do, you can't be any part of. Ilsa, I'm no good at being noble, but it doesn't take much to see that the problems of three little people don't amount to a hill of beans in this crazy world. Someday you'll understand that.

[Ilsa lowers her head and begins to cry]

Rick: Now, now...

[Rick gently places his hand under her chin and raises it so their eyes meet]

Rick: Here's looking at you kid.


 Tueur à gages (This Gun for Hire, 1942)

Réalisé par Frank Tuttle, adapté du roman "A Gun for Sale" de Graham Greene, avec Alan Ladd, Veronica Lake

Alan Ladd incarne le tueur à visage d'ange déchu et vevient le partenaire idéal pour une Veronika Lake, la vamp parfaite du film noir. Ils se retrouveront dans "La Cité de verre" et "Le Dahlia bleu" (1946). "Lorsque le redoutable tueur à gages, Philip Raven, constate qu'il a été payé en faux billets, il est déterminé à se venger. Poursuivi par la police, Raven rencontre la séduisante Ellen Graham qui n'est autre que la fiancée de l'inspecteur qui le traque. Mais cette chanteuse et illusionniste de cabaret pourrait peut-être lui être d'une grande utilité ..."


L'Ombre d'un doute (Shadow of a doubt, 1943)

Réalisé par Alfred Hitchcock, avec Teresa Wright, Joseph Cotten, McDonald Carey..

Le danger entre dans une petite ville de province, le scénario est de Thornton Wilder (1897-1975), un fin connaisseur de leur mentalité : "Philadelphie. Charlie Oakley se repose sur son lit et apprend par sa logeuse que deux hommes l'ont demandé. Il découvre que les hommes en question sont là et il réussit à échapper à leur filature. Il décide de se rendre chez sa sœur à Santa Rosa. Il la prévient alors même que la jeune Charlie, sa nièce, s'apprêtait à lui envoyer un télégramme. Charlie, qui porte donc le même prénom que lui, lui voue une grande admiration. Charlie Oakley arrive à Santa Rosa et retrouve la famille de sa sœur et notamment Charlie. Jack Graham et Fred Saunders arrivent en ville. Le premier se dit agent du gouvernement, le second est son photographe. Ils font une enquête sur la famille américaine type. Emma est fière d'avoir été choisie mais Charlie Oakley refuse de se laisser prendre en photo. Jack avoue à la jeune Charlie qu'il est en réalité un policier et qu'il enquête sur le criminel responsable de la mort de plusieurs riches veuves...."

Le film révèle un Joseph Cotten inattendu : capable de jouer dans n'importe quel genre cinématographique (soixante-dix films en quarante ans de carrière), Joseph Cotten (1905-1994), lancé par le "Citizen Kane" (1941) et "The Magnificent Ambersons" (1942) d'Orson Welles et qui souffre de sa réputation d'homme triste et guindé, devient, par le biais d'Alfred Hitchcock, un tueur en série qui développe un charme étonnant et sombre dans une logique meurtrière implacable quand il rencontre des veuves fortunées. Tous les extérieurs furent tournés dans les lieux mêmes de l'action, à Santa Rosa, et Hitchcock mêla figurants et acteurs professionnels aux habitants de la ville; la fille d'un épicier devint Anna, la sœur cadette de Charlie, un policier apprit au comédien qui devait jouer son rôle les gestes'et les habitudes de sa professionet le cortège funèbre fut filmé en live sans que les habitants...


Hantise (Gaslight, 1944)

Réalisé par George Cukor, adapté d'une pièce de Patrick Hamiltonavec Charles Boyer, Ingrid Bergman, Joseph Cotten ...

"Une ombre funeste pèse sur la maison londonienne du 9 Thornton Square: c'est là que la célèbre chanteuse Alice Alquist a été retrouvée assassinée sans que son meurtre n'ait jamais été élucidé. Traumatisée, sa nièce Paula s'est enfuie à l'étranger et s'y est mariée. Elle se laisse convaincre quelques années plus tard, par son époux, le pianiste Gregory Anton, de revenir s'y installer. L'homme semble échafauder de sombres desseins..."


Laura (Laura, 1944)

Réalisé par Otto Preminger, adapté du roman de Vera Caspary, avec Gene Tierney (Laura Hunt), Dana Andrews, Clifton Webb, Vincent Price...

Shelby Carpenter (Vincent Price) :  "I can afford a blemish on my character, but not on my clothes." - "L'inspecteur Mark McPherson a pour mission d'élucider le meurtre de Laura Hunt, retrouvée morte dans son appartement de New York. Il identifie quelques suspects, parmi lesquels le chroniqueur excentrique Waldo Lydecker, protecteur de la jeune femme, et son fiancé, un noceur vaniteux, Shelby Carpenter. Un soir, alors qu'il revient fouiller l'appartement de la victime, le policier s'endort, devant un portrait de la jeune femme, et, lorsqu'il se réveille, elle apparaît en chair et en os devant lui ..." Otto Preminger construit, dans un décor noir et mélodramatique, des portraits incisifs autour de la mort de la belle décoratrice Laura Hunt : son amie, mondaine et distante, Ann (Judith Anderson), son fiancé, le fourbe Shelby (Vincent Price), le détective Mark McPherson (Dana Andrews) qui tombe amoureux de son fantôme, et plus que tous les autres protagonistes, l'écrivain et homme de radio, Waldo Lydecker (Clifton Webb), troublant et vénéneux à souhait... 


La Femme au portrait (The Woman in the Window, 1944)

Réalisé par Fritz Lang, adapté du roman de J.H.Wallis, avec Edward G. Robinson (le professeur Richard Wanley), Joan Bennett (Alice Reed, la femme au portrait), Dan Duryea (Heidt)...

On a dit du film de Fritz Lang, qu'il avait la perfection d'un rêve et avait sur recréer l'angoisse si logique des cauchemars.  "Le professeur Richard Wanley partage sa vie entre ses cours de l'université, où il occupe une chaire de criminologie, et son club où il retrouve quotidiennement ses amis, le docteur Barkstone et le procureur Frank Lalor. Un soir, à la sortie de son club, Wanley contemple le portrait d'une jeune femme merveilleuse exposé dans une vitrine. Le professeur se retourne soudain : la femme qui servit de modèle se trouve devant lui et lui propose de venir boire une coupe de champagne chez elle, et au cours d'un enchaînement inexorable qui prend les allures d'un cauchemar, il devient complice d'un meurtre ..." - Fritz Lang s'opposa non seulement à l'usage hollywoodien en vigueur selon lequel tout meurtrier devait obligatoirement être puni, mais conçut lui-même une fin différente de celle qui était prévue : comprenant qu'il ne peut échapper à l'enquête de la police, Robinson se suicide en avalant du poison, la caméra cadre l'acteur en train de mourir, puis recule tandis qu'une main vient se poser sur l'épaule de Robinson : c 'est un des serveurs du club qui vient le réveiller comme prévu à 10h30, tout n'était donc qu'un rêve...

- Richard Wanley: The flesh is still strong, but the spirit grows weaker by the hour. You know, even if the spirit of adventure should rise up before me and beckon, even in the form of that alluring young woman in the window next door, I'm afraid that all I'll do is clutch my coat a little tighter, mutter something idiotic and run like the devil.

- Dr. Michael Barkstane: Not before you got her number, I hope?

- Richard Wanley: Probably.


Adieu ma belle (Murder my Sweet, 1944)

Réalisé par Edward Dmytryk, adapté du roman "Farewell, my lovely" de Raymond Chandler, avec Dick Powell (Philip Marlowe), Claire Trevor (Helen Grayle/Velma Valento), Anne Shirley (Ann Grayle)...

Les films noirs comportant le personnage du détective privé ne sont pas si courants que cela, et pratiquement tous sont tirés de romans de Chandler. Dans la première séquence, des voix courroucées s'élèvent tandis que la caméra descend du plafond pour montrer Philip Marlowe avec un bandage autour des yeux et entouré d'une groupe d'inspecteurs qui attendent ses explications ... Le roman est lui-même un cocktail d'histoires secondaires qui finissent pas rejoindre, Marlowe, joué par un improbable ancien crooner, Dick Powell qui surprend tout son monde par sa dureté ironique (loin tout de même des Bogart et Mitchum), reconstitue par flash-back le puzzle du récit, un ex-détenu, Moose Malloy (Mike Mazurk) l'engage pour retrouve son ancienne maîtresse qui l'avait dénoncé, et le détective est aussi recruté par une vamp mondaine, Helen Grayle (Claire Trevor) qui veut récupérer un jade volé et se débarrasser d'un maître-chanteur (Otto Kruger). On a dit de ce film qu'il est la quintessence du film noir, Dmytryk use à souhait des ombres de la pluie, des hallucinations provoquées par la drogue, d'un univers sombre et poisseux tirant sa toile pleines de complots, femmes fatales, flics harassés, malfrats débiles, le méchant comme le plus souvent est une femme, la plus forte de l'histoire... 

