Scandinavian movies - Mauritz Stiller (1883-1928) - Victor Sjöström (1879-1960) - Ingmar Bergman (1918-2007) - Alf Sjoberg (1903-1980) - Hasse Ekman (1915-2004) - Gabriel Axel (né en 1918) - Arne Skouen (1913-2003) - Edith Carlmar (1911-2003) - ...

Last update : 07/07/2018

 

Les années 1950 virent la renaissance du cinéma nordique  qui avait occupé une position d'avant garde a l'époque du muet. À la fin des années 1910 et au début des années 1920, les meilleurs films de Carl Theodor Dreyer (1889-1968), de Victor Sjöström (1879-196o) et de Mauritz Stiller (1883-1928) avaient atteint un degré de finesse et de réalisme pratiquement inégalé. Mais avec l'apparition du cinéma parlant et la domination croissante de Hollywood, les pays nordiques, peu peuplés, connurent un isolement linguistique et culturel. Cependant, vers la fin des années 1940, la Scandinavie, et en particulier la Suède, produisait à nouveau des films créatifs, inspirée par la beauté photogénique de ses paysages et les contrastes saisissants entre ses austères traditions luthériennes et son évolution au cours du XXe siècle, vers une social-démocratie pacifique et laïque, une intimité libérée...

The 1950s saw the rebirth of Nordic cinema, which had occupied an avant-garde position during the silent era. By the fin of the 1910s and early 1920s, the best films by Carl Theodor Dreyer (1889-1968), Victor Sjöström (1879-196o) and Mauritz Stiller (1883-1928) had reached an almost unequalled degree of finesse and realism. But with the emergence of talking pictures and the growing domination of Hollywood, the sparsely populated Nordic countries experienced linguistic and cultural isolation. However, by the fin of the 1940s, Scandinavia, and especially Sweden, was again producing creative films, inspired by the photogenic beauty of its landscapes and the striking contrasts between its austere Lutheran traditions and its evolution during the twentieth century, towards a social-democracy pacifique and secular, liberated intimacy...  During the 1950s, all these elements found their expression in the work of Ingmar Bergman (1918-2007)...

En los años cincuenta renace el cine nórdico, que había ocupado una posición de vanguardia en la era del silencio. Para la fin de los años 1910 y principios de los 1920, la mejor films de Carl Theodor Dreyer (1889-1968), Victor Sjöström (1879-196o) y Mauritz Stiller (1883-1928) había alcanzado un grado de finura y realismo casi inigualable. Pero con la aparición de las películas sonoras y el creciente dominio de Hollywood, los países nórdicos, escasamente poblados, experimentaron un aislamiento lingüístico y cultural. Sin embargo, en la fin de la década de 1940, Escandinavia, y especialmente Suecia, volvió a producir la creativa films, inspirada en la belleza fotogénica de sus paisajes y en los sorprendentes contrastes entre sus austeras tradiciones luteranas y su evolución durante el siglo XX, hacia una socialdemocracia pacifique y una intimidad secular y liberada.... Durante la década de 1950, todos estos elementos encontraron su expresión en la obra de Ingmar Bergman (1918-2007)...

 


Durant les années 1950, tous ces éléments trouvèrent leur expression dans l'oeuvre d'lngmar Bergman (1918-2007). Ses meilleurs premiers films, depuis "Jeux d'été" (1951) et "Un été avec Monika" (1953), sont autant d'idylles mélancoliques, situées sur l'arrière plan de l'archipel de Stockholm, dont la beauté saisonnière, sauvage et temporaire reflète la fugacité du sentiment amoureux. Ces films s'inscrivent dans une veine traditionnelle suédoise, qu'illustre aussi "Elle n'a dansé qu'un seul été" (1951), d'Arne Mattsson (1919-1995), autre histoire d'amour tragique ayant pour décor un arrière-plan rural...

Bergman se tourna ensuite vers l'allégorie et l' existentialisme avec "le Septième Sceau" (1957). Dans "la Source" (1960), Bergman revisite des thèmes médiévaux et aborde la question du double héritage paien et chrétien échu a la Scandinavie. "Les Fraises sauvages" (1957) racontent, dans un style plus apaise et plus réaliste, l'histoire d'un vieillard faisant le bilan de son existence, qui préfigure l'accent que mit Bergman sur la psychologie dans ses réalisations des années 1960...

Ingmar Bergman (1918-2007)

"Le cinéma en tant que rêve, le cinéma en tant que musique. Aucun art ne traverse, comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments, au fond de la chambre crépusculaire de notre âme. Une petite misère de notre nerf optique, un choc, vingt-quatre images lumineuses par seconde, entre ces images, le noir, mais notre nerf optique n'enregistre pas le noir. Lorsque je suis à la table de montage et que je passe le film, image après image, je ressens encore la vertigineuse magie de mon enfance : je suis dans la penderie, je tourne lentement la manivelle, l'une après l'autre, je fais passer les images, j'enregistre en moi-même les imperceptibles changements, je tourne plus vite la manivelle et voilà un geste. Qu'elles se taisent ou qu'elles parlent, ces ombres s'adressent directement à la chambre qui est en moi la plus secrète. L'odeur du métal chaud, l'image qui vacille, qui scintille, le cliquetis de la croix de Malte, la manivelle dans ma main.." Ingmar Bergman est fils de pasteur et si ses films abondent en imageries religieuses, ils n'expriment qu'un univers déserté par Dieu et sans amour.  "Comme je porte en moi un continuel tumulte qu'il me faut surveiller, l'imprévu, l'imprévisible m'angoissent. Exercer mon métier devient ainsi une pédante organisation de l'indicible. Je transmets, j'organise, je ritualise l'indicible. Certains metteurs en scène matérialisent leur propre chaos et de ce chaos ils créent, dans le meilleur des cas, une représentation. J'ai horreur de cette sorte d'amateurisme. Je ne participe pas au drame, je le traduis, je le matérialise. Ce qui compte le plus pour moi, c'est de ne laisser aucune place à mes propres complications, elles ne peuvent être qu'une clef qui ouvrira les secrets du texte ou l'impulsion qui mettra en branle la créativité des comédiens..."  

Guds tystnad - L'œuvre de Bergman a été souvent présentée comme une autobiographie de sa psyché, une psyché qu'habitent des thématiques métaphysiques comme la mort, la solitude, les femmes dans leur quête d'identité, la figure du père. "Après une bataille qui fut déchirante, père avait été nommé à la tête de la paroisse de Hedvig Eleonora à Stockholm où il servait, en tant que vicaire, depuis 1918. La famille déménagea pour le grand appartement de fonction du chef de paroisse, au troisième étage du 7 Storgatan, en face de l'église. Je me vis attribuer une grande chambre qui donnait sur Jungfrugatan avec une fenêtre sur une aile du restaurant Östermalmskällaren, qui datait du XVIIIe siècle, une large vue sur Östermalmstorg et d'antiques cheminées. Mon chemin pour aller à l'école était maintenant plus court, j`avais ma propre entrée et une plus grande liberté de mouvements. Père était un prédicateur populaire et quand il prêchait l'église était toujours pleine. Berger des âmes attentif, il possédait un don inestimable: il était physionomiste. Au fil des ans, il avait baptisé, confirmé, marié et enterré un grand nombre de ses quarante mille paroissiens. Il se souvenait de tout et de tous, de leur visage, de leur nom, des circonstances dans lesquelles il les avait rencontrés. Chaque être auquel son aimable gravité s'intéressait devinait que père se souvenait de lui et, donc, il se sentait l'élu. Se promener avec père était un rituel compliqué. Il s'arrêtait pour un oui, pour un non, saluait, bavardait, appelait les gens par leur nom, demandait des nouvelles des enfants, des petits-enfants, des parents. Il jouit pleinement de ce don jusqu'à un âge très avancé. C'était, à n'en pas douter, un pasteur très apprécié. En tant qu`administrateur et directeur de travaux, il savait ce qu'il voulait, mais il était en même temps conciliant et diplomate. Il n'avait pas eu la possibilité de choisir ses collaborateurs, certains avaient été ses concurrents pour le poste de chef de la paroisse, d'autres étaient paresseux, hypocrites, obséquieux. Père réussit le tour de force d`écarter de son activité tous différends déclarés et intrigues de clercs. La maison du pasteur était ouverte à tous, ainsi le voulait la tradition. Mère dirigeait de main de maître toute cette importante organisation. Elle participait, en plus, aux activités de la paroisse et elle était l'âme des associations de bienfaisance et de leurs manifestations. Elle tenait un rôle de représentation aux côtés de père, occupait fidèlement, quel que soit le prédicateur, le premier banc à l'église, participait à des conférences, organisait des dîners. Mon frère avait vingt ans, il faisait des études à Uppsala. Ma sœur en avait douze; moi, seize. Notre relative liberté découlait entièrement de l'énorme fardeau qui écrasait nos parents, mais c'était une liberté empoisonnée, car il régnait une atmosphère sans cesse tendue et les liens étaient indénouables. Ce qui, vu de l'extérieur, était l'irréprochable image d'une bonne entente familiale était à l'intérieur misère et conflits déchirants. Père, c`est indéniable, possédait un grand talent de comédien. Une fois qu'il avait quitté la scène, il se montrait nerveux, irritable, dépressif. Il redoutait de ne pas suffire à sa tâche, se présenter devant un public l'effrayait. Il écrivait et récrivait ses sermons, ses tâches administratives le mettaient mal à l'aise. Il était anxieux, il s'emportait violemment, bondissait pour un rien: on n'avait pas le droit de siffler, on ne devait pas marcher en mettant les mains dans les poches. S'il décidait tout à coup de faire réciter une leçon, celui qui hésitait un tant soit peu était puni. Il avait l'ouïe trop fine et cela le faisait beaucoup souffrir, qu'il y ait des bruits un peu forts et il entrait en fureur. On isola les murs de sa chambre à coucher et de son bureau, mais il se plaignait hautement de la circulation sur Storgatan, pourtant bien paisible à cette époque. Mère, qui supportait le poids de sa double tâche, était très tendue et elle souffrait d'insomnies. Pour y remédier elle prenait des médicaments très forts qui eurent pour effets secondaires l'hyperactivité et l'angoisse. Comme père, elle était persécutée par le sentiment de son insuffisance en regard de ses ambitions démesurées. Ce qui la faisait le plus souffrir était, sans doute, le sentiment qu'elle avait de perdre lentement le contact avec ses enfants. Dans son désespoir, elle rechercha la présence de ma sœur qui se fit douce et soumise. On avait envoyé mon frère à Uppsala après une tentative de suicide. Quant à moi, je m'enfonçais de plus en plus dans une vie qui tournait le dos à tout ça. Il se peut que je noircisse le tableau. Personne ne mettait en question le rôle qui lui avait été attribué ou l`absurdité de l'intrigue: telle était la réalité qui nous était accordée. Il n'y avait pas ou on ne se proposait pas d'autre solution. Père disait parfois qu'il aurait préféré être pasteur à la campagne, une telle tâche lui aurait probablement convenu et lui aurait apporté davantage de satisfaction. Dans le secret de son journal intime, mère écrit qu'elle veut tout quitter et aller habiter en Italie...." (Ingmar Bergman, Laterna magica)

Partageant son temps entre la scène et l'écran, Ingmar Bergman n'hésite pas à introduire du théâtre dans son cinéma comme métaphore pour expliquer la dualité de sa personnalité. Il est parmi les réalisateurs les plus prolifiques de l'histoire du cinéma, avec une quarantaine de films, depuis "Crise" (1945, Kris), son premier film, et son influence est considérable sur nombre de réalisateurs, de Stanley Kubrick à Woody Allen. Ses premiers films évoquent la lutte des adolescents contre l'univers froid et indifférent des adultes, les éphémères jours de lumière solaire en Suède, seule période de bonheur avant que le triste hiver ne prenne possession de tout :  "Jeux d'été" (1950, Sommarlek), "Un Été avec Monika" (1952, Sommaren Med Monika). Cette periode de marivaudage et d'érotisme atteint son point culminant avec "Sourires d'une nuit d'été" (1955, Sommarnattens leende) et révèle Bergman à Cannes, alors qu'il est déjà l'auteur d”une quinzaine de films. Sa réputation internationale sera renforcée  par ses trois œuvres suivantes, "le Septième Sceau" (1956, Det Sjunde Inseglet), "Les Fraises sauvages" (1957, Smultronstället) et "Le Visage (1958, Ansiktet). Puis Bergman réalise sa trilogie sur les fondements de la foi chrétienne et "le silence de Dieu" (Guds tystnad) : "Comme dans un Miroir" (1961, Sasom I en Spegel), "Les Communiants" (1962, Nattvardsgästerna) et "Le Silence" (1963, Tystnaden). Avec "Persona" (1966), le visage de la femme en gros plan devient son champ de vision, même si la psyché féminine, portée par son quatuor magique de comédiennes - Eva Dahlbeck, Bibi Andersson, Ingrid Thulin, Liv Ullmann - , a toujours été centrale dans son oeuvre. Suivent plusieurs mélodrames, dont "Cris et chuchotements" (1972, Viskningar och rop). Dans "Sonate d'Automne" (1978, Höstsonaten) le réalisateur  pointe un doigt accusateur sur la négligence parentale. Dans "Fanny et Alexandre" (1982, Fanny och Alexander), il évoque en revanche la magie de l'enfance. Il annonce alors que c'était là son ultime  long métrage et travaille par la suite pour la télévision, sans pour autant négliger la scène, mais laissera de côté de nombreuses questions. Paraphrasant Strindberg, Bergman écrira dans ses notes, "la vie est courte mais peut être longue tant qu'elle dure", pour s'avouer en mai 1957, "Comment peut-on faire quoi que ce soit dans ce climat psychique si labile de tempêtes perpétuelles..."

 

"Hets" (1944, Alf Sjöberg - Tourments - Torment)

avec Stig Jarrel, Alf Kjellin, Mai Zetterling 

Alf Sjöberg réalise "Tourments" sur un scénario d'Ingmar Bergman, un film qui annonce le renouveau du cinéma suédois. Le scénario a été écrit durant l'hiver 1942-43, et c'est en filmant les extérieurs que Bergman fait ses débuts de réalisateur. Alf Sjöberg (1903-1980) est d'abord homme de théâtre et c'est en 1940 qu'il entame véritablement sa carrière cinématographique, avec "Med Livet som insats" (Avec la vie pour enjeu, 1940), "Den Blomstertid" (Ce temps de floraison, 1940), "Hem fran Babylon (Retour de Babylone, 1941), avant de s'affirmer avec "Himlaspelet" (Le Chemin du ciel), 1942, adapté d'une pièce de Rune Lindstrom et proche du conte médiéval.  "Hets" (Tourments) marque un tournant décisif de sa carrière, Bergman l'entraîne dans un monde dominé par des forces maléfiques, sexe, passion et meurtre. En contexte et collège où de jeunes étudiants empruntent quotidiennement, métaphoriquement  pour devenir adultes, de longs et sinueux escaliers pour lesquels Sjöberg montre une fascination particulière. En personnage central, un professeur de latin sadique, surnommé Caligula (Stig Järrel), par ses élèves, qui prend un plaisir particulier à tourmenter l'un d'entre eux,  Jan-Erik (Alf  Kjellin). Celui-ci a une liaison particulièrement suivie avec Bertha Olsson (Mai Zetterling ), une prostituée plus âgée que lui et qui semble poursuivie par un étranger menaçant. Il s'agit de Caligula qui va étendre son emprise sur Bertha et la conduire à la déchéance puis à la mort. L'adolescent, bouleversé, accusera Caligula de meurtre, mais en vain... Sjöberg et Bergman devront ajouter une dernière scène moins sombre qui sera réalisée uniquement par ce dernier.  


"Kris" (1946, Ingmar Bergman, Crisis - Crise)

Avec  Inga Landgré (Nelly ), Stig Olin (Jack), Marianne Löfgren (Jenny), Dagny Lind (Ingeborg Johnsson), Allan Bohlin (Ulf), Signe Wirff (Tante Jessie), Svea Holst (Malin)

 Il s'agit du premier film tourné par Ingmar Bergman comme réalisateur. Nelly (Inga Landgré), dix-huit ans, vit avec sa mère adoptive, Ingeborg Johnsson, dans une tranquille petite ville de province ; celle-ci  donne des cours de piano et loue une chambre à jeune apprenti vétérinaire,Ulf, amoureux de Nelly. Survient sa mère biologique, Jenny (Marianne Löfgren), propriétaire d'un institut de beauté à Stockholm, qui l'emmène avec elle dans une capitale où elle découvrira tentation, corruption et déception amoureuse, dont la figure centrale est Jack, acteur raté et amant de Jenny. Nelly reviendra dans la maison d'Ingeborg et se résignera à épouser Ulf...