 Philip Marlowe (Dick Powell) : "Okay Marlowe," I said to myself, ‘You’re a tough guy. You’ve been sapped twice, choked, beaten silly with a gun, shot in the arm until you’re crazy as a couple of waltzing mice. Now let’s see you do something really tough—like putting your pants on."


Les mains qui tuent (Phantom Lady, 1944)

Réalisé par Robert Siodmak, adapté du roman de William Irish, avec Alan Curtis, Franchot Tone, Ella Raines...

C'est le premier film noir dont une femme est le principal "détective", dont l'action se déroule dans un univers sombre, humide, de bureaux miteux et de snacks bondés. "À la suite d'une dispute avec son épouse, l'ingénieur Scott Henderson fait la connaissance dans un bar d'une jeune inconnue coiffée d'un chapeau extravagant, à qui il propose de passer la soirée au théâtre. De retour chez lui, trois policiers l'attendent : sa femme a été étranglée avec l'une de ses cravates. Incapable de fournir suffisamment d'indices pour permettre de retrouver sa compagne d'un soir, Scott est condamné à la chaise électrique. Mais sa secrétaire Carol, surnommée "Kansas", secrètement amoureuse de lui, croit à son innocence et entreprend de faire des recherches pour le disculper..."


Assurance sur la mort (Double Indemnity, 1944)

Réalisé par Billy Wilder, adapté d'un roman de James M.Cain par Raymond Chandler , avec Fred MacMurray, Barbara Stanwyck, Edward G Robinson...

Adultère et crime matrimonial commis non par des gangsters, mais par de simples citoyens, toute l'atmosphère du scandale est palpable. "Los Angeles. Dans les bureaux de la compagnie d'assurances "Pacific All-Risk", Walter Neff se confesse à un dictaphone: "Walter Neff, agent d'assurances, 35 ans, célibataire, pas de signe particulier..enfin jusqu'à tout à l'heure". Quelques mois plus tôt, Walter Neff, un agent en assurances, fait la connaissance de Phyllis Dietrichson. Cette dernière souhaite assurer son mari sans que ce dernier le sache. Walter devient alors soupçonneux mais il est fasciné par Phyllis. Neff et Phyllis préparent et exécutent ensemble l'assassinat de M. Dietrichson, le mari de Phyllis, après que Neff lui ait fait signer à son insu une police d'assurance sur la vie. Mais entrera en jeu un inspecteur tenace (Edward G. Robinson) qui très rapidement découvre la meurtrière et creuse pour trouver son complice...."

Durant toute sa carrière, Fred MacMurray (1908-1991) a incarné, avec son visage de collégien, des types sympathiques, souriants, affables ("Alice Adams", 1935, de George Stevens), le voici incarnant un être cupide, dissimulant ses intentions lubriques sous son beau-parler de représentant de commerce, et l'appât qui le fait soudainement sortir de sa routine contenue, c'est la belle Phyllis Dietrichson (Barbara Stanwyck) qui lui demande innocemment s'il est possible d'assurer son mari, plus âgé qu'elle, contre le risque de la mort. Et c'est bien dans les rôles de canaille que Fred MacMurray donne le meilleur de lui-même, meneur dégonflé dans "The Caine Mutiny" d'Edward Dmytryk (1954), abject patron adultère dans "The Apartment" de Billy Wilder (1960)...

Walter Neff (Fred MacMurray) : "I was thinking about that dame upstairs, and the way she had looked at me, and I wanted to see her again, close, without that silly staircase between us."


Péché mortel (Leave here to heaven, 1945)

Réalisé par John M. Sthal, avec : Gene Tierney, Cornel Wilde, Jeanne Crain...

C'est le film qui a donné tant de notoriété à Gene Tierney. "Invités tous deux par un ami commun, l'avocat Glen Corbie, Ellen Berent et le romancier Richard Harland font connaissance dans le train qui les mène à Jacinto, au Nouveau Mexique. Ellen tombe éperdument amoureuse de Richard, en qui elle trouve une ressemblance frappante avec son propre père à qui elle vouait un culte. Ellen prend l'initiative de rompre avec son fiancé, Russell Quinton, pour épouser Richard. Elle part vivre avec lui dans un chalet de montagne sur les bords d'un lac dans le Maine en compagnie de Danny, le jeune frère infirme de son mari...."

 


Le Poison (The Lost Weekend, 1945)

Réalisé par Billy Wilder, adapté d'un roman de Charles R. Jackson, avec Ray Milland, Jane Wyman...

Don Birnam, écrivain raté, au bout du rouleau, est entraîné dans la spirale brutale de l'alcoolisme, et va perdre progressivement ce qui lui reste de dignité. Il ne se contente pas de tromper son frère et sa fiancée Helen, mais se met à voler pour obtenir de l'alcool. Après une terrible crise de delirium tremens, il se retrouve au bord du suicide ... Ray Milland (1905-1986), originaire du Pays de Galles, qui a servi sous l'uniforme de la Royal Household Cavalry, à Londres, avant de débuter au cinéma avec "The Flying Scotsman" en 1929, réalisé par Castleton Knight, s'embarquer pour Hollywood et jouer dans des films d'amour sophistiqués (Arise, My Love, 1950),fut pendant toute sa carrière un premier rôle séduisant : ici, il change magistralement de registre et incarne à la perfection un écrivain alcoolique. Il sera par la suite un assassin glacial dans "Dial M for Murder" d'Alfred Hitchcock..


Le Port de l'angoisse (To have and have not, 1945)

Réalisé par Howard Hawks, adapté d'un roman d'Ernest Hemingway, avec Humphrey Bogart (Harry "Steve" Morgan), Walter Brennan (Eddie), Lauren Bacall (Marie Browning, Slim), Dolores Moran (Hélène de Bursac)...

"Fort de France sous la tutelle du Gouvernement de Vichy durant l’été 1940. Harry Morgan est un aventurier américain qui gagne sa vie en louant son bateau pour des parties de pêche à l’espadon. Bien que la cause des résistants français de Martinique lui soit sympathique, Morgan refuse d’être mêlé de quelque façon à leur lutte clandestine. Aussi leur refuse-t-il de mettre son si précieux bateau à leur disposition. Mais lorsque son dernier client, Johnson, est abattu dans une rafle avant d’avoir pu payer sa dette, Morgan, désormais sans le sou, se trouve contraint de déroger à ses principes..." Lauren Bacall fait ici sa première apparition au cinéma et rencontre Bogart pour la première fois...

Slim: What are you trying to do, guess her weight?

Steve: She's heftier that you think.   [lays down fainted woman he has been carrying]

Steve: Better loosen her clothes.

Slim: You've been doing all right.  [stops him from loosening clothes]

Slim: Maybe you'd better look after her husband.

Steve: He's not going to run out on me.

Slim: Neither is she.


Crime passionnel (Fallen Angel, 1945)

Réalisé par Otto Preminger, avec Dana Andrews, Alice Faye, Linda Darnell.. 

"Walton, une bourgade endormie entre mille autres, entre Los Angeles et San Francisco. C’est là qu’Eric Stanton, bonimenteur fauché de trente ans, doit se résoudre à débarquer du bus. Un dollar, voilà bien tout ce qu’il lui reste en poche. Il décide d’aller l’y dépenser au coffee-shop local où il rencontre quelques habitués qui tous s’interrogent ou se lamentent sur la disparition de la serveuse des lieux. Mais Stella, fugueuse chronique, finit toujours par revenir au bercail, sans que personne ne songe à l’accabler de reproches. Incidemment, c’est ce moment précis qu’elle choisit pour réapparaître. Eric met alors le pied dans l’engrenage qui conduit droit au drame. Pour s’attirer les faveurs de la belle, il entreprend de séduire la prude June Mills afin de l’épouser et la déposséder de la moitié de sa fortune…" 


La maison du docteur Edwardes (Spellbound, 1945)

Réalisé par Alfred Hitchcock, adapté du roman de Francis Beeding, avec  Ingrid Bergman, Gregory Peck, Leo G. Caroll...

"Constance Peterson est médecin dans un asile d'aliénés. Le directeur de l'asile, le docteur Murchison étant mis à la retraite, on attend l'arrivée de son successeur, le docteur Edwardes. Constance tombe amoureuse de celui que tous prennent pour le docteur Edwardes avant de comprendre qu'il s'agit d'un usurpateur souffrant d'amnésie. Quand il prend conscience de cette amnésie, le faux docteur croit avoir tué le docteur Edwardes et s'enfuit de la clinique...."