 

"Törst "  (1949, Ingmar Bergman - La fontaine d'Arhétuse - Thirst)

Avec Eva henning (Rut), Birger Malmsten (Bertil), Birgit Tengroth (Viola), Mimi Nelson (Valborg)

Un drame sombre (des nouvelles écrites par Birgit Tengroth) et particulièrement construit qui exprime l'impossibilité de la vie de couple,un couple dans lequel hommes et femmes vivent en fait l'enfer d'une véritable solitude. Truffaut notera que, tout comme Hitchcock dans "Suspicion" et "Rich and Strange", Bergman, utilise ici pour la première fois des dialogues homme-femme, femme-femme, exprimés à l'aide de gestes imperceptibles mais suggestifs, soutenus par des regards précis et stylisés. L'intrigue est menée via de petits détails suggestifs. Accablés par le passé et unis dans l'isolement par des hasards providentiels, hommes et femmes amplifient dans leurs couples leurs propres drames intimes. Un couple, Bertil (Birger Malmsten) et Rut (Eva Henning), rentrent chez eux en train depuis Bâle jusqu'à Stockholm, leur vie conjugale n'a plus guère d'existence. Rut revoit quelques des lambeaux de vie, ses amours déçus avec Raoul. Pendant ce temps, à Stockholm, l'ancienne maîtresse de Bertil, Viola (Birgit Tengroth) tente d'échapper aux avances prédatrices de son psychiatre, le docteur Rosengren, puis d'une danseuse de ballet qui fut une amie de Ruth, Valborg. Le train traverse une Allemagne de l'Après-guerre en ruines,  Bertil somnole et assassine sa femme dans un cauchemar, au réveil, la prend dans ses bras et lui demande de rester avec lui.

 

"Døden er et kjærtegn" (1949, Edith Carlmar, Death Is a Caress, La mort est une caresse)

 Avec Claus Wiese, Bjørg Riiser-Larsen, Ingolf Rogde

A partir d'un roman de Arne Moen (1948), Edith Carlmar dépeint dans un style noir la passion, brève mais impétueuse, qui attache un jeune mécanicien, Erik (Claus Wiese), à une femme du monde, Sonja (Bjørg Riiser-Larsen), mariée à un homme particulièrement ennuyeux, la réalité sociale se chargeant de détruire inéluctablement leurs relations...

Danseuse à 15 ans, actrice à 25 ans, scripte, secrétaire de production, puis directrice de production, Edith Carlmar (1911-2003, Edith Mary Johanne Mathiesen) passe à la réalisation avec "La mort est une caresse": elle devient la toute première cinéaste norvégienne à se faire connaître et remarquée, ne serait-ce que pour la sensualité avec laquelle elle met en scène ses personnages féminins. Elle poursuivra sa carrière tout au long des années 1950 avec neuf longs-métrages, parsemés de scandales (de la peinture de relations amoureuses hors mariage à la liberté de Liv Ullmann se baignant nue dans "Ung Flukt")... 


"Sommarlek" (1951, Ingmar Bergman, Jeux d'été - Summer Interlude)

Avec  Maj-Britt Nilson (Marie), Birger Malmsten (Henrik), Alf Kjellin (David), Georg Funkqvis (Oncle Erland), Stig Olin (Le maître de danse).

Un jour d'automne, on remet un paquet à Marie, danseuse-étoile à l'Opéra de Stockholm. Il s'agit du journal intime rédigé treize ans plus tôt par un jeune homme qu'elle a aimé, Henrik, décédé depuis. Les souvenirs d'un été passé sur les rives ensoleillées et rocheuses de l'archipel de Stockholm reviennent la hanter. L'été, le plein air, la lumière tant solaire que nocturne,  et le thème des premiers amours sont des constantes du cinéma suédois des années cinquante, et Bergman adapte ici une de ses nouvelles inspirée par un amour de seize ans lors d'un été passé sur l'île d'Ornö, il s'agissait d'écrire avec son coeur des moments infiniment radieux alors que le monde tombait dans la tourmente. La vie, la mort, le théâtre, le cinéma, désespérée et sollicitée par un oncle particulièrement déplaisant,  Erland, Marie se réfugia dans son art, la danse : triomphant sur la scène, elle parvient à se libérer du poids de son amour perdu... 


"Flicka och hyacinter" (1950, Hasse Hekman, Girl with Hyacinths, La Fille aux jacinthes)

Avec Eva Henning, Ulf Palme, Birgit Tengroth. 

Hasse Ekman (1915-2004), s'il est peu connu hors des frontières de la Suède, est considéré  dans son pays comme le réalisateur incontournable des années 1940 et 1950, avant que ne s'affirme Ingmar Bergman. "Flicka och hyacinter" est le plus réussi de ses films, un film qui s'obstine, - via le voisin de la jeune fille, Anders Wikner (Ulf Palme), un écrivain amateur -, à reconstituer le cheminement d'une jeune fille qui la conduira à se suicider, multipliant les points de vue, des séquences virtuoses,  parfois longues et teintées d'onirisme, et n'hésitant pas aborder naturellement tous les angles possibles, y compris la sexualité. Dagmar Brink  (Eva Henning) jouait du piano au cours d'une party particulièrement débridée, lorsqu'elle s'interrompt soudainement pour gagner le centre de Stockholm tard dans la nuit et se pendre au plafond de son appartement. Elle s'assoit sur une chaise, allume une cigarette, lève les yeux vers le plafond et remarque un crochet. Le lendemain matin, sa bonne découvre son corps pendu, personne ne savait grand-chose d'elle... Pourquoi Dagmar s'est-elle suicidée et pourquoi a-t-elle confié tous ses biens à ses voisins, Anders Wikner et son épouse Britt ? Le passé de Dagmar fait resurgir avec les années 1940, le contexte d'une Suède qui a fait choix de la neutralité durant la Seconde Guerre mondiale, une naissance illégitime, un premier mariage raté, une liaison avec un peintre talentueux mais incurablement alcoolique, et un journal qui révèle l'existence d'un personnage qui fut par la suite le seul grand amour de sa vie... 


 "Fröken Julie" (1951, Alf Sjöberg)

 A partir des années 1950, Alf Sjöberg  adapte des œuvres du plus grand dramaturge suédois, August Strindberg, dont  une version mémorable de "Mademoiselle Julie" (1951, Fröken Julie, Miss Julie), avec Anita Björk, Ulf Palme, Märta Dorff, Anders Herikson. Ce huis clos naturaliste et tragique se déroule une nuit d´été à la veille de la Saint-Jean, nuit magique par définition, et met en scène un jeu de domination-séduction entre Julie, une jeune aristocrate, Jean, son valet, et Kristin, la fiancée de Jean et la cuisinière de son père: l'attrait sexuel ayant été consommé, la réalité des clivages sociaux s'impose à nouveau et conduit à la tragédie, nulle cohabitation n'est désormais possible, Julie préférant se tuer que d'affronter la vérité et son père. Si la pièce fut créé en 1889 et bouscula fortement les conventions de l'époque, le film de Sjöberg, avec une photographie de Göran Strindberg riche en inventivité visuelle (les flash-back portant sur l'enfance de Julie ou de Jean fusionnent avec le présent, l'imagination coexiste avec la réalité), lui donna en 1951 une renommée internationale, malgré la censure américaine : la bataille entre sexes se double d'une bataille entre classes sociales, Anita Björk et Ulf Palme s'adonnent avec perversité à un redoutable jeu d'attraction-répulsion, à la volonté quasi névrotique de domination et d'humiliation sexuelle de Julie s'oppose la brutalité d'un Jean partagé entre orgueil et soumission... 

 

"Hon dansade en sommar" (1951, Arne Mattsson, One Summer of Happiness, Elle n'a dansé qu'un seul été)

Avec  Ulla Jacobsson (Kerstin), Folke Sundquist (Göran), Edvin Adolphson (Anders Persson)..

A une époque où Bergman expose,  avec "Summer with Monika" (1953), une Suède acquise au naturisme et à la liberté sexuelle vécus en toute innocence et simplicité, Arne Mattsson adapte un roman de Per Olof Ekström (The Summer Dance, 1949) pour s'imposer au niveau international et créé la "sensation", "un garçon de dix-neuf ans et une fille de dix-sept ans qui passent des vacances ensemble, nagent et s'embrassent nus", une histoire d'amour adolescente dans un contexte familial et social particulièrement strict et qui se termine en fin de compte dans la tragédie. Après cet épisode, Mattsson réalisera des films plus ambitieux, le Pain de l'amour (Kärlekens bröd, 1953), qui traite de la guerre opposant en 1939 l'URSS et la Finlande, Salka Valka (1954), sur une communauté de rudes pêcheurs, et les Gens de Hemsö (Hemsöborna, 1955), adapté d'un roman de Strindberg... 


"Kvinnors Väntan" (1952, Ingmar Bergman, L'attente des femmes - Waiting Women)

Avec Anita Björk (Rakel), Maj-Britt Nilsson (Martha), Eva Dahlbeck (Karin), Gunnar Björnstrand (Fredrick Lobelius, le mari de Karin), Birger Malmsten, (Martin Lobelius), Jarl Kulle (Kaj).

L'idée du film vint à Bergman suite à une conversation avec sa femme de l'époque, Gun Hagberg, qui raconte qu'un soir, dans une grande résidence d'été, les femmes de sa famille restèrent assises après le repas et décidèrent de parler ouvertement de leurs amours et de leurs mariages. Les ingrédients d'une comédie toute en finesse sont ainsi réunis, toutes les nuances de l'amour, de la quête du bonheur à la peur de la solitude. Dans une maison d'été, en attendant le retour de leurs maris, les quatre frères Lobelius, les belles-soeurs se livrent à des confidences à propos de leur mariage respectif. Mariée à Eugène, Rakel (Anita Björk) raconte avoir reçu la visite d'un ancien amant (Jarl Kulle) et cédé à ses avances pour échapper à la monotonie de sa vie: "le pire n'est pas d'être trompé mais d'être seul", dira Paul à son frère Eugène pour le consoler. Marta (Maj-Britt Nilsson) a accepté d'épouser le plus jeune des frères, Martin (Birger Malmsten), rencontré à Paris, seulement après avoir eu un enfant de lui, épisode singulier où la mort apparaît alors que l'accouchement se fait proche. Karin (Eva Dahlbeck), la plus enjouée des quatre belles-sœurs, a retrouvé un temps une passion amoureuse avec son mari, Frederik (Gunnar Björnstrand), homme d'affaires plus préoccupé de réussite financière que de bonheur conjugal, après avoir été tous deux coincés dans une cabine d'ascenseur toute une nuit : moment vite estompé. Quant à Annette, la plus âgée, elle ne trouve absolument rien à raconter tant est morne sa vie conjugale avec Paul, l'aîné des Lobelius. Maj, la petite sœur de Martha, rejettera l'attitude de compromis de ses aînées et s'enfuira avec Henrik, le fils d'Annette....

 

"Sommaren Med Monika" (1953, Ingmar Bergman, Un Été avec Monika - Summer with Monika)

Avec Harriet Andersson (Monika), Lars Ekborg (Harry), Dagmar Ebbesen (la tante de Harry), Åke Fridell (le père de Monika), Naemi Briese (la mère de Monika).

Le film a acquis progressivement une réputation internationale, emblématique des amours de jeunesse, de l'éveil sexuel, illuminés par la belle et naturelle sensualité de Harriet Andersson, dans le premier de ses nombreux rôles. Harry est manutentionnaire dans un atelier de Stockholm, Monika est une petite vendeuse de légumes constamment harcelée , tous deux s'aiment et vivent une existence des plus médiocres. Ils décident de s’enfuir sur le bateau du père d’Harry afin de passer l’été ensemble en pleine nature, en toute liberté. Monika apprend à Harry à danser, à faire l'amour, à voler des légumes et ils rêvent d'une famille. Le retour de la mauvaise saison et le manque d’argent ne tardent pas à les contraindre à revenir à la réalité et  à regagner Stockholm. Monika est enceinte, Harry l’épouse, accepte un emploi de représentant pour faire vivre sa famille, mais la vie quotidienne paraît si morne à Monika que le couple ne tarde pas à se briser... "Tous les matins, écrira Bergman, on partait sur des bateaux de pêche jusqu'à un groupe d'îles exotiques, au fin fond de l'archipel. Une insouciance, proche de l'euphorie, s'empara tout de suite de moi. Mes problèmes professionnels, financiers, conjugaux disparurent de mon horizon. On vivait dehors, assez confortablement, on travaillait le jour, le soir, à l'aube et par tous les temps. Les nuits étaient courtes et le sommeil sans rêves. Après trois semaines d`efforts, on a envoyé nos résultats à développer. Au laboratoire, une machine était défectueuse, résultat: une rayure apparut sur des milliers de mètres de pellicule et il fallut recommencer presque tout. On a versé quelques larmes de crocodile, mais on s'est réjoui en secret de cette liberté prolongée...".. 


"Gycklarnas afton" (1953, Ingmar Bergman, Sawdust and Tinsel, La Nuit des Forains)

Avec Ake Grönberg (Albertí), Harriet Anderson (Anne), Hasse Ekman (Franz), Anders Ek (Frost). 

Connu sous plusieurs titres, Sawdust and Tinsel , The Naked Night, The Clown’s Evening, Bergman inaugure un film expressionniste bien sombre sur la condition humaine et qui connut à sa sortie bien des critiques, un public qui n'accepta guère des personnages livrés aux pires frustrations, englués dans de sombres jeux de pouvoir psycho-sexuel particulièrement tordus au centre desquels se débattent un propriétaire de cirque itinérant Albert (Ake Grönberg) et sa jeune compagne (Harriet Andersson), son ex-femme Agda , le clown de la compagnie, Frost, un acteur local, Frans, auquel cède Anne par folle jalousie, et livrant ainsi Albert à une terrible humiliation, le tout dans une atmosphère onirique et une orchestration musicale (Karl-Birger Blomdahl) particulièrement audacieuse. On y trouve le célèbre flash-back dans lequel Frost découvre sa femme nageant nue devant des soldats égrillards et le meurtre de l'ours par un Albert au bord du suicide tant son sentiment de déchéance est profond.... 


"En Lektion i Kärlek" (1954, Ingmar Bergman, Une leçon d'amour, A Lesson in Love)

Avec Eva Dahlbeck (Marianne Erneman), Gunnar Bjornstrand (le docteur David Erneman), Harriet Andersson (Nix), Ake Gronberg (Carl-Adam, le sculpteur).

Comédie conjugale qui met en scène la couple Gunnar Björnstrand et Eva Dahlbeck, un gynécologue tente de regagner l'affection de sa femme lors d'un voyage à Copenhague. Le gynécologue David Erneman a cédé à l'une de ses patientes (Yvonne Lombard): sa femme, Marianne Erneman, l'ayant appris, entend gagner Copenhague pour retrouver une de ses anciennes relations, Carl-Adam. David s'arrange pour partir avec elle et partager le même compartiment. A Copenhague, Carl-Adam a la surprise de voir ainsi débarquer Marianne et son mari et tente une manoeuvre pour séparer à nouveau le couple...

 

"Kvinnodröm" (1955, Ingmar Bergman, Rêve de femmes - Dreams)

Avec Eva Dahlbeck, Harriet Andersson, Gunnar Björnstrand 

Etude de la psychologie du désir ou de l'impossiblité de s'approcher l'un de l'autre. A Stockholm, Susanne (Eva Dahlbeck), directrice d'une agence de mannequins, emmène sa protégée Doris (Harriet Andersson), âgée de vingt ans, à un défilé de mode à Göteborg : c'est dans cette ville que vit l'amant de Susanne, Henrik Lobelius,  avec sa femme et ses enfants. Et c'est dans cette ville que Doris se retrouve poursuivie par le Consul Otto Sönderby (Gunnar Björnstrand), un dignitaire marié qui revoit en elle sa femme telle qu'elle fut avant de sombrer dans la folie,  la comble de présents. Ils passent l'après-midi ensemble dans un parc d'attractions, puis vont au manoir d'Otto, où la fille de ce dernier interrompt leur aventure. Pendant ce temps, Susanne a retrouvé Henrik dans une chambre, mais survient la femme de ce dernier, deux rencontres, deux désillusions...

 

"Sommarnattens leende" (1955, Ingmar Bergman, Sourires d'une nuit d'été - Smiles of a Summer Night)

Avec Gunnar Björnstrand (Fredrik Egerman), Ulla Jacobsson (Anne Egerman), Eva Dahlbeck (Désirée Armfeldt), Jarl Kulle (Carl Magnus Malcolm), Harriet Andersson (Petra), Margit Carlqvist (Charlotte Malcom), Åke Fridell (Frid), Björn Bjelfvenstam (Henrik Egerman), Naima Wifstrand (Mme Armfeldt), Jullan Kindahl (la cuisinière), Gull Natorp (Malla), Birgitta Valberg (la première actrice), Bibi Andersson (la seconde actrice).

L'une des grandes comédies érotiques du cinéma qui donne à Bergman la consécration internationale. Dans la Suède de 1900, quatre hommes et quatre femmes partagent un week-end à la campagne et s'adonnent aux lois de l'attraction, des jeux de l'amour livrés au cynisme et à l'amertume, les couples se font et se défont, s’entre-déchirent et s’humilient, avec une férocité joyeuse : ici transparaît le sentiment que les hommes, au fond, n'ont pour seule possibilité que de se tourner vers les femmes pour les sauver de l'humiliation totale. La nuit du solstice d'été réunit Frederik Egerman et Anne, sa seconde épouse, très jeune, craintive et toujours vierge, la célèbre comédienne Désirée Armfeldt, ancienne maîtresse d'un Frederik Egerman qui continue à la courtiser malgré son rival, le comte Malcolm, et les aléas amoureux de cette folle nuit voient Anne s'enfuir avec Henrik, le fils de son mari, Charlotte reconquérir le volage comte Malcolm, Egerman se consoler avec Désirée, et Petra la soubrette culbuter dans les foins avec Frid le cocher...