Hitchcock désirait réaliser le premier film traitant de la psychanalyse, thème en vogue au milieu des années 40 et met la main sur un livre délirant, "The house of Dr Edwardes", qui dépasse le cadre de la psychopathologie et parle de sorcellerie et de cultes sataniques.Hitchcock fera appel à Salvador Dali pour les scènes de rêve, voulant éviter ces effets flous et diffus que l'on a coutume de voir. L'histoire raconte que Dali s'avéra trop compliqué pour Hitchcock et que ses idées surréalistes risquaient de l'emporter trop loin..


Détour (Detour, 1945)

Réalisé par Edgar G.Ulmer, adapté du roman de Martin M.Goldsmith, avec Tom Neal, Ann Savage, Claudia Drake..

Comment le destin vous saisit par surprise. "Al Roberts, un pianiste, tente de rejoindre en auto-stop son amie Sue. Il est pris par un certain Haskell qui lui confie le volant. Celui-ci meurt mystérieusement pendant le trajet. Craignant d'être accusé de meurtre, Al décide de cacher le cadavre. Mais il se retrouve bientôt victime de chantage de la part d'un témoin, une femme qui le pousse à la déchéance...." C'est un film à part, un budget restreint, un tournage bref, des bouts de route et de paysage anonymes, un réalisateur, expressionniste allemand arrivé à Hollywood en 1926 et dont "The Black Cat" (1934), avec Bela Lugosi et Boris Karloff, révèle un style de série B mais d'une grande efficacité dans la noirceur, et un acteur, Tom Neal, raté dans la vie comme à l'écran, le tout pourtant aboutit à une intrigue impitoyable enfermant ses protagonistes dans un destin incontrôlable...


Le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce, 1945)

Réalisé par Michael Curtiz, adapté du roman de James M.Cain, avec Joan Crawford (Mildred Pierce Beragon), Jack Carson (Wally Fay), Zachary Scott (Monte Beragon), Eve Arden (Ida Corwin), Ann Blyth (Veda Pierce Forrester), Butterfly McQueen (Lottie), Bruce Bennett (Albert "Bert" Pierce)...

"Après le meurtre de son mari, Monte Beragon, Mildred Pierce est tenue de raconter son histoire à l’inspecteur Peterson qui l’interroge. Quelques années auparavant : Mildred est mariée à Bert Pierce, mais souffrant de la mauvaise situation financière de son mari et découvrant l’infidélité de ce dernier, elle décide de vivre seule avec ses deux filles. L’aînée, Veda, est une jeune fille gâtée et snob qui a honte des origines modestes de sa mère. Mildred, harcelée par les insatiables goûts de luxe de Veda décide d’ouvrir un restaurant avec l’aide de Wally Fay, un ami de Bert amoureux de Mildred. Il la présente à un bellâtre aux manières aristocratiques, Monte Beragon..." Les actrices de ce film cruel sont superbes, Joan Crawford relance sa carrière, son personnage de Mildred, intelligente et ambitieuse, s'impose lorsqu'elle se détache de son mari, un honnête homme certes mais sans charisme (Bruce Bennett), ou lorsqu'elle privilégie l'impertinente Veda par rapport à sa fille cadette, un amour plus que filiale, et dévoile ainsi peu à peu l'aspect pathologique de sa compulsion; face à elle, Ann Blyth (Veda), dix-sept ans, est perverse à souhait derrière un visage des plus angélique. Les personnages masculins sont ici pratiquement inexistants, sans caractère et prêt à toutes les trahisons. L' atmosphère sombre et crépusculaire qu'installe Michael Curtiz  accroît la noirceur de ces êtres sans scrupules livrés à leur passion du pouvoir et de l'argent... 


Le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946)

Réalisé par Howard Hawks, adapté par William Faulkner d'un roman de Raymond Chandler, avec Humphrey Bogart, Lauren Bacall...

Philip Marlowe (Humphrey Bogart) :"You know what he’ll do when he comes back? Beat my teeth out, then kick me in the stomach for mumbling" - "Le général Sternwood charge le détective privé Philip Marlowe de le débarrasser d'un individu douteux nommé Geiger, qui fait chanter sa fille Carmen, une nymphomane ; il mentionne aussi son ami Regan, qui a disparu. Marlowe, qui a fait la connaissance de Vivian, la sœur de Carmen, prend en filature la voiture de Carmen et découvre dans une maison isolée le cadavre de Geiger et Carmen, complètement ivre. Marlowe raccompagne Carmen chez elle et exige de Vivian le silence complet, puis il retourne auprès du cadavre de Geiger mais ce dernier a disparu. Joe Brody tente de faire chanter Vivian en lui proposant de lui vendre des photos compromettantes de Carmen. Brody se résigne à rendre celles-ci à Marlowe, avant d'être abattu par Carol Lundgren, l'associé de Geiger..." Recentrant quelque peu les nombreuses péripéties qui émaillent le roman de Chandler, Howard Hawks se focalise sur le personnage de Philip Marlow, le détective dur à cuire, et profite de l'idylle manifeste de Bogart et Lauren Bacall, voire d'une tension sexuelle qu'il exploite tant au travers des plans que des dialogues et nombreux sous-entendus très osés pour l'époque. Nous sommes ici dans les coulisses d'un Hollywood où règnent meurtres et chantages, pornographes, nymphomanes et truands, Bogart, contrairement aux codifications du film noir, montre une assurance extrême, sans incertitude et loin d'être impressionné par la dépravation ambiante...


Les Enchaînés (Notorious, 1946)

Réalisé par Alfred Hitchcock, scénario de Ben Hecht, d'après une nouvelle de John Taintor Foote, avec Cary Grant (T.R. Devlin), Ingrid Bergman (Alicia Huberman), Claude Rains (Alexander Sebastian), Louis Calhern (Paul Prescott)...

"Le 24 avril 1946, Huberman, un espion nazi, est condamné par un tribunal américain. Sa fille, Alicia, qui n'a jamais été nazie, mène une vie dissolue. Un agent du gouvernement, Devlin, lui propose une mission, qu'elle accepte : Alicia est chargée de prendre contact avec un ancien ami de son père, Sebastian, sont la vaste demeure sert de repaire aux Nazis réfugiés au Brésil. Devlin et Alicia partent pour Rio et tombent amoureux l'un de l'autre. Alicia n'est plus la même, mais Devlin ne s'en rend pas compte et la méprise toujours, en raison de son passé. Alicia devient vite l'une des habituées de la maison de Sebastian. Ce dernier lui demande de l'épouser..." Le film d'Alfred Hitchcock réunit nombre d'éléments cinématographiques qui donnent à cette oeuvre une dimension exceptionnelle : un drame triangulaire, Devlin, Huberman, Sebastian, dans lequel chacun des personnages renverse à tour de rôle les jugements que nous pouvons porter à leur encontre, une scène de la réception qui nous emporte dans un suspens désormais classique, Alicia et Devlin furetant dans la cave tandis que diminue inexorablement le stock des bouteilles de champagne, l'instant où l'on pense que Sebastian va découvrir que son épouse est une espionne et la croit seulement infidèle, et l'un des plus long baiser de l'époque entre Grant et Bergman...  

- Captain Paul Prescott: [about Alicia] I don't like this, I don't like her coming here.

- Walter Beardsley: She's had me worried for some time. A woman of that sort.

- Devlin: What sort is that, Mr. Beardsley?

- Walter Beardsley: Oh, I don't think any of us have any illusions about her character. Have we, Devlin?

- Devlin: Not at all, not in the slightest. Miss Huberman is first, last, and always not a lady. She may be risking her life, but when it comes to being a lady, she doesn't hold a candle to your wife, sitting in Washington, playing bridge with three other ladies of great honor and virtue.