 

"Ordet" (1955, Carl Dreyer, La Parole, The Word) 

Avec Henrik Malberg (Morten Borgen), Emil Hass Christiansen (Mikkel) Birgitte Federspiel (Inger) Preben Lerdoff Rye (Johannes).

Le plus grand cinéaste danois, Carl Dreyer (1889-1968), ne tourna qu'un film dans les années 1950, et  ce fut un chef-d'œuvre, une parabole austère certes mais pourtant profondément humaine, et dont les élements miraculeux tiennent autant à ses décors, sa simplicité lumineuse, son réalisme subtil et des jeux acteurs d'une extraordinaire retenue. C'est dans une pièce de Kaj Munk que Carl Dreyer puise le sujet au cœur de son œuvre depuis "La Passion de Jeanne d'Arc" (1927), la lumineuse interprétation de Maria Falconetti et la célèbre photographie de Rudolph Maté, la possibilité de la sainteté dans un univers dominé par les fanatiques et les sceptiques. Dans le Jutland occidental, vers 1930, Morten Borgen (Henrik Ivlalberg) est un vieux fermier unanimement respecté pour sa piété. Sa femme vient de mourir, son fils cadet, Anders (Cay Kristiansen), veut épouser Anne (Gerda Nilsen), mais le père de cette dernière, Peter Skraedder le tailleur, appartient à une secte rivale dont Morten abhorre les croyances. Mikkel (Emil Hass Christensen), son fils aîné, à qui son épouse, lnger (Birgitte Federspiel) ne parvient pas a communiquer sa foi, est athée. Le dernier fils, Johannes, étudiant en théologie, est la figure centrale du film, il s'identifie à Jésus-Christ et porte en lui toutes les interrogations et les énigmes de ce monde, est-il fou, fanatique, simple d'esprit ou porteur d'un message divin, la fameuse scène du miracle final répondre en partie à la question. Inger met au monde un enfant mort-né et succombe elle-même à son accouchement difficile, malgré les soins du médecin et les prières de son beau-père. Peu avant l'enterrement, Morten et Peter se réconcilient et le tailleur accepte le mariage. Johannes, qui s'était enfui dans la campagne en invoquant Dieu, revient parmi les siens. Mettant à l'épreuve la confiance que lui témoigne sa jeune nièce, il prononce la "Parole" (traduction du mot "Ordet") qui ressuscite Inger... 


"Det Sjunde Inseglet" (1956, Ingmar Bergman, Le Septième Sceau, The Seventh Seal)

Avec  Max Von Sydow (Le chevalier Antonius Block), Gunnar Bjornstrand (Jons, son ecuyer), Bengt Ekerot (la Mort), Nils Poppe (Jof).

Très jeune, Bergman s'est abandonné à la contemplation des retables, des triptyques, des crucifix, des vitraux, des peintures murales, de ses objets et actes de création artistique qui parvenaient à éclore dans l'Europe entière à l'époque des pestes et des grandes guerres médiévales. La Mort possède-t-elle quelque secret? Le film s'ouvre avec une citation de l'Apocalypse, "Et quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure. Et je vis les sept anges qui se tenaient devant Dieu, et on leur donna sept trompettes". (And when he had opened the seventh seal, there was silence in heaven about the space of half an hour. And I saw the seven angels which stood before God; and to them were given seven trumpets). Un chevalier désabusé Antonius Block (Max von Sydow) et son écuyer Jöns (Gunnar Björnstrand) rentre chez eux après avoir participé aux Croisades. Ils trouvent un pays ravagé par la violence, la peste noire et la mort, croisent des personnages abandonnés et livrés à la tourmente. Pourtant, un artiste travaille dans une église à une fresque représentant une danse macabre : c'est en fait la Mort encapuchonnée, au visage blafard (Bengt Ekerot), qui attend du chevalier qu'il lui paie son dû et le met au défi d'une partie d'échecs, brève rémission pour découvrir un sens à cette existence, une révélation ultime qui ne viendra pas....  


"Smultronstället" (1957, Ingmar Bergman, Wild Strawberries, Les Fraises sauvages)

Avec Victor Sjöström (le professeur Eberhard Isak Borg), Ingrid Thulin (Marianne), Bibi Andersson (Sara), Gunnar Björnstrand 

C'est avec "Les Fraises sauvages" que Bergman devient un "maître", une douzaine d'années après son premier film marquant (Kris). Le film commence le jour où Isak Borg, professeur émérite qui vit seul avec sa vieille gouvernante, - magistralement interprété par le grand réalisateur suédois des années 1910 Victor Sjöström -, doit aller recevoir de l'université de Lund un diplôme honorifique. Au matin, il fait un cauchemar lui annonçant sa mort imminente et soulevant d'inquiétantes énigmes sur lui-même. Passablement troublé, il décide de ne pas prendre l'avion, et de faire le voyage en voiture avec Marianne, la femme d'Evald, son fils, un voyage de réconciliation avec lui-même, avec son passé, entrecoupé de rêves, de cauchemars, de retours en arrière :  supposons, déclarera Bergman, que je fasse un film sur une personne, un film parfaitement réaliste, et soudain cette personne décide d'ouvrir une porte et de pénétrer dans son enfance ou dans une toute autre période de sa vie ("The truth is that I am forever living in my childhood", Images: My Life in Film)...

Au cours de ce voyage, au fil de la conversation et des remises en question de Marianne, le vieil homme se remémore les difficiles relations qu'il entretenait avec son fils et remonte à sa mémoire ses souvenirs d'enfance –  "le coin à fraises des bois" est en Suède le lieu que l’on garde jalousement pour soi, à l’abri des curieux.  Cette évocation va prendre la forme de la rêverie hallucinatoire, doublant la réalité ou lui donnant une atmosphère onirique : la voiture s'arrêtera près de la maison où il passait ses vacances d'enfant, faisant ressortir des scènes, heureuses ou amères, entre autres de son amour malheureux pour sa cousine Sara (son jeune frère Sigfrid et Sara s'embrassant sur un tapis de fraises sauvages). Sur la route,  le vieil homme et sa brue accueilleront trois jeunes auto-stoppeurs, dont une jeune fille qui ressemble étrangement à Sara, puis un couple ayant eu un accident et qui se dispute sans cesse, un pompiste qui se souvient du médecin qu'il était, enfin un détour pour rendre visite à sa très vieille mère, les cauchemars reprennent... autant de fils révélant un Isak Borg qui s'est refermé sur lui-même, tant la froideur de ses parents était grande, tant il a mésestimé sa vocation, tant il a sous-estimé son propre fils, tant Bergman a tenté de se mettre à la place de son père pour comprendre nombre de querelles, notamment avec sa mère... 


"Ni liv" , 1957, Arne Skouen, Les Neuf Vies ou Le Rescapé, Nine lives)

Avec Jack Fjeldstad (Jan Baalsrud), Henny Moan (Agnès), Alf Malland (Martin), Joachim Holst-Jensen (le grand-père), Lydia Opøien (la sage-femme) 

Réalisé par Arne Skouen d'après le roman "We Die Alone" de David Howarth, le film, un des chefs d'oeuvre du cinéma norvégien, relate les péripéties de Jan Baalsruds, seul rescapé de l'équipage et d'un commando norvégien à bord du bateau de pêche Brattholm massacrés par les Allemands le 24 mars 1943 à Toftefjord. Il va tenter de gagner la frontière de la Suède, pays neutre du conflit, aidé par des patriotes, luttant contre le froid extrême et sous la menace permanente des Allemands dans un paysage grandiose, trouvant son salut en Laponie et d'une manière tout à fait inattendue... 


"Nära livet" (1958, Ingmar Bergman, Brink of Life)

Avec  Ingrid Thulin (Cecilia Ellius), Bibi Andersson (Hjördis Pettersson), Eva Dahlbeck (Stina Andersson), Barbro Hiort af Ornäs (Brita, l'infirmière)

Le regard d'Ingmar Bergman s'est porté sur la mort avec "The Seventh Seal" et "Wild Strawberries", le voici qui se tourne vers le mystère et la douleur de la naissance, toujours et encore l'intériorité féminine qui le fascine tant, ici dans une maternité, sur un script de Ulla Isaksson, possédant pour dérouler son intrigue trois extraordinaires actrices, Ingrid Thulin, Eva Dahlbeck et Bibi Andersson. Trois femmes, trois destins féminins, aux prises avec l'accouchement et la maternité, Cecilia Ellius (Ingrid Thulin), mariée, employée dans l'administration, qui perdra son enfant à son troisième mois de grossesse, un enfant non désiré par son père, expliquera-t-elle, un père dont elle préfère se détacher. Stina Andersson, femme d'ouvrier  qui partage avec son mari la joie d'une future naissance, a pourtant le pressentiment d'un drame, "c'est la vie qui n'a pas voulu" tentera de lui expliquer le médecin désemparé. Hjördis, fille-mère qui n'a cessé de lutter toute sa vie,  sera la seule de ses deux compagnes de chambre à pouvoir conserver son bébé... 