Cary Grant (1904-1986), natif de Bristol, en Angleterre, et dont la révélation de l'internement sa mère en psychiatrie, quand il était enfant, eut dans son existence de lourdes conséquences, gagne Broadway puis Hollywood en 1931 : c'est Mae West qui, avec sa célèbre réplique "Why don't you come up some time and see me?", dans "Lady Lou" (She Done Him Wrong, 1933) de Lowell Sherman, lui reconnaît ce mélange de verve, de sensualité et de courtoisie qu'il va très rapidement faire fructifier. Le voici enchaînant des screwball comédies, dont "The Awful Truth" de Leo McCarey, avec Irene Dunne (1937), l'archétype du personnage Cary Grant, "Bringing Up Baby" de Howard Hawks, avec Katharine Hepburn (1938), "His Girl Friday" de Howard Hawks avec Rosalind Russell (1940), "The Philadelphia Story" de George Cukor, avec Katharine Hepburn et James Stewart, "Arsenic and Old Lace" de Frank Capra, avec Priscilla Lane (1944), "Monkey Business" d'Howard Hawks, avec Ginger Rogers et Marilyn Monroe (1952). Grant est l'archétype absolu de l'homme du monde séduisant, spirituel, son accent et sa gestuelle exprime intelligence, culture, aisance, sa carrure athlétique ajoute une touche de virilité, et c'est ainsi qu'il va devenir le jouet préféré d'un Alfred Hitchcock : il est Johnnie Aysgarth, dans "Suspicion" (1941), T.R. Devlin, dans "Notorious" (1946), John Robie, dans "To Catch a Thief" (1955), Roger O.Thornhill, dans "North by Northwest" (1959), et pousuit avec d'autres réalisateurs le même personnage, éloigné pourtant du moule des acteurs hollywoodiens types, dans "I Was a Male War Bride" d'Howard Hawks (1949), "An Affair to Remember" de Leo McCarey (1957), "Operation Petticoat" de Blake Edwards (1959), "Charade" de Stanley Donen (1963). Il aura surmonté sa crise des de la fin des années 1950 au cours de laquelle il découvre la psychanalyse et la thérapie en vogue à Hollywood, à base de LSD. Enfin, soudainement, à l'âge 62 ans, il devient père et interrompt sa carrière pour se consacrer à sa fille...


L'Emprise du crime (The Strange Love of Martha Ivers, 1946)

Réalisé par Lewis Milestone, avec  Barbara Stanwyck, Van Heflin, Lizabeth Scott, Kirk Douglas...

Réalisé par Lewis Milestone, avec Barbara Stanwyck (Martha Ivers), Van Heflin (Sam Masterson), Lizabeth Scott (Toni Marachek), Kirk Douglas (Walter O'Neil)...

"Autrefois, Martha mit fin aux jours de sa tante, qui la tyrannisait, et laissa un innocent monter à sa place sur l'échafaud. Seul son fiancé d'alors partageait son secret. Aujourd'hui mariée à un procureur alcoolique qui connaît son passé, Martha tâche d'oublier son histoire lorsque son fiancé perdu, devenu un joueur professionnel, refait surface et la menace de tout révéler..." Dans un récit parfaitement construit et dont la tension est immédiatement perceptible, Barbara Stanwyck incarne déjà la femme implacable, prête à user tant de ses charmes que de ses menaces à peine voilées pour conserver son pouvoir et sauver les apparences, quant à Kirk Douglas, dans un de ses tout premier rôle, il est l'innocence même...


Gilda (Gilda, 1946)

Réalisé par Charles Vidor, avec Rita Hayworth (Gilda Mundson Farrell), Glenn Ford (Johnny Farrell), George Macready (Ballin Mundson), Joseph Calleia (Miguel Obregon) ...

"Buenos Aires. Après lui avoir sauvé la vie lors d'une agression nocturne , Ballin Mundson, propriétaire d'une maison de jeu, engage à son service le joueur et tricheur professionnel Johnny Farell qui l'a persuadé qu'il pourrait lui être utile. C'est la fin de la guerre. A son retour d'un bref voyage, Mundson présente à Farrell sa nouvelle épouse, la splendide Gilda. Farrell a connu autrefois Gilda et l'a profondément aimée; il semble que leur rupture l'ait rendu profondément misogyne. Mundson devine vite que Farrell et Gilda sont loin d'être étrangers l'un à l'autre. Surveillant et protégeant tous les biens de son patron, Farrell va également surveiller Gilda et l'empêcher d'être infidèle. L'ambition suprême de Mundson est de se retrouver à la tête d'un cartel de tungstène grâce auquel il se voit déjà maître du monde. Il est prêt pour cela à marcher sur des cadavres et, effectivement un homme dont il s'était servi se suicidera dans son tripot après avoir tenté de le tuer..."  Glenn Ford et Rita Hayworth, dont on a souvent évoqué le registre limité, livrent ici une prestation séduisante, et la fameuse scène de strip-tease à laquelle se livre Rita, - elle n'enlève que ses longs gants de velours -, en fredonnant "Put the Blame on Mame" ont contribué à la notoriété du film... 

- Johnny Farrell (Glenn Ford) : "Doesn’t it bother you at all that you’re married?"

- Gilda Mundson (Rita Hayworth): "What I want to know is, does it bother you?"


Le Facteur sonne toujours deux fois  

(The Postman Always Rings Twice, 1946)

Réalisé par Tay Garnett, adapté d'un roman de James M. Cain, avec John Garfield (Frank Chambers), Lana Turner (Cora Smith), Cecil Kellaway (Nick Smith), Hume Cronyn (Arthur Keats, l'avocat), Leon Ames (Kyle Sackett, le procureur), Audrey Totter (Madge Gorland)..

Frank Chambers (John Garfield) :  "With my brains and your looks, we could go places." - "Frank Chambers, un jeune homme sans idées préconçues ni but précis, fait la connaissance de Nick Smith, qui possède un café au bord de la route. Quand il aperçoit Cora, la très belle femme de Nick, beaucoup plus jeune que lui, il accepte le travail qui lui est proposé. Sans trop de difficultés, Frank force la résistance de Cora, et ils deviennent amants. Ils décident de s'enfuir ensemble, mais Cora répugne à abandonner la sécurité matérielle que représente pour elle le café de Nick. La seule solution est de se débarrasser de Nick. C'est Cora qui glisse cette idée de meurtre dans la tête de Frank. Une première tentative échoue maladroitement, et le couple devient suspect. Leur seconde tentative réussit, et Frank est arrêté pour meurtre. Grâce à l'habileté de l'avocat de Cora, ils sont relâchés...." Lana Turner ne fut jamais aussi séduisante que dans le rôle de Cora Smith, tout de blanc vêtue, centre visuel du récit : elle n'incarne pas une femme fatale comme les autres, ses sentiments ne relèvent pas de la simulation, mais l'atmosphère est celle du pessimisme omniprésent du film noir... La censure poursuivit continuellement le réalisateur Tay Garnett et c'est le producteur, pour l'apaiser, eut l'idée d'habiller Lana Turner en blanc, Lana devenant, dit-on, moins sensuelle...


La Double Énigme (The Dark Mirror, 1946)

Réalisé par Robert Siodmak, avec Olivia de Havilland Lew Ayres 

"Un médecin réputé est retrouvé mort dans son appartement. Les soupçons se portent sur Ruth Collins, qui avait rendez-vous avec la victime le soir du crime. Mais elle a un alibi. Elle apprend à la police qu'elle a une jumelle, Terry. Le lieutenant Stevenson se met en rapport avec un psychiatre, à qui il demande de l'aider..."



La seconde période du film noir s'étend de 1945 à 1949, soutenant un réalisme d'après-guerre qui privilégie la corruption politique, la criminalité urbaine... 


La Maison de la 92e Rue  (The House on 92nd street, 1945)

Réalisé par Henry Hathaway, avec William Eythe, Lloyd Nolan, Gene Lockhart...

"Pendant la Seconde Guerre mondiale. Bill Dietrich est un agent double au service des Etats-Unis. Ses contacts avec les services d'espionnage nazis lui permettent de renseigner régulièrement le Bureau fédéral d'investigation. Il apprend ainsi que des agents allemands opérant à New York s'intéressent de près à la «recette» de la bombe atomique. Mais Bill Dietrich, comme tous les agents doubles, marche sur un fil : sa position est délicate et il le sait bien..."


Les Tueurs  (The Killers, 1946)

Réalisé par Robert Siodmak, adapté d'une nouvelle d'Ernest Hemingway, avec Burt Lancaster, Edmond O'Brien et Ava Gardner...

"The Killers" offre de magnifiques exemples de ce fameux "clair-obscur" qui caractérise les films noirs, connu en peinture et qui permet d'accentuer les contrastes. "Un soir de 1946, dans la petite ville de Brentwood que traverse la route nationale, arrivent deux inconnus. Ils cherchent quelqu'un. Ce sont des tueurs à gages. Leur victime sera un autre inconnu, Pete Lunn, installé depuis quelque temps dans cette modeste bourgade et qui tient un poste d'essence. Pete Lunn, prévenu de leur arrivée par Nick Adams son collègue pompiste, ne cherche cependant pas à s'enfuir et attend avec fatalisme qu'ils l'abattent. Au commissariat de Brentwood, James Reardon, rassemble les éléments qui lui permettront d'en savoir davantage sur la mort de Pete Lunn....."  C'est autant l'oeuvre la plus célèbre d'un spécialiste du film noir que les véritables débuts de Burt Lancaster, loser typique, et d'Ava Gardner, la femme fatale emblématique, tous les deux entraînés dans une intrigue sans espoir et sans explication possible...


Nocturne (Nocturne, 1946)

Réalisé par Edwin L. Marin, avec George Raft, Lynn Bari

"Le lieutenant Joe Warne s'entête à élucider le meurtre d'un compositeur coureur de jupons, bien qu'il ait été dessaisi de l'affaire..."

 


La Dame de Shangaï (The Lady from Shanghai, 1946)

Réalisé par Orson Welles, avec Rita Hayworth (Elsa « Rosalie » Bannister), Orson Welles (Michael O'Hara), Everett Sloane (Arthur Bannister), Glenn Anders (George Grisby)...

Le film échappa à l'échec commercial parce que peut-être jamais Rita Hayworth y fût si belle, mais c'est Everett Sloane qui incarna la véritable vedette du film - "San Francisco. L'aventurier Michael O'Hara s'éprend de la séduisante Elsa Bannister et accepte l'offre de son mari, le riche Arthur Bannister, de devenir marin sur son yacht. Michael espère ainsi revoir Elsa dont la présence l'obsède...." 


Le Carrefour de la mort (Kiss of death, 1947)

Réalisé par Henry Hathaway, avec Victor Mature, Brian Donlevy, Coleen Gray, Richard Widmark...

"A New York, durant la période de Noël, Nick Bianco, au casier judiciaire chargé, se résout à attaquer une bijouterie pour offrir des cadeaux à ses enfants. L'opération tourne mal et il est arrêté par la police. Le procureur D'Angelo lui promet une peine réduite s'il collabore et dénonce ses acolytes. Nick refuse et se voit condamné à vingt ans de prison. Un an plus tard, sa femme, violée par un de ses anciens complices, se suicide, et ses fillettes sont placées dans un orphelinat. Désespéré puis fou de rage, Nick accepte le marché du procureur et livre les noms de ses anciens complices. A peine libéré, il se retrouve avec un tueur à ses trousses..." 


L'Heure du crime (Johnny O'Clock, 1947)

Réalisé par Robert Rossen, avec Dick Powell, Evelyn Keyes, Lee J. Cobb..

"Johnny O'Clock et son partenaire Pete Marchettis sont à la tête d'une salle de jeux clandestine qui a connu des jours meilleurs. Chuck Blayden, un policier, tente de se lier à Pete tout en mettant Johnny à l'écart. Quand Harriet, la petite amie de Chuck, est retrouvée morte, apparemment suicidée, sa soeur Nancy soupçonne une affaire plus compliquée, d'autant que Chuck a précipitamment quitté la ville. Elle demande alors à Johnny de l'aider à enquêter sur cette affaire. La situation se complique quand l'inspecteur Koch est placé sur l'affaire. Le policier est convaincu que Pete et Johnny sont impliqués dans la mort de la jeune femme..."  


Les Passagers de la nuit (Dark Passage, 1947)

Réalisé par Delmer Daves, avec Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Bruce Bennett...

 "Vincent Parry, inculpé à tort du meurtre de sa femme, s'échappe de la prison de Saint-Quentin où il était détenu. Au hasard de sa fuite, il fait la connaissance de la belle Irene Jansen, qui lui propose de l'héberger pendant quelque temps. Irene croit fermement en l'innocence de Vincent et se dit prête à l'aider dans sa quête de vérité et de justice. Une opération de chirurgie esthétique doit lui permettre d'aller et venir en toute liberté et de démasquer le véritable tueur qui, selon lui, fait partie de son entourage. Entre-temps, Vincent découvre que le père d'Irene a également été accusé, voici quelques années, du meurtre de son épouse..."

La première moitié du film est tournée en caméra subjective, Bogart est en effet constamment vu de dos. Au bout d'une heure, Bogart, facilement identifiable au son de sa voix, subit une opération de chirurgie esthétique; le spectateur attend alors, impatient, que Bacall ait fini d'ôter les bandages pour faire apparaître son visage. Le couple Bacall-Bogart, qui allait se reformer une quatrième fois pour "Key Largo" (John Huston, 1948), crève toujours autant l'écran. Ils se parlent peu et communiquent par le regard. La scène du dîner avec, en fond sonore, la mélodie "Too Marvelous for Words", est le point d'orgue du film...


Appelez Nord 777 (Called Northside 777, 1947)

Réalisé par Henry Hathaway, avec James Stewart, Richard Conte, Lee J. Cobb, Helen Walker...

A Chicago, pendant la prohibition, deux émigrés polonais sont condamnés à la prison à perpétuité pour le meurtre d'un agent de police, bien que les circonstances du drame ne soient pas claires. Onze années passent avant qu'un journaliste du Chicago Times  ne se batte pour leur réhabilitation..."

  


Pendez-moi haut et court / La griffe du passé (Out of the Past, 1947)

Réalisé par Jacques Tourneur, avecRobert Mitchum (Jeff Bailey), Jane Greer (Kathie Moffat), Kirk Douglas (Whit Sterling), Rhonda Fleming (Meta Carson)

Le film traite de l'emprise du passé dur le présent, des choses vécues que l'on ne peut oublier et sur lesquelles on ne peut revenir. "Jeff Bailey raconte son passé à la jeune femme qu'il doit épouser : avant de s'occuper d'une petite station-service, il a exercé la profession de détective privé. Un jour, il a été chargé par un joueur professionnel, Whit Sterling, de retrouver son amie, Kathie, qui s'est enfuie avec une grosse somme d'argent, après lui avoir tiré dessus. Bailey a retrouvé la jeune femme à Acapulco, mais a succombé à son charme. Il est resté avec elle. Pourtant, il l'a quittée le jour où elle a tué l'un de ses amis. D'ailleurs, elle lui avait menti au sujet de l'argent...." . Tourneur a parcouru tous les genres cinématographiques, fantastique (Cat People), aventures, western, en mettant en scène à chaque fois tous les éléments attendus, ici l'impuissance de l'individu, la femme fatale, la relation perverse entre passé et présent, l'intrigue baignant dans une pénombre ciselée par Nicholas Musuraca, progressant inexorablement avec une Jane Geer, messagère fascinante de la mort, et un Robert Mitchum qui incarne ici, avec son flegme et son laconisme caractéristiques, son premier grand rôle...

 


Marché de brutes (Raw Deal, 1948)

Réalisé par Anthony Mann, avec Dennis O'Keefe, Claire Trevor, Marsha Hunt...

 "Le truand Joe Sullivan s’évade de prison avec la complicité de son amie Pat Cameron, éperdument amoureuse de lui. Dans sa fuite, il est obligé de prendre comme otage Ann Martin, la jeune et jolie assistante de son avocat, qui tentait de le faire libérer sur parole, de peur qu’elle le dénonce. Sullivan espère rencontrer le redoutable chef de gang Rick Coyle qui lui doit de l’argent, sans savoir que ce dernier l’a trahi autrefois...."  


La brigade du suicide (T-Men, 1948)

Réalisé par Anthony Mann, avec Dennis O'Keefe, Mary Meade, Alfred Ryder, Wallace Ford...

Le réalisme quasi documentaire qui est recherché, est ici sublimé par les éclairages de John Alton, le chef opérateur d'Anthony Mann. "Dennis O'Brian et Tony Genaro ne se font guère d'illusions lorsqu'ils acceptent la mission que leur confie le département des Finances. Ils savent que leur vie ne pèse pas lourd face aux intérêts de la puissante bande de faux-monnayeurs, si bien organisée qu'elle inonde le pays de monnaie de singe, si bien dissimulée qu'ils doivent se faire passer pour des gangsters afin d'en retrouver la trace..." 


La Proie (Cry of the City, 1948)

Réalisé par Robert Siodmak, avec Victor Mature, Richard Conte, Shelley Winters...

"Au cours d’une rixe, Martin Rome est blessé. Retenu prisonnier dans un hôpital pénitentiaire, ce multirécidiviste est soupçonné par le Lieutenant Candella, son ami d’enfance, d’avoir participé au cambriolage et au meurtre crapuleux d’une riche New-Yorkaise. Innocent, le malfrat se voit proposer par Niles, un avocat véreux, de porter le chapeau. Refus net et catégorique. Mais, intrigué, Rome s’évade, se rend chez Niles et découvre des bijoux volés dans le coffre-fort de l’avocat, qu’il assassine. C’est le début d’un long et violent jeu du chat et de la souris entre Candella et Rome…"  


Key Largo (Key Largo, 1948)

Réalisé par John Huston, avec  Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Edward G. Robinson...

- Frank McCloud (Humphrey Bogart) :  "When your head says one thing and your whole life says another, your head always loses." "Frank, ancien officier, se rend dans une île au large de la Floride pour rencontrer Temple, le père de son ami, tué dans les combats en Italie, et Nora sa veuve. Temple est propriétaire d'un hôtel occupé par des hommes qui se révèlent être des gangsters. Lors d'un ouragan qui isole complètement la maison, les gangsters tentent de s'enfuir sur un bateau et obligent Frank à le piloter..". 