"Ansiktet" (1958, Ingmar Bergman, The Magician, Le visage)

Avec Max von Sydow (Albert Emanuel Vogler), Ingrid Thulin (Manda Vogler/Aman), Gunnar Björnstrand (le docteur Vergérus), Naima Wifstrand (la grand-mère de Vogler), Bibi Andersson (Sara).

Max von Sydow incarne le Dr Vogler, mystérieux  colporteur de potions et magicien itinérant, Ingrid Thulin, sa femme et assistante, tous deux entraînés dans une remise en cause de leurs supposés puvoirs surnaturels par le très sceptique conseiller médical royal Dr Vergérus (Gunnar Björnstrand). Si la question de ces pouvoirs est alors exposée devant d'autres protagonistes, dont le consul Egerman et le préfet Starbeck, et si le personnage même de Vogler peut soulever bien des doutes, de nombreux événements étranges et mystérieux se produisent confrontant ce petit monde à bien des événements inexplicables touchant à l'amour, à la vie et à la mort...

Contrairement au Septième sceau et aux Fraises sauvages, dont le succès fut unanime, Le Visage n’inspira ni la critique ni le public..

 

"Ung Flukt" (1959, Edith Carlmar, L'Indocile, The Wayward Girl)  

Le film d'Edith Carlmar marque la première apparition à l'écran de Liv Ullmann, dans le rôle de Gerd, une jeune fille enfant illégitime d'une mère éternellement absente et égocentrique mais aussi jeune femme très libre qui entraîne avec elle un jeune homme, Anders (Atle Merton) malgré l'opposition de la famille de ce dernier et les conventions sociales de l'époque. Réfugiés tous deux dans une cabane au fond des bois, ils rencontrent un voyou qui va être en quelque sorte et malgré lui le catalyseur pour notre jeune couple d'une prise de conscience des contraintes sociales .... 


"Djävulens öga" (1960, Ingmar Bergman, The Devil’s Eye, L'oeil du diable)

Avec Jarl Kulle (Don Juan), Bibi Andersson (Britt-Marie), Stig Jarrel (Satan)

Dans cette comédie écrite et réalisée par Ingmar Bergman, Satan envoie Don Juan et son serviteur, Pablo, sur Terre pour séduire une jeune fille (Bibi Andersson), fille de pasteur, lui voler sa virginité et sa foi en l'amour au motif que c'est le seul moyen de guérir son orgelet. Si le serviteur parvient à séduire l'épouse du pasteur, sans aucune peine, l'homme de Dieu se refusant à rempli son devoir conjugal, Don Juan lui ne parvient pas à triompher de la jeune fille, et celle-ci perdra sa virginité sans le moindre concours de notre amant légendaire : tombé amoureux d'elle, Don Juan perd son pouvoir de séduction et retourne en enfer... 


"Jungfrukällan" (1960, Ingmar Bergman, La source, The Virgin Spring)

Avec Max von Sydow (Töre), Birgitta Valberg (Mareta), Birgitta Pettersson (Karin), Gunnel Lindblom (Inger).

Sven Nykvist collabore pour la première fois avec Bergman à la photographie de cette adaptation d'une chanson populaire médiévale, étude austère du viol et de la mort sauvage d'une jeune fille de quinze ans à la sensualité innocente, Karin, fille unique de Tore et de Mareta. Lorsque le père (Max von Sydow) retrouve et assassine les deux hommes coupables de cette barbarie, il en viendra à s'interroger sur un Dieu qui permet la mort de sa fille et laisse libre cours à une vengeance toute aussi sanglante. Pour se réconcilier avec lui-même et avec le monde, Töre promet de construire une église en pénitence pour sa vengeance sanguinaire, et  c'est alors que Dieu se manifeste : au moment où l'on déplace le corps de Karin une source jaillit... C'est plus tard, avec "A travers le miroir" (1961) que Bergman abandonnera toute croyance religieuse... 


"Sasom I en Spegel" (1961, Ingmar Bergman, A travers le miroir, Through a Glass Darkly)

Avec Harriet Andersson (Karin), Gunnar Bjornstrand (David), Max von Sydow (Martin)

Premier d'une trilogie qui inclut Winter Light et The Silence, Through a Glass Darkly exprime une quête de Dieu sur le chemin duquel l'homme ne rencontre que luxure et folie. "C'est un cas de schizophrénie d'ordre religieux. Un Dieu descend dans une personne et établit une demeure en elle. Ensuite il l'abandonne, il la laisse vide et consumée sans aucune possibilité pour elle de continuer à vivre dans le monde." (A god descends into a human being and settles in her. First he is just an inner voice, a certain knowledge, or a commandment. Threatening or pleading. Repulsive yet stimulating. Then he lets himself be more and more known to her, and the human being gets to test the strength of the god, learns to love him, sacrifices for him, and finds herself forced into the utmost devotion and then into complete emptiness. When this emptiness has been accomplished, the god takes possession of this human being and accomplishes his work through her hands. Then he leaves her empty and burned out, without any possibility of continuing to live in this world. That is what happens to Karin. And the borderline that she crosses is bizarre pattern on the wallpaper..)

 Bergman isole ses personnages dans un lieu qui deviendra son décors privilégié, l'île de Faro, une caméra se charge d'enregistrer l'essentiel de ce qu'ils vivent, illustrant ici la promesse de saint Paul qui affirmait qu'après la mort, nous ne verrions plus "comme dans un miroir" mais "face à face" :  s'il n'y pas d'au-delà, qu'au moins une vérité puisse être atteinte... Karin, étonnante Harriet Andersson au centre de l'intrigue,  est ici une fille, une épouse, une soeur, une femme en quête de signes, une patiente confuse et délirante qui vit entre son père, David (Gunnar Björnstrand), son mari, Martin, (Max von Sydow), deux intellectuels froids et égocentriques, et un frère Frederik (Lars Passgård), qu'elle fait un jour pénétrer dans son monde, mais tous incapables de l'empêcher de sombrer dans l'abîme de la maladie mentale. 


"Nattvardsgästerna" (1963, Ingmar Bergman, Winter Light, Les communiants)

Avec Gunnar Björnstrand (Tomas Ericsson), Ingrid Thulin (Märta Lundberg), Max von Sydow (Jonas Persson)

Bergman traite de la relation de l'homme avec Dieu dans une trilogie qui comporte, outre "Nattvardsgästerna" (Winter Light), "Tystnaden" (The Silence), "Såsom i en spegel" (Through a Glass Darkly) et dans lesquels Max von Sydow, Harriet Andersson, Gunnar Bjornstrand, Ingrid Thulin et Gunnel Lindblom affronte un monde désespéré marqué par la désertion de Dieu.  C'est en écoutant la "Symphonie des Psaumes" de Stravinsky que Bergman ressentit le besoin de mettre en scène une petite église perdue dans les plaines d'Uppland, point d'interrogation naturel portant sur l'existence de Dieu, un Dieu tragiquement silencieux : ici, entrer dans une église vide pour converser avec Dieu, et finalement abandonner toute résistance pour obtenir des réponses, c'est bien dans cette église déserte que pourrait se jouer le drame d'une vie humaine... Par un froid dimanche d'hiver, le pasteur d'une petite église rurale, Tomas Ericsson, rend service à une petite congrégation, lui-même plongé dans une douloureuse crise de sa foi. Après le service, il tente de consoler un pêcheur, Jonas Persson, qui est tourmenté par l'anxiété, mais Tomas ne peut parler que de sa propre relation désormais sans signification perceptible avec Dieu. Une institutrice, Märta Lundberg, souffrant par ailleurs d'eczéma comme d'un stigmate, offre à Tomas son amour en guise de consolation mais il résiste à cet amour aussi désespérément qu'elle le lui offre... 


"Tystnaden" (1963, Ingmar Bergman, Le Silence, The Silence)

Avec Ingrid Thulin (Ester), Gunnel Lindblom (Anna), Jorgen Lindstrom (Johan).

Deux soeurs, Ester (Ingrid Thulin), intellectuelle et lesbienne sexuellement frustrée, et Anna (Gunnel Lindblom), sensuelle jeune femme multipliant les rencontres, et un enfant de dix ans, le fils d'Anna, Johan,  séjournent à l'hôtel dans un pays dont ils ne comprennent pas la langue. La solitude et l'incommunicabilité imprègnent l'ambiance de ce film ténébreux, dérangeant, ponctué de séquences sexuellement explicites (Gunnel Lindblom s'abandonnant à la brutalité du premier homme rencontré, Ingrid Thulin à la masturbation sans aucune pudeur). La photographie de Sven Nykvist appuie les images suffocantes avec son extrême profondeur de champ. L'affrontement entre les deux soeurs, deux sœurs qui ne peuvent se parler parce que tout ce qui les lie est aussi ce qui les sépare, se soldera par la condamnation d'Ester, le petit garçon, repart avec sa mère, dans le même train où a commencé le film, un petit garçon qui ne ressort pas indemne, l'Oedipe est omniprésent entre lui et sa mère jusqu'au moment où elle l'abandonne à lui-même, un point de vue d'enfant qui s'ébauchera avec Fanny et Alexandre, le monde est en effet obscur mais parsemé de signes ... 


"För att inte tala om alla dessa kvinnor" (1964, Ingmar Bergman, All These Women, Now About All These Women, Toutes ses femmes)

Avec  Jarl Kulle (Cornelius), Bibi Andersson (Humlan), Harriet Andersson (Isolde), Eva Dahlbeck , Karin Kavli, Gertrud Fridh, Mona Malm..

Bergman réuni dans son premier film en couleur toutes ses comédiennes pour servir une comédie loufoque des années 1920 dans laquelle un critique musical, prétentieux et ridicule , Cornélius, rend visite dans sa maison d'été à un violoncelliste renommé, Félix, et entend troquer l'écriture d'une biographie exceptionnelle du maître contre l'exécution d'une de ses pitoyables oeuvres, "Abstraction 14". Entre-temps, le Maître meurt, reste son harem, ses sept femmes qui vont faire de Cornelius leur nouveau jouet...

 

"Persona" (1966, Ingmar Bergman)

Avec Bibi Andersson (Alma), Liv Ullmann (Elisabeth Vogler), Margareta Krook (la doctoresse), Gunnar Björnstrand (M. Vogler), Jörgen Lindslröm (le fils).

Le chef-d'œuvre de Bergman et de l'érotisme cinématographique, le face à face de deux femmes qui se retrouvent seules sur une île, écrit à une époque où Bergman s'interrogeait sur lui-même et ses ressources créatrices ("Dejection and sorrow and tears which change to powerful outburts of joy", What's the point of being an artist?). La première, Elisabeth Vogler (Liv Ullmann ), est une actrice qui a soudainement perdu la parole, la seconde, Alma (Bibi Andersson), est son infirmière, toutes deux, livrées l'une à l'autre, vont se rapprocher et connaître un subtil et singulier transfert émotionnel, un duel parfois désespéré entre deux identités qui se cherchent en se manipulant l'une l'autre. "Persona" , c'est le masque de l'acteur, le masque extérieur que nous présentons au monde, dans le langage de Carl Jung, en opposition à l'animus, c'est un personnage qui parle face à un autre qui reste muet dans un monde où le temps et l'espace n'existent plus, à l'image de "The Stronger" d'August Strindberg, c'est aussi un film qui s'est construit avec la participation active des deux actrices d'Ulla Ryghe, la monteuse, et de l'extraordinaire photographie de Sven Nykvist qui établit ici le style qui fit sa renommée, des plans rapprochés longs et intensifs...  


"Vargtimmen" (1968, Ingmar Bergman, L'heure du loup, Hour of the Wolf)

Avec Max von Sydow (Johan Borg), Liv Ullmann (Alma Borg), Gertrud Fridh (Corinne von Merkens), Erland Josephson (Baron von Merkens), Ingrid Thulin (Veronica Vogler), Naima Wifstrand (la vieille femme au chapeau), Lenn Hjortzberg (Kreisler), Mikael Rundquist (le garçon du rêve), Mona Seilitz (la fausse Veronica, faussement morte).

Dans ce film particulièrement troublant, proche du conte d'horreur gothique, Bergman révèle le créateur à ses démons, un créateur qui tend à se replier sur lui-même, miné par un égocentrisme absolu qui l'absorbe dans la folie. Max von Sydow est un peintre, Johan Borg, vivant en exil volontaire avec sa femme Alma (Liv Ullmann), un artiste qui devient progressivement la proie d'hallucinations et de visions des plus étranges.  Liv Ullmann est à son tour gagnée par cette atmosphère et lorsqu'une vieille dame surgie de nulle part lui demande de lire le journal intime de Johan, elle découvre d'une femme, Veronica Vogler (Ingrid Thulin), une ancienne maîtresse dont il garde toujours le souvenir. L'invitation faite par le baron von Merkens en l'honneur du peintre lors d'une soirée mondaine va accentuer les souffrances de l'artiste, cette fameuse "heure du loup", moment où la nuit précède les premières lueurs de l'aube et où s'expriment les forces maléfiques (celle où meurent la plupart des gens où naissent la plupart des enfants. A présent c'est celle de nos cauchemars et si nous sommes éveillés, nous avons peur..), voit affleurer, toutes ses peurs (peur de la sexualité, peur de l'homosexualité, meurtre de l'enfant, terreur de sa propre enfance) et subir les pires humiliations devant les invités du château.  A l'aube, en proie à une nouvelle crise, il fuit dans le bois où des fantômes, hommes-oiseaux, l'assaillent... Qu'aurait du faire Alma pour le protéger.. 


"Skammen" (1968, Ingmar Bergman, Shame)

Avec Liv Ullmann (Eva Rosenberg) , Max Von Sydow (Jan Rosenberg), Gunnar Bjornstrand (colonel Jacobi).

Dans les années 1960, année de la guerre du Vietnam, Bergam fut pris à parti pour son refus de tout engagement. "Mon art, répondra-t-il, ne peut pas fondre, transformer ou oublier : le garçon sur la photo avec les mains en l'air ou l'homme qui s'est mis le feu pour témoigner de sa foi. Je suis incapable de saisir les grandes catastrophes. Ils laissent mon cœur intact. Tout au plus, je peux lire de telles atrocités avec une sorte de cupidité  une pornographie de l'horreur. Mais je ne me débarrasserai jamais de ces images. Des images qui transforment mon art en un sac de tours, en quelque chose d'indifférent, d'insignifiant". Faire un film de guerre n'était pas pour le réalisateur chose aisée, et c'est lorsque la violence extérieure s'arrête et que la violence intérieure commence, que Bergman trouve enfin ses marques ("In a nightmare, I felt at home. In the reality of war, I was lost"). Dans un pays indéterminé, déchiré par une guerre civile sanglante, un couple, des musiciens en retraite, Jan et Eva, fuient vers une île éloignée pour échapper au carnage, mais celle-ci ne tarde pas à être envahie à son tour, la guerre civile qui les a chassés de la ville les rattrape, et les précipite dans une tourmente intime, - Jan particulièrement sensible devient agressif, Eva a toujours voulu des enfants, lui a toujours refusé -, les rapports entre eux changent très rapidement, d'autant qu'ils tombent successivement aux mains des "gouvernementaux" puis des "libérateurs" qui les manipulent et les humilient à plaisir. Surgit le Colonel Jacobi, un ami avec lequel il passait de fréquentes soirées musicales, qui les fait libérer, devient l'amant d'Eva, mais est fusillé devant eux : ils s'embarquent sur une esquive chargée de fugitifs et entourée de cadavres...

 

"Riten" (1969, Ingmar Bergman, The Ritual)

Avec Ingrid Thulin (Théa Winkelmann), Anders Ek (Sebastian Fischer), Gunnar Bjornstrand (Hans Winkelmann)

Mis en scène dans des décors dépouillés et tourné presque entièrement en gros plan, le film met en scène un juge (Erik Hell)  qui interroge trois acteurs particulièrement instables sur leur nouvelle production, une oeuvre jugée obscène : soixante-quinze minutes tendues et troublantes, alternant interrogatoires criminels et confrontations interpersonnelles montrées en flash-back de trois personnages qui semblent inextricablement liés, qui ne peuvent vivre qu'en tension les uns avec les autres, Sebastian Fisher (Anders Ek) est émotionnellement perturbé, au bord de la dépression, lubrique et créatif ("I don't need a god, salvation or eternal life. I'm my own god, I supply my own angels and demons"), Hans Winkelmann (Gunnar Björnstrand), socialement conscient, patient et discipliné, Thea (Ingrid Thulin) a besoin de plaire se laisse entraîner à des impulsions soudaines, travaillée par une hypersensibilité qui la rend totalement dépendante de son alentour...

 

"En Passion" (1969, Ingmar Bergman, The Passion of Anna) 

 Avec Liv Ullmann (Anna Fromm), Bibi Andersson (Eva Vergerus), Max von Sydow (Andreas Winelmann).