La Cité sans voiles (The Naked City, 1948)

Réalisé par Jules Dassin, avec Barry Fitzgerald, Howard Duff, Dorothy Hart..

"New York endormie ; il est une heure du matin. Dans un appartement de Manhattan, Jane Dexter, jeune mannequin, est assassinée par deux hommes dont l’un est à son tour tué par son complice. Dès l’aube, l’enquête est en route, menée par un vétéran des affaires criminelles, l’inspecteur Dan Muldoon (Barry Fitzgerald) et le novice Jimmy Halloran (Don Taylor), à la Brigade Criminelle depuis seulement six mois. Ils se mettent consciencieusement à effectuer leur labeur journalier dénué de tout héroïsme et comportant moult filatures, interrogatoires, réunions… Alors que la traque du meurtrier se poursuit dans les rues de Big Apple, les policiers découvrent que la jeune femme assassinée était liée à un gang spécialisé dans le trafic de joaillerie..." 


Pour toi j'ai tué (Criss cross, 1948)

Réalisé par Robert Siodmak, avec Burt Lancaster, Yvonne De Carlo, Dan Duryea...

"Après deux ans d'absence, Steve Thompson revient à Los Angeles et retrouve sa place de chauffeur dans la Compagnie des Camions Blindés. Son ex-femme, Anna, s'est remariée avec un gangster notoire, Slim Dundee. Toujours amoureux d'elle, Steve ne peut s'empêcher de la revoir. Un soir, Dundee les surprend chez lui. Pour détourner les soupçons, Steve prétend être venu lui proposer une affaire : l'attaque de son camion le jour de la paye de l'usine Bliss. Intéressé, Dundee prépare minutieusement le coup mais Steve exige qu'il ne soit pas fait usage d'armes à feu..." 


Acte de violence (Act of Violence, 1948)

Réalisé par Fred Zinnemann, avec Van Heflin, Robert Ryan, Janet Leigh...

"A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, Joe Parkson revient au pays, estropié. Alors qu'il tentait de s'échapper d'un camp de prisonniers, il a été repris et puni. Il se lance sur les traces d'un certain Frank Enley. Celui-ci vit aujourd'hui tranquillement, entouré de sa femme et de leur fils, dans une petite ville de Californie, où il est connu de ses concitoyens comme un entrepreneur talentueux et respectable. C'est pourtant lui qui a causé, pendant la guerre, la mort de nombreux soldats captifs, en révélant leur projet d'évasion aux Allemands. Seuls Joe et lui s'en sont miraculeusement tirés. Parkson est bien décidé à lui faire payer la mort de leurs compagnons..."  Deux personnages rescapés et traumatisés par la Seconde guerre mondiale, qui n'existent plus par la violence, l'un ne parvenant pas à oublier sa lâcheté, l'autre mu par un désir pathologique de vengeance, un film d'autant plus emblématique des films noirs qu'il nous dresse le portrait d'un individu sombrant progressivement dans le désarroi le plus total au sein d'un univers nocturne et sans concession..


L'Enfer de la Corruption (Force of Evil, 1948)

Réalisé par Abraham Polonsky, adapté d'un roman d'Ira Wolfdert, avec John Garfield, Beatrice Pearson, Thomas Gomez, Marie Windsor... 

Le film est connu pour ses dialogues très rythmés et percutants. "Joe Morse est avocat de Wall Street, à l'esprit affûté qui prospère grâce à des activités plus ou moins légales. Son principal client, Tucker, est l'un des gros bonnets d'un réseau de paris clandestin. Joe espère pouvoir protéger son frère aîné, Leo, qui dirige une petite loterie indépendante de Tucker..."


La Grande Horloge (The Big Clock, 1948)

Réalisé par John Farrow, avec Ray Milland, Maureen O'Sullivan, Charles Laughton...

"Coincé dans la Grande Horloge de l’immeuble des publications Janoth, qui possèdent le journal d’investigation dans lequel il travaille, Joe Stroud est poursuivi pour un meurtre qu’il n’a pas commis : 36 heures plus tôt, Stroud rencontrait une femme dans un bar et passait une soirée arrosée avec elle. Quelques minutes plus tard, cette femme, Pauline York, était assassinée par son amant, Mr. Janoth, lequel décidait alors pour se disculper d’accabler l’homme présent sur les lieux du crime avant lui et de confier la traque de celui-ci à son meilleur enquêteur ...." 


L'impitoyable (Ruthless, 1948)

Réalisé par Edgar G. Ulmer, avec Zachary Scott, Sydney Greenstreet, Louis Hayward...

"Horace Vendig, un homme richissime, offre une somptueuse réception dans sa demeure à l'occasion de la création d'une fondation pour la paix, à laquelle il fait don d'une grande partie de sa fortune. Il a invité à cette célébration une grande partie des hommes et des femmes qui ont croisé son chemin au cours de sa fulgurante ascension. Beaucoup sont des hommes brisés. Horace, qui dans sa jeunesse s'est vu par les circonstances offrir l'opportunité de s'extraire de sa condition modeste, a construit sa richesse sans se préoccuper des autres, écrasant sans pitié tous ceux qui pouvaient l'empêcher de réaliser ses rêves de puissance et de grandeur. Cette soirée doit être le point d'orgue de son ascension..." 


Le secret derrière la porte (Secret Beyond the Door, 1948)

Réalisé par Fritz Lang, avec Joan Bennett, Michael Redgrave, Anne Revere, Barbara O'Neil...

"Celia Barrett rencontre à Mexico Mark Lamphere, qu'elle épouse bientôt. Le soir même de leur mariage, il la quitte brusquement et part pour New York. Celia se rend à Lavender Falls, demeure familiale de Mark, où elle fait la connaissance de sa soeur, Caroline, de sa secrétaire, Miss Robey, et de son jeune fils, David, dont elle ignorait l'existence. La première femme de Mark est morte dans des conditions mystérieuses. Mark prend la fuite une seconde fois à la vue d'une branche de lilas sur le corsage de Celia, venue le chercher à la gare. Huit jours plus tard, Mark fait visiter à ses invités sa galerie de chambres "historiques" : il a reconstitué des chambres où des meurtres célèbres ont été commis. Mais la porte de la chambre n° 7 reste close..."

"Le secret derrière la porte" fut, pour Fritz Lang, l'occasion de jouer sur un des éléments fondamentaux et souvent négligés du cinéma : tout au long du film, la voix intérieure de Joan Bennett vient se superposer à celle qu'elle utilise pour s'exprimer, créant un décalage émotionnel significatif et donnant au film cet aspect "réaliste fantastique" à mi-chemin entre cauchemar et réalité. Les transitions freudiennes, dans ce contexte, sont nombreuses: la porte de la chambre 7 devient celle de l'esprit de Redgrave et Celia doit relier l'enfance de son mari à sa schizophrénie. Lang admet avoir songé au "Secret derrière la porte" en ayant regardé "Rebecca", le film d'Hitchcock.... 


Nous avons gagné ce soir (The Set-Up, 1949)

Réalisé par Robert Wise, avec Robert Ryan, George Tobias...

"Un soir d ‘été, Bill Stocker Thompson se prépare afin de participer à une soirée de boxe. Sa compagne, persuadée qu’il va perdre ce combat, tente de l’en dissuader. Mais Stocker croit encore en une possible victoire et se rend à l’Arena de Paradise City. Pendant ce temps, des malfrats essaient de truquer le match de Stocker et de s’assurer de sa défaite…" C'est une oeuvre de référence dans le cinéma américain et le premier chef d'oeuvre de Robert Wise avec une intrigue qui se déroule "en temps réel", de 21h05 à 22h17, s'attardant pourtant sur des spectateurs surpris à vif, l'atmosphère des vestiaires, le calvaire de l'épouse de Stokker, avec un réalisme documentaire d'une redoutable efficacité...


Les Bas-fonds de Frisco (Thieves'Highway, 1949)

Réalisé par Jules Dassin, avec Richard Conte, Valentina Cortese, Lee J. Cobb, Barbara Lawrence...

"De retour à San Francisco après son service militaire, Nick Garcos retrouve son père gravement handicapé. Victime d'un accident de camion plutôt mystérieux, le malheureux a, en outre, été floué par Figlia, le puissant grossiste qui l'employait. Nick se jure de le venger. Il se laisse convaincre par Ed, un ami et collègue de son père, d'investir dans un vieux camion militaire, puis se met au service du redoutable Figlia, avec l'espoir de le faire tomber. Mais Figlia ne tarde pas à se douter de quelque chose et fait saboter le camion de Nick, comme il l'avait fait pour son père..." 