Dans ce film en couleur (le seul film véritablement en couleur de Sven Nykvist, avec une dominante rouge), Bergman ne traite pas de passions amoureuses ou charnelles, ses protagonistes en semblent totalement dépourvus, ils sont tous plongés dans une incapacité foncière à se livrer, seule Anna en possède la trame, mais il s'agit pour elle de la passion de vivre une passion, fantasme de vie qu'elle alimente par ses propres mensonges : "les gens vivent sans sentir qu'ils ont une valeur. Ils sont profondément écrasés, humiliés étouffés rejetés. Ils ne vont que vivre c'est tout ce qu'ils savent faire", dira Andreas. 

Andreas Winkelman, sculpteur vivant en solitaire sur l’île de Farö, fait la connaissance d’une voisine, Anna Fromm (Liv Ullman), qui a perdu son mari (qui se prénommait aussi Andreas) et son enfant dans un tragique accident de voiture. Ils deviendront amants tissant entre eux des rapports d'autant plus étranges qu'ils sont tous deux dans une impasse, dissimulant en eux-même une part de leur vérité. Par l'intermédiaire d'Anna, Andreas rencontre un couple de ses amis, Eva et Elis Vergérus. Eva, délaissée par un mari, collectionneur de photographies et particulièrement torturé, se rapproche peu à peu d’Andreas et, tandis que les relations se complexifient entre les quatre protagonistes, une série de meurtres d’animaux vient semer le trouble dans la population de l'île... 

 

"Beröringen" (1971, Ingmar Bergman, The Touch, Le Lien)

Avec Bibi Andersson (Karin), Elliott Gould (David Kovac), Max von Sydow (Andreas) 

C'est le premier film en anglais de Bergman, un film des années 1970 qui pourrait évoquer Husbands de John Cassavetes ou Don't Look Now de Nicolas Roeg, un film qui n'inspira ni les critiques ni le public. Bibi Andersson tient le rôle de Karin Vergérus, une ménagère suédoise piégée dans un mariage avec un chirurgien d'une petite ville (Max von Sydow), un mariage stable et insatisfaisant, deux enfants. Elle rencontre un archéologue juif américain, David Kovac (Elliott Gould), hypersensible et déraciné, hanté par l'Holocauste, et entreprend avec lui une relation forte mais troublante, - Karin n'aime pas son corps, David craint de la décevoir -, qui, en fin de compte, ne lui apporte pas la satisfaction attendue. Ils se sentent attirer l'un vers l'autre, mais  sans vouloir savoir pourquoi. Déchirée entre deux possibilités de vie au fond bien ordinaire, Karin ne changera pas d'existence, tandis que le personnage de Sara (Sheila Reid), soeur d'un David qui n'a pas de famille, vient ici jeté des interrogations qui resteront sans réponse...

 

"Viskningar och rop" (1973, Ingmar Bergman, Cris et chuchotements, Cries and Whispers)

Avec Harriet Andersson (Agnès), Kari Sylwan (Anna), Ingrid Thulin (Karin), Liv Ullmann (Maria), Erland Josephson (David, le médecin), Henning Mori tzen (Joakim). 

La pièce était entièrement drapée de rouge avec des femmes vêtues de blanc... Un film sinistre mais inoubliable (la photographie couleur de Sven Nykvist est extraordinaire), un monde en proie à la douleur, au cours duquel Karin (Ingrid Thulin) et Maria (Liv Ullmann) vont tenter d' accompagner leur sœur Agnes (Harriet Andersson) dans ses derniers instants, jeune femme qui se meurt d'un cancer et ne trouve du réconfort que dans les bras d'une servante béatifiée (Kari Sylwan). Bergman sait exprimer ici notre relation à la mort d'un proche, entre réalité et cauchemar, terreur et ce qui semble apaisement, et les conséquences de cette mort qui révèle les personnalités (flashbacks explicitant les paralysies émotionnelles, les moments de vie à affronter, les peurs à surmonter), met à nu l'impossibilité absolue d'une communication authentique, et modifient insensiblement les relations de ceux qui restent, Karin et Maria peuvent-elles à nouveau se comprendre... Mais Bergman laisse toujours un espoir, le film s'achève sur un moment singulier, Anna lit un passage joyeux du journal intime d'Agnes et un flashback nous montre les trois soeurs marchant dans le flamboiement automnal d'un parc...


"Scener ur ett Aktenskap" (1973, Ingmar Bergman, Scenes from a Marriage, Scènes de la vie conjugale)

Avec Liv Ullmann (Marianne), Erland Josephson (Johan), Bibi Andersson (Katarina), Jan Malsmjo (Peter), Barbro Hiort Af Ornas (Madame Jacobi), Anita Wall (Mme Palm, la journaliste), Lena Bergman (Karin)

On connaît la célèbre phrase de Bergman à propos  de ce film conçu tant comme une mini-série télévisée (un succès phénoménal, vu par plus du tiers de la Suède) que comme une comédie, "It took two and a half months to write these scenes; it took a whole adult life to live". Et de fait la caméra sait nous restituer toutes les joies et les douleurs, les relations intenses et complexes qui ont lié Marianne (Liv Ullmann), 35 ans, et Johan (Erland Josephson), 42 ans, le couple parfait par excellence : mariés depuis dix ans, Johan est maître de conférences en psychologie appliquée à l'institut psychotechnique de Stockholm, Marianne est avocate spécialisée dans les problèmes de divorce, une liberté de ton, une complicité de tous les instants, "people like you and me", et pourtant Bergman se livre à un examen détaillé de chacun des deux protagonistes pour aboutir à la désintégration d'un couple. La fissure apparaît après un dîner avec un couple d'amis qui se lance dans une épouvantable querelle. Insensiblement, les comportements de Marianne et Johan vont se modifier, Marianne s'interroge sur leurs relations sexuelles qui ne sont pas excellentes, et soudain, un jour, Johan déclare à sa femme qu'il est tombé amoureux d'une jeune femme de vingt-deux ans, Paula, et qu'il a l'intention de partir avec elle. Mais le mariage n'est brisé qu'en surface, Johan et Marianne vont tenter de trouver une vérité de leur couple que les conventions étouffaient ou qu'ils n'avaient pas pris la peine de chercher...

 

"Höstsonaten" (1978, Ingmar Bergman, Autumn Sonata, Sonate d'automne)

Avec Ingrid Bergman (Charlotte), Liv Ullmann (Eva), Lena Nyman (Helena), Halvar Bjork (Viktor). 

Ingmar Bergman tourne en Norvège et donne à Ingrid Bergman un de ses grands rôles, une actrice foncièrement des années 1940, dira-t-il. Charlotte (Ingrid Bergman), pianiste de concert voyageant dans le monde entier, arrive chez sa fille, Eva (Liv Ullmann), et son gendre Victor, pasteur de la paroisse. Les deux femmes ne se sont pas vues depuis sept ans. Charlotte s'étonne de la présence de son autre fille, Helena, atteinte d'une malade incurable. L'admiration qu'Eva portait à sa mère s'est peu à peu transformé en agressivité haineuse  et la fille reproche à sa mère son égoïsme et son indifférence. Au plus fort de cette confrontation verbale que personne ne parvient pas à étouffer, Charlotte prend conscience de son échec, tandis que les douloureux secrets familiaux apparaissent au grand jour : Eva a perdu un enfant de quatre ans, le comportement de Charlotte est à l'origine de l'infirmité d'Helena, le couple Victor-Eva est une relation sans amour. Une longue nuit d'insomnie au bout de laquelle Charlotte quitte Eva qui, restée seule, lui demandera pardon...

 

"Fanny och Alexander" (1983, Ingmar Bergman, Fanny and Alexander, Fanny et Alexandre)

Avec Pernilla Allwin (Fanny), Bertil Guve (Alexandre), E wa Fröling (la mère). 

Ingmar Bergman renoue avec la Suède pour réaliser un film Immédiatement salué comme un chef-d'œuvre, un film constellé d'éléments autobiographiques (L'appartement Ekdahl, par exemple, serait une copie de celui de la grand-mère de Bergman à Uppsala). À travers les yeux de deux enfants, Fanny et Alexandre, dix ans, nous suivons la chronique d'une famille bourgeoise du début du XXe siècle, un univers protégé d'acteurs de théâtre que domine la figure de la grand-mère maternelle, et ce à travers une année de leur vie. La directrice d'un théâtre, Helena Ekdhal, a réuni pour Noël ses trois fils, Oscar, Carl et Gustav-Adolf, accompagnés de leur famille dont Fanny et Alexandre, les enfants d'Oscar. Après la mort soudaine du père, leur mère épouse l'évêque de la ville, condamnant les enfants à renoncer à toutes joies connues et à s'enfoncer dans une sorte d'horreur gothique...