L'Enfer est à lui (White Heat, 1949)

Réalisé par Raoul Walsh, avec James Cagney, Virginia Mayo, Edmond O'Brien...

"Cody Jarrett, dangereux psychopathe, et sa bande abattent quatre hommes en arttaquant un train postal. Même si la police ne détient aucune preuve contre lui, Jarrett va se livrer de lui-même en s'accusant d'un méfait qu'il n'a pas commis, pour détourner tous les soupçons. Mais la police n'est pas dupe et infiltre sa prison par le biais d'un inspecteur, Hank Fallon, qui devient l'ami de Cody..."

Extraordinairement violent pour l'époque, "L'enfer est à lui" met en scène un personnage des plus éprouvants à diriger, Cody Jarrett, qui est à la fois meneur d'hommes, épileptique et névropathe, capable d'entrer dans des crises de fureur extrêmes contre la société, et peu après, éclater en sanglots. C'est pour James Cagney l'un de ses meilleurs films et l'une des scènes montrant Cagney sur les genoux de Margaret Wycherly montre tout le talent des interprètes. Deux séquences d'anthologie mettent en relief le style très direct de Walsh,  lorsque l'annonce de la mort de la mère de Cody passe de conscrit en conscrit jusqu'aux oreilles de Cody lui-même, et la séquence finale, tournée à Torrance en Californie : "Je suis le maître du monde, Ma !" hurle Cagney, tandis que, sous ses pieds, un énorme réservoir de gaz explose....


Midi, gare centrale  (Union Station, 1950)

Réalisé par Rudolph Maté, avec William Holden, Nancy Olson...

"Un industriel richissime voyage en train et descend à la gare de New York. Sa secrétaire, Joyce Willecombe, remarque le comportement suspect d'un passant et le signale à la police. On découvre quelque temps plus tard que la fille aveugle du milliardaire a été kidnappée. Joe Beacom, qui l'a enlevée, demande une rançon considérable en échange de sa libération. Son père se dit prêt à en payer le montant, mais la police décide de poursuivre son enquête. Elle met au point une formidable souricière dans la gare, afin de piéger Joe Beacom lorsqu'il viendra chercher l'argent..."

 


La troisième et dernière période du "film noir" couvre les années 1949 à 1953, et privilégie le psychopathe, le tueur déséquilibré, la désintégration de l'individu dans une noirceur esthétique souvent inégalée. Aux derniers effets de la grande crise et des années sombres de la guerre, s'ajoute désormais la peur de l'apocalypse nucléaire, engendrant un climat d'anxiété dont l'antidote est le cynisme ..... 


Les Amants de la nuit (They Live by Night, 1947)

Réalisé par Nicholas Ray, adapté du roman d'Edward Anderson, avec Farley Granger, Cathy O'Donnell...

Nicholas Ray  conte l'histoire de voleurs qui ne sont pas comme les autres, celle de jeunes amants en cavale  qui ignorent tout du monde qui les entoure. "Le film s'ouvre sur le plan d'une fille et d'un garçon s'embrassant sur un lit dans la pénombre, suit un plan d'hélicoptère filmant une voiture dans laquelle se trouvent trois condamnés à perpétuité, T. Dub, Chickamaw et Bowie qui se sont évadés de prison. Bowie, le plus jeune qui s'est foulé la cheville, se cache dans les buissons et attend que ses compagnons viennent le rechercher. A la nuit tombée, c'est Keechie, la nièce de Chickamaw, déguisée en homme, qui vient en camion pour le ramener chez son père, Mobley, qui a caché chez lui ses compagnons d'évasion. Quelques regards entre Keechie et Bowie suffisent à déclencher un amour immédiat. ......"  Premier film noir de Nicholas Ray, et déjà le réalisateur transgresse les conventions du genre et plonge son couple d'innocents, Bowie et Keechie, dans un univers sauvage parsemé de motels, de salles d'attente...


Pris au piège (Caught, 1949)

Réalisé par Max Ophüls, avec James Mason, Barbara Bel Geddes, Robert Ryan...

"Leonora Eames, une jeune femme au tempérament de midinette, s’imagine avoir ses entrées dans "le grand monde" en feuilletant des magazines de mode. Après avoir pris des cours de maintien pour devenir mannequin, elle fait la rencontre d’un richissime industriel, Smith Ohlrig, qu’elle finit par épouser, concrétisant ainsi son rêve. Mais son riche époux fait montre d’une sévérité et d’un autoritarisme qui confine à l’exploitation pure et simple. Allant parfois jusqu’à humilier son épouse devant ses employés, Ohlrig se révèle un homme névrosé avec un fort complexe de supériorité qui considère tout son entourage comme faisant partie de ses biens matériels. Leonora, ne supportant plus son statut de femme soumise et corvéable à merci, s’échappe de sa prison dorée..." 


Boulevard du Crépuscule (Sunset Boulevard, 1950)

Réalisé par Billy Wilder, avec Gloria Swanson, William Holden, Erich von Strohem...

"Un homme flotte sur le ventre dans une piscine. Les policiers tentent de repêcher le cadavre. Joe Gillis, un petit scénariste sans succès, raconte comment sa rencontre avec l'ancienne star du muet, Norma Desmond, l'a conduit à sa perte ..." Miroir du cinéma, de ses splendeurs, de ses rêves comme de sa cruauté, Wilder réalise ici un des portraits les plus féroces d'Hollywood en faisant alternant scènes poignantes, dramatiques et ironies mordantes. 


Quand la ville dort (The Asphalt jungle, 1950)

Réalisé par John Houston, adapté du roman de W. R. Burnett, avec Sterling Hayden, Louis Calhern, Jean Hagen, James Whitmore, Marilyn Monroe...

 "À peine sorti de prison, le docteur Erwin Riedenschneider prépare un nouveau coup : le hold-up d'une bijouterie. Il fait part de son projet à "Cobby", tenancier d'un établissement louche, et Cobby met Riedenschneider en relation avec Alonzo Emmerich, un homme riche et peu scrupuleux. Emmerich, qui est en fait au bord de la ruine, accepte de financer l'opération, dont Cobby est en réalité le véritable "banquier". Riedenschneider recrute alors ses hommes : Dix Handley, un tueur; le spécialiste en coffres-forts Louis Ciavelli et Gus Minnissi, qui servira de chauffeur..."  Au cours de l'opération, Dix abat un gardien.." Entré récemment à la MGM, - qui, à l'inverse de la Warner, n'appréciait pas trop les œuvres dures -, Huston adapte un roman de William Burnett, un auteur qu'il compare à Edgar Poe et Dashiell Hammett. Le film marque l'une des premières apparitions de Marilyn Monroe à l'écran. Dans le rôle du cerveau de l'opération, Sam Jaffe obtint le prix d'interprétation du Festival de Venise. La célèbre séquence du casse, sans aucun dialogue, a été imitée de très nombreuses fois...


Les Forbans de la nuit (Night and the City, 1950)

Réalisé par Jules Dassin, adapté du roman de Gerald Kersh, avec Richard Widmark, Gene Tierney, Googie Withers...

Londres, fin des années 40. Harry Fabian est rabatteur pour Phil Nosseross, patron du cabaret londonien le Silver Fox. Mary Bristol, sa compagne, travaille aussi dans le Club en tant que chanteuse, attendant de pouvoir mener la vie plus décente que lui promet Harry tous les jours. Ce dernier rêve de monter une affaire qui lui apporterait gloire et fortune. Des projets grandioses, - celui par exemple d'organiser des rencontres sportives avec le "roi du catch", Kristo -, il en imagine à la pelle mais aucun n’aboutit. A l’occasion d’une de ses "tournées" de la ville, Fabian rencontre Gregorius, ancien champion de lutte gréco-romaine et père de Kristo, et le  persuade de reprendre les combats. A force d'esbrouffe et de mensonges, il oppose Gregorius à l'étrangleur, une redoutable brute. Le vieil homme l'emporte mais meurt d'une crise cardiaque; Kristo lance aussitôt ses tueurs à la poursuite de l'arnaqueur...   Après avoir tourné "Les bas-fonds de Frisco", Jules Dassin, fuyant le maccarthysme, s'exile et part pour Londres pour réaliser les "Forbans de la nuit ", d'après un scénario de Jo Eisinger qui n'a conservé du livre de Kersh que trois personnages, Fabian, le souteneur, qui ne l'est plus dans le film, Nosseross, le patron de la boîte de nuit, et Gregorius, le vieux lutteur (Ali le Turc dans le roman). La fin est également différente : si dans Kersh, Fabian est arrêté pour proxénétisme, la fin cinématographique, l'une des plus belles scènes du genre, montre le même personnage poursuivi et assassiné par l'étrangleur. Dassin filma ce passage avec six caméras en raison de la brièveté de lumière de l'instant choisi, l'aube. Quant à l'essentiel du film, il se déroulant en extérieur, et Dassin disposera ses batteries, dans les rues de Londres, sous la protection de la police qui canalisait les badauds. Les Anglais n'apprécièrent que modérément le Londres pourri et sale décrit par Dassin... 

Le Violent  (In a Lonely Place, 1950)

Réalisé par Nicholas Ray, avec Humphrey Bogart, Gloria Grahame, Frank Lovejoy...

C'est l'un des plus sombres des films de Nicholas Ray. "Dixon Steele est scénariste à Hollywood. Après une soirée en compagnie de son agent, il invite une jeune femme à son domicile pour lui faire la lecture d’un roman dont il doit signer l’adaptation. Après quelques heures de travail, elle quitte la demeure de Steele et prend un taxi pour se rendre chez elle. Le lendemain matin, elle est retrouvée assassinée au pied d’un ravin ..."


Le Démon des armes (Gun Crazy/Deadly is the Female, 1950)

Réalisé par Joseph H. Lewis, avec Peggy Cummins, John Dall, Berry Kroeger...

"Fou d'armes à feu, Bart Tare est arrêté à l'âge de sept ans après avoir tenté de dévaliser une armurerie. Malgré le témoignage de sa soeur, Ruby, et de ses amis, Dave et Clyde, de son incapacité à tuer un animal, le jeune garçon est envoyé dans une maison de redressement. Envoyé ensuite à la guerre, il rencontre à son retour Annie Laurie Starr dans le spectacle d'une fête foraine en tant que tireuse d'élite vedette. Tombant amoureux d'elle, il la suit dans sa tournée. Mais Annie perd son emploi, et les deux tourtereaux décident de se lancer dans les braquages......"  C'est une plongée dans l'univers mental de deux névrotiques liés l'un à l'autre par une intense attraction sexuelle, avec une grande virtuosité des plans-séquences, on pense au célèbre hold-up filmé en un seul plan...


Réglement de comptes (The Big Heat, 1953)

Réalisé par Fritz Lang, adapté d'un roman de W.P.McGivern, avec : Glenn Ford, Gloria Grahame, Jocelyn Brando...

"Le policier Tom Duncan se suicide en laissant une lettre où il révèle la corruption de l'administration de la ville qui est sous la coupe du gangster Mike Lagana. Dave Bannion soupçonne qu'il y a une autre raison au suicide de son collègue quand Lucy Chapman, une entraîneuse, lui apprend qu'il était en parfaite santé et décidé à divorcer pour elle. Le lendemain, il reçoit l'ordre d'abandonner l'enquête, mais ne s'y résout pas : Lucy a été assassinée. Bannion défie Lagana et l’accuse d’avoir tué Lucy. Un attentat est alors dirigé contre lui, mais c'est sa femme Katie qui périt dans l'explosion de leur voiture. Bannion confie sa fille à son beau-frère et, après avoir été renvoyé de la police pour avoir mis en cause ses supérieurs, se lance seul dans la lutte contre Lagana..." 


Le Port de la drogue (Pickup on South Street, 1953)

Réalisé par Samuel Fuller, avec Richard Widmark, Jean Peters, Thelma Ritter...

"Dans une rame du métro new-yorkais, Skip McCoy subtilise le portefeuille de Candy), une jolie fille qui transportait à son insu un microfilm contenant les plans d’une arme secrète américaine. Or, soupçonnée de faire partie d'une bande d'agents communistes, Candy était déjà filée par le F.B.I. Le capitaine Tiger, témoin du vol, se lance sur la piste du pickpocket alors que Candy va rendre compte à son amant Joey qu’elle s’est fait escamoter "la marchandise" qu’elle devait lui apporter. Il lui ordonne alors d'entrer en contact avec , une vieille indicatrice qui connaît bien la pègre new-yorkaise et qui pourrait certainement lui faire retrouver son voleur. Candy et Tiger, par des chemins différents, retrouvent McCoy, mais ce dernier, flairant la valeur des documents qu'il a en sa possession, est bien décidé à les vendre au plus offrant. ..."


Alibi meurtrier (Naked Alibi, 1954)

Réalisé par Jerry Hopper, avec Avec Sterling Hayden, Gloria Grahame, Gene Barry...

"Le commissaire Joe Conroy est démis de ses fonctions après avoir accusé de meurtre un "honnête citoyen", Al Willis. Conroy suit néanmoins Willis jusqu'à une ville frontière où il mène une vie de voyou..."


Association criminelle (The Big Combo, 1955)

Réalisé par Joseph H.Lewis, avec Cornel Wilde, Richard Conte, Jean Wallace...

"Le chef local de la pègre, .M.Brown, a séduit la monaine Susan Lowell. Pendant ce temps, l'inspecteur Leonard Diamond, qui cherche sans répit à faire tomber Brown, prend l'élégante Susan dans ses filets, mais se laisse influencer par les sentiments qu'elle lui inspire ..." Film méconnu qui a toutes les caractéristiques d'un chef d'oeuvre : la photographie de John Alton, qui transforme chaque parcelle du décor en pièges potentiels, des scènes à deux personnages, comme souvent dans les films noirs, d'une intensité soutenue, un Richard Conte qui incarne à la perfection un monstre glacial, des scènes de violence aussi forte que celles d'un Fritz Lang... 


La nuit du chasseur  (The night of the hunter, 1955)

Réalisé par Charles Laughton, adapté du roman de Davis Grubb, avec Robert Mitchum, Shelley Winters, Lilian Gish, Peter Graves...

Unique film réalisé par Charles Laughton, échec commercial sorti en noir et blanc au moment où s'imposait le Cinémascope couleur, "La Nuit du chasseur" est une terrifiante parabole sur le Bien et le Mai, aux images dépouillées, inspirées par l'expressionnisme et l'art naïf américain. Harry Powell (Robert Mitchum) est un psychopathe qui, se présentant aux veuves comme un prédicateur puritain, les séduit, les épouse puis les tue. Powell a jeté son dévolu sur Willa (Shelley Winters) dont le mari, condamné pour vol et meurtre, a été pendu sans avoir révélé la cachette de son butin. Il n'a confié ce secret qu'à son fils de 9 ans John (Billy Chapin) : le magot est dans le ventre de la poupée de Pearl (Sally Jane Bruce), sa petite sœur de 4 ans. Traqués par Powell qui a tué leur mère, les enfants s'enfuient en barque pour être recueillis par une vieille dame, Rachel (Llian Gish). Le diabolique Powell sera vaincu par les forces du Bien et de l'Innocence, incarnées par la vieille dame, les enfants, la nature et les animaux. La photographie en n/ b est très contrastée et on a réellement l'impression de vivre un cauchemar durant la poursuite des enfants par Powell au clair de lune. D'autres images hantent le spectateur à jamais :  Gish gardant ses orphelins victimes de la Dépression comme une mère poule ou la chevelure de Willa assassinée remontant à la surface de l'eau, et les fameux "Love" et "Hate" tatoués sur les doigts des mains de Mitchum qui donne une de ses plus grandes prestations en faux prédicateur et en vrai psychopathe, chassant le plus tranquillement du monde ses proies...


"The Desperate Hours" (La maison des otages, 1955)

Réalisation William Wyler, avec Humphrey Bogart (Glenn Griffin), Fredric March (Dan Hilliard), Arthur Kennedy (Jess Bard), Dewey Martin (Hal Griffin). 

Trois criminels, les frères Griffin et Sam Kobish, trouvent refuge chez les Hilliard, alors qu'ils sont traqués par la police. Pour tromper le voisinage, les malfrats envoient Dan Hilliard à son travail tout en retenant en otage la femme et le fils de ce dernier. Jour après jour, la situation se détériore...

A la base, un roman de Joseph Hayes, puis une pièce de théâtre avec Paul Newman. Un an plus tard, William Wyler projette d'en faire l'adaptation cinématographique et Bogart, qui avait tenté d'en acheter les droits, se porta volontaire pour interpréter Griffin, -  en 1955, Bogart était toujours très populaire mais menacé par son cancer de l'oesophage -, et Fredric March, qui avait débuté sa carrière de mauvais garçon dans "Rue sans issue" du même William Wyler, jouait pour la dernière fois ce type de rôle. Le film ne connut pas le succès escompté, les débuts de la guerre froide se faisaient alors sentir au cinéma...


Au début des années 1950, la période dite classique du film noir s'achève, certains réalisateurs, toutefois, poursuivent le genre, on pense à Robert Aldrich, avec "En quatrième vitesse" (1955), Orson Welles, "La Soif du mal" (1958)